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vendredi 31 octobre 2008

Mardi 28 octobre 2008. 16h00

Le hasard a plutôt bien fait les choses. Le déjeuner que devait avoir Amélie avec je ne sais qui a été annulé. Du coup, elle est rentrée à la maison. Nous avons bu du champagne et j’ai pu lui offrir ses cadeaux d’anniversaire que j’avais dissimulé, sans grande difficulté, dans le désordre et le bric-à-brac de nos affaires. Le matin nous avions vu Jérôme pour un café avant qu’il ne reprenne le train pour Hyères. Je l’ai trouvé étonnamment serein moins d’une semaine après sa mise à pied. Un peu trop même. Il semble avoir délibérément tourné la page. Reste qu’il doit encore avoir un entretien avec son patron. Il serait bien à cette occasion qu’il puisse donner un nom d’avocat. L’important dans ces moments est de partir la tête haute et l’honneur lavé.

mardi 28 octobre 2008

Lundi 27 octobre. 23h00

Tant pis pour la pluie. J’ai replacé les lettres de cuivre sur la barrière repeinte de neuf. D A K A O. Le nom qu’avait choisi ma mère pour la maison. Le nom d’un quartier de Saigon où ses souvenirs étaient aussi ceux de mon père. Que s’est-il passé là-bas. Je ne peux qu’imaginer. Jamais je n’ai osé poser la question. C’est trop tard maintenant. J’ai ramassé les feuilles mortes. Je les ai entassées en paillis sur les pivoines, au pied des rhododendrons. J’étais trempé. Nous sommes allés dire au revoir à Georgette. Vous revenez quand ? – Vendredi. Elle se perd un peu dans nos allers et venues. Amélie lui a laissé un ramequin de saint-jacques, un peu de bouillon de bœuf, de la soupe et du gratin de son potiron vert. Nous sommes descendus à la plage. Nous avons marché un moment sur la grève. L’estran était recouvert de galets fins, brillants. Nous nous sommes embrassés dans les rafales mouillées. Oui, tant pis pour la pluie. A Paris le courrier attendait. Un gros sac de livres déposé par la concierge. Nous avons dépiauté les paquets. Parmi eux le Sermon de Saint François d’Assise aux oiseaux et aux fusées de Sébastien Lapaque. Par le rêve et la nuit, le chagrin qu’on oublie : Je vous salue Marie.

lundi 27 octobre 2008

Dimanche 26 octobre. 23h10

Nous avons déjeuné au restaurant du Casino de Jullouville. Une petite table avec vue sur la mer. Amélie aura trente-sept ans dans quelques jours. Nous avons trinqué au seul moment présent. Pour le reste, simplement que l’avenir nous préserve… Quelques pas sur la digue. L’horizon était dur, découpé au couteau. Les roches déchirées des îles, du grouin de Cancale. Et puis le soleil a dissipé la brume. Juste pour que s’adoucissent en bleu flou les contours et que nous repartions le cœur sans inquiétude.

Samedi 24 octobre. 21h10

Réveil sous la pluie. L’eau coule en vive rigole dans le chemin, emportant la pauvre terre de ma petite plate-bande, dénudant mes iris. Un tour aux Fontenelles, au creux d’une éclaircie. Tout est trempé. Nous ne pourrons rien faire cette fois-ci. Il va falloir remettre à plus sec nos travaux potagers. Amélie est passé prendre Georgette chez elle. Elle nous a apporté l’espèce de potiron qui avait poussé au hasard de sa cour. Une graine venue d’on ne sait où. Peau verte et côtes bien marquées. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Nous avons cherché dans les livres de jardinage. Il s’agit d’une courge musquée de Provence. Nous l’avons ouverte. La chair est orange vif, parfumée et sucrée comme un melon. Amélie en a fait du gratin, de la soupe. Nous nous sommes couchés avec le sombre. Dehors la pluie continuait de tomber.

