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lundi 31 janvier 2011

Dimanche 30 janvier 2011. 23h45.

J’ai eu Emmanuelle au téléphone. Nous devrions nous voir la semaine prochaine avec Dominique et les enfants. Elle a maintenant signé son contrat avec Flammarion pour son livre sur Jean Patou. Le temps de l’écriture approche, mais elle tente encore quelques pistes, pousse quelques dernières recherches. Nous avons parlé de Dunoyer de Segonzac dont elle doit bientôt rencontrer la nièce. Il existe peut-être des lettres entre le peintre et le couturier. Je connaissais Dunoyer de Segonzac du côté de René Blum, de Roland Dorgelès... Dans les documents que m’avait laissés Josette France, la veuve de Blum, ou dans ceux qui ont fait la base du fonds que j’avais constitué pour la bibliothèque de l’Arsenal, il est possible qu’on retrouve du Jean Patou. Qui sait ? Les traces des uns, des autres, se croisent, se mêlent dans ces époques. Et puis je crois aux correspondances hasardeuses. Continué un peu les rangements. J’ai mon bureau aussi à mettre en ordre. Et, un jour, il faudra bien classer les livres. Nous sommes allés nous promener le long de la plage. J’ai regardé Amélie qui regardait la mer. Comme je lui suis reconnaissant d’aimer ces paysages. Nous avons été dire au revoir à Georgette. Et les mêmes valises, et le même train. Jérôme a appelé quand nous étions à la gare. Ils n’ont pas terminé de défaire leurs cartons dans leur nouvel appartement, rue Marmontel. Mais ils y sont bien. C’est plus grand. Et plus près de chez nous. J’y pense assez égoïstement à l’approche de la naissance de leur bébé. Il faudra bien qu’ils le confient de temps en temps. A des gens...

Samedi 29 janvier 2011. 22h30.

J’ai rangé des papiers toute la journée. Presque dix ans de bulletins de paie, de contrats, de relevés bancaires, d’avis d’imposition, de documents de sécurité sociale. Le tout entassé en vrac dans des cartons. En piles sous mon bureau. Cela faisait une éternité que je devais me mettre à ce fichu classement. J’en suis presque venu à bout. J’ai rempli trois grands sacs poubelle de « documents confidentiels » désormais inutiles. Je ne sais pas bien comment m’en débarasser. Je n’envisage pas un seul instant d’y mettre le feu dans la cheminée… Amélie a continué de peindre. Elle a lu. Nous sommes passés voir Georgette. Il y a du vin blanc au frigidaire. Servez-vous. Elle, s’est contentée d’un bol du bouillon que nous lui avions apporté. N’empêche. La forme revient.

Vendredi 28 janvier 2011. 20h50.

Ciel bleu et froid coupant. Amélie, toute emmitouflée, a continué la peinture du portique. J’ai nettoyé les traces du désastre de la veille. Rallumé un feu. Doucement. Tout doucement. Nous avions rendez-vous avec un des responsables de l’Etablissement de travail protégé de Saint-James pour un devis de remise en état du potager. Nous ne nous en sommes pas occupés depuis bien six mois. Il faut retracer les carrés, tout désherber, fumer… Je n’ai ni le temps, ni la force. Thierry Giffard est passé prendre un verre en début de soirée. Il va nous changer la baguette en bois du tour de la cheminée. Elle avait commencé à brûler hier soir.

Jeudi 27 janvier 2011. 22h00.

