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mardi 2 décembre 2014

Mercredi 26 novembre 2014. 20h00.

Aujourd’hui, Martine a cinquante ans. Je lui ai envoyé un petit message pour son anniversaire. Pas sûr que cette journée lui plaise. Cinquante ans... J’ai repensé aux miens. Quelle horreur. Aujourd’hui, je les regarde pourtant avec nostalgie. D’autant que cette cinquantaine, qui pour moi s’achève, a beau avoir été le temps de douloureux accidents, elle a été surtout celui d'une incroyable renaissance et d'un infini bonheur. Déjeuner avec Nicole. J’ai fini de corriger le tome III des Œuvres complètes de Bruno Durocher.

Mardi 25 novembre 2014. 19h40.

Sylvie m’a appelé pour le festival de la biographie de Nîmes. Elle voudrait que je rédige le communiqué de presse. Sauf que je n’ai toujours aucun élément de MPO. Alors, on attend ? Elle est en pleine incertitude pour son opération. L’un dit qu’il faut agir vite, un autre que ce serait une folie, un autre encore qu’elle devrait refaire des examens. Mon Dieu, que j’exècre ces gens-là.

Lundi 24 novembre 2014. 16h15.

J’ai envoyé à Raphaëlle le papier rédigé hier soir tard sur De quel amour blessée d’Alain Borer. Toujours ce doute lorsqu’il s’agit d’un texte qui me touche profondément. Borer a écrit ici une autre Défense et illustration de la langue française. Il faut un vrai courage à le faire aujourd’hui. Le combat ne suscite que des attaques et des moqueries. On est « réac » quand on aime sa langue. Quand on souffre de la voir dévastée, le vocabulaire sans cesse appauvri, piétinée par une inculture triomphante, colonisée par l’anglo-américain des marchands et des snobs. Le livre tient son titre de ces vers de Phèdre : Ariane, ma sœur ! de quel amour blessée/ Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ! . Borer est poète. De ce qui ne pourrait être qu’une triste déploration ou qu’un pamphlet rageur, il a fait aussi une ode. J’ai pris un verre avec Pascale au J’Go. Christophe, le gérant, nous a annoncé qu’au printemps, il devra fermer. La société de gestion (belge ?) à qui appartient le marché Saint-Germain a décidé de le « repenser » entièrement. A la place des restaurants, des bars et des petits commerces, s’ouvriront ici le plus grand « Apple Center » de Paris, une vaste « boutique » Nespresso et des enseignes de luxe tapageur et vulgaire. Où fuir ? J’ai retrouvé Amélie au café Tournon où logeait Joseph Roth (enfin, il avait son appartement dans l’immeuble…). J’aime cet endroit où je ne vais pas assez souvent. Tout y est discret et calme. Vu là-bas Jean-Maurice de Montrémy qui déjeunait tout seul (quelqu’un lui avait posé un lapin). Nous avons bavardé. D’Alma, sa maison d’édition et de plein d’autres choses. Lui (aussi…) je ne le vois pas assez.

Dimanche 23 novembre 2014. 20h30.