Vendredi 24 octobre. 22h30

Nous avons pris le premier train. Une demi-heure de retard. Un contrôleur malade. Des portes bloquées en gare de Surdon. J’ai bien cru que n’allions jamais arriver. Trois semaines qu’Amélie n’était pas revenue. En gare de Granville, nous avons été saisis par une bouffée de bruine de mer. Vilain temps. Il a dû beaucoup pleuvoir cette semaine. A la maison, le jardin était sous les flaques. La terrasse luisante de feuilles mouillées. L’averse a commencé comme nous allions sortir. Drue, pénétrante. Nous avons battu retraite et sommes restés au chaud de la cheminée à continuer les rangements sans fin. Une visite à Georgette en début de soirée. Nous l’avons invitée à déjeuner pour le lendemain.

Jeudi 23 octobre. 23h50

J’ai déjeuné avec Anne au Perron. Mon papier sur le Céline Minard n’est toujours pas sorti. J’avais été le premier à chroniquer Le dernier monde en 2007, je serai probablement le dernier pour Bastard Battle. Une poêlée de palourdes, des pâtes à la poutargue. Nous avons glissé rapidement sur le sujet. Elle m’avait apporté une biographie d’Hélène Bessette. Je l’avais découverte il y a à peine plus d’un an, quand Léo Scheer, déjà, avait édité d’elle un inédit, Le bonheur de la nuit. Rien lu avant. J’avais trouvé au hasard, un peu plus tard, chez un libraire d’occasion, La route bleue et N’avez-vous pas froid. J’en suis là. Je sais très peu de choses d’elle. Je ne suis que dans le pressentiment et le désir d’aller plus loin. Elle a été un temps institutrice à Roubaix. J’aimerais bien trouver dans ce prétexte quelques fils à nouer. J’ai rejoint Agnès au Rostand vers 16h00. La semaine dernière après un rendez-vous raté, elle m’avait fait passer la dernière version du manuscrit que nous avions travaillé et retravaillé ensemble pendant des mois. Aujourd’hui, il ressemble vraiment à ce qu’elle voulait faire. Reste à le titrer, à le séquencer, à l’ordonner un peu. Trouverons-nous quelqu’un chez qui le publier ? Je suis rentré chez Buchet en traversant le Luxembourg. C’est le vilain automne. Les tas des feuilles sales de la pluie d’hier étaient alignés, rassemblés au râteau, grumeleux de marrons racornis. Au troisième, je n’ai pas résisté : j’ai flanqué un grand coup de pied dedans.

Rue des Canettes, mes correspondants du cercle Anna de Noailles m’attendaient. Ils avaient avec eux la copie du livre que j’espérais : La Domination, un texte de 1905, racontant à mots couverts la relation de la belle comtesse avec Barrès. Il ne me manque plus grand chose pour proposer un choix. Je suis reparti vite. J’étais attendu aux studios Harcourt pour la remise du prix Carrefour du premier roman. Katherine Pancol m’avait demandé cet été de faire partie du jury (des « professionnels » et des lecteurs). Comme je ne pouvais pas participer au déjeuner de délibération du début octobre, je lui avais fait parvenir dans un long mail mes remarques sur les livres en concurrence. Etrange liste. Quelques titres commerciaux et bâclés et deux autres textes, pour le coup, littéraires. Ce sont eux qui se sont retrouvés finalistes. Comme quoi il ne faut jamais tout à fait désespérer. J’avais donné ma voix au Passé devant soi de Gilbert Gatoré, la majorité est allée aux Constellations du hasard de Valérie Boronad. Rien à dire : le pire avait été évité… Mais, sans doute était-ce lié aux mésaventures de Jérôme avec son enseigne, j’ai trouvé la soirée fausse, clinquante. Le directeur des hypermarchés pérorait sur quelque chose comme Carrefour, première librairie de France. J’avais beau me forcer, je ne me sentais pas à ma place. Une erreur de casting. Heureusement, Amélie était là. Nous avons bavardé avec Cyrielle, dépêchée par Phébus pour représenter Gatoré. Anny aussi, qui entourait la lauréate avec Geneviève Perrin, son éditrice chez Belfond. Demain, c’est Carolles. Nous sommes vite rentrés.

