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mardi 23 septembre 2008

Vendredi 19 septembre. 23h20

Des années, des piges, des balais, des automnes. Ca en fait au compteur. Bon anniversaire, m'a doucement dit Amélie au réveil. Et elle m'a donné mon cadeau. J'ai défait le paquet. Un colis imposant et étrange. Carton, polystyrène en copeaux. C'était une loupe binoculaire... Quand lui ai-je dit que j'en rêvais depuis l'enfance? Je vais enfin pouvoir observer mes insectes, mes plantes. Identifier, nommer. Reconnaître, Comprendre. Un malheureux moucheron, minuscule, à peine un millimètre, était posé sur la vitre. Je l'ai attrapé avec un morceau de scotch et nous l'avons regardé au grossissement maximum. Hallucinant. Nous avons découvert une créature géante aux antennes annelées, aux pattes armées de griffes, à l'abdomen hérissé de poils. Un monstre pour ainsi dire, d'un tout autre univers. J'ai hâte d'avoir du temps pour d'autres explorations contemplatives.

Un verre avec Pascale au marché Saint-Germain en fin de matinée puis déjeuner « surprise» avec Amélie (nos rendez-vous respectifs avaient décommandé à la dernière minute...). J'avais une réunion l'après-midi à la Société des gens de lettres pour préparer le débat que j'y anime fin octobre : Qu'est-ce qu'un écrivain aujourd'hui ? Vaste question. Ca promet quelques belles envolées.

J'ai rejoint Amélie dans une librairie de la Bastille. Elle accompagnait Richard Ford qui signait son livre, L'état des lieux. Nous avons passé un moment avec lui au China Club, un bar de la rue de la Roquette, tout en chesterfields noirs et en recoins trop sombres. La conversation est partie sur la mémoire des livres et les chausse-trapes de la postérité. Pas facile d'argumenter. Nous avons pourtant réussi à parler une petite heure malgré mon anglais de trapéziste. Je vais lui envoyer aux Etats-Unis mes parutions de « Domaine Public». Amélie avait réservé une table chez Géraud rue Vital. Salade de Homard, ris de veau et minuscules girolles. Le dîner était magnifique. Nous avons fait quelques pas dans Passy. Silencieux décor. J'avais encore en tête Le triangle d'or de Maurice Leblanc que je venais juste de relire. Jardins cachés et trésors. Je l'ai embrassée rue Massenet.

Jeudi 18 septembre. 22h15

Paul-Louis Courier, Stéphanie de Genlis, Edmond About, Hector Malot, Georges Rodenbach... Drôle de bibliothèque. J'y laisse entrer le jour. Souffle sur la poussière. Je remonte dans le temps et les livres oubliés. La journée a filé. J'ai eu du mal à rebrousser chemin. Je suis arrivé un peu en retard au Sauvignon. J'avais rendez-vous pris depuis la semaine dernière avec Jaunay Clan. Comme ça, pour se voir, se donner des nouvelles. Nous avions fait connaissance au festival de Laval où elle était invitée pour son premier roman Milosz à L'Harmattan. Un texte, épidermique sur la folie et le manque. Elle sort un autre livre, Nostoc, 13 h 58, en octobre chez le même éditeur et est en train d'en écrire un troisième. Elle est de tous les salons, de toutes les rencontres, de toutes les signatures. Elle déploie une énergie inouïe. Amélie nous a retrouvés un peu plus tard. Nadine passait dans la rue de Sèvres. Nous avons pris un dernier verre avec elle. Nous sommes restés en terrasse jusqu'au frais de la presque nuit. Il fait déjà automne. Nous sommes rentrés frileux.

jeudi 18 septembre 2008

Mercredi 17 septembre. 23h30

J'ai passé la journée entière chez Buchet à avancer sur mes nouveaux choix de titres pour la collection. Cela risque de prendre plus de temps que prévu pour mettre en place une vraie programmation. Il va falloir que je fasse pas mal de recherches à la BNF. Je dois m'organiser, car j'ai aussi des papiers à rendre, des relances à faire et des tables rondes à préparer. J'ai reçu un coup de fil de Jérôme. Benoîte Groult à qui j'avais écrit un petit mot pour lui demander si elle voulait bien accepter d'aller faire une signature dans sa librairie de Hyères est passée lui dire oui. Il était ravi.

