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vendredi 22 juin 2012

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10 juin 2012. 23h00

Ca m’a saisi d’un coup, comme je prenais un café après déjeuner sous la tente de la librairie. La pluie tombait en fin rideau. Elle grésillait sur la bâche blanche. On bavardait avec Fanny qui avait été invitée pour son premier roman Juste avant, paru à la rentrée de l’an dernier chez Flammarion. Il y avait là Kerenn et Antoine. J’ai dû soupirer un peu bruyamment. Quelque chose qui ne va pas ?, m’a demandé Amélie. J’ai haussé les épaules. – Rien, rien. Si on marchait ? Nous avons rejoint la rue de Boigne, puis la rue Saint-Réal. Ce matin, je m’étais dit que j’irais écouter le débat avec Stéphane Audeguy à l’hôtel Corbon. Mais là, je ne me sentais plus l’envie de rien. Enfin, qu’est-ce que tu as ? Nous avons avancé entre les gouttes jusqu’au Manège, croisé Dominique qui venait juste de sortir de sa voiture. Je lui ai à peine laissé le temps d’ouvrir son grand parapluie vert. Tu nous ramènerais à la gare ? Je ne devais pas être bien vieux la dernière fois que j’avais été envahi à ce point par cette angoisse du dimanche après-midi. Une secousse qui surprend en plein bonheur parce que l’on sait que, justement, le bonheur va s’arrêter. Il n’y a plus rien à faire. Les heures qui restent se perdent en écoeurements. Je me sens trop bien à Chambéry. Ca a passé trop vite. Une nuit. Deux fragments de journée. D’un samedi soir à un dimanche pluvieux. A peine le temps de retrouvailles avec Carole. A peine le temps d’échanger quelques mots à une terrasse de café avec les auteurs venus pour leur premier roman. A peine le temps d’entendre les nouvelles et d’en donner un peu. A peine le temps de retrouver le chemin de la maison La Pérouse, de voir sa cour et sa fontaine et de penser à Daniel Rops et à sa Nuit du coeur flambant. Si vite… Je me suis rendu compte que le regret de partir s’était déjà installé à peine j’étais arrivé. C’est que, sans doute, je ne me remets pas de 2004. Des quelques jours du printemps de cette année, où, à Chambéry, j’avais été invité pour La ballade de Lola. Et où, pour moi, tout s’est décillé. Je m’en souviens souvent. En fait, j’ai fui ce dimanche sous le pluie, parce que le temps qui restait ne pouvait pas contenir mon émotion. Je ne suis pas allé aux Charmettes pour la clôture du festival. Je rentre maussade. Je n'ai que des regrets. Posé la valise rue Danville. On va dîner quelque part ?

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Mercredi 28 mars 2012. 23h15.

Le RER et un petit quart d’heure de marche à travers les pavillons de banlieue. Premières fleurs dans les jardinets. Je n’avais jamais mis les pieds à Neuilly-Plaisance. C’est propret et triste. J’animais un débat auteur/ éditeur à la médiathèque avec Jacques Abeille et Frédéric Martin. J’ai rappeIé le début de l’histoire de la réédition des Jardins Statuaires chez Attila, posé la question du Comment s’étaient-ils rencontrés ?. C’est vrai qu’ils se sont trouvés ces deux-là... Il n’y avait pas grand monde, mais les gens étaient attentifs, curieux, vraiment intéressés. Les bibliothécaires ont sorti le vin blanc et les petits canapés. Nous avons bavardé un bon moment tous ensemble. En ce moment chez eux, c’est désherbage. C’est à dire que pour faire de la place, ils se débarrassent des livres qu’ils jugent obsolètes, qui ne sont plus jamais empruntés. J’étais arrivé trop juste pour avoir le temps de fouiller dans les cartons. Abeille avait récupéré plusieurs de ces volumes des années trente-quarante, reliés en toile. Ca t’intéresse ? J’ai jeté un coup d’œil. Dans le lot, il y avait Bénédiction de Claude Silve. Son prix Femina de 1935. Ma mère aimait beaucoup cet auteur pas mal oublié aujourd’hui et dont le vrai nom était Philomène de quelque chose… Surtout un de ses derniers livres, Un jardin vers l’Est. Il faut que je remette la main dessus dans l’infini désordre des bibliothèques à Carolles.

jeudi 21 juin 2012

Mardi 27 mars 2012. 21h00.