samedi 25 octobre 2008

Mercredi 22 octobre. 23h00

J’ai cavalé à Censier. Les photocopies à faire. Le cours à réordonner un peu. Ils s’accrochent mes étudiants. Une jeune fille est venue me voir à la fin pour me demander des conseils de cursus, d’orientation. J’espère ne pas avoir été trop évasif. Je me suis aperçu en lui répondant que je n’avais la mémoire que de ce qu’il ne fallait pas faire. Comment peut-on dire à quelqu’un de vingt ans que l’on dérive, si facilement, que peut laisser glisser des pans entiers de sa vie, qu’il n’est pas facile d’aller vers ce qu’on est. Et qu’on s’en rend compte parfois un peu tard. Vieux propos. Belle jeunesse. Il me reste tant de projets. Il y a si peu de temps que j’ai compris que je pouvais les réaliser. Pour de vrai... Amélie m’a appelé. Jérôme vient d’être mis à pied de sa « librairie » du centre Leclerc de Hyères. C’est désolant mais pas très étonnant. Cela traduit simplement l’opinion de ces grandes surfaces sur la culture et les gens qu’ils emploient. Tête de gondole et bas de rayon. Pour eux, tout est du consommable. Je sais bien que cela ne le consolera pas mais il était trop bien, vraiment trop bien pour eux.

Mardi 21 octobre. 22h50

Il était temps que j’aille chez le coiffeur. D’autant que je dois faire de nouvelles photos pour la sortie du livre. Un peu plus court cette fois, ai-je demandé à Muriel. Et, comme à chaque fois, je me suis découvert dans la glace avec une douloureuse commisération. Coquetterie de l’envers. C’est moi, ça ? Cheveux mouillés en casque raide. Les plis autour des yeux et les joues qui s’affaissent. Je ne me suis jamais fait à mon reflet, mais là, vraiment, ça ne s’arrange vraiment pas. Amélie est venue me chercher. Nous sommes rentrés à pied de Maubert à Saint-Germain. Cherchant un cinéma sans être bien sûr de vouloir voir un film. Regardant les vitrines. Nous avions envie de flâner. De faire durer le soir. Fin de parcours. Nous nous sommes offert un verre à la Rhumerie. Allez, on va rentrer...

Lundi 20 octobre. 22h10

Le débat à la Société des gens de lettres s’est plutôt bien passé... Le thème de la rencontre que j’animais était « Qu’est-ce qu’un écrivain aujourd’hui ? ». Question à laquelle j’aurais bien eu du mal à répondre tout seul. Peut-être par ce que je butais sur « l’aujourd’hui » dans ce qu’il sous-entend d’image sociale. Comment d’ailleurs face aux autres se revendiquer écrivain ? J’avais avec moi Sylvie Germain, Brigitte Giraud, Pierre Senges et Philippe Ségur. Nous avons parlé (ils ont parlé) pendant près de deux heures. L’échange a pris assez vite le ton de la conversation et, sans, bien sûr, que la question soit résolue, cela a donné une petite mosaïque d’avis et de commentaires dessinant un portrait… finalement assez contemporain. Rapide buffet de déjeuner. J’ai dit deux mots à Pierrette Fleutiaux. On s’est croisés plusieurs fois. J’aimerais bien la connaître davantage. Je ne sais pas si je lui ai dit que ses livres me touchent et m’émeuvent. Il y avait aussi Françoise Henry. Françoise avait reçu le prix Marguerite Audoux pour Le rêve de Martin, en 2006, deux ans après moi. Elle aussi, je la vois peu ou plutôt pas souvent. Chez Buchet, j’ai mis terminé enfin les grandes lignes de ma programmation 2009-2010 pour « Domaine public ». Il me reste des textes à lire, des préfaciers à trouver. Si mon projet est accepté. Ce que j’espère bien…