Georgette va mieux. Elle s’est extirpée de son épuisement. Jusqu’à la prochaine fois. Elle sourit. Mme Chevalier est passée la voir. Changé quelques prescriptions dont les effets secondaires l’embêtaient vraiment. Elle écoute ce que je dis, elle… Oui, Georgette va vraiment mieux. Même si, à chaque fois, elle nous fait peur. Même si, un peu plus, à chaque fois, elle apprivoise sa peur. Nous avons été faire les courses à Granville. Elle nous avait laissé une grande liste d’épicerie. Je n’ai plus rien. Thierry Giffard a terminé le portique (la pergola ?) qui remplacera l’arceau dévoré de rouille de l’entrée de la maison. Il l’avait déposé, en trois morceaux, contre le tas de bois. Amélie en a commencé la peinture. Il faudra bien deux couches. J’ai taillé le rosier grimpant de manière à ce qu’on puisse le glisser sans souci d’un support à l’autre. Nous sommes rentrés au jour baissant. Nous avons allumé du feu. Et toute l’histoire de la maison aurait pu s’arrêter là. J’avais démonté les chaises vermoulues de la salle à manger pour faire du petit bois. Découpé les pieds, les assises. Notre cheminée est en fait un gros Godin colonial dont la façade s’ouvre largement. Lorsque j’ai alimenté le feu avec toutes ces vieilleries, elles se sont mises à flamber de manière impressionnante. J’ai fermé le foyer, mais la chaleur était telle que les portes sont devenues incandescentes. Il a fallu vider deux extincteurs (grâces soient rendues à ma mère qui avait une telle peur de l’incendie qu’elle en avait acheté une collection…) pour arrêter les flammes. Le mur du conduit était brûlant. Je crois que si nous n’avions pas fait ramoner l’été dernier, nous étions bons pour le feu de cheminée. Etrange fin de soirée à nettoyer les cendres et la poudre, les fenêtres grandes ouvertes. Tout va bien ? - Oui, mais je crois qu’on l’a échappé belle.

Mercredi 26 janvier 2011. 23h50.

J’avais relu encore, tôt ce matin, La fête de l’ours, avant notre rencontre. Je suis resté une bonne heure avec Jordi Soler. A évoquer, comme nous pouvions, les souvenirs de famille, et comment on les arrange, comment on les invente. Il comprend le français, mais ne le parle pas. Quant à mon espagnol, il se résume à quelques mots. Nous étions installés dans un coin de la salle à manger de l’hôtel Lennox, rue Delambre, au milieu des petits déjeuneurs qui faisaient trempette dans leur café. Les hauts-parleurs du plafond diffusaient de la musique de soupe. Comme d’habitude. Il y en a partout de ce crin-crin inutile. Dans les magasins, les restaurants, les gares, les parkings. C’est juste insupportable. La traductrice n’en pouvait plus. J’ai du mal à me concentrer. Nous aussi, c'était difficile. Vous pouvez baisser un peu ? Bah. Envers et contre tout, nous avons achevé notre entretien. Seuls les livres qui forment maintenant sa « trilogie », enroulée autour de l’histoire de son grand-père, combattant républicain espagnol exilé au Mexique, sont traduits en français. Restent d’autres romans, des nouvelles et surtout ses recueils de poèmes : La novia del soldado japonés (La fiancée du soldat japonais) et El corazón es un perro que se tira por la ventana (Le coeur est un chien qui se jette par la fenêtre). Sentado en la bañera/ enjuago las flores muertas que me dejó la noche./ Oigo un tic tac metálico contra mis costillas :/ en donde estaba el corazón/ he puesto un revólver. (Assis dans la baignoire/ je rince les fleurs mortes que m'a laissé la nuit./ J'entends un tic tac métallique à l’aplomb de mes côtes :/ là où était le cœur/ j’ai mis un revolver.) Une pluie glacée tombait sur le boulevard Montparnasse. Je suis allé prendre un café au bar du Select. Le patron était au blanc. Vous ne voulez pas vous y mettre ? Je vous offre le saucisson. Je ne sais pas bien pourquoi j’ai résisté. J’ai appelé Marguerite. Nous avons déjeuné au J’Go. Qu’est-ce qu’il fait froid… Tu prends quoi ? Nous n’avons pas été au bout de nos cassoulets. J’ai demandé à emporter les restes. Et oui, maintenant, j’ose. Valises à l’appartement. Toujours cette navette des livres pour se rendre compte qu’on n’a jamais les bons au bon endroit. Amélie m’a rejoint. Nous avons pris le train du soir. Arrivés fatigués dans la maison fraîche. On fera du feu demain.

Mardi 25 janvier 2011. 23h20.