Adressé un autre papier au Monde. Florence m’avait commandé quatre mille signes sur trois petits livres de Roberto Bolaño parus chez Bourgois. Il s’agit d’un texte romanesque, le dernier publié avant sa disparition (Un petit roman lumpen), d’un recueil de textes poétiques (Trois) et d’une anthologie, mise en œuvre par lui-même, de ses poèmes de 1980 à 1998 (Les chiens romantiques). La poésie, écrit-il, se glisse dans le rêve/ pareille à un plongeur dans un lac. Ne reste qu’à ouvrir grand ses yeux dans l’eau claire…

lundi 16 avril 2012

Lundi 26 mars 2012. 23h50.

Envoyé le papier à Christine. J’ai été content de l’écrire. Pierre Benoit a été un auteur dont le nom m’a été familier lorsque j’étais enfant. Georgette, ma marraine, empruntait ses romans à la bibliothèque de Roubaix. Elle les avait presque tous lus. Son préféré était, je crois bien, La châtelaine du Liban : l’histoire d’une comtesse veuve possédant une étrange citadelle au milieu du désert. Ma mère était moins enthousiaste. Cela tenait surtout à Fort de France, une intrigue qu’il avait écrite dans les années 1930. Comme elle avait passé plusieurs années en Martinique, elle pointait les approximations et les erreurs. Elle riait beaucoup notamment de ce que les héros se reposent à l’ombre des ananas en fleur. À l’ombre des ananas, tu te rends compte Georgette. C’est comme les artichauts : de petits buissons qu’on cultive en champs ! J’avais quatorze ans quand j’ai découvert L’Atlantide. Et que je suis tombé amoureux d’Antinéa. Le temps passe comme un souffle. Il aura fallu le cinquantième anniversaire de sa disparition, cette biographie de Gérard de Cortanze et la réédition de cinq ou six des ses titres pour que je retrouve ces souvenirs et ses émotions-là. Et j’ai appris beaucoup sur Benoit. Auteur à succès fragile et inquiet. Inquiet et généreux jusqu’à l’absurde. En 1945, on l’accuse « d’intelligence avec l’ennemi », alors qu’il a été exemplaire. Collabo Benoit ? Allons donc… Malgré un dossier d’accusation vide, il reste pourtant plusieurs mois en prison. Résistants de la dernière heure, dénonciateurs de l’épuration. Il y a tant de jaloux, il y a tant de méchants. Il ne se relèvera jamais de cette meurtrissure. J’ai relu L’Atlantide et Koenigsmark. Lu enfin La châtelaine du Liban… En exergue à sa biographie, de Cortanze a mis cette phrase de Pierre Benoit. Tout mon effort n’aura consisté qu’à mettre en valeur les trésors accumulés, à mon insu, durant mon enfance. Quelquefois on se retrouve simplement.

jeudi 12 avril 2012

Samedi 24 mars 2012. 23h50.

Premières moussettes au marché de Granville. Le « crabe de mai » est en avance. En fait, il s’agit de jeunes araignées de mer. La chair est plus tendre que celle des spécimens arrivés à maturité. La saveur est presque sucrée. Un délice. Nous nous sommes arrêtés un moment à L’encre bleue, la librairie de Véronique et Bruno Séron. J’ai acheté quelques Agatha Christie pour… Agathe. La plume empoisonnée, Un cadavre dans la bibliothèque, Meurtre en Mésopotamie. Je lui continue la collection aux éditions du Masque, mais ne me souviens plus bien des titres que je lui déjà offerts. J’aurais dû noter. Agathe, nous ne la verrons qu’à Pâques. Elle commence à me manquer cette gamine, avec sa curiosité perpétuelle et sa manière de s’efforcer de ne rien prendre au sérieux. Déjeuner de sardines grillées au jardin. Les roitelets sautillaient au milieu des branches du sapin. J’ai traîné à table. Encore un verre de rosé de Loire. Un autre café. Pas envie de me mettre au travail. Je dois rendre un papier au Monde sur la biographie de Gérard de Cortanze, Pierre Benoit. Le romancier paradoxal. Relu le livre. Pris des notes. Je m’en suis arraché sans trop de difficultés. Nous étions invités chez Annie et Michel, rue des Fontenelles. Nous avons retrouvé chez eux Nicole et Yves, un couple de psychiatres de Nantes. J’avais été contacté l’année dernière par Nicole pour participer à Cerisy à un colloque sur l’empathie. Comme je n’avais pas pu m’y rendre à cause de ma cheville cassée, nous avons fait vraiment connaissance. Et décliné du coup le thème pendant la soirée.