mercredi 22 octobre 2008

Dimanche 19 octobre. 23h00

Il a fait beau toute la journée. Un ciel de grands fonds teinté de minuscules nuages roses. J'ai planté le cotoneaster lacteus acheté la veille à Granville. Cueilli des pommes. Taillé les rosiers. Qu'est-ce qui me retient dans la journée? J'ai du mal à profiter du temps comme il vient. Des petits cadeaux d'existence. As-tu fait aujourd'hui ton devoir d'Etat ? Cette phrase du père Lilllig, le confesseur de la division des petits quand j'étais au Collège Saint-Vincent, me revient sans cesse. J'ai peur de me la poser au soir et de répondre : Non, j'ai laissé aller les heures. Tout a filé, tout a passé. Qu'as-tu fait ? - Rien. Nous sommes allés voir Georgette après la messe. Elle avait besoin de parler. C'est mieux quand on discute, a-t-elle dit simplement après nous avoir donné les oeufs et le gâteau cuit la veille. Henri, son frère, mon oncle, ne va pas bien. Il ne sait plus marcher. Impossible maintenant de faire le tour de la vilaine cité où il habite depuis si longtemps à Wattrelos. Il est veuf. Quand donc est morte ma tante Marcelle? C'était un 19 septembre, le jour de mon anniversaire, mais quelle année ? Henri ne sait plus aller jusqu'au bureau de tabac pour boire une bière, écouter les gens parler. Je ne l'ai pas senti bien, a insisté Georgette. - Je vais l'appeler... J'ai téléphoné à peine rentré à la maison. Jamais on ne se parle. Sauf pour mes livres. Je le sens fier. De quoi? Mais ça me bouleverse. On s'aime bien. Je l'aime beaucoup. Une vie de labeur. Mobylette et Gitanes. Il s'était fait un temps poète de famille. Morceaux de vie rimés. Lui, ça le faisait rire de raconter la vie tout en alexandrins. Et Paul s'est acheté une 404 couleur prune écrasée... Un, deux, trois, quatre-cinq-six. Sept-huit-neuf-dix, onze, douze. Je l'admirais, je l'admire toujours. Je sais bien qu'il va partir en maison de retraite. Une pièce en rez-de-chaussée. Je vais à Mouscron bientôt pour animer une soirée littéraire. Je vais aller le voir... Nous boirons peut-être encore son whisky pas très bon avec dedans une larme de Mandarine Napoléon. J'ai préparé ma table ronde du lendemain à la Société des gens de lettres. Amélie a rangé la maison. Nous avons coupé des dahlias pour Paris. Une drôle de tristesse avait tout envahi. C'est de ma faute. Qu'est-ce qui m'arrive de si loin ? La barrière, refaite de neuf par la peintre était encore sous l'auvent. Nous l'avons reposée sur ses gonds juste pour la fermer. Train de 19h30 avec nos fleurs, nos herbes et nos légumes. On s'est souri. Avant de s'endormir aux cahots de son siège, Amélie a murmuré : Vivement la semaine prochaine...

dimanche 19 octobre 2008

Samedi 18 octobre 2008. 23h00

Sur le chemin du marché, à Granville, nous nous sommes arrêtés à L'Encre Bleue, la librairie de Bruno Séron, rue Saint-Sauveur. Il est passionné. Jamais en berne d'un enthousiasme. Et ça fait plaisir. Nous lui avons acheté deux petits bouquins pour l'anniversaire des jumeaux (fille et garçon) de Franck, le plombier qui a sauvé la maison de ses fuites et de ses puisards bouchés. Je crois, très sincèrement que nous lui devons beaucoup. Il a été, et vraiment pour le coup, l'artisan, de ce qui est devenu notre chez nous. Sa venue un week-end, pour une bricole, a engagé tout un processus de nécessaire restauration. Sans lui, nous aurions perdu beaucoup de temps. Les travaux ne sont pas finis, mais ils se terminent. Une nouvelle chambre dans le fond de l'ancien garage. Une serre froide pour isoler le koetsch. Nous sommes passés aux Fontenelles. Georgette m'avait prévenu la veille : J'ai tout cueilli... L'épisode du potiron volé l'a travaillée des jours et des jours. La semaine dernière, elle est passée à l'acte. Avec Josette, elle a fait une razzia préventive. De fait, il n'y a plus rien. Plus une pomme sur le pommier, plus un oignon, plus une tomate, plus un haricot. Elle a emmené aussi le potiron rescapé. Je vous ai tout gardé, mais ça se gâte. Ne reste que l'herbe grasse qui envahit les pousses de salades. Allez, on s'occupe de tout nettoyer la semaine prochaine. Avant, c'est difficile. Je dois préparer la table ronde de lundi à la Société des gens de lettres. J'ai quand pris une heure pour planter les iris sur le devant de la haie, côté chemin. C'était tout juste. J'ai fini l'arrosage à la lueur d'une lampe de poche. La nuit tombe si tôt maintenant. Nous sommes en vrai automne. Amélie avait allumé le feu. Il faisait bon à l'intérieur.