Amélie était encore en déplacement aujourd'hui. A Toulouse cette fois, à Ombres blanches, avec Richard Ford.

Mercredi 17 septembre. 1h35

J'ai été chercher Nicole chez Caractères. Nous avons déjeuné rue Monge dans un assez mauvais italien qu'elle adore. Elle voulait me parler encore de l'avenir de sa maison d'édition. Se faire racheter? Trouver quelqu'un qui puisse reprendre? Un collectif? Et toi, m'a-t-elle demandé, ça t'intéresse? Tu ne pourrais pas trouver des gens? Bien sûr que ça m'intéresse, mais je n'ai pas le premier centime et les gens que je connais, non plus. Elle m'a demandé également si je ne voulais pas diriger une édition des Oeuvres complètes de Bruno Durocher. Là, j'ai dit oui tout de suite. Je repensais justement à Durocher ces jours-ci. A son accueil et à son attention à mes textes de très jeune homme. Je vais travailler à ce projet avec enthousiasme. Mais quelle responsabilité...

J'avais rendez-vous avec Mathias Enard chez Actes Sud. Je ne fais plus son portrait pour Le Pèlerin. Ils trouvent trop compliqué son roman, Zone. C'est dommage. Moi, je ne pense pas du tout qu'il s'agisse d'un texte compliqué. Nous sommes allés boire un verre place Saint-André-des-Arts. Nous ne nous étions pas vus depuis la publication de Remonter l'Orénoque en 2005. Ma chronique sur ce livre a été le premier papier que j'ai passé au Monde. Mathias croule sous les rendez-vous. Il va d'interviews en signatures. Il est à Paris jusque fin décembre. Nous nous reverrons bientôt.

J'ai retrouvé Marie au Sauvignon. Toujours aussi enthousiaste et heureuse avec son nouveau travail. Elle cite une foule de noms de plasticiens que je ne connais pas. Avec elle je vais me refaire une petite culture artistique. J'en ai bien besoin. Nadine qui était quelques tables plus loin s'est jointe à nous. Marie a été en stage deux ans de suite chez Denoël et tout le monde l'aime bien là-bas. Amélie rentrait de Bruxelles où elle avait accompagné Nathalie Kuperman à la RTBF. Nous avons été dîner tous ensemble à la Cigale. On s'est quittés tard après avoir un peu abusé du mâcon blanc. Et dis-moi vite ce que tu veux pour ton anniversaire, m'a crié Marie de l'autre côté du quai à Sèvres-Babylone quand le métro arrivait. C'est vrai, dans quelques jours, j'ai cinquante-trois ans.

Lundi 15 septembre. 23h45

J'ai regardé une dernière fois le découpage de mon anthologie de Jean Cayrol. J'ai lu au téléphone la préface à sa veuve, Jeanne, à Bordeaux. Je suis content que ce livre puisse paraître et surtout qu'on me l'ait confié. Pour tous les temps est un recueil que je relis sans cesse depuis le début de l'adolescence. J'avance à pas d'herbe,/ dans ce hautain remuement de rêves... J'ai découvert Cayrol grâce à Joseph Noël, mon professeur de français de troisième. C'est à Joseph que je dois tout de ce qui me concerne aujourd'hui. Il a guidé mes lectures, mon désir d'écriture. Nous nous sommes vus longtemps. Nous nous sommes vus souvent. Il habitait une petite chambre dans un très vieil immeuble du Xe arrondissement. 11 rue Sainte-Marthe. En face, au 14, il y avait les éditions Caractères. J'ai poussé la porte par hasard et par bravade un jour de 1972. Bruno Durocher a édité mes poèmes. J'avais dix-sept ans. Joseph Noël s'est noyé au printemps 1981 à Paros, une des îles Cyclades. Je crois me souvenir qu'il est enterré à Valincourt, son village natal dans les Vosges. Je ne suis jamais allé sur sa tombe. Tout se mélange étrangement dans la reconnaissance. J'ai remis les textes à Lionel Destremau chez Points. Après pas mal de contretemps, le volume devrait sortir à la rentrée de septembre 2009. Je ne sais pas du tout combien je vais toucher pour cela. Pas grand chose sans doute...