Vendredi 23 mars 2012. 22h25.

Nous nous sommes levés avec un temps d’été. Bref marché à Sartilly. J’ai passé l’après-midi au potager avec Jean-Pascal. Desherbé, nettoyé. Bêché aussi un nouveau carré. Et si on plantait de ces dahlias géants, genre erebus ou imperialis ? Maintenant que nous partageons cette bande de terrain, tout me paraît possible. Je voudrais des haies pour cacher les voisins, des bordures de buis pour les carrés. Je rêve. L’endroit ne sera jamais à nous. Amélie s’était dévouée pour aller porter la voiture au contrôle technique vers Pontaubault. Nous avions laissé passer la date de plus d’un mois. Grâce à Fabien qui nous a trouvé un rendez-vous in extremis tout est rentré dans l’ordre.

lundi 9 avril 2012

Jeudi 22 mars 2012. 21h50.

Travaillé avec les étudiants sur le traitement de l’information de l’affaire Mohammed Merah. Sur les représentations, l’impact dans la campagne électorale. Je suivais les événements au fur et à mesure sur le site du Monde. Nous avions encore un bon quart d’heure de cours quand le ministre de l’Intérieur a déclaré à la presse Nous ne savons pas s’il est mort ou vivant. J'ai demandé : Comment interprétez-vous cette phrase. ? - A-t-elle selon vous un sens caché ? J’ai rejoint Amélie qui était avec Solveig et Nicolas dans un restaurant vietnamien de la rue Lagrange. Aujourd'hui, Amélie pouvait quitter son travail plus tôt. Nous avons pris le train pour Granville de bonne heure.

Mercredi 21 mars 2012. 22h40.

Virginie nous a fait parvenir de nouvelles photos d’Apolline. Qu’est ce que cette si petite fille a l’air sérieux. Même quand elle sourit, elle semble promèner sur le monde un regard grave. C’est comme si elle avait déjà déjà tout compris. Je sais bien qu’il ne s’agit que d’une attitude des ses premiers mois. Elle changera vite. Mais ça me ravit. Vraiment. J’avais rendez-vous pour déjeuner chez Wadja avec Diane. Je suis arrivé en avance. Fait un peu de courrier, corrigé les travaux des étudiants, en l’attendant. Nous avons passé la soirée avec Claire et Emmanuel rue Marmontel. C’est le dernier jour où ils gardent Gabrielle. Marion et Jérôme rentrent de leur exotique séjour demain.

Mardi 20 mars 2012. 21h00.

Déjeuner avec Anne de Cazanove chez Vagenende. Une éternité que nous ne nous étions pas vus. Elle a quitté le Seuil depuis un moment. Là, elle vient de reprendre du service chez Alma, la maison d’édition qu’ont créée Catherine Argand et Jean-Maurice de Montrémy. Nous avons parlé des parutions à venir. Il y a notamment un texte, très intime, de Geneviève Brisac que j’aimerais bien lire. Cela s’appelle Moi, j’attends de voir passer un pingouin. Je ne me suis pas senti pas très à l’aise chez Vagenende. C’est qu’ils ont tout changé là-bas. Oh, certes, il n’ont pas touché aux boiseries Art nouveau (elles sont classées…), mais la façade a été refaite genre Costes avec du mobilier crème et des stores bleu ciel. Faux plafond et spots électriques à l’intérieur. Rideaux prétentieux du même bleu. C’est laid et inutile. Pauvres gens… Le personnel n’est plus le même et vous assène des Ca vous a plu ? et des Bonne continuation… Décidemment, je vieillis. Je n’aime pas quand ça change et surtout je ne comprends pas pourquoi il faut que ça change de cette façon.