Vendredi 17 octobre. 22h50

Je suis arrivé à Granville tôt dans l'après-midi. Les courses, un baiser à Georgette. J'ai retrouvé la maison après deux semaines d'absence. Le jardin était couvert de feuilles mortes. Celles toutes rouges de la vigne vierge au pied des murs. Les folioles jaunies du frêne jonchant l'herbe. Les paquets roux et craquants tombés du figuier. Quelques flaques dans la cour. Le tonneau est plein. Qu'est-ce qu'il a dû pleuvoir... J'ai traîné. Coupé les lianes du rosier qui dégringolaient de l'arceau. Balayé la terrasse. Rangé les livres. Attendu Amélie. Je me suis battu avec une recette de tatin aux tomates. Résultat décevant sur le plan esthétique, mais l'ensemble était doucement caramélisé et fondant. .J'ai gardé la tarte au tiède dans le four. Le train était à l'heure. J'ai juste eu à faire revenir les saint-jacques pour les glisser dessus à la dernière minute.

Vendredi 17 octobre. 0h30

J’ai déjeuné avec Claire pour parler du « plan presse » du livre. Les épreuves reliées sont arrivées. Il faut déjà les envoyer aux mensuels, à quelques hebdomadaires… Nous étions chez Vagenende. Je faisais le fier au dessus de mon tartare, mais j’avais envie de me cacher. Pourquoi, pourquoi ai-je écrit cela ? Dans l’après-midi, j’ai revu avec Simone mes corrections pour le Marguerite Audoux. Fini aussi de lire Les innocentes, le recueil de nouvelles d’Anna de Noailles. Ce sont de beaux textes. Sensibles, subtils.

J’étais invité ce soir par Marie-Laure au lancement du nouveau volume des Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio. Nous avions sympathisé au dernier salon du livre autour de quelques douzaines d’huîtres et pas mal de vin blanc. J’étais content de le revoir. Ca se passait à La Tartine, rue de Rivoli. Là encore, le blanc coulait à flots. Le rouge aussi d’ailleurs. Le buffet était magnifique d’abondance et j’ai croisé plein de gens que j’aime bien. J’ai retrouvé Claude. Et Astrid avec qui nous avions fait le voyage de presse en Finlande pour rencontrer Arto Paasilinna. J’ai le sentiment dans ces moments d’être un peu comme en famille. Christine était fatiguée. Plus remuée qu’elle ne veut le laisser paraître par ses soucis au Monde. J’étais, une fois de plus, en train d’abrutir Nathalie avec mes préventions sur la littérature étrangère et les traductions quand Marie a appelé. Elle sortait juste de sa galerie. Elle est venue nous me rejoindre. J’ai été rassuré de voir qu’elle avait retrouvé sa verve et ses enthousiasmes après ses déboires de la semaine dernière. Avec Nathalie et Christine, nous avons bravé le froid (cigarette oblige) en terrasse avec verres et assiettes. Amélie est enfin arrivée. Avec Nadine. Toutes les deux avaient dû accompagner leurs auteurs à je ne sais quelle émission de télé. Le patron du bistrot nous a gentiment poussé dehors un peu avant minuit. La soirée était prévue pour se terminer à 22h00. Il nous a servi le coup de l'étrier et nous avons trinqué.