A la fac c'est pire : ils ont oublié de me payer. Il n'y a plus d'argent en caisse en ce moment à Paris III. Annie me dit qu'il faut être patient. C'était la réunion avant le premier semestre à Censier aujourd'hui. J'ai assez hâte de retrouver les étudiants. Je vais les avoir une année entière cette fois-ci.

J'ai retrouvé Amélie au Châtelet. Nous étions invités chez Jean-Claude dans son pigeonnier de la rue des Innocents. Six vrais étages de marches courtes. Sa fenêtre ouvre sur le Panthéon, au loin. Nous avons parlé de nos campagnes. Il a une maison vers L'Aigle et nous nous croisons parfois dans le train. Nous avons pesté ensemble contre les lotissements, les constructions pavillonnaires, le « mobilier urbain », les portails en plastique et les haies de thuyas. Je lui ai raconté le grand événement du week-end à Carolles. Pour la première fois depuis des dizaines et des dizaines d'années, un cambriolage a eu lieu au bourg. Des cambriolages plutôt. Les monte-en-l'air ont fracturé les portes du magasin d'antiquités de Walter, de la mairie, du syndicat d'initiative. il ont fauché de l'argent liquide. Quelques bricoles. Quand je pense au nombre de fois où nous oublions de fermer à clé.

mercredi 17 septembre 2008

Dimanche 14 septembre. 22h10

Les coings ont donné seulement trois pots de confiture. Décevant. Et je ne suis pas très sûr du résultat quand nous les ouvrirons dans quelque temps. Tout cela est beaucoup moins parfumé que dans le souvenir que j'en avais. J'imaginais une odeur à la fois douce et entêtante qui allait envahir toute la maison. Nous sommes allés prendre un verre au casino de Jullouville. La patronne nous a gentiment apporté de petites huîtres et des bouquets avec la bouteille de vin blanc. Nous sommes restés un peu emmitouflés sur la terrasse. La vue était dégagée jusqu'aux îles.

Delphine et Marie-Sophie ont repris leur train vers 19h00. Amélie les a raccompagnées à la gare. Nous les avions chargées de verveine, de pommes, de salades, de confitures. J'ai fini mon travail sur l'anthologie de Cayrol. Nous nous sommes retrouvés tous les deux, nuit tombée, maison vide, sachant qu'il faudrait partir tôt demain matin. J'ai été pris d'une grosse bouffée mélancolique de dimanche soir comme je n'en avais pas eue depuis l'enfance. Je n'ai pas envie de rentrer à Paris.