Déjeuner à Rouen. Pour l’anniversaire de Marie, Amélie avait réservé une table à l’auberge de la Couronne. Une histoire ancienne. Tu pourrais faire un canard au sang ?, m’avait demandé au printemps ma fille comme nous parlions menus. Il devait lui rester le souvenir (lointain, car elle n’avait pas dix ans) de ces quelques haltes des retours des vacances à Carolles avec elle. Je m’arrêtais chez Dufour, rue Saint-Nicolas, à Rouen. Clams farcis, poulet vallée d’Auge, ris de veau en croûte et… canard au sang. Me lancer dans la recette ne m’avait pas paru impossible. Sauf que, déjà, il fallait se procurer un canard « étouffé ». Seul mode d’abattage possible pour conserver tout le sang de l’animal. A Granville et dans la région, question de règlements, de normes, personne ne pouvait m’en procurer. Mme Frin, qui tient avec son mari la boucherie-charcuterie-volailles du marché, m’avait bien suggéré d’acheter mon canard vivant et de l’étouffer moi-même. Comme ça !, avait-elle dit, en faisant mine de coincer la tête du volatile sous le bras. Je ne me sentais pas sûr de réussir mon coup. Autre obstacle : la presse à canard. Une imposante presse à vis qui permet de faire rendre son jus à la carcasse, indispensable à la sauce. Impossible d’en trouver une à moins de 1500 €. Je pense qu’on ira au restaurant… D’où l’idée d’Amélie de nous y emmener tous les trois. A Rouen, Dufour avait fermé. L’auberge de la Couronne, place du Vieux-Marché, inscrivait le plat dans ses spécialités. Plus vieille auberge de France, paraît-il, puisqu’elle date de 1345 (il devait y avoir foule aux fenêtres en mai 1431 pour voir brûler Jeanne d’Arc sur la place). Nous avons ignoré l’église construite à la fin des années 1970 par Arretche (une monstruosité architecturale de l’époque). Rien à regretter du déjeuner. La recette était préparée en salle par un maître d’hôtel d’une redoutable habileté. Un véritable ballet entre le tranchage, la confection de la sauce, la cuisson. Et c’était très bon. De quoi se fabriquer de plus récents souvenirs.

Samedi 22 novembre 2014. 23h20.

Marion et Jérôme sont venus déjeuner rue Danville avec les enfants. Antoine a dormi et ne s’est réveillé que pour rire. Gabrielle est chez elle dans l’appartement. Elle trottine partout. Elle furette. C’est pour qui ce cadeau ? – Pour toi. Déception à l’ouverture du paquet. Mais enfin, je l’ai déjà… Elle a raison, je n’ai pas fait attention. Je lui avais déjà offert Caroline à la plage. Passé l’après-midi à lui lire des histoires. Elle reconnaît maintenant toutes les lettres de son nom. Il est temps de passer à l’abécédaire. Nous étions invités à dîner du côté de la gare du Nord chez Sabine et Stefano. Leurs garçons, Lorenzo et Andrea, étaient tout contents de nous présenter leur chien (une chienne en fait puisqu’elle s’appelle Lola). L’animal, qui n’est dans la famille que depuis peu de temps après un parcours d’adoption assez compliqué, tient du border collie et du groendael, version miniature. Ce doit être son atavisme de gardien de troupeau qui lui a fait mordiller toute la soirée les talons des chaussures d’Amélie, comme s’il s’agissait des pattes de moutons fugueurs.

Vendredi 21 novembre 2014. 23h50.

Virginie nous envoie de Mexico depuis un certain temps des commentaires de L’évangile écrits par Fray Marcos. Je n’ai pas bien compris s’il s’agissait de textes du moine explorateur franciscain (le frère Marc de Nice) parti au Pérou avec Pizarre et mort au Mexique vers le milieu du XVIe siècle ou bien de ceux d’un ecclésiastique contemporain qui aurait symboliquement pris son nom. Ou qui serait juste homonyme. Son interprétation de la Parole est en tout cas d’une grande justesse et d’une vraie simplicité. Cette fois-ci, il s’agissait de la Parabole des talents comme la rapporte Matthieu. Nous en avions parlé longuement Virginie et moi un matin à Ixtapan. Il y a deux ans, je crois. J’ai toujours trouvé ce message, qui parle du sens profond à donner à nos vies, effroyablement exigeant. Parce qu'il ne nous laisse pas la moindre possibilité de transiger. Il nous commande de nous engager. De prendre des risques. Et nous met face à notre responsabilité d'aller au profond, à l'essentiel. Moi qui ne cesse de me débattre avec ma peur, mon incapacité à faire, je crains d’être le mauvais serviteur qu’on jette dehors, dans les ténèbres, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. Mais la parabole, dit Fray Marcos, parle surtout de la nécessité d’aller vers ce qu’on a du mal à concevoir. Et le péché serait de refuser d’avancer, de chercher, d’explorer. Nous avons dîné, rue Campagne-Première, au Cette, avec Françoise-Marie et Delphine. Nous ne nous étions pas vus depuis des mois. Entre-temps, elles se sont mariées. Françoise-Marie a été nommée à la direction de la rédaction de Elle. Et elles vont déménager. Une nouvelle vie en quelque sorte. Nous leur avons offert deux pieds de vigne. Des raisins de table, chasselas rose et Italie blanc, à planter dans leur maison de Villerville.

