Quel drôle d’été. Tout en silence. Un silence de moi seul. Un silence du dedans. Envahissant. Je n’ai rien fait ou si peu. Le livre en est toujours au même point de recommencements et de ratures. Je sais ce qui l’empêche. C’est cette angoisse diffuse qui ne m’a pas quitté depuis ma visite de juin chez le médecin. Sur le coup, la nouvelle ne m’avait pourtant pas vraiment troublé. Au contraire, j’étais presque soulagé d’éviter pour quelques mois, les analyses, les traitements. De repousser le moment. Mais cet entre-deux c’est révélé une brèche où l’incertitude et les idées noires se sont engouffrées. Pas moyen de travailler. A quoi bon ? A quoi bon ? Et puis, je me sens dissonnant quand j’écris. Je n’ai pas le ton juste. J’aurais déjà dû rendre des pages à Jean-Marc. Il faut que je lui explique tout ça. Heureusement qu’il y a Amélie. Elle a porté mon immobilité avec une tendresse infinie. Grâce à elle, ce temps du rien, aussi, a été un temps doux. Il y a eu nos nièces que nous n’avons cessé de retrouver, de Magagnosc à Carolles. Et le baptème d’Apolline surtout, le 28 juillet, à Veyrier. J’ai de grandes raisons de vivre. Et de continuer. Marie est rentrée à Paris hier. Elle a passé deux jours à la maison de retour d’un périple au Spitzberg. Elle m’a rapporté de là-bas, enveloppés dans un mouchoir de papier, quelques minuscules pousses de saule polaire (Salix polaris) et un éclat de saxifrage (peut-être cespitosa…) que j’ai aussitôt installés dans un mélange de sable et de tourbe. Elle a sorti aussi de son sac un bois de renne, ramassé sur la toundra. Je suis content qu’elle ait fait ce voyage dans ce Nord lointain qui m’a toujours fait rêver et où je n’irai probablement jamais.
vendredi 24 août 2012
Mercredi 22 août 2012. 23h30.
Par Xavier Houssin le vendredi 24 août 2012, 23:23
Lundi 2 juillet 2012. 22h00.
Par Xavier Houssin le vendredi 24 août 2012, 23:22
Je suis allé à la cérémonie d’enterrement de Mme Pigeon. Il y avait une trentaine de personnes dans l’église de Carolles. La famille, quelques gens du village. Pas de prêtre. Ca devient l’habitude. Ils ne se déplacent même plus d’ailleurs pour donner les derniers sacrements aux mourants. Le bénévole laïque commis d’office (j’ai oublié son nom, mais je le connais de vue) a fait ce qu’il pouvait, dépêchant un semblant de célébration. Il portait un mince collier de barbe, un sautoir autour du cou. Et quand il disait Mes frères..., pour peu qu’on vagabonde, on aurait pu penser qu’on assistait à une tenue maçonnique. L’émotion a été sauvée par les quelques mots très touchants, sur la joie, de sa fille Caroline. Beau moment de ferveur aussi lorsque ses petites filles, Isabel et Sabine, toutes deux musiciennes, on interprété la sonate de Bach en sol majeur pour violon et orgue.
