J’ai pris le train pour Poitiers en tout début d'après-midi. Sylviane Sambor la directrice du Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes m'avait demandé d'animer deux débats pendant son festival « Passeurs de mondes ». J'avais rencontré Sylviane en 2005 à Hermillon en Savoie où on m'avait invité pour Le Premier pas suffit. Nous nous étions juste croisés depuis. Je me suis retrouvé dans la médiathèque d'un bourg de campagne des Deux-Sèvres avec Patrick Beaune, le directeur de Champ Vallon à parler de l’œuvre de Robert Marteau. Je me souvenais surtout de Fleuve sans fin, son journal du Saint-Laurent, un texte qui m'avait laissé une impression de lenteur magique. A l'époque, je pensais que Marteau était un auteur québécois. Je suis allé de découvertes en émerveillements pendant les quinze jours où je me suis efforcé de rattraper mes lacunes. J'ai découvert un grand poète, un écrivain des instants et de l'infime du paysage. Robert Marteau a un peu plus de quatre-vingt ans. Le dernier roman qu'il a publié chez Champ Vallon, Dans l'herbe, est une singulière chronique paysanne d'un village du Poitou dans les années vingt-trente. Son village, d'ailleurs. L'ensemble est un bouquet de voix. Les narrateurs s'enchaînent dans les tableaux du temps. C'est intime, drôle, violent. Ecrit avec une force sensible qui embarque. Et surtout, même si le livre est envahi de patois, de parler, de décors, il se situe très loin d'une veine régionale. Le public de la médiathèque était venu pourtant surtout pour cela. Il y avait un conteur qui lisait des passages en soignant ses effets. Mais du coup, c'était très bon enfant. Le maire a offert du jus d'orange et des gâteaux secs. Nous sommes allés dîner en petit comité dans un logis de France à Saint-Jean-de-Thouars. J'étais assis en face de Claude Rouquet. Il a créé en 1993 sa maison d'édition, L'Escampette, où a été publiée, notamment, presque toute l'oeuvre de Bernard Manciet. Nous avons parlé des vins d'Anjou, des royalistes légitimistes, des libraires et des journalistes, de la poésie et de la vie de province. Il faudra venir nous voir à Chauvigny, m'a-t-il gentiment proposé. J'ai réalisé à la fin du repas qu'il était le compagnon de Sylviane... Il nous a raccompagné en voiture, Patrick Beaune et moi, à notre hôtel de Poitiers. Une cinquantaine de kilomètres. Je commençais à piquer du nez. Amélie m'attendait. Elle était arrivée vers 20h avec le TGV.