Jeudi 20 novembre 2014. 23h30.

Beaujolais nouveau. Les cavistes de la rue Daguerre avaient tous sorti les bouteilles devant leurs boutiques. J’ai repensé à Alain, à Point de Vue, qui pour rien au monde n’aurait manqué fêter ce troisième jeudi de novembre. Avec lui, dès la fin de la matinée, le vin coulait à flots. C’était si joyeux. Nous nous sommes bien éloignés depuis. Il vit à Concarneau. Je ne téléphone pas, il ne répond pas au courrier. Nous nous étions croisés, tiens justement rue Daguerre, au printemps dernier. Il était de passage à Paris et faisait la tournée de ses bars familiers. Il avait jailli de chez Péret : J’espérais bien te voir par ici ! Amélie et moi étions en route, trainant nos valises, pour l’aeroport de Roissy (j’étais invité à l’Île Maurice pour le festival Confluences). Désolé Alain, pas le temps, pas le temps. Comment va-t-il aujourd’hui ? Je me suis arrêté à une terrasse et j’ai bu un verre à sa santé. Regardé l’étiquette : Christophe Paris, Domaine des Hauts de Buyon. Il vous plaît ? – Pas mal. En fait, je l’ai trouvé si bon que j’ai acheté deux bouteilles. Maureen venait à Paris pour un salon de la mercerie ou de la couture (sa nouvelle passion) porte de Versailles. Elle campait sur le canapé à la maison. Belle soirée. Maureen et Amélie n’en finissaient plus de bavardages, de refaire leurs souvenirs et le monde. Elles se connaissent depuis si longtemps et se voient si peu. Je les écoutais en figurant ravi. Apéritif au beaujolais, bien sûr. Puis nous avons dîné au petit bar à huîtres du poissonnier en haut de la rue. Pris le coup de l’étrier au Vin des rues en rentrant. Un orphéon jouait des airs à boire. J’aurais aimé qu’Emmanuel soit avec nous, lui qui, dans la journée, m’avait abreuvé des messages de sa détestation du beaujolais nouveau (il a eu, semble-t-il, de mauvaises expériences dont il n’a pas eu envie de se remettre). Qui sait s’il ne se serait pas ravisé ?

mercredi 19 novembre 2014

Mercredi 19 novembre 2014. 18h30.

Avez-vous pu poursuivre votre travail sur L’herbier des rayons ?, m’écrit Isabelle Vervey C’est un très beau projet et j’espère que nous aurons le plaisir, à la SGDL, de le découvrir bientôt. Tenez-nous au courant ! Il me reste encore quelques poèmes à écrire. Et surtout je dois commencer à monter les planches.

Mardi 18 novembre 2014. 22h50.

C’est Dominique Fabre qui a remporté le prix Eugène Dabit. Rien à dire : Photos volées est un beau livre. Mais moi, je défendais plutôt, dans la dernière sélection, le Joseph de Marie-Hélène Lafon, cette histoire lente d’un ouvrier agricole dans une ferme isolée du Haut Cantal. Et la chronique simple et discrète de gens que l’on fait disparaître, et avec eux leur monde (notre monde) en entier. J’ai récupéré mon nouveau téléphone portable chez Ginkgo, le magasin d’informatique du boulevard Saint-Germain (il fallait transférer ce qui était sur l’ancien). Pris un verre avec Marguerite. Retrouvé Amélie pour dîner au Chinois de la rue Montfaucon. J’ai eu froid toute la journée.

Lundi 17 novembre 2014. 17h40.