Lundi 19 mars 2012. 22h10.

Ma mère aurait eu quatre-vingt-quatorze ans aujourd’hui. J’ai repensé à ce week-end de Pâques 2006, la dernière fois que je l’ai vue avant son agonie du 29 avril, la même année. Ca avait été une jolie journée. Au départ, vers la fin d’après-midi, sur le seuil, avant que je monte en voiture, elle m’avait serré dans ses bras. Sois heureux. Sois heureux, avait-elle répété. Nous avons rejoint Claire et Emmanuel chez Al Ugarit, le libanais de la rue de la Croix-Nivert. Mezzehs chauds, mezzehs froids et vin rosé. C’est un restaurant où nous ne sommes jamais allés qu’au moment du Salon du livre (la porte de Versailles est à deux pas). Nous en avons fait longtemps notre halte de retour, quand nous rentrions à pied rue Fondary, le soir tard. Tradition rompue l’an dernier à cause de l’accident. Cette fois-ci, nous prenions l’itinéraire dans l’autre sens. Salon bondé. Claire et Emmanuel ont fait leur petit tour des éditeurs avant d’aller chercher Gabrielle chez sa nourrice.

Dimanche 18 mars 2012. 22h00.

Au Salon, j’ai croisé Dany au détour d’une allée. Elle était avec sa fille Lou, dix ans. Une jolie petite brune aux longs cheveux. Dire que je ne l’avais jamais vue, cette gamine. Pas même quand elle était bébé. Pourtant nous en avons tant parlé. J’étais tout ému. Je suis passé sur le stand des éditions Attila. Serré la main à Frédéric Martin. J’anime une rencontre avec lui et Jacques Abeille à la fin du mois à Neuilly-Plaisance. Toujours dans le cadre du festival Hors Limites où m’a « embauché » Sophie. Embrassé Laurence qui signait chez Stock. Traîné. Bavardé avec les uns et les autres. L’après-midi a filé. Marianne est passée sur le stand de Liana Levi chez qui elle traduit un premier roman italien. Bavardages. Nous n’avions pas envie de les interrompre. On a dîner quelque part ? Vous avez une idée ? Histoire de rester en phase avec l’Italie, nous sommes allés jusque chez Pasta et fagioli.

jeudi 5 avril 2012

Samedi 17 mars 2012. 23h20.

Dans les bagages du retour au Mexique de Marcus, nous avions glissé deux petits chèvres, un morceau de mimolette extra-vieille et un saucisson ardéchois de la Cave des papilles. Le saint patron des fraudeurs gastronomes était avec lui : tout cela a franchi la douane sans encombre. Ce matin le message où il donnait des nouvelles commençait ainsi. Réflexion philosophique de Victoria hier soir à l’apéro dinatoire : pourquoi ce saucisson... est-il si bon ? Mais oui, c’est philosophique. Et comment ! Je la trouve d’une incroyable acuité, Victoria. Du haut de ses sept ans, il m’a semblé qu’elle posait vraiment le problème du bonheur de l’instant, de celui de la fragilité des choses. Je lui ai écrit une longue lettre pour tenter de répondre à son interrogation. Claire et Emmanuel feront les facteurs quand ils iront là-bas début avril. J’ai préparé quelques questions pour Céline Minard et je suis parti à la médiathèque de Saint-Ouen. J’intervenais après une longue lecture, par Nathalie Richard, d’Olimpia, son texte imprécatoire de 2010 où elle donne voix à Olimpia Maidalchini, « Pimpaccia », suceuse et impie, comme en parlent ses ennemis, les Protestants, les pamphlétaires, maîtresse du corps et de l’âme de Giovanni Battista Pamphili, son beau-frère, élu pape en 1644 sous le nom d’Innocent X. Une déferlante de mots meurtriers à la première personne. Par toutes ses bouches, bouches et bouches de marbre purulentes, la noierai, l’eau giclera, j’appelle au soulèvement. Je vous appelle, mes gouttes, mes ruisseaux, mes eaux enfouies et jaillissantes, mes larmes, mes sombres torrents, mes tonitruantes. Pas facile d’entamer le débat à la suite. D’autant que Céline Minard n’est pas vraiment ce qu’on appelle « un bon client ». Je m’en étais aperçu lorsque je l’avais rencontrée pour des papiers à la sortie de ses livres. Elle n’aime pas vraiment répondre. Il faut renoncer d’emblée à lui faire dire quoi que ce soit sur elle. Et pour le reste, elle se tient plutôt dans l’économie des mots. Non, vraiment pas facile. Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites. - Là, je n’ai rien à ajouter. Mais mon admiration pour son écriture l’emporte. Les gens, dans le public, avaient l’air contents. J’y ai retrouvé Valentine. Un verre avec les bibliothécaires. Céline Minard a filé. Je suis resté un moment avec Valentine. Nous nous sommes donné des nouvelles. Et ton livre ? On se voit quand ? J’ai pris un taxi pour rejoindre Amélie rue Marmontel. Jambonneau pané, salade de roquette. Nous y dînions avec ses parents.

