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dimanche 3 février 2013

Lundi 15 octobre 2012. 23h50.

J’ai déjeuné avec Laurence dans ce restaurant niçois du XIe où nous étions déjà allés ensemble. A chaque fois, j’ai l’impression que nous rembobinons la pelote pour la dérouler avant, plus avant encore. Nous recommencerons plus tard. On en était où déjà ? – Je ne sais plus… Mes histoires de santé, les nouvelles de Jean-Marc, nos livres, le mien qui ne bouge pas, son prochain qui doit paraître aux Busclats, sa rupture avec Frédéric, Gaïa et Josepha, le Sud, les voyages. Nous parlons beaucoup. En fait nous ne nous racontons pas grand chose. On effleure, et c’est comme si l’autre avait tout compris. Il faudrait sans doute qu’on se voie davantage, mais finalement j’aime bien cette complicité de la retenue. Il faut prendre le temps... C’est ce qui nous rapproche. J’ai marché jusqu’à l’Arsenal. Pris un bus de l’autre côté du pont de Sully. Florence a téléphoné. Les papiers que je devrais écrire sur Viva la musica ! d’Andrés Caicedo, Le bruit des choses qui tombent de Juan Gabriel Vasquez et 35 morts de Sergio Alvarez vont être intégrés dans un « ensemble » au prétexte que plusieurs livres d’auteurs colombiens sont parus cette rentrée. Pas vraiment de lien entre tous ces textes, mais ça a l’air de ne gêner personne. Et il faudrait rédiger aussi assez vite un état de la littérature colombienne aujourd’hui. Une enquête… - Tu n’as pas le temps ? Tu ne connaîtrais pas quelqu’un qui pourrait s’en charger ? J’ai donné les coordonnées d’Ernesto Machler. Pas sûr qu’il soit contacté. Je suis las de tous ces bricolages. Je suis toujours demandeur, toujours en attente, m’agitant pour gratter les quelques centaines d’euros de mes fins de mois. Comme je suis fatigué…

mardi 20 novembre 2012

Dimanche 14 octobre 2012. 23h00.

Comme prévu, nous avons laissé un des trois « oursins granvillais » à Jean-Pascal. Il doit le faire ausculter par Bellery, son boucher de Caen. L’idée est d’en améliorer la recette : déjà remplacer l’escalope de dinde qui l’entoure par du veau et imaginer d’autres ingrédients pour la farce. En bref, de quelque chose de bon, faire quelque chose de raffiné… Jean-Pascal est confiant. Bellery est un artiste, dit-il en riant. Passés embrasser Georgette. Bouclé les valises. Retour lent à Paris. Froid et nuiteux. En ce moment, le soir s’abat de plus en plus tôt, enveloppant les dimanches de départ d’une impalpable tristesse.

Samedi 13 octobre 2012. 22h10.

C’était les premières saint-jacques au marché de Granville. Enfin, nos premières saint-jacques. Nous devrions faire des vœux. Pour Martine, Jean-Pascal et Agathe qui venaient déjeuner, je les ai cuisinées aux lardons. C’est très simple et c’est très bon. Il faut juste faire revenir à sec une poignée de dés de lard de poitrine fumée dans une poêle, ajouter les noix de saint-jacques à la dernière minute. Poivrer beaucoup, saler à peine et lier à la crème. A la fin du repas, Agathe nous a imité les profs de sa classe de sixième. Petits travers, vieilles manies. Elle a du talent. Nous avons beaucoup ri. N’empêche, je me demande comment elle vit tout cela vraiment. Je garde profond en moi ce malaise de l’entrée au collège. Cette façon qu’il y avait de toujours devoir faire semblant. J’espère de tout cœur qu’elle ne se collette rien de semblable. Après-midi de rangement. J’ai relu des notes pour mon livre. Décidemment ça ne s’enclenche pas. Annick et Norbert sont venus à la maison nous livrer nos « oursins granvillais ». Vous resterez bien dîner ? Nous avions acheté des cèpes au marché ce matin et Jean-Pascal nous en avait apportés quelques-uns de sa dernière cueillette dans les bois de Saint-Michel-des-loups. Je les ai émincés. Amélie en a mis une partie au four juste posés sur un disque de pâte feuilletée. Et nous avons enchaîné avec une omelette. Tout le monde s’est régalé sauf Annick qui n’a touché à rien ou presque. Depuis que Norbert il y a quelques années s’est gravement intoxiqué avec des champignons, elle en a la terreur. Mais pas moyen non plus de lui faire accepter autre chose. D’ailleurs, je n’ai pas faim. Norbert, de son côté, avait visiblement oublié son accident micophage.