J’ai croisé Jacques Eyzat rue Daguerre. Nous avons longtemps travaillé ensemble. Il était le directeur artistique de Point de Vue. Nous sommes allés prendre un café. Qu’est-ce que tu deviens ? Dans ces courts moments, on découvre qu’on ne peut pas dire grand chose. Que raconter de si important ? Nous avons échangé nos adresses. Il vit entre Paris et Morlaix. C’était un peu troublant de le rencontrer parce que je venais juste d’avoir des nouvelles de Corinne qui m’envoie, comme souvent des photos de ses vacances, de ses deux garçons qui grandissent. Elle avait justement pris un verre avec Catherine qui était à la maquette, ces lointaines années-là.

Dimanche 16 novembre 2014. 22h00.

J’ai reçu un message de Marie-Ange Guillaume. Elle me remercie pour le papier sur son livre écrit autour de la mort de sa mère, Aucun souvenir de Césarée, paru dans le Next du mois de novembre. Je suis heureux que mes quelques lignes l'aient touchée. Elle parle des blessures d’existence, mais dans chacun des textes que j’ai lus d’elle, le ton reste léger. Elle est un rien triste, à peine nostalgique. Un peu à vif parfois. Jamais dans le regret ou l’amertume. Tendresse et coups de canifs. Ca ne saigne pas pour de vrai. Du moins ça cicatrise.

Samedi 15 novembre 2014. 21h10.

Isabelle m’avait demandé de réfléchir à des brèves pour Next. Les tendances à encourager ou à enterrer pour 2015, expliquait-elle. Je n’ai pas grande idée. Pour ce qui est d’oublier, je pourrais peut-être parler de « L’Académie Balzac », l’émission de télé(web)-réalité où les participants, une brochette d’écrivains en herbe, sont enfermés dans un château. Ou alors de BookTube, l’affligeante « communauté littéraire » sur YouTube. Sinon, il y a la rentrée de janvier-février : sans prix littéraires ! De quoi se réjouir. Temps pluvieux et froid. Aux obsèques du père de Cécile Bisson à Champeaux, l’église était pleine. Nous avons dû rester sur le parvis

Vendredi 14 novembre 2014. 19h40.

Le jardin est envahi de feuilles mortes. J’ai passé un temps infini à les dégager. A les faire disparaître derrière les haies. Je ne vais pas tarder à devoir recommencer. Le saule Marsault et le frêne n’ont encore presque rien perdu. Dans les petites plates-bandes, côté chemin, mes semis de roses trémières ont levé. Il y en a une multitude. J’ai planté les trois Générale vicomtesse de Vibraye et le schizophragma que Jean-Pascal m’a rapportés de sa dernière virée chez ses pépinièristes de Bretagne. Il ne vient pas à Carolles cette semaine. Il s’est fait mal au dos. Mon Pauvre vieux, c’est l’âge, dit-il. J’ai l’impression d’entendre mon père. Et moi comment entend-il mes jérémiades? Nous devions aller ensemble chez un de ses amis qui se sépare de plusieurs pièces de sa collection d’histoire naturelle. Je lorgne particulièrement une carapace de tortue… Annick et Norbert sont venus partager notre déjeuner. Ils nous apportaient des figues de leur figuier étonnamment prolifique cette année. Eh oui, il en vient encore ! J’ai continué de travailler au jardin jusqu’au jour tombé. Préparé la pintade au choux pour le dîner. Nous attendons Claudine et Patrick ce soir.

Jeudi 13 novembre 2014. 16h30.

Déjeuner avec Marianne et Amélie à Qualité street (drôle de nom), un petit restaurant tout simple de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Marianne se collette toujours sa situation précaire. Le travail qui déborde ou qui se fait attendre. Et les gens qui oublient de vous payer. Je suis rentré faire les valises pour Carolles. Deux semaines que nous n’y sommes pas allés. J’ai l’impression que cela fait une éternité.

Mercredi 12 novembre 2014. 20h30.