samedi 18 octobre 2008

Mercredi 15 octobre. 22h50

Petit questionnaire d’actualité avec les étudiants. Je leur demandais qui était Georges Besse et pourquoi on parlait de lui en ce moment. Aucun n’a su répondre. L’un a hasardé que c’était le lieutenant de Mesrine. Bien essayé, mais vous vous trompez de prénom… J’ai voulu procéder par étapes. C’était le PDG de Renault, abattu dans la rue en novembre 1986. - Vous savez par qui ? - Action directe, ça vous dit quelque chose ?- Je sais, c’était des communistes, a dit l’un. – Tu te trompes, lui a répondu une autre. C’est les royalistes. A moins que… Zut, je confonds avec l’Action française. Je tente à nouveau : - Nathalie Ménigon, Georges Cipriani, Joëlle Aubron ? Rien. - Jean-Marc Rouillan ? Quand même... Il a adhéré au parti de Besancenot! Je leur ai tout expliqué, mais cela m’a laissé une drôle d’impression. Comme si le passé fondait en cire molle. Cette geste violente des années quatre-vingt, venue de dix années encore avant, il en reste si peu. Tout hoquête en tombereaux. Ce dont on pensait, pour tant de raisons différentes, que l’on se souviendrait : fini. Le passé des nouvelles ne fait pas d’histoire. Il fuit et il s’efface. Ces jeunes gens et ces jeunes filles sont les croquemorts joyeux des souvenirs. De tous les souvenirs. Après, c’est la culture. Après, c’est autre chose.

En sortant de Censier, je suis allé avaler un sandwich en face de L’Arbre à lettres de la rue Edouard-Quenu. J’ai failli traverser en sortant pour aller dire bonjour à Annabelle, la libraire dont j’avais fait la connaissance du temps maudit de Page. Je n’ai pas osé. Peur de la déranger. Peur aussi qu’après tout ce temps elle pense que je ne la recontacte que par intérêt. Il va falloir pourtant que je prenne mon bâton de pèlerin pour parler de mon livre. Trois mois avant la sortie, il est temps. Enfin, c’est ce qu’on me dit et je m’efforce de le croire.

Mercredi 14 octobre. 1h50

J’ai presque fini mon tour d’horizon des auteurs oubliés pour « Domaine Public ». Tout cela prend tournure. En fin d’après-midi, pour la collection, je voyais d’ailleurs Alexandre d’Oriano, le président du Cercle Anna de Noailles. Un déjà vieux jeune homme, charmant, et comme figé dans un autre temps, perdu en raffinements esthétiques. Précieux dans tous les sens du terme. Il était accompagné de Marie-José Strich, spécialiste de la comtesse de Ségur a qui l’on doit une de ses biographies et surtout l'édition de sa correspondance chez Scala, il y a une bonne dizaine d'années. Elle très férue aussi de l’œuvre d’Anna de Noailles. Ils m'ont montré quelques textes vraiment intéressants. Amélie est venue me chercher pour faire les courses. Nous avions invité à dîner rue Saint-Charles, Christine, Josyane et Nadine. Comme l’appartement là-bas est grand comme une salle de bal, il est normal que nous y fassions nos réceptions…

Lundi 13 octobre. 22h10

Je n’ai rien pu retenir de la journée. Elle s’est dispersée comme des feuilles de papier dans un coup de vent de rue à la terrasse d’un café. En voulant rattraper celles qui partent, on lève la main de dessus les autres qui, du coup, s’envolent à leur tour. On n’en récupère que la moitié. Les feuillets en désordre et tachés. J’ai commencé cent bricoles que j’ai abandonnées. Tout est resté à l’état de brouillon. J’aurais mieux fait simplement de ranger l’appartement. Il y règne un désordre insensé. Les livres se glissent partout. Dans le lit, la salle de bains, la cuisine, les toilettes. Ils se serrent en rangées touffues dans les étagères, se cachent au milieu du linge dans les placards, s’entassent en pile par terre. Et ça enfle, ça enfle. Cela me fait penser à cette pièce de Ionesco, Amédée ou comment s’en débarrasser… Nous en donnons beaucoup. Nous en emmenons à chaque fois à Carolles. En fait, nous voudrions tout lire, nous voudrions tout garder.