J’avais rendez-vous avec Capucine. C’est elle qui s’occupe de mon manuscrit chez Stock. A partir des retours du correcteur, elle a fait patiemment avec moi du travail de dentellière. Les choix typographiques, la ponctuation, les répétitions. J’en ai la hantise de ces répétitions. Je les traque sans cesse, au fur et à mesure, mais elles se cachent à la tourne d’une page, d’un chapitre. Insidieuses. J’avais noté quelques petits changements à faire. Des aménagements. Nous sommes restés ensemble une bonne heure. Je suis reparti avec l’impression que mon texte était plus propre. Plus proche aussi. Là-bas, j’ai vu Jean-Marc, et Karine et Solveig et Vanessa. Je suis resté bavarder un peu avec Marie-Pierre du dernier roman de Lucia Puenzo, La malédiction de Jacinta. Je me sens bien dans cette maison. Nous étions invités à dîner chez Antonie et Vincent. J’étais passé chez Chantelivre pour leurs enfants, Louise et Basile. Déception pour Louise… J’avais choisi un titre qu’elle avait déjà : Loulou de Grégoire Solotareff. J’aurais dû me douter qu’on y avait pensé avant moi. Ce n’était pas très malin.

Lundi 24 janvier 2011. 23h00.

Je retrouvais Sabine pour déjeuner à la Marlotte. J’y suis tombé sur Gilles. Il a beau être le propriétaire du restaurant, je l’y ai rarement vu. Enfin, je n’y vais plus si souvent. Au delà de ses talents de cuisinier, Gilles est quelqu’un de charmant. Vraiment. Quoi de neuf ? Comme j’étais un peu en avance, il m’a offert un verre. Il vient de vendre la Bastide, son autre adresse, près du Luxembourg. J’ai de beaux souvenirs là-bas. De beaux souvenirs gourmands. Le millefeuille tiède aux aubergines grillées, l’anchoïade de saumon cru avec une salade de rattes tièdes. Les pieds et paquets à la provençale, les penne rigate à la soubressade et aux olives noires. La terrine de roquefort et de chèvre frais. J’avais fait là-bas le lancement du livre de Victor-Antoine, A la table des moines, que nous avions adapté Amélie et moi. Nous y sommes allés souvent. Tu comprends, j’avais besoin de changer. Cela faisait plus de dix ans. Sabine est arrivée. Nous avons parlé de sa rentrée au Cherche-Midi. De Claire Huynen surtout qui vient de publier son troisième texte, Série grise, la chronique acide d’une maison de retraite. Je connais Claire depuis son premier roman en 1998, Marie et le vin. Elle est liégeoise. Je lui avais demandé des papiers à l’époque pour le supplément belge de Point de Vue. Je lui dois pas mal de découvertes là-bas. Des auteurs, des livres, des bistrots. Nous nous sommes perdus de vue. Encore une fois plutôt, j’ai été oublieux. Je suis rentré relire La fête de l’ours de Jordi Soler. Et aussi Les exilés de la mémoire et La dernière heure du jour. Je le vois cette semaine pour un portrait. Marion et Jérôme sont venus dîner à la maison. Marion s’arrondit doucement. Ils déménagent la semaine prochaine. Je les ai trouvé contents.

dimanche 30 janvier 2011

Dimanche 23 janvier 2011. 23h50.

Courses chez Ikea et chez Leroy-Merlin. Nous sommes revenus la Twingo pleine. Deux fauteuils, dont un pour mon bureau, tout un tas d’accessoires de rangement. Passé l’après-midi à installer le meuble qui devait se glisser sous le lavabo de la salle de bains. Attends, c’est dans l’autre sens. Dévisser, démonter, revisser, remonter. Tu es sûr ? On recommence ? - Ca y est, je crois, ça tient. Les portes un peu bancales. Je règlerai les charnières demain. Je me suis mis tard à l’écriture de mon papier pour Le Monde. Bien calé dans mon tout nouveau siège...

Dimanche 23 janvier 2011. 2h20.

Pas moyen de dormir. J’ai repensé à Agathe. Ses allers et retours à l’hôpital. Ses yeux bleus effrayés pour un rien. Ses pleurs soudains et ses jolis sourires qui reviennent lorsqu’on lui parle doucement. Tout doucement. Qu’elle se sent en confiance. Là, tout va bien... Elle a deux ans, ne dit qu’un mot : Maman. Nous avons tourné les pages de l’imagier. Les animaux, les objets, la maison. Elle reconnaît tout mais n’ouvre pas la bouche. Elle se retient.

Samedi 22 janvier 2011. 23h10.