Amélie m’a emmené à la boutique Bouygues de l’avenue du Général-Leclerc chercher une nouvelle « carte SIM » pour mon téléphone. Claire et Emmanuel m’en ont rapporté un tout neuf du Mexique. La (très) jeune vendeuse à qui je demandais de m’aider à le mettre en service me parlait doucement comme un vieillard. Petit exercice d’humilité. Enfin ça marche. Reste à récuper les données de l’ancien. C’est une autre paire de manches.

Mardi 11 novembre 2014. 23h50.

J’ai déposé Marie en taxi en bas de chez elle. Un petit signe de la main. Je l’ai regardée franchir la porte cochère de son immeuble. Nous aurons passé trois très beaux jours à Vienne. Je n’étais jamais allé là-bas. Nulle part en Autriche d’ailleurs. Le choix de la destination s’était fait presque au hasard. Elle avait juste envie d’aller vers l’est. J’appréhendais un peu le séjour. A part des moments passés à Carolles, quelques trajets de vacances, nous n’étions jamais partis seuls ensemble. Sauf une fois. Je crois qu’elle avait quatre ou cinq ans. C’était un hiver à Chamonix. Je ne m’en rappelle rien d’autre que de l’avoir perdue dans le centre-ville un après-midi. Un instant d’inattention. Je devais regarder ailleurs. La panique de ce moment-là me coupe encore le souffle. Sale souvenir. Après avoir erré un temps qui m’a semblé infini, je l’avais enfin aperçue au pied de la fameuse statue de Balmat montrant le Mont-Blanc à Saussure. Elle pleurait. Mon Dieu, quelle émotion. Nous nous en sommes souvenus tous les deux à Vienne. Oui, cela a été un beau séjour. J’avais retenu un hôtel dans Leopoldstadt à dix minutes à pied du vieux centre. Nous avons beaucoup marché d’un bout à l’autre de la ville. Nous avons visité l’Albertina (Marie tenait à l’exposition Arnulf Rainer, moi je ne voulais pas rater les Dürer), sommes montés au sommet de la cathédrale Saint-Etienne (quel vertige). Découvert aussi l’église des Jésuites, une incroyable merveille baroque, toute en dorures, en trompe-l’œil, en colonnes de marbre torsadées. Avec des reliques enchassées dans les autels. Nous avons traîné au café Mozart et à l’hôtel Sacher. Ecouté des valses et des polkas de Strauss pour touristes (mais l'orchestre était parfait de qualité ) au Kursalon. Mangé des wiener schnitzels et des saucisses à la moutarde en buvant du weißburgunder Et puis passé de longues heures dans la galerie de zoologie du muséum d’histoire naturelle (le plus beau que j’ai jamais vu). Le dernier jour nous avons traversé le Prater tout roux de feuillages d’automne pour aller jusqu’au Danube. Qui est vraiment bleu, comme on le dit. Il faut dire qu’il faisait grand soleil. J’étais content d’être là avec ma fille. Et j’ai aimé Vienne. La chanson de Barbara m’y est revenue en ritournelle. Facile, mais quand même… J’ai répété de mémoire les paroles à Amélie comme nous dînions à l’Italien de la rue Daguerre. Il est minuit ce soir à Vienne,/ Mon amour il faut que tu viennes./ Tu vois je m'abandonne,/ Il est si beau l'automne/ Et j'aimerais le vivre avec toi./ C'est beau Vienne./ Avec toi...

dimanche 16 novembre 2014

Samedi 8 novembre 2014. 22h40.