Samedi 13 septembre. 23h50

Amélie avait fait le marché à Granville avec Delphine et Marie-Sophie. Des huîtres de Blainville, des praires, des amandes. Quatre beaux tourteaux. Nous sommes restés à table un bon moment. Il faisait un soleil froid, éclatant. Pas vraiment de saison. Nous avons chaussé les bottes. Promenade au Port-du-Lude. Sur le bord du sentier qui longe le ruisseau, les ronciers étaient envahis de mûres brillantes. J'aurais dû y penser. Nous n'avions rien pour les ramasser. Marée haute à la crique. Nous sommes restés silencieux tous les quatre face à la mer. C'est beau a fini par laisser simplement échapper Delphine. Et je me suis senti fier du paysage. Nous avons fait une halte au potager en rentrant. Grappillé les dernières framboises. Cueilli des laitues rouges. A la maison, Marie-Sophie m'a aidé à découper six gros coings pour faire de la confiture. La recette est assez fastidieuse. Il faut réaliser un « jus » qui doit reposer toute la nuit. Surtout, ces fichus coings sont durs comme du fer. Infernaux à éplucher et à séparer en quartiers. Une humidité d'automne a envahi la maison au soir. J'ai allumé un feu. Le premier.

Samedi 13 septembre. 7h15

Nous nous sommes levés très tôt. Je dois avoir revu ce week-end toute l'organisation du volume de l'anthologie poétique de Jean Cayrol à paraître au Seuil. Et puis nous attendons Delphine et Marie-Sophie. Elles arrivent de Paris pour le déjeuner.

Vendredi 12 septembre. 23h00

Je suis arrivé à Carolles dans l'après-midi. Le jardin ressemblait à un marécage. Les rosiers noyés, les dahlias enfouis dans la boue, les tiges des bambous ployées jusqu'à terre. Qu'est-ce qu'il a dû tomber. La peintre remballait ses affaires. Il lui restait les plafonds des chambres à terminer. Elle m'a rendu la clé. Il n'y a plus grand chose à faire. Enfin pour le moment, a-t-elle dit avec une petite moue. Je sais. Il faudrait s'occuper des extérieurs. Mais nous allons surtout faire calme côté dépenses... J'ai passé le reste de la journée à remettre en place les meubles, les livres. A nettoyer les poussières de plâtre. Le train d'Amélie était en retard, comme d'habitude. Pour le coup, c'est vraiment une détestable habitude. Les autres, celles que nous tissons ensemble, me ravissent.

lundi 15 septembre 2008

Vendredi 12 septembre. 1h20

C'était ma rentrée à Jeux d'Epreuves. Le pont des soupirs de Richard Russo. Alfred et Emily de Doris Lessing, Best love Rosie de Nuala O'Faolain. J'amenais Fleuves de cendres de Véronique Bergen. Mais ce n'était pas, je crois, le bon plateau pour en parler. Les autres titres se serraient en une espèce de littérature homogène. Narrative. Des livres pour lesquels, sans rien leur reprocher du tout en fait, j'avais ressenti un cruel manque d'intérêt. Cela m'arrive quelquefois sans que j'en comprenne vraiment la raison. Difficile d'en dire quelque chose. Ces textes n'étaient pas pour moi, voilà tout. Exception faite, quand même, du O'Faolain. Touchant. Désespérément joyeux. Bergen n'a vraiment pas déclenché l'enthousiasme. Josyane a été dans un retrait discret, Alexis Liebaert dans un rejet plutôt poli et Ferney, comme parfois, un peu limite, parlant de dissertation laborieuse de lycée. D'accord, c'est la règle. J'espère juste que j'ai suffisament soutenu le livre à l'antenne.

Amélie est venue me chercher rue des Canettes. Il tombait une drache raide et glacée. Nous avons dû prendre un taxi pour nous rendre à la Société des gens de lettres où avait lieu une petite réception autour de Caroline Sers et d'Ingrid Thobois. Toutes les deux publient un nouveau roman cette rentrée et sortent le précédent en collection de poche. Petits fours et champagne. Il y avait là Mercedes, Philippe, Bernard, Cookie. Notre petite société à nous d'auteurs de chez Buchet. J'ai trouvé Caroline étonnante de courage après son effrayant deuil d'il y a quelques semaines. Je l'admire de parvenir à rester proche des autres. Disponible surtout. Son livre, Les petits sacrifices est terrible et beau. Nous voulions rentrer à la maison tôt. En fait, nous avons traîné. Peut-être simplement parce que la pluie continuait à tomber. A la première éclaircie, nous sommes allés dîner à L'académie de la bière, boulevard de Port-Royal, avec Nathalie. Cela faisait des mois qu'on ne s'était pas vus.