C’était l’anniversaire de Séverine. Quarante ans. Amélie avait eu Gérald au téléphone, il y a une semaine. Il voulait lui faire une surprise. Je m’étais senti d’un coup très compatissant. Pauvre Séverine. Mon Dieu, les anniversaires-surprise... Il me semble qu’il s’agit là d’une des pires machinations qui soit. J’avais déjà dans le passé, à ma grande honte participé à une ou deux de ces opérations. Car, on a beau dans l’histoire n’être qu’un figurant, on n’en est pas moins coupable. Le principe est d’éloigner de chez lui le malheureux qui en est victime sous un prétexte plausible, le temps d’achever tout un tas de préparatifs et de laisser aux invités (-surprise) le temps d’arriver. Au retour, fatigué, énervé d’avoir été chercher je ne sais quoi d’introuvable à l’autre bout de la ville, il doit faire bonne figure. Quelle merveilleuse surprise et comme je suis ému ! Une petite larme est du meilleur effet. Ah, ne pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’on vous fit à vous même. Aujourd’hui, la cause était entendue. Il s’agissait d’un dîner en « petit » comité. Avec la famille. A savoir : Brigitte et Bruno, les parents de Séverine ; sa grand-mère Alice ; Armelle et Tanguy avec trois de leurs enfants (Mathieu, le grand aîné, Sophie et Alix). Mexico étant au Mexique, nous étions censés « représenter » Virginie et Marcus pour cause d’éloignement. Amélie avait demandé à Séverine de venir dans l’après-midi pour l’aider à faire des ourlets de rideaux. Et emmène Agathe ! Pour être franc, nous avons passé un bon moment. La petite a repris deux fois de la couronne des rois et comme aucun de nous ne savait se servir de la machine à coudre, les ourlets-alibi ont été fixés au thermocollant. Sauf qu’il a fallu partir dans la roue de Séverine (Noëlle nous avait prêté sa voiture pour le week-end) pour arriver à l’heure à Saint-Cloud. Bah. De la soirée, pas grand chose à raconter. J’aime bien tous ces gens. Mais ça aurait sans doute été bien mieux si nous nous étions vus autrement. Surtout avec les enfants. Pas vraiment eu le temps de jouer avec Arnaud et Thomas. Nous nous sommes égarés dans la banlieue à l’aller et au retour. Quelle expédition… Et nous étions comme mal à l’aise de retour à la maison. Tu crois que Séverine était contente ?, m’a demandé Amélie. – Je ne sais pas. A sa place, je ne saurais pas faire semblant.

Vendredi 21 janvier 2011. 23h10.

J’ai été lent, distrait, fatigué. Recommençant toujours les mêmes rangements, butant d’une phrase l’autre dans le papier que je dois écrire sur Fabienne Juhel pour Le Monde. Rien fait. J’ai laissé la la journée s’effondrer. Noëlle venait dîner à la maison. Heureusement. Sans elle, sans les bavardages de la soirée, j’aurais achevé de me perdre dans ma paresseuse torpeur.

vendredi 21 janvier 2011

Jeudi 20 janvier 2011. 22h30.

Revu les livres de Jeux d’Epreuves. Brooklyn de Colm Tóibín, G 229 de Jean-Philippe Blondel, Dans la mer il y a des crocodiles de Fabio Geda. Je présentais Les petits, de Frédérique Clémençon à L'Olivier. Dans le studio avec Joseph, j’ai retrouvé Josyane, Clara, Sabine. Nous nous sommes à peine écharpés sur Brooklyn. J’avais, contrairement à tous, une vision plutôt désepérée de l’histoire. Le voyage de cette jeune Irlandaise vers les Etats-Unis dans les années 1950 et ses allers-retours me semblait raconter vraiment que l’on porte en soi, lourdement, tout ce qui peut vous empêcher d’être et de vivre. Il paraît que c’était tout le contraire. Tant pis pour moi peut-être. N’empêche que c’est un très beau roman. Et que je persiste dans la lecture que j’en ai eue. J’ai parlé du mieux que j’ai pu des nouvelles de Frédérique Clémençon. Il y a bien longtemps que je n’avais pas lu un livre aussi terriblement juste et vrai sur l’enfance. Un livre qui ne tente pas de la faire comprendre ou de la raconter, mais qui nous donne à la ressentir. Et par là-même, à nouveau, de l’éprouver. C’est un père qu’on s’est efforcé d’écarter de ses deux filles et qui les emmène au bord de mer pour un dernier pique-nique. C’est un jeune garçon pris dans une séparation et qui se heurte au chagrin de sa mère. Une fillette dont on veut malgré elle qu’elle devienne parfaite. Ce sont des violences, des humiliations, des affections volées, de la corruption des sentiments. Nous ne sommes que des enfants vieillis. Des petits qui ont grandi bizarrement et qui cherchent à se défendre. Je suis rentré en métro avec Sabine. On habite pas loin l’un de l’autre, mais elle retrouvait son fils et n’avait pas le temps de passer à la maison. J’ai attendu Amélie chez Péret. En lisant. Un moment.