Vendredi 12 octobre 2012. 19h00.

Reçu un mot de Raphaëlle. J’ai enfin la commande ferme de mon papier sur Catherine Safonoff. Toujours pas de décision par contre pour celui sur les Œuvres complètes et les Lettres retrouvées de Radiguet. Je vais essayer, me dit-elle, de te donner une réponse pas trop tardive. Sainte patience. Mais va savoir pourquoi, je suis assez confiant. Nous sommes passés prendre la liste de courses de Georgette pour le marché de demain matin. Et rappportez du vin blanc aussi. Je ne peux même pas vous offrir à boire. Dans ma maison, je n’ai plus rien.

Vendredi 12 octobre 2012. 12h30.

L’heure de « longe-côte » d’Amélie a tourné court. A peine était-elle dans l’eau que le ciel a viré au gris plomb. En une minute, une averse de grêle s’est abattue sur la plage suivie d’une pluie serrée que le vent poussait en rafales. Impossible de rester face à la mer. Je me suis retrouvé trempé. Nous sommes rentrés à la maison. Le comble c’est que le temps s’est remis au grand beau peu après. On y retourne ? Elle n’avait plus vraiment envie. Et moi non plus, à dire vrai.

Jeudi 11 octobre 2012. 21h15.

Nous avons pris le train tôt dans l’après-midi. Deux semaines que je ne suis pas venu à Carolles. Pour Amélie cela fait presque un mois. A un moment il devient presque difficile de partir. Je me souviens du « proverbe » que Rohmer avait mis en exergue de ses Nuits de la pleine lune : Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison. Nos trajets traînent des valises pleines du fatras qu’on croit indispensable. J’embarque des livres et j'éparpille du travail en retard qui s’entasse dans mon bureau avant de repartir en sens inverse. Toujours cette sensation ne pas se poser vraiment. On ne sait plus où l’on habite. A chaque fois, il semble qu’il faut, pour comprendre, passer une soirée, une nuit. Avoir un réveil. J’ai ratissé les feuilles mortes. Amélie a allumé un feu. Nous réapprivoisons les lieux.

lundi 22 octobre 2012

Mercredi 10 octobre 2012. 22h30.

J’ai acheté mon nouvel ordinateur sur internet. On me le livrera la semaine prochaine. C’est Mathieu qui m’a indiqué l’affaire. Je crois qu’il était temps. L’autre devenait de plus en plus défaillant. Il faut que me dépêche de sauvegarder mes textes et mes photos avant qu’une vraie panne ne l’emporte, évanouissant tout. J’ai préparé mes cours pour demain. Corrigé les travaux des étudiants. J’ai été chercher Amélie place Paul-Painlevé. Marie-Hélène Lafon faisait une lecture des Pays et d'Album juste à côté, dans le sous-sol de la librairie Compagnie. Nous sommes allés l’écouter. Il y avait là une quinzaine de personnes. Des lecteurs attentifs, religieux. Méritants aussi, j’ai trouvé, car le libraire n’avait rien fait pour que cette rencontre soit chaleureuse. Pas un verre à la fin pour rassembler les gens. Pour continuer ensemble la conversation. Pas un mot proche. Pas de joie simplement. Je me sentais gêné. J’ai été embrasser Marie-Hélène. J’avoue que je ne comprends pas bien. J’en connais, et beaucoup, des librairies à cœur ouvert, comme celle que tenait Mme Fiévet, à Senlis, dans mon enfance. Des librairies accueillantes, patientes. Vivantes. Où l’on aime l’amour des livres. Il en est d’autres, comme celle-ci, sèches d'indifférence, où aujourd'hui encore, seul, je n'ose pas entrer.

Mardi 9 octobre 2012. 21h00.