jeudi 11 septembre 2008

Mercredi 10 septembre. 22h30

J'avais rendez-vous pour déjeuner avec Bruno au Trocadéro. Il m'attendait sur les marches du musée de la Marine dont il est, je crois, le directeur culturel. Nous ne nous étions pas revus depuis que Julie nous avait fait venir tous les deux dans la maison de Vitry qu'elle débarrassait après la mort de Brigitte. Elle nous avait demandé de choisir quelques souvenirs. J'avais emporté les boîtes d'insectes. Bruno, deux ou trois livres. Je dois à sa fidélité de ne pas l'avoir perdu de vue. Nous nous sommes échangé les nouvelles. Je lui ai reparlé du Brennus, ce navire de la flotte de l'amiral Courbet sur lequel mon grand-père François avait embarqué comme quartier-maître et dont j'avais découvert la figure de proue lors d'une exposition au Musée. Il me reste pas mal de documents attachés aux campagnes de ce grand-père mort en 1921. Que pourrait-on en faire? Je suis redescendu par les jardins du palais de Chaillot. Il faisait très chaud. En longeant la pelouse un peu pelée où se trouve le buste de Paul Valéry, j'ai été brutalement envahi d'une grande lassitude qui m'a forcé à m'asseoir sur un banc. Bien plus que de fatigue, c'était comme si quelque chose d'impératif m'avait arrêté à cet endroit. Je suis resté un moment à rêvasser. J'allais par ici assez souvent, enfant, avec ma mère. Mais je ne garde de souvenirs que des musées. De l'aquarium. Il y a pourtant autre chose, diffus et important. Je traversais la Seine au pont d'Iena quand Amélie m'a appelée. Je l'ai rejointe au Marché Saint-Germain pour un café rapide avec Géraldine puis j'ai filé chez Buchet avancer mes projets pour la collection. Au soir, je retrouvais Marie pour lui remettre le gros sac de bricoles et les chaises pliantes achetés pour elle chez Ikea lundi. Toujours pleine d'enthousiasme pour son nouveau travail. Elle revenait de l'entrepôt de sa galerie d'art à Argenteuil. Caverne d'Ali Baba d'art contemporain. Elle est restée dîner avec nous. Nous l'avons mise dans un taxi avec tout son encombrant barda. De retour à l'appartement, j'ai téléphoné à Victor-Antoine pour lui annoncer la venue probable de Frédéric et Dominique dans son monastère américain. Nous avons parlé assez longtemps. Et nous nous sommes promis de nous écrire. Pour reprendre là où nous l'avions laissée, il y a bientôt deux ans, notre conversation si discrète et si amicale.

mercredi 10 septembre 2008

Mardi 9 septembre. 23h10

J'ai rédigé le texte de la quatrième de couverture. Le livre s'appellera La mort de ma mère. Il sortira en février. Pascale l'a aimé. Elle m'a soutenu avec beaucoup de patience, de délicatesse et de proximité. Vera l'a lu aussi et j'ai cru comprendre qu'elle avait été touchée. J'avais rendez-vous avec elle pour parler de « Domaine public ». Nous avons discuté un bon moment. Des nouveaux titres, de la fréquence de publication. Elle me permet de continuer l'aventure. J'ai devant moi un petit chantier de romans, de nouvelles, de poèmes, à sortir à nouveau de l'oubli. A rendre à la lecture et à la vie.