Gabrielle avait peur de de ne pas être à l'heure. Vite ! On va arriver en retard. Cela faisait des semaines que nous avions réservé des places pour Trotro fait son cirque, un spectacle chanté et dansé d’après les albums de Bénédicte Guettier (Trotro est le pendant, en âne gris, de Petit ours brun. Et comme lui, il vit de micros aventures : Trotro joue à cache-cache, Trotro a un beau cartable, Trotro fait la sieste, Trotro range sa chambre. J’en passe…). Une foule d’enfants flanqués de parents déjà un peu las se pressait devant le théâtre. Ambiance de kermesse à l’intérieur. Ca braillait, ça riait, ça pleurnichait. Mais au lever du rideau un frémissement ravi a parcouru cette très jeune assistance. Gabrielle avait l’air aux anges. Elle battait des mains en mesure, applaudissait à tout rompre. Et son bonheur nous était doucement contagieux. Nous avons déjeuné avec elle dans un minuscule restaurant du passage des Panoramas. Retour à la maison pour la sieste. Je lui ai relu Boucle d’or et les trois ours (quel succès…). Jérôme est venu la récupérer en fin d’après-midi. Fatigué. J’ai écrit comme j'ai pu ma chronique de décembre pour Next. Demain je me lève de bonne heure. J’emmène Marie à Vienne pour ses trente ans.

Vendredi 7 novembre 2014. 21h25.

J’ai fracassé la théière. En ouvrant le placard, un poivrier en équilibre instable est tombé sur le bec de la verseuse. Brisé net. Heureusement, elle était vide. J’ai regardé un peu hébété le contraste entre le blanc de la porcelaine et le brun brûlé du tanin uniformément déposé à l’intérieur. Des années de patine. Je l’avais achetée lorsque j’avais emménagé rue du Moulin-Vert au moment de mon divorce. Je me suis senti navré. Je vais la recoller et m’en servir comme pot à fleurs à Carolles pour mes petites primevères Gold-Lace du printemps. Je n’aime pas que les objets meurent, qu’ils disparaissent. Je suis étrangement attaché aux miens. A ceux qui m’accompagnent. Qui m’ont accompagné. Au-delà, je fais mes sauvetages. Dans les vide-greniers, aux ventes Emmaüs, chez les antiquaires, je recueille tout un tas de bricoles abandonnées. J’apprivoise leur mémoire. Je les réveille. J’ai rédigé mon papier sur Pirotte pour Le Monde. Sur ses textes posthumes : Portrait craché, son « roman » au Cherche Midi. Et aussi ses recueils de poèmes : À Saint-Léger suis réfugié à L'Arrière-Pays et Une île ici au Mercure de France. Is all our life then but a dream ? Je garde depuis longtemps ces mots du Sylvie et Bruno de Lewis Carroll comme une sorte de devise. Pirotte a toujours considéré la vie comme imaginaire. À commencer par la sienne. Et je le rejoins tellement. Je suis allé chercher Gabrielle à la maternelle à Saint-Cloud. Elle dort à la maison ce soir. Demain nous l’emmenons à un spectacle pour enfants aux Folies Bergère. J’ai pris un taxi tant j’avais peur d’arriver en retard. Toujours cette incapacité que j’ai à voyager en banlieue. Retour en tramway. Mon Dieu que c’est loin, que c’est long. Tellement étranger

Jeudi 6 novembre 2014. 17h30.

Reçu un petit message de Philippe. J’avais complètement oublié la dernière sélection du prix Eugène Dabit. Pourrais-tu m'adresser ton choix rapidement ?, me demande-t-il. Il y avait cinq titres à selectionner. Je n’en ai retenu que trois : Joseph de Marie-Hélène Lafon, Mousseline et ses doubles de Lionel-Edouard Martin et Indétectable de Jean-Noël Pancrazi. Au-delà de ma préférence, j’ai de vrais arguments pour les défendre chacun. Délibération le 18. Je suis prêt.

jeudi 6 novembre 2014

Mercredi 5 novembre 2014. 23h10.

J’ai reçu un message de Sylvie Doizelet, comme une étrange réponse à la lettre que lui avais envoyée et qu’elle n’a jamais reçue au moment de la mort de Jean-Claude Pirotte. La peine est immense, m’écrit-elle. Et j’ai senti sourdre la mienne. Irrépressiblement. Faut-il croire aux hasards qu’au moment de commencer mon papier pour Le Monde sur ses textes posthumes, son roman, ses poèmes, je reçoive un mot de sa compagne ?

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