Rangé les livres. Trié les papiers. Au bout de la journée, j’avais juste déplacé le désordre. Comme d’habitude.

Lundi 8 octobre 2012. 19h00.

J’ai pris un café chez Péret avec Jean-Pierre. Il cherche un éditeur à qui envoyer son dernier manuscrit. Nous en avons parlé (je ne l’ai pas encore lu). J’en ai retenu qu’il s’agit des émois d’une femme écrits à la première personne. De lui, je connais Rauque la ville, son premier livre, chez Minuit. La fiction d’Emmedée et Les voyageurs modèles aussi. Je lui ai conseillé de l’envoyer chez Plon, à François Taillandier. Il faudrait que je l’appelle d’ailleurs, François. Cela fait un long moment que nous ne nous sommes pas vus. Passé chez Caractères récupérer le second volume des Œuvres complètes de Durocher pour une dernière lecture. J’ai déjeuné avec Nicole. J’aimerais bien travailler davantage pour elle. Mais je ne peux pas dégager le temps qu’il faudrait sans être payé. Ah, être payé… Mon dernier « vrai » boulot remonte à cinq ans maintenant, quand je dirigeais la rubrique livres à Epok. Depuis je gratte un papier par ci, une table ronde par là. Je m’épuise, je ramasse des miettes. Quand est-ce que cela changera ? J’ai été voir Mathieu dans le XIIe. Mon ordinateur commence à me lâcher, j’avais besoin de ses conseils. Je suis arrivé à l’appartement en même temps que Laure. Depuis le temps… Nous nous sommes donné des nouvelles. Mathieu a maintenant son entreprise de création informatique. Laure cherche un poste d’éditrice junior. Je ne les avais pas vus depuis le salon du Livre de 2010, quand ils étaient ensemble en stage justement à Caractères. Je les ai trouvés mignons tous les deux. Si jeunes. Mais c’est moi qui ai vieilli. Et toi, comment vas-tu ? – Oh, doucement…

Dimanche 7 octobre 2012. 22h45.

Dernier débat avec Claudie Gallay et Alain Vircondelet sur « Venise mythique ». J’étais content de rencontrer Claudie Gallay. Et Seule Venise est sans doute son plus beau livre. Essayé d’entraîner Vircondelet (on le dit spécialiste de Duras) du côté de Son nom de Venise dans Calcutta désert. La journée a filé vite. Odile Massé m’a fait cadeau des deux premiers tomes de son texte La compagnie des bêtes, illustrés par des dessins d’Olivier O. Olivier et des encres de Vladimir Veličković. Nous avons parlé un peu hier. De son œuvre poétique, noire et grinçante. De son travail de théâtre à Nancy et de sa troupe « 4 litres 12 », créée là-bas en 1972 avec son mari, Michel. J’avais entendu parler d’eux à cette époque, justement. Du temps où René venait de démarrer le thǝâtrǝ dǝ l’ǝnvǝrs et où nous cherchions à monter des spectacles de dramaturges les plus inconnus possible. C’est de là que m’est venu mon goût pour les auteurs oubliés. Pour ces petits sauvetages littéraires. A cette occasion surtout j’ai découvert La Harpe dont j’avais failli mettre en scène la Mélanie. Cela m’est revenu comme une bouffée. J’espère que nous nous reverrons.

Samedi 6 octobre 2012. 23h50.