lundi 26 mars 2012

Vendredi 16 mars 2012. 21h40.

Rendez-vous à l’hôpital Saint-Joseph avec la chirurgienne. Amélie avait trouvé le temps de m’accompagner avant d’aller au Salon du livre. Consultation éclair. Nous avons juste pris date pour enlever « le matériel » : toutes les tiges et les vis qu’on a posées il y aura bientôt un an pour consolider ma cheville. Ce n’est rien du tout, m’a-t-elle dit. Vous entrez à midi, le soir vous êtes sorti ! J’ai du mal à être totalement confiant, mais je n’ai pas vraiment le choix. En attendant le jour de l’opération, il faut prendre date avec l’anesthésiste, faire un bilan sanguin, cardiaque… Je sens déjà monter l’inquiétude. Nous avons pris un café à la sortie. Amélie a sauté dans un taxi, je suis rentré à pied en remontant la rue Raymond-Losserand. J’essayais en marchant de me souvenir du long poème d’Aragon : On a changé le nom des rues/ L’histoire a passé dans son van/ Votre grain songes décevants/ Et voici que dorénavant/ Il n’y a plus de rue de Vanves. Il s’appelle, je crois Quatorzième arrondissement. J’ai passé bien des années ici. J’y suis né (rue Ducouédic). J’ai habité rue Couche, rue d’Alésia, rue Rémy-Dumoncel, rue du Moulin-Vert et maintenant rue Danville. Passé l’après-midi à relire les livres de Céline Minard. J’anime une rencontre avec elle à Saint-Ouen demain soir. Amélie est rentrée tard. Elle était fatiguée. J’avais fait quelques courses. Nous avons dîné vite.

lundi 19 mars 2012

Vendredi 16 mars 2012. 1h10.