Mercredi 19 janvier 2011. 21h40.

J’ai pris mes rendez-vous de la semaine prochaine. Je suis parti à mon déjeuner avec Anne, à nouveau à La robe et le palais. Amélie s’y trouvait avec Nicolas. Nous sommes restés chacun de notre côté. Et retrouvés pour le café. Tu fais quoi tout de suite, m’a demandé Nicolas. Nous sommes allés prendre un verre rue de l’Arbre-sec. Lui aussi, il y a habité. On s’est tissé, comme ça, d’autres correspondances. Quand je l’ai quitté, je n’avais pas envie de rentrer. Sur le Pont-Neuf, je me suis arrêté à La taverne Henri IV. J’y ai fait du courrier. Amélie m’a rejoint à la nuit tombée. Nous sommes rentrés à la maison à pieds.

Mardi 18 janvier 2011. 23h00.

J’ai fait du courrier au Rostand avant de retrouver Amélie, Marianne et Boubou pour déjeuner à La Robe et le palais. Réglé mes commandes de papiers avec Raphaëlle et Florence. Je devais assister au dîner organisé par Flammarion avec Wesley Stace pour la parution en France de Charles Jessold, meurtrier présumé. Je suis juste resté boire un verre. Bavardé un moment avec Wesley Stace et Olivia. Salué, embrassé et les uns et les autres. Charlotte, Hubert, Jeanne, Patrick, Alexis. Jean-Claude qui vient de perdre son vieux père de quatre-vingt-seize ans... J’ai filé. J’ai rejoint Amélie chez Françoise–Marie et Delphine. Retrouvé là-bas Zoé, Solveig et Nicolas. Delphine prend son avion pour Bombay jeudi. Je voulais lui remettre un peu d’argent pour Anita. Si jamais elle la voit.

Lundi 17 janvier 2011. 22h00.

J’ai repassé plein de coups de téléphone pour mes propositions de rentrée. Mis un peu d’ordre dans mes affaires. Déjeuner avec Alexis au J’Go. L’occasion de serrer la main à Christophe. On ne se voit plus ! Alexis a été très délicatement présent ces temps derniers. Nous avons parlé de ce qui nous intéresse : de livres et d’amis… J’avais rendez-vous avec Nadia aux Deux magots. Elle vient de faire paraître chez Arléa, avec Véronique Brindeau et Valérie Sigward, sous le pseudonyme d’Elena Janvier, Au Japon ceux qui s'aiment ne disent pas je t'aime. Un petit abécédaire de mœurs, d’us et de coutumes, au Pays du soleil levant. Elle a passé beaucoup de temps là-bas. En est revenue sans bien savoir pourquoi et n’aspire qu’à y retourner. Ici, elle s’ennuie à donner des cours de langue et de civilisation française pour les étrangers. Nous nous étions rencontrés au milieu des années 1980 quand elle travaillait pour les éditions Philippe Olivier. On s’était perdus de vue. Elle repart à Kyoto pour quelques semaines. Nous nous sommes promis de nous revoir dès son retour. J’ai eu Laurence au téléphone. Ca va bien. J’étais soucieux. La semaine dernière, elle avait fait lire à son père le manuscrit de son livre qui sort en septembre. Et il l’avait très mal pris. A côté. A l’envers. A l’inverse. La couvrait d’invectives et voulait à toute fin l’empêcher de publier. Tout s’est calmé. Il s’est calmé. Enfin. J’ai été chercher Amélie. Nous étions invités à prendre un verre pour la nouvelle année, à l’étage au-dessus, chez Jacquie et Jean-Pierre qui nous louent l’appartement. J’ai retrouvé dans la bibliothèque La fiction d’Emmedée que Jean-Pierre avait écrit autour de sa rencontre avec Marguerite Duras. Duras qui avait fait la préface son premier texte chez Minuit début 1980. J’ai ouvert au hasard (presque...) et j’ai relu ce paragraphe : A qui parlait-elle en me parlant, Emmedée ? Je me suis souvent posé la question. Et me la suis posé dès le tout début. Je suis convaincu qu’en parlant aux gens on leur attribue un rôle. Ils nous permettent en effet de parler comme on le faisait, ou comme on aurait aimé le faire, avec qui ou qui de son passé et de son histoire ou même de son imagination. Beaucoup plus tard, j’y repenserai avec la conviction qu’elle m’avait parlé, en fait oui, comme si j’avais été plusieurs personnages sûrement. Et progressivement comme à un personnage qui aurait réuni différents personnages de sa fiction globale et personnelle. Personne n’est dupe. Et cela n’ôte rien. Mes livres de Duras sont partis dans mon divorce. Me reste le Quarto. L’homme assis dans le couloir et L’été 80.