Je me suis rappelé in extremis que je devais voir Brigitte dans l’après-midi. J’oublie de plus en plus de noter… Nous avons pris un verre place de la Madeleine. Un mi-chemin de métro sur la ligne 12. Elle ne va pas très fort Brigitte. Ca se passe mal chez Larousse. Elle est en arrêt maladie, épuisée, angoissée. Elle m’a confié le manuscrit d’un de ses amis. Je vais le lire pour la semaine prochaine. Cela donnera une occasion de nous revoir et de pouvoir parler d’autre chose, d'essayer de la distraire un peu de ses préoccupations. Je l’ai quittée pour aller chez Buchet. J’ai revu les épreuves de mon livre avec Simone. Fait quelques dernières corrections. Amélie m’a rejoint Marché Saint-Germain. Comme le frigo était vide à la maison, nous avons décidé d’aller manger un morceau avant de rentrer. A l’angle de la rue Montfaucon... Une mauvaise pizza. Un mauvais italien. C’était une mauvaise idée.

lundi 13 octobre 2008

Dimanche 12 octobre. 22h30

Nous sommes restés à La Rochelle. Une vraie journée de vacances, comme il faisait longtemps que ce n'était pas arrivé. Nous nous sommes levés tard et fait le tour de ville. Les remparts, la rue des Escales et la maison Venette. La cathédrale Saint-Louis et même une toute fin de messe. Nous nous sommes retrouvés au Vieux-Marché. J'ai acheté une poignée de bouquets que nous avons dépiautés avec un verre de blanc en terrasse au soleil. Retour vers le Vieux-Port. Nous avons déjeuné d'huîtres au bord du quai dans le quartier du Gabut. Ecrit des cartes postales... Oui, c'était les vacances, dimanche à La Rochelle.

Samedi 11 octobre. 23h15

Amélie avait rendez-vous avec un de ses auteurs dans la matinée. Frédérique Clémençon habite Poitiers et publie son prochain roman à L'Olivier en janvier. Elle nous a guidé dans la vieille ville jusqu'à l'église Notre-Dame-la-Grande. Nous avons flâné un peu au marché et déjeuné dans une brasserie du centre. Nous étions attendus en début d'après-midi pour partir à La Rochelle, deuxième et dernière étape du périple Robert Marteau. Nous nous sommes tassés dans la voiture conduite par une jeune femme du Centre du livre et de la lecture. A l'arrière, Amélie entre Patrick Beaune et moi. A l'avant, le conteur, Ulysse Dubois, qui nous a commenté chaque kilomètre du trajet. J'étais content de retrouver La Rochelle où nous nous étions arrêtés la dernière fois en rentrant du mariage de Catou et Jocelyn. La rencontre avait lieu à la librairie Les Saisons. Une toute petite boutique foisonnante de livres. Près de trente personnes s'y serraient pour écouter le débat. Cette fois, j'ai commencé par questionner Patrick Beaune sur Champ Vallon et son catalogue. A le croire, tout s'est fait par hasard, comme ça... Beaune est quelqu'un d'une étonnante humilité quand on regarde le travail d'édition qu'il a accompli et les auteurs qu'il a publiés. Mais là encore, les gens étaient venus d'abord « écouter » Robert Marteau. Vraiment pas de quoi bouder son plaisir. A la fin d'un passage, j'ai même demandé à ce qu'on relise une phrase : ... et toute la cavalerie, femmes comprises, en amazone, avec leur jabot de dentelle, s'est envolée derrière les arbres et comme un feu qui prend et que le vent enflamme c'est tout le bois qui flambe dans les vociférations des chiens maintenant emportés par l'odeur.

On ramenait Ulysse Dubois chez lui dans les Deux-Sèvres... Stéphane Emond, le libraire, nous a emmené dîner dans un restaurant près du port. Je ne me souvenais plus l'avoir rencontré, il y a presque un an de date à date, au salon du livre de Lusignan. Il y signait son premier texte, Pastorales de guerre, au Temps qu'il fait. Mais nous allons nous revoir, en tout cas je l'espère. Ses beaux-parents sont de Granville et il s'y rend en famille, régulièrement.