Matinée de cours un peu clairsemée. Je peine à rassembler les étudiants. Ils ne sont jamais le même nombre, jamais vraiment les mêmes. Ce n’est ni de leur faute, ni de la mienne, juste la désorganisation administrative qui a emporté ce semestre. J’espère qu’ils retiendront malgré tout quelque chose. Un rien de curiosité, de l’attention à l’écriture… J’ai fini un peu plus tôt. Remonté à pied la rue Monge dans les premières tiédeurs de l'avant-printemps. Soleil et ciel bleu. Je me suis installé dans un café de la rue du Cardinal-Lemoine et j’ai écrit mes lettres aux filles à Mexico. A toutes les quatre. Y compris Apolline qui aura cinq mois en avril. C’est bizarre, non ?, d’envoyer du courrier à un bébé. Mais elle est si petite que j’ai pas d’effort à faire pour me rendre intelligible. Je n'ai pas à chercher les mots qui seraient dans son vocabulaire. Elle comprend tout aujourd’hui, bien évidemment. Je ne sais pas si elle lira ce que je lui raconte, un jour. Ce sera bien lointain. Je lui fais comme un matelas de mots pour les années qui viennent. J’ai retrouvé Amélie avec ses parents à deux pas, rue des Fossés-Saint-Bernard, chez Moissonnier. Déjeuner Lyonnais. Nous étions en appétit. Claire avait envie d’œufs meurette, Amélie de quenelles. Emmanuel d’une andouillette. J’ai pris un tablier de sapeur. Nous avons bu du mâcon frais. Il règne dans ce restaurant, incroyablement paisible, une atmosphère de province qu’on ne peut pas, qu’on ne peut plus, trouver en province justement. Une parenthèse calme, hors des lieux, du temps. Rien que le tintement des verres, le bruit des couverts. Les conversations douces. Tout y est simple, évident. Nous avons laissé Claire et Emmanuel au musée de Cluny et nous sommes allés au Salon du livre. J’ai accompagné Amélie sur son stand. L’inauguration commençait vers les cinq heures. La soirée a été longue d’allers retours, de rencontres dans les allées, de coupes de champagne et d’embrassades. Cohue au cocktail du prix RTL-Lire. Caméras et micros accompagnant la visite du ministre. Ca va, il est passé…. Je suis resté un moment chez Stock, attendu Laurence que je n’ai pas vue finalement. Raté Brigitte chez Lattès. C’est toujours ainsi. On ne trouve jamais ceux qu’on cherche, on brinqueballe d’un hasard à l’autre et on repart. Pas le temps de parler. J’ai croisé Mercedes. Attends-moi, je reviens. Promis de téléphoner à Géraldine, à Colette. Après le Salon…? Glissé des cartes de visite dans mes poches. On se voit bientôt. Oui, bientôt. Au fur et à mesure qu’approchait le moment de rentrer, une angoisse diffuse commençait à prendre le pas sur les conversations. L’an dernier (le 18, en fait…), à la même occasion, comme nous revenions à pied, nous nous étions fait renverser par une voiture, pas très loin de la maison. Ne pas penser à ça. Encore un verre ? Il y avait une file d’attente interminable aux taxis. Vu l’heure, nous n’avions pas vraiment le choix des transports et du trajet. Le tram, marcher le long de l’avenue du Général-Leclerc. On ne va pas traverser au même endroit quand même ?

vendredi 16 mars 2012

Mercredi 14 mars 2012. 23h50.

J’ai corrigé les travaux des étudiants, préparé mes cours : mon questionnaire d’actualité culturelle, un petit journal de campagne électorale, des papiers à titrer. Rédigé ma chronique pour le numéro d’avril de Next. J’y ai ouvert la part belle au dernier recueil de poèmes de Pirotte, Ajoie. Le titre vient du nom de cette région du nord-ouest de la Suisse où il était encore l’an dernier. Histoire de saisons et de temps qui s’effile. C’est d’une beauté rare. Ca se lit à voix haute, pour soi, et pour ceux que l’on aime. et que dire du chant des paroles/ qui me poursuit dans le sommeil trompeur/ et du mouvement des herbes comme/ une étrange mêlée des corps. Je vais lui faire un mot pour le prévenir. Il a à nouveau déménagé. Après Beurnevésin, après la côte belge. Il vit maintenant en Champagne, près de la forêt d’Orient. Une autre retraite, un autre refuge. Poussé plus loin, devant, par les problèmes d’argent, de santé, de vie âpre. J’ai téléphoné à Nicole. Elle était à Dijon, à l’imprimerie, pour vérifier les derniers calages du volume Durocher. Tout va bien, a-t-elle fait d’une voix lasse, avant de se reprendre : Je voulais dire Très bien ! Nous avons fait du beau travail. Elle est épuisée. Physiquement et moralement. A côté de cette édition qui la bouleverse émotionellement, il y a la préparation du Salon du livre, les tables rondes à organiser avec ses auteurs japonais, la marche de la maison avec les courses aux aides et aux subventions. Il faut y croire. Elle y croit. Mais tout est tellement difficile et incertain. J’ai retrouvé Amélie à l’arrêt de bus de la rue Froidevaux. Direction la rue Marmontel. Marion et Jérôme sont partis aujourd’hui pour leurs exotiques vacances, mais nous dînons chez eux avec Claire et Emmanuel, et Marcus, qui, de retour de la foire de Bâle, fait «escale » à Paris avant de reprendre l’avion pour Mexico. Claire avait cuisiné de l’épaule de veau à la crème. Marcus s’était chargé du vin. Château Gloria, un très grand saint julien. Rien à dire. Sinon merci…

Mardi 13 mars 2012. 22h15.