Nous avons dîné chez Frédéric et Dominique. Ils partent après-demain aux Etats-Unis. Frédéric a obtenu une bourse Stendhal du ministère des Affaires étrangères. Ils nous prêtent pour deux mois leur grand appartement. C'est vrai que nous manquons cruellement d'espace à Paris. Entassés tous les deux dans l'entassement des choses. Papiers, bouquins, vêtements, bibelots et ustensiles. Nous campons chez nous plus que nous y vivons. Ce repli qu'ils nous offrent va nous faire du bien. Je dois leur donner les coordonnées de Victor-Antoine. J'aimerais bien qu'ils aient le temps de passer le voir dans son bizarre monastère de l'état de New York. Je vais l'appeler. Il y a longtemps que je n'ai pas eu vraiment de ses nouvelles.

mardi 9 septembre 2008

Mardi 9 septembre. 1h15

Nous rentrons juste du Théatre 13, avenue Junot. C'était la soirée de lancement de Fugitives, le dernier recueil de nouvelles d'Alice Munro aux éditions de l'Olivier. Il y a eu une époustouflante lecture d'Anne Alvaro, suivie d'un débat animé par Josyane. Amélie avait organisé toute la soirée. Au buffet qui suivait, les canapés étaient présentés sur de grandes feuilles du figuier ramenées de Carolles. Quart d'heure de célébrité littéraire de mon petit jardin.

Dimanche 7 septembre. 23h50

J'ai occupé le trajet en train jusqu'à Paris à classer les courriels que j'avais gardés, en vrac dans l'ordinateur. Archives mails. Du rebrousse années en liasses électroniques. Ce n'est curieusement pas la même démarche que d'ouvrir les lettres anciennes rangées, ficelées, dans les boîtes, mais c'est la même bouffée de passé, le même courant d'air de dessous les portes qu'on croyait fermées. Souvenirs. Mes petits morceaux d'avant.

La journée s'est glissée au jardin entre deux averses d'orage. Fabien m'avait prêté son Karscher. J'ai nettoyé le toit, la terrasse. J'ai arrangé les massifs aussi. Coupé les roses fanées. Redressé les dahlias abattus par la pluie. J'ai cueilli les trois derniers Anatole, veinés de parme et de blanc, les préférés de ma mère, que j'ai été déposer sur sa tombe. Avec Amélie.

dimanche 7 septembre 2008

Samedi 6 septembre. 23h30

Nous nous sommes levés tard. La météo annonçait un temps épouvantable, mais, ici, il fait grand soleil. Nous avons arraché la vigne vierge sur le toit du garage pour permettre au couvreur de poser son enduit. Des masses de feuillages et surtout des tiges impressionnantes (les plus grosses sont épaisses comme un poignet) courant, s’enchevêtrant sous les tuiles, les gouttières. J’ai ressenti comme un malaise à ce massacre végétal. J’ai planté cet ampelopsis il y a quinze ans maintenant. Il fait partie de la maison.

Les mirabelles ont donné six pots de confiture. Nous avons veillé ensemble sur chaque bouillon. Nous les avons rangés dans l'armoire de l'entrée avec le linge de table et les torchons blancs.

Vendredi 5 septembre. 23h55

Avant de partir à la gare, ce matin, j’écoutais La fabrique de l’histoire sur France Culture. Avec Arlette Farge. L’émission roulait sur les livres de Bataille, de Bramly, sur le dernier film de Manuel de Olivera. Je ne sais plus vraiment ce qui s’est débattu et tout cela d’ailleurs aurait ronronné s’il n’y avait eu elle. Je la trouve éblouissante d’intelligence sensible. Et grave et rieuse et pleine d’à-propos. Le goût de l’archive qu’elle a fait paraître au Seuil en 1989 me reste un bréviaire de connivences. Cette salle des imprimés à la Bibliothèque nationale. Cette émotion des liasses. Papier craquant, épingles rouillées. Premières fois. Et cette vie qui monte de l’encre usée d’absence… Bref, je me suis mis en retard. Je courrais avec mes valises dans la rue de La Croix-Nivert quand je suis parvenu à attraper un taxi. Bonheur. Le chauffeur avait branché son auto-radio sur l’émission. J’ai pu l’écouter avec lui jusqu’au bout.