Dimanche 16 janvier 2011. 23h10.

Nous avons été payer le loyer du potager chez Mme et M. Lesoudier à Jullouville. Vous prendrez bien l’apéritif ? Bu un verre de Byhrr dans la maison gelée. Huit à dix degrés. Tout le monde gardait son manteau. On ne chauffe jamais. - Jamais ? Vous savez, on ne vient ici que le week-end... Après le déjeuner nous avons rejoint Josette et Jean-Claude chez Georgette. Nous apportions le champagne, eux les petits fours sucrés. Fanny était déjà passée avec ses filles, tôt dans la matinée. Elle avait laissé un bouquet de roses. Comme c’est curieux qu’on ne se retrouve pas ensemble. Georgette s’était un rien pomponnée pour l’occasion. Elle a quitté son canapé pour le fauteuil. Allez, on trinque ! Elle a trempé ses lèvres dans son verre, avalé à peine une bouchée de gâteau. Je suis fatiguée, fatiguée… Nous sommes rentrés à la maison. J’ai rédigé un brouillon d’argumentaire pour La Fausse Porte. Les valises. Le retour à Paris. Et les œufs à la coque de Marie-Thérèse sur un coin de table avant d’aller coucher. Tu es inquiet ? – Un peu.

Samedi 15 janvier 2011. 23h50.

Marché tôt à Granville. Deux beaux homards épattés, une affaire. Nous avons trouvé le cadeau pour l’anniversaire de Georgette demain. Une couverture en laine mohair, très légère, très chaude. J’aurais voulu lui acheter quatre-vingt-dix roses rouges. Mais j’ai compris très vite que ce n’était pas une bonne idée. Ca l’aurait encombrée. Elle n’aurait pas su quoi en faire. Et dans quels vases aurait-elle mis tout cela ? J’ai fini de corriger les copies des étudiants. Amélie a lu, contre le poêle. Nous étions invités chez Charlotte et Eric à Ronthon. Ils venaient juste de recevoir de belles truffes noires du Périgord et avaient concocté un hallucinant menu. Petits canapés aux truffes, oeufs brouillés aux truffes, saint jacques et turbot aux truffes, côte de bœuf, purée de pommes de terre aux truffes, fromages de chèvre frais… avec des truffes. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à un dessert, a dit Eric. Nous étions sept à table. Je crois que je n’ai pas connu de repas où l’on ait aussi peu parlé.

Vendredi 14 janvier 2011. 21h20.

Amélie a fait du feu. La maison avait du mal à se réchauffer. J’ai écrit ma chronique de février pour Next. Je n’y parle que de la nouvelle biographie de Lewis Carroll qui sort chez Arléa. Enfin nouvelle… Karoline Leach a publié In the Shadow of the Dreamchild à Londres il y a dix ans, mais le texte vient juste d’être traduit. Il remet les pendules à l’heure sur la personnalité de l’écrivain, notamment au sujet de cette vision tenace d’un Carroll pédophile, corseté dans l’Angleterre victorienne. J’aimerais rendre compte du livre un peu plus longuement, ailleurs. A Marianne, par exemple. Ca me donnerait l’occasion de reprendre contact avec Hugues Lebailly qui m’avait beaucoup aidé au moment de mon voyage, en 1998, sur les traces de Lewis Carroll, pour le centenaire de sa mort. Nous avons été rendre visite à Georgette qui, décidemment, ne va pas bien. Elle a été toute la semaine à étouffer. Le docteur Turck ne s’est pas déplacé. Il a dit qu’il laisserait une ordonnance à la pharmacie, puis il a oublié… Nous sommes revenus dans la soirée. Josette était là. Elle lui avait apporté des pommes au four. Je n’ai pas faim. J’ai appelé le médecin de Carolles, Mme Chevalier, qui est venue très vite. Elle a donné un traitement pour la soulager. Elle repassera. Je suis rassuré qu’elle puisse être enfin dans de bonnes mains.