Nous nous sommes baladés entre les stands. Bavardé avec les libraires. Echangé enfin quelques mots avec Lionel Destremeau qui a maintenant en charge l’organisation du festival et qui a pensé à moi pour cette année. On s’était rencontrés en 2007 au moment où il dirigeait chez Points la collection poésie où j’allais publier mon anthologie de Jean Cayrol. Retrouvé Thierry Hesse, Sylvie Gracia, Arno Bertina… Déjeuner très agréable arrosé de château-poumey, le vin « municipal », un très beau cru de pessac-léognan dont les vignes appartiennent à la commune. J’avais un débat, comme auteur, en début d’après-midi (« Eloge et nostalgie des villes », la ville étant le thème de 2012…), animé par Christine Ferniot, avec Valentine Goby et Dominique Barbéris. J’intervenais à propos de 16 rue d’Avelghem, le seul de mes titres qui soit sorti en poche. Christine a eu des mots très gentils sur ce livre qu’elle avait chroniqué dans Télérama à sa sortie en 2004. J’ai enchaîné sur un autre débat (que je présentais cette fois), avec… Valentine Goby et Odile Massé. Signé quelques livres. Le soir, était organisé un grand dîner dans les chais d’une propriété. Plusieurs centaines de personnes. Nous nous sommes retrouvés à peu près les mêmes autour de la table. Dans le brouhaha de la salle, je n’entendais qu’un mot sur deux des conversations. Pas vraiment grave. Dans ce genre de circonstances, je ne suis pas très attentif. On nous a servi de grands vins mais assez parcimonieusement. J’ai pensé à ce que disait mon père : les coups sont bons, mais ils sont rares…

dimanche 14 octobre 2012

Vendredi 5 octobre 2012. 23h20.

Long trajet en train jusqu’à Bordeaux. Une voiture nous attendait à la gare pour nous emmener à Gradignan. Dépose en coup de vent des valises à l’hôtel (un vilain Campanile perdu à des kilomètres du centre dans la zone industrielle) et nous sommes arrivés juste à temps au théâtre pour le discours du maire et la remise des prix. C’est Lionel Salaün qui obtenu celui du roman français pour Le retour de Jim Lamar, chez… Liana Levi. Je crois qu’il s’agit d’une des premières fois où nous nous retrouvons sur un salon, Amélie et moi, en ayant vraiment chacun quelque chose de « professionnel » à y faire. La soirée a continué avec une lecture-concert : poèmes et saxophone. Une horreur. La comédienne déclamait avec une invraisemblable emphase, massacrant des textes de Paul Blackburn et de Léopold Sédar Senghor. Mais le pire était la « musique »… Soufflant dans son instrument, auquel il ajoutait en accessoires des tuyaux d’arrosage ou d’aspirateur, le compositeur-interprête produisait d’effrayants bruits : tuyauterie bouchée, éternuements, flatulences, compresseur, locomotive à vapeur. Impossible de s’enfuir. Les spectateurs étaient pris en otages par ces deux malfaisants. L’épreuve a pris fin au bout d'un très long temps. Les commentaires sont allés bon train pendant le cocktail qui a suivi. J’avoue que je me suis senti rassuré de la perplexité partagée. Je ne connais rien de pire qu’une lecture de poésie écrivait Thomas Bernhard dans Maîtres anciens. Il est des fois où ça se vérifie.

jeudi 11 octobre 2012

Jeudi 4 octobre 2012. 21h45.

Rentrée à Censier. J’ai mes deux groupes d’étudiants dans le matinée. Comme l’an dernier. D’étudiantes, plutôt. Toujours comme l’an dernier. Je compte à chaque fois les garçons sur les doigts d’une main. Ce doit être la filière qui veut ça : médiation culturelle. Enfin, je ne sais pas… J’avais très hâte de recommencer les cours. D’être avec eux ces quelques heures par semaine. Dans l’illusion de leur être utile, un peu. Croisé Fabienne dans les couloirs comme je partais. Elle enseigne le français aux étrangers tous les jeudis au même étage que moi. Nous avons été prendre un verre. Parlé un moment de son roman de rentrée, L’averse. Elle est déçue de l’accueil qui lui a été réservé jusqu’ici. Pas de papiers ou presque. Nous avons partagé nos désillusions d’auteurs et nous nous sommes réconfortés. J’ai filé retrouver Amélie avec Brigitte à l’Oenosteria, rue Grégoire-de-Tours. Déjeuner gai, comme souvent avec Brigitte. Nous avons trinqué au succès de sa fille qui a terminé ses études d’avocat et vient de prêter serment au barreau. Dans le bus du retour à la maison une sorte de géant hirsute déclamait : Sois fier et courageux et tu vaincras l’enfer astucieux. Dérangé ? N’empêche, la petite phrase m’a tourné longtemps dans la tête. Il y a, me semble-t-il, une infinie justesse dans cette qualification de l’enfer. ASTUCIEUX. C’est à dire intelligemment malin, rusé, roublard. Capable, de séductions en fourberies, de vous embarquer sur le mauvais chemin. J’ai passé l’après-midi à préparer les questions pour mes rencontres au festival Lire en Poche à Gradignan. J’anime des rencontres avec Valentine Goby et Odile Massé. Claudie Gallay et Alain Vircondelet.

mercredi 3 octobre 2012

Mercredi 3 octobre 2012. 19h40.