Courses à Granville. Rangements dans la maison. Le potager était noyé de pluie fine. Le couvreur est passé pour inspecter le garage. Nous aimerions bien y aménager une chambre. Il va refaire l’étanchéité. Au soir, le train d’Amélie est arrivé très en retard. Nous avons veillé à dénoyauter des mirabelles pour faire de la confiture. Laissé macérer une heure avec sucre et citron. Un bouillon. Demain, nous reprendrons la cuisson.

samedi 6 septembre 2008

Jeudi 4 septembre. 22h45

J’ai écrit un petit mot à Laurence Bourgeon. Pour m’excuser. J’ai été, je crois, désagréable avec elle au cours de la soirée Virgin d’hier. C’était idiot, car cette jeune femme qui s’occupe de la presse chez Bourgois, et que je rencontrais pour la première fois, n’avait vraiment pas à subir mes deux minutes de mauvaise humeur. Je râlais parce que je n’avais eu aucun signe de l’éditeur après mon papier sur Ailleurs de Julia Leigh. Rien à voir avec la chasse aux compliments, mais envie simplement d'entendre quelque chose. J’ai profondément aimé ce livre. Je l’attendais aussi. Neuf ans que Julia Leigh n’avait pas publié. Le texte m’a touché parce qu’il me semblait qu’il répondait précisément à cette attente. A la mienne. Particulière. Et que tout cet imaginaire de forêts profondes et d’inquiétudes d’enfance qu’elle avait dilué dans son premier roman chez Actes Sud, Le Chasseur, se retrouvait ici en liqueur forte, concentré. Il y avait également une foule de références carrolliennes qui faisaient autant d’étranges lucioles dans la lecture de ces pages obscurcies de tristesse. Outland et Autre côté. J’aurais tellement voulu en dire. J’avais si peu de mots. Le matin de la parution de ma chronique dans Le Monde, j’avais lu l’article que Claire Devarrieux avait consacré aussi à Ailleurs dans Libération, et je le trouvais tellement juste, intelligemment critique. Le mien n’était-il pas, du coup, embrouillé d’affectif ? J’aurais aimé en parler. Lever les doutes. Pouvoir continuer. Mais il en est qui se taisent… A chaque poussée d’ego, sa petite leçon d’humilité.

J’ai déjeuné avec Claudine à La Bastide. Elle me présentait ses livres chez Fayard et chez Plon. Il va y avoir bientôt une nouvelle édition du Voyage d’Italie de Dominique Fernandez. Nous avons parlé de Joigny, comme souvent lorsque nous nous voyons. C’est la ville de ses premières années et de sa toute jeunesse. J’y ai effectué mon service militaire. La vieille ville aux églises, les bords de l’Yonne, m’ont sauvé de la caserne. C’est singulier comme les souvenirs et les sentiments se calquent, se recouvrent. Trouvent leurs points de fuite et d’échappée dans une complicité cartographique tendre. J’ai embrassé Gilles en partant. Cela faisait un bon moment que je n’étais pas venu dans son restaurant. Nous avions un projet de livre ensemble. J’ai tourné plusieurs fois autour de l’éditeur sans le trouver vraiment. Nous avons oublié un peu tous les deux. Enfin, pas vraiment. On s’en reparle ?