J’ai téléphoné vers midi à Marguerite pour savoir si elle avait le temps de boire un verre. J’étais dans le quartier Saint-Sulpice pour une nouvelle paire de lunettes. Il m’est devenu absolument impossible de lire sans maintenant. Je m’en suis aperçu vraiment l’autre soir, au restaurant. Je les avais oubliées. De près, de loin, rien à faire pour lire la carte. Nous nous sommes retrouvés au J’Go. Christophe n’était pas là. Je crois qu’il m’avait dit qu’il prenait des vacances. Nous sommes restés en terrasse. L’endroit était « privatisé » pour une espèce de réception. Des gens de la mairie de Toulouse venus faire de la promotion touristique à Paris. Tous discutaient bruyamment et avec l’accent. Quel drôle de dépaysement. On s’entendait parler quand même. Deux ballons de blanc de Gascogne, une petite assiette de jambon. Nous nous sommes donnés quelques nouvelles, rapides. La santé ? - Oh… Son dernier livre continue d’avoir du succès. Elle a vendu déjà plus de trente mille exemplaires rien qu’en poche. Je suis content pour elle et, d’une certaine manière aussi, ça me conforte. Il faut simplement persévérer. J’avais rendez-vous pour déjeuner avec Sabine à la Tavola di Gio, boulevard Raspail. Nous avons parlé du roman de Patrick Renou qui raconte la longue histoire d’amour de René Char et de Tina Jolas. Les mots de Renou rejoignent ceux des lettres échangées pendant trente ans entre ces deux amants qui ne vécurent jamais ensemble. Retour à la maison. A pied. En passant le long du square Jacques-Antoine, j’ai levé les yeux vers les marronniers. Partout sur les branches, les bourgeons commencent à tendre leurs écailles.

Lundi 12 mars 2012. 23h10.

J’ai essayé de rattraper un peu mes lectures en retard. Fait du rangement. Rempli la demande de renouvellement de ma carte de presse. Et pas mal soupiré. Je suis confronté chaque fois à ce moment-là à la réalité du montant de mes piges de l’année. Ca ne fait vraiment pas beaucoup… Claire et Emmanuel sont venus dîner à la maison. Ils sont arrivés le week-end dernier à Paris pour garder Gabrielle. Marion et Jérôme partent mercredi pour une semaine de vacances, au loin, sous les tropiques, dans un club (je ne les envie pas…). Nous avons passé une belle soirée. Chaleureuse et calme. Fruits de mer au menu. Depuis Granville nous avions en effet voyagé avec une glacière pleine de homards, d’huitres, de praires. Tout était resté dans un tel état de fraîcheur que les pauvres homards, dans l’évier, s’agitaient encore désespérément.

Dimanche 11 mars 2012. 23h40.

Chez Georgette, les pages du calendrier tournent. Celui que nous lui avons offert pour les étrennes montre des photos des jardins anglais des grandes demeures. Powis castle, Chatstworth ou Highgrove. Ce mois de mars, c’est Arley Hall dans le Cheshire et ses étonnants chênes (Quercus ilex) taillés en topiaires. Les images sont plutôt en avance sur les saisons. Ca me fait rêver, dit-elle. Moi aussi. Sept ans que je ne suis pas retourné en Angleterre. J’irai bien voir comment est Chigwell aujourd’hui, faire un tour à Cambridge, et respirer le printemps à Emmetts Garden. Nous avons retrouvé Jean-Pascal au potager après le déjeuner. Il avait déjà commencé à désherber, à bêcher les planches. Quelle belle terre…, répétait-il. Amélie a nettoyé les artichauts, arraché les fanes de tétragones. J’ai réinstallé le tunnel de forçage. Planté des laitues et des oignons blancs. Semé des petits pois. Nous nous sommes partagés une des dernières récoltes d’hiver. Betteraves, chicorée pain de sucre et toujours poireaux et choux fleurs. Qu’est-ce qu’il faisait beau. Nous ne revenons pas la semaine prochaine : c’est le Salon du livre.

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