Jeudi 13 janvier 2011. 23h30.

J’ai pris un café chez Péret avec Sarah. Ou plutôt deux ou trois. Ou quatre. Nous sommes restés ensemble plus d’une heure et demie. A échanger des inquiétudes mouchetées. L’argent, le boulot, les années à venir. Rien de semblable, bien sûr. Quoique. Elle était au collège avec ma fille. Elle aussi a vingt-six ans. Je fais des tresses compliquées. J’avais rendez-vous pour déjeuner avec Luc et Philippe à Sandalia, un restaurant sarde de la rue Lamartine que m’avait fait découvrir Amélie. J’avais assez peur que le repas tourne à la réunion d’anciens combattants. Je les ai connus tous les deux à Point de de Vue. Si j'excepte Corinne (et Dieu sait qu'il y a de qui l'excepter...) ce sont les seuls dont j’ai encore des nouvelles de loin en loin. Mais nous n’avons pas vraiment évoqué le temps passé, encore moins le « bon vieux temps ». Ouf. Nous avons parlé du présent et de la vie qui change. Des photos de Luc, de ses reportages, de ses fils qui sont grands. Des recherches de Philippe, toujours passionné des énigmes de l’Histoire, des histoires de l’Histoire. Il y a quelques années, il avait fait mener une foule d’analyses ADN pour parvenir à authentifier le cœur de l’enfant mort au Temple (un cœur retrouvé au terme d’un rocambolesque parcours…) comme étant bien celui de Louis XVII. Il avait mis fin ainsi à la légende de l’évasion et renvoyait à une mythomanie folklorique la centaine de « faux dauphins » qui étaient apparus dans le courant du XIXe siècle. Aujourd’hui, il bataille pour la tête d’Henri IV. Ou plutôt pour démontrer que la tête qui a été retrouvée là aussi après bien des pérégrinations, n’est justement pas comme certains l’affirment celle du roi Henri IV. Il lui reste à expertiser un autre cœur attribué à saint Louis, une jambe de Marie de Médicis et un bout de machoire de Dagobert. Avec tous tes morceaux, on pourrait ouvrir un vrai Monarchic park... Joseph m’a appelé dans l’après-midi pour me commander un papier sur Les coulures du temps, un tout petit livre d’Alain Rémond, paru chez Naïve. Je l’ai écrit dans le train…

dimanche 16 janvier 2011

Mercredi 12 janvier 2011. 23h50.

C’était le jour de mon pèlerinage. De ma promesse ou de mon vœu plutôt. Six heures de train pour aller jusqu’à Lourdes. Autant pour le retour. Pendant le trajet, j’ai lu le manuscrit du livre de Laurence. Son texte est comme une longue lettre adressée à son père. Pudique, attentive, envahie d’un infini chagrin, d’une infinie tendresse. Elle y parle du manque, du vide, des silences blessants. Prononce les mots justes et espère. Simplement. Arrivée sous une bruine imperceptible, tenace qui, tout le temps que je suis resté, n’a pas cessé un instant. C’était la première fois que je venais à Lourdes. J’imaginais la ville envahie de fidèles. Je me suis rendu compte que j’avais vraiment voyagé hors saison. Personne dans les rues. Tous commerces fermés, rideaux de fer tirés. Au sanctuaire, la basilique était en travaux. Les barrières métalliques installées en couloir pour aller vers la Grotte. J’aurais dû être déçu, pourtant cela faisait comme une grâce que d’être là, tout seul, ou à peine, ou presque. J’ai allumé mes cierges. Eté boire à la Source. Et j’ai dit mon Rosaire. Au retour à Paris, sur le quai de la gare, Amélie m’attendait.

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