J’ai reçu une lettre de mon oncle Georges. Je lui avais écrit au moment du baptême d’Apolline. Dans un maladroit désordre, j’avais tenu à lui dire combien ce jour-là j’avais pensé à ma grand-mère Mamoÿ. Lui dire qu’Apolline aussi portait autour du cou une médaille de saint Joseph, et que j’avais glissé sur la chaîne cette autre pauvre médaille de bronze émaillé bleu qui venait de notre famille, et que toute mon âme était tendue vers cette responsabilité d’accompagner cette enfant pour le temps qu’il me reste, mais que je sentais bien que c’était elle qui aujourd’hui, étonnamment, me montrait le chemin. Dans sa réponse, il me parle de ma mère. Qui était sa marraine.

Mardi 2 octobre 2012. 22h15.

Je devais voir Laurence après son premier cours à Censier. Mais après Gaïa, c’est au tour de Josepha d’être malade. Elle n’avait pas pu faire autrement que de la laisser à l’école. Elle se dépêchait donc d’aller la chercher. J’ai essayé de mettre de l’ordre dans ce que j’ai à faire. J’ai pensé à Perec : Que me demande-t-on, au juste ? Si je pense avant de classer ? Si je classe avant de penser ? Comment je classe ce que je pense ? Comment je pense quand je veux classer ? Bah… Reçu un coup de fil d’Hugues Bachelot. Bien rentré ? J’ai bien aimé le rencontrer. Petit-neveu de Jouhandeau, gendre de Prévert. Enthousiaste, un rien désabusé. Plein d’entrain, épuisé.

Lundi 1er octobre 2012. 21h10.

J’ai retrouvé mon travail en retard. Les papiers pour Le Monde, les courriers à écrire, le livre à recommencer. Déjeuner avec Marguerite. Nous nous étions vus il y a un mois, mais là, on aurait dit qu’il y avait une éternité que nous ne nous étions pas parlé. Quand nous nous sommes quittés, il était presque 16h00. Qu’est-ce qu’on s’est raconté ? J’ai filé chez Caractères. Revu la préface avec Nicole. Pris rendez-vous pour la relecture de tout le volume. J’ai été chercher Amélie place Paul-Painlevé. Nous sommes rentrés très doucement. Pris un verre à la Closerie. Traîné pour ne pas arriver tout de suite à la maison. Nous étions las. Un peu tristes aussi. On s'est pris dans les bras et on s'est embrassés.

Dimanche 30 septembre 2012. 21h50.