dimanche 12 octobre 2008

Vendredi 10 octobre. 23h50

J’ai pris le train pour Poitiers en tout début d'après-midi. Sylviane Sambor la directrice du Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes m'avait demandé d'animer deux débats pendant son festival « Passeurs de mondes ». J'avais rencontré Sylviane en 2005 à Hermillon en Savoie où on m'avait invité pour Le Premier pas suffit. Nous nous étions juste croisés depuis. Je me suis retrouvé dans la médiathèque d'un bourg de campagne des Deux-Sèvres avec Patrick Beaune, le directeur de Champ Vallon à parler de l’œuvre de Robert Marteau. Je me souvenais surtout de Fleuve sans fin, son journal du Saint-Laurent, un texte qui m'avait laissé une impression de lenteur magique. A l'époque, je pensais que Marteau était un auteur québécois. Je suis allé de découvertes en émerveillements pendant les quinze jours où je me suis efforcé de rattraper mes lacunes. J'ai découvert un grand poète, un écrivain des instants et de l'infime du paysage. Robert Marteau a un peu plus de quatre-vingt ans. Le dernier roman qu'il a publié chez Champ Vallon, Dans l'herbe, est une singulière chronique paysanne d'un village du Poitou dans les années vingt-trente. Son village, d'ailleurs. L'ensemble est un bouquet de voix. Les narrateurs s'enchaînent dans les tableaux du temps. C'est intime, drôle, violent. Ecrit avec une force sensible qui embarque. Et surtout, même si le livre est envahi de patois, de parler, de décors, il se situe très loin d'une veine régionale. Le public de la médiathèque était venu pourtant surtout pour cela. Il y avait un conteur qui lisait des passages en soignant ses effets. Mais du coup, c'était très bon enfant. Le maire a offert du jus d'orange et des gâteaux secs. Nous sommes allés dîner en petit comité dans un logis de France à Saint-Jean-de-Thouars. J'étais assis en face de Claude Rouquet. Il a créé en 1993 sa maison d'édition, L'Escampette, où a été publiée, notamment, presque toute l'oeuvre de Bernard Manciet. Nous avons parlé des vins d'Anjou, des royalistes légitimistes, des libraires et des journalistes, de la poésie et de la vie de province. Il faudra venir nous voir à Chauvigny, m'a-t-il gentiment proposé. J'ai réalisé à la fin du repas qu'il était le compagnon de Sylviane... Il nous a raccompagné en voiture, Patrick Beaune et moi, à notre hôtel de Poitiers. Une cinquantaine de kilomètres. Je commençais à piquer du nez. Amélie m'attendait. Elle était arrivée vers 20h avec le TGV.

Jeudi 9 octobre. 23h20

Jeux d’Epreuves aujourd’hui. Jean-François Colossimo défendait Zone de Mathias Enard. J’espère de tout cœur avoir su suffisamment agréger mon enthousiasme à sa présentation et, surtout, donner envie de lire le livre. C’est un grand texte. Remuant, dérangeant, poétique, sensible. J’avais promis à Mathias de lui envoyer un petit mot. Je ne l’ai toujours pas fait. C’est stupide. Il ne faut jamais traîner à dire le bien que l’on pense. Et à l’expliquer. L’émission a tourné un peu aigre pour mes choix vers la fin. J’avais apporté Les petits sacrifices de Caroline Sers. Ce roman noir, délicatement triste, à l’intrigue vrillante, où les secrets de famille et les poids des convenances écrasent les générations, n’a séduit personne. Pire… Jean-François Colossimo a dit qu’il n’était pas édité. Clara Dupont-Monod l’a trouvé mal écrit et Baptiste Liger sans aucun intérêt. Ca m’enrage. Ils sont pourtant tout sauf stupides, mes camarades d’antenne. J’ai essayé de comprendre. J’ai peur que ce texte soit rejeté (sans machiavélisme, sans volonté de nuire) simplement parce qu’il n’est pas dans l’air du temps. La forme classique quand elle évite le discours, quand elle ne se pare pas des habits de la nouveauté, n’intéresse plus personne. Cela s’est fait insensiblement... Moi, j’entends le Mauriac du Nœud de vipères dans ces Petits sacrifices. Qui aime encore Mauriac maintenant ? J’étais encore un peu énervé de cet épisode en retrouvant Amélie au Sauvignon. Nous avons détricoté chacun doucement notre journée. Avec elle, tout se calme.

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