Je rentrais chez Buchet quand j’ai croisé Florence Robert. Elle venait de lire mon portrait de Véronique Bergen dans Le Monde des Livres. Nous nous sommes échangé plein de gentillesses. Sur son auteur, sur son travail d’éditrice, sur ma page dans le journal. Et, pour être honnête, ça fait du bien…

jeudi 4 septembre 2008

Mercredi 3 septembre. 23h45

J'avais rendez-vous tôt ce matin au Pèlerin. Le groupe Bayard a déménagé à Montrouge et c'est une petite expédition que de s'y rendre au milieu des travaux qui s'étirent entre la porte d'Orléans et les limites de Gentilly. Locaux neufs, bureaux « paysagers », moquette grise et murs blancs. Avec Catherine et Isabelle, nous avons défriché un peu les parutions. J'ai trois portraits à rendre dont celui de Mathias Enard qui vient de publier Zone chez Actes Sud. J'ai rencontré Mathias la première fois au Festival du premier roman de Chambéry où il était invité pour La perfection du tir. Mathias est un grand écrivain. De son époque. Dans son époque. Et c'est cette inscription, qui le rend universel. Zone se lit une hallucinante machine à remonter le temps. Celui des violences de tout un siècle en Europe. Mise à rebours, ressort tendu. Il faut qu'on se voie avant son retour à Barcelone.

Déjeuner chez Messonnier avec Jean-Pierre Coffe. Nous avions pris date depuis longtemps. Je voulais lui proposer de faire un livre. Il veut que j'écrive un titre dans une collection qu'il vient de lancer. Bataille. Je ne désespère pas de lui faire un jour accepter quelque chose. Et peut-être faudrait-il aussi que je regarde un peu plus attentivement son offre. Saladiers lyonnais. Quenelles de brochet. Nous avons passé un bon moment à table. Les patrons étaient aux anges. J'ai avancé l'après-midi chez Buchet mes propositions pour la collection et je suis passé chercher Amélie aux éditions de l'Olivier, rue Jacob. C'était la soirée de rentrée littéraire avec Lire au Virgin des champs Elysées. Nous y avons retrouvé Marie-Sophie et Delphine. Elles viendront à Carolles, un week-end prochain.

mercredi 3 septembre 2008

Mardi 2 septembre. 23h10

Il me faut de nouvelles lunettes. Plus fortes. Je ne parviens plus à lire de près. l'ophtalmo rigole. Vous avez encore une vue de jeune homme. Cause toujours. Je ne suis plus jeune. Ca me terrifie ces lignes qui se brouillent, se ratatinent et se perdent en gris.

Lundi 1er septembre. 22h00

Paris par le train de 6h04. Bondé. Une foule de vacanciers avait repoussé leur retour au tout dernier moment. Cela faisait un petit embouteillage de valises à roulettes sur le quai de Montparnasse. J'ai déposé les affaires et je suis allé chez Buchet. L'édition des Mystères de L'Île-saint-Louis que j'ai préfacée pour Phébus suscite quelques questions. Bah... Le correcteur pointe des lacunes dans les chapitres. Pour ma part, j'ai plutôt trouvé pas mal de petits freins à la lecture dans la première partie du livre. Ils sont dûs, je pense, à la hâte feuilletonesque de Beauvoir. C'est inhérent au genre, mais c'est un peu gênant parfois. Manque-t-il vraiment du texte? Pas sûr. Cela vaudrait peut-être la peine quand même de le signaler dans un avertissement ou dans des notes de bas de page...

J'ai déjeuné avec Pascale et je lui ai demandé d'être mon témoin pour le mariage. J'ai hésité pour ne pas la gêner, mais elle a été, justement déjà, témoin de tant d'événements sensibles. Cela fait plus de cinq années qu'elle m'accompagne comme éditrice et il y en existe une myriade de moments avec elle, nichés dans de curieux interstices qui s'ouvrent en affinités secrètes, discrètes ou plus simplement tues... J'ai eu peur qu'elle dise non.

J'avais rendez-vous avec Marie au Sauvignon après sa première journée de travail. Je l'ai trouvée fatiguée mais radieuse. Cela me fait un bien fou de la voir heureuse. Amélie nous a rejoints. Nous sommes rentrés chacun chez nous. Marie vers Charonne. Nous vers Vaugirard. L'appartement déborde de courrier, de paquets. Il faut tout ranger avant de se coucher.

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