Nous sommes arrivés en retard au musée pour la conférence sur les tapisseries d’Aubusson. Il s’y trouve en effet en ce moment une exposition de panneaux retraçant des épisodes la vie de l’empereur Constantin et aussi de celle de saint François d’Assise. Très « germanien » tout ça… Mais comme il ne restait plus une seule place assise, nous sommes allés nous balader dans les étages. Ici, la muséographie et les parcours thématiques n’ont pas encore détruit le charme. Dans l’apparent désordre, si rassurant, de l’accrochage, j’ai retenu quatre très beaux paysages italiens du XVIIIe. Un Ary Scheffer, Les morts vont vite, que je croyais avoir vu, enfant, aux Beaux-Arts de Lille. Un portrait de sculptrice dans son atelier par Blanche Polonceau. Une peinture XVIIe représentant une jeune fille, toute en peau blanche et roseurs... Nous nous sommes arrêtés devant une très grande toile d’Alexandre-François Desportes, le peintre de chasses et de meutes de Louis XIV et Louis XV. Y figure un bestiaire exotique (zèbre, panthère, rhinocéros, tortues, iguanes, poissons étranges, oiseaux multicolores…) d’un déroutant surréalisme. Desportes, le malheureux, qui n’avait sans doute fait, au mieux, qu’apercevoir quelques rares spécimens dans un cabinet de curiosités, ignorait tout de cette faune lointaine. Son imagination s’est emparée du reste. Mais le plus beau était dans la galerie d’histoire naturelle. Quelle émotion… Près de mille espèces naturalisées sont rassemblées dans une grande pièce au rez-de-chaussée. La plupart datent, du début du XIXe. Une accumulation baroque, le moindre espace occupé. On trouve des moulages, des squelettes, des fossiles, des œufs, des herbiers. Les boîtes d’insectes de la collection de Charles Alluaud (ses captures locales, les autres sont au laboratoire d’entomologie du museum à Paris). Tout cela est un peu fané, fatigué. Mais tellement, tellement bouleversant. Je suis resté là un très long moment. Dehors, ça s’activait pour la cavalcade, « la fête du bœuf gras », où l’on traîne à travers la ville, au son d’une fanfare, un animal en carton pâte, fleuri et enguirlandé. Tu tires le char avec moi ?, m’a crié Hugues Bachelot. Comment refuser ? C’est un hommage à Marcel Jouhandeau. Le cortège se termine devant sa maison natale au bas de laquelle était la boucherie familiale. On y lit à haute voix un extrait du Livre de mon père et de ma mère. Drôle de personnage que Jouhandeau. Grand écrivain, je crois... Et encore et toujours détesté. Nous avons dit au revoir aux uns, aux autres. A la prochaine ! Joëlle nous avait invité, avec Sylvie Germain, Jean-Marie Chevrier et sa femme, Jean Guiloineau, Milène Stefkovic et Françoise Henry, pour un déjeuner au Coq en pâte, le « restaurant de notaire » de Guéret. Nous avons trinqué. On s’est tous promis de se donner des nouvelles. Grand beau temps. Nous avons dormi dans le train. Presque jusqu’à Paris.

mardi 2 octobre 2012

Samedi 29 septembre 2012. 22h40.

Il manquait plein de monde à cette table ronde. Pas de Richard Ducousset, pas de Marie Chaudey. Pontalis n’avait pas envoyé la moindre lettre. En fait, nous avons presque bavardé à bâtons rompus. Presque. Je me fais des mondes à chaque fois de ces animations. Toujours l’impression d’être à-côté de la plaque. Mais comme les intervenants, le public, ont l’air contents, il vaudrait mieux que j’arrête de me torturer. Suivi le reste des Rencontres dans l’après-midi. Ecouté Patrick Deville, applaudi Françoise Henry qui a arraché de l’émotion à un débat sur « les amis écrivains » de Sylvie Germain, où elle était la seule à connaître l’œuvre vraiment. Nous avons quitté le théâtre et sommes allés nous promener dans Guéret. Mais bien qu’étant le samedi en fin de journée, la ville était totalement déserte. Pas un passant. Les boutiques fermées. Curieuse sensation. Nous avons échoué dans un salon de thé du quartier piéton où nous étions les seuls clients. Ecrit quelques cartes postales. Au dîner, nous avons raconté notre périple étrangement solitaire à travers les rues. Vous savez, nous a dit Philippe (un ami de Marianne d’ailleurs…) qui s’occupe des captations images et son de ces journées, je passe l’année entre ici où vit ma mère et Paris et j’ai quelquefois l’impression, en arrivant, qu’une bombe à neutrons a fait disparaître les habitants. Tout est intact mais il n’y a plus personne. A y réfléchir, je ne suis pas certain de détester…

Vendredi 28 septembre 2012. 23h00.

Nous avons pris le train gare d’Austerlitz dans l’après-midi. Deux heures et demie de trajet. Des gens du festival sont venus nous chercher à La Souterraine. Traversé des paysages de pré-automne jusqu’à Guéret. A un moment, peu avant d’arriver, j’ai vu un panneau indiquant Ahun. C’est loin ?, ai-je demandé ? Dans La ballade de Lola, mon premier livre publié chez Buchet, on déterrait, par là-bas, le corps de ma toute petite disparue. J'ai cherché le passage dans les fichiers de l'ordinateur. On t’avait retrouvée Lola. Un vendredi de septembre. Un peu avant huit heures. - Si vous pouviez passer jusqu’au commissariat. Dix jours avant l’automne. Tu disais : vendémiaire. Une autre rentrée des classes que tu ne ferais pas. Dans le bureau des flics, j’ai aperçu ta mère. Un signe. J’ai compris. Je m’attendais à ça. C’est un petit village entre Ahun et Sainte-Feyre. Dans les monts de la Marche. Département de la Creuse. A quoi bon dire où ? Je n’y retournerai pas. Des travaux forestiers. Un fossé qu’on déblaie. Tu étais sous la terre depuis trois ans déjà. Trois ans de sommeil. Lourd. Presque six mois d’énigme. Ce douloureux mystère que tu gardes avec toi. J’ai voulu voir le lieu. J’y suis resté à peine. Comment comprendre un jour pourquoi on t’a mis là ? Sur le terrain nivelé, on a planté des chênes. Des arbrisseaux d’un mètre. Ton corps a fait l’humus de ce futur sous-bois. Voilà que j’y étais. Que tout cela bouclait les mots, le temps passé. Il m’est revenu si étrangement ce texte. 2003 ? Nous avons fait la connaissance d'Hugues Bachelot, l’organisateur des Rencontres. Dîné avec Sylvie, Joëlle. Au théâtre de la Fabrique, Marie-Christine Barrault a lu Sylvie Germain. Fatigué ? –Je ne suis pas bien sûr que ce soit le voyage. Je me sens bizarre. Ce n'est rien, ou presque.

Jeudi 27 septembre 2012. 23h25.

(Ca va mieux…) J’ai rédigé la préface pour le tome « Prose » (Les mille bouches de l’homme) de l’Oeuvre complète de Bruno Durocher. Je ne suis pas vraiment convaincu de l’utilité de ce texte. Il me semblait d’abord que ce que j’avais écrit en ouverture du premier volume suffisait. Mais Nicole a insisté. Beaucoup. J’ai fini par penser qu’elle avait peut-être raison. Du coup, je me suis focalisé sur La foire de Don Quichotte, cette fresque qu’il avait commencé d’écrire à dix-neuf ans, perdue dans la guerre et les camps, réécrite, de mémoire, en français vers 1947. Disparue dans la faillite de Caractères alors qu’il était retenu dix ans en Pologne. Et enfin reprise et rééditée en 1972. Cette prose lyrique fait le creuset de son œuvre. Ta vision, écris-la, clame la voix de l’Apocalypse à saint Jean réfugié à Patmos. Toute la spiritualité de Durocher, entre colère et confiance, se rassemble ici. Il avance et voici qu’approche de lui le cheval ardent de Don Quichotte. Ils se regardent dans les yeux. Le cheval secoue sa crinière et l’invite à monter sur la selle. Ses jambes agiles s’apprêtent à parcourir mille horizons et mille mirages. L’espace est devant lui comme une ligne droite. L’homme se tient immobile devant l’impatience de l’animal, puis il tombe à genoux et il demande à la Providence de veiller sur lui. J’ai commencé à préparer ma table ronde sur « les métiers du livre » pour les journées de Chaminadour à Guéret. Autour de Sylvie Germain, il devrait y avoir Richard Ducousset et Joëlle Faure de chez Albin Michel, Marie Chaudey, journaliste à La Vie, Alain Gorius, éditeur d’art et de poésie, Bertrand Py d’Actes Sud, Jean-Paul Tigaud, libraire à Guéret. JB Pontalis qui ne vient pas a promis une lettre. Je trouve que cela fait beaucoup de gens. J’ai retrouvé Amélie à la SGDL pour la soirée des premiers romans de rentrée. Bavardé un moment, après avec Pierrette, Carole, Stéphanie. Touché un mot à Jean-Claude Bologne de ce désir qui me revient de prendre du service ici. Me rendre utile un peu. Nous sommes allés dîner boulevard du Port-Royal avec Joëlle et Lucile Bordes, l’auteur de Je suis la marquise de Carabas, l’histoire d’une dynastie familiale de marionnettistes, qui vient de paraître chez Liana Levi. Rentrés au pas, sous les étoiles.

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