dimanche 1 juillet 2012
Dimanche 1er juillet 2012. 1h20.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 21:19
Marché à Granville. A part un kilo de cerises et du jambon à l'os, tout était pour Georgette. Il lui fallait son pain brié, son beurre, des fromages, des abricots, des courgettes, des carottes, du pâté de foie… J’ai été lui déposer les courses avec un bouquet de pois de senteur et Le Monde d’hier, celui des livres. Elle l’achète toutes les semaines, sans trop me dire qu’elle y cherche les papiers que j’ai écrits. Il n’y en a plus foison. Le dernier était un portrait de Sylvie Germain paru le 15 juin. Depuis, j’ai fait mes propositions de rentrée (les premières) à Raphaëlle et à Florence. J’ai eu quelques retours de Florence. Pour Raphaëlle, j’attendrai. Elle m’avait demandé si j’avais des idées pour les derniers numéros. J’avais suggéré Yun Sun Limet et son Joseph à La Différence et Xavier Hanotte qui venait de publier La nuit d'Ors au Castor astral, avec la réédition de Et chaque lent crépuscule... de Wilfred Owen. Je n’ai pas eu de nouvelles et elle est en vacances. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Il y a des moments où je trouve cette situation de pigiste un peu plus inconfortable qu’à d’autres. Je n'ai rien à reprocher à personne. Je sais bien que cela tient uniquement à mes angoisses. Mais n’empêche… J’ai envoyé à Hervé une courte introduction sur Milena Agus pour le dossier de littérature étrangère que je dirige au Magazine littéraire. Remis le nez dans les photos de mon père. Pas de noms, pas de dates. Je vais me lancer dans l’écriture de mon livre sans rien savoir du tout. J’ai fait un mot à Noëlle pour lui demander, une fois de plus, de me rendre les journaux de guerre, les archives personnelles que Jean m’avait réclamés à la mort de ma mère. Pourquoi ne veut-elle pas me les donner ? Jean-Pascal a téléphoné. Il venait d’arriver à Carolles. Sans Martine, ni Agathe. Martine est débordée de travail. Agathe reçoit une copine. Nous nous sommes retrouvés au potager. Les toutes premières tomates commencent à se former. Les haricots ont poussé. Nous avons ramassé des salades (feuilles de chêne verte et rouge, roquette, pourpier…) pour le dîner. J’étais invité à Coquelonde. J’ai apporté une grosse botte de fleurs de jardin pour Simone. Jean-Pascal avait acheté une épaule d’agneau roulée chez Bellery, son maître boucher de Caen. Il l’a fait cuire dans la cheminée. J’avais envie d’une soirée tranquille comme celle-là. Il a débouché du château chasse-spleen. Ca ne pouvait pas mieux tomber.
Vendredi 29 juin 2012. 20h50.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 19:11
Mme Pigeon est morte hier. C’est Mme Bassard qui m’a appris la nouvelle. Mme Pigeon était une très vieille dame, quatre-vingt-quinze ou quatre-vingt-seize ans. Elle avait été longtemps la voisine de ma mère, la petite villa juste à droite de la maison. Elle habitait à la Croix-Paquerey. On l’enterre lundi. J’avais croisé plusieurs fois sa fille Caroline qui vit en Allemagne. Nous avions bavardé. Promis de nous revoir. Elle est à Carolles en ce moment. J’aurais peut-être dû téléphoner, mais j’ai peur de déranger. Je la verrai à l’église.
Jeudi 28 juin 2012. 23h20.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 19:10
Thierry Giffard est venu rattraper les éclats de vernis du plan de travail de la cuisine, poncer la table de la salle à manger et fixer, sur le mur de la terrasse, la sculpture en bois que j’avais ramassée rue Daguerre dans le débarras d’un atelier d’artiste. Petits et grands travaux : la maison lui doit beaucoup. J’ai eté couper les fleurs fanées. S’il n’avait pas tant plu ce printemps, le jardin aurait été magnifique. Les roses surtout. Les Amelia, Miss Alice, Gertrude Jekyll, Glamis castle, Shropshire lad, plantés à l’hiver 2010 ont vraiment beaucoup donné. Le Queen of Sweden et le Brother Cadfael offerts par Virginie l’an dernier pour mon anniversaire ont ouvert leurs premiers boutons. Même le chétif rosier que j’avais sauvé d’une poubelle de fleuriste de la rue de la Croix-Nivert avant notre déménagement pour le XIVe s’est enhardi à éclore. Tous ont fleuri. Etoile de Hollande, Caura, Munstead wood, Tess of the d’Uberville, Centenaire de Lourdes, Veilchenblau, Pierre de Ronsard, Generous gardener, Albéric Barbier, Adélaïde d’Orléans, Cecile Brunner, et aussi les quelques autres dont je ne sais plus bien les noms. Mais à chaque averse, la pluie et le vent balayaient les pétales. Le seul avoir tenu bon est le Sander's white qui court en petits bouquets le long du portique. Il est splendide. Eclatant. J’ai envoyé à Nicole la fin des corrections du deuxième tome des Œuvres complètes de Bruno Durocher. Le volume poésie a eu son premier écho en presse. Amaury a fait un court, mais beau papier dans Le Monde. Pour le reste, rien n'est gagné. J’ai laissé des messages à Libération, harcelé Sabine à La Croix. J'ai peur de ne pas obtenir grand chose. Il me reste l'espoir que Jérôme Garcin fasse quelque chose dans Le Nouvel Observateur. A la fin des années soixante-dix, du temps qu’il était aux Nouvelles littéraires, il avait écrit : Bruno Durocher possède plus d’une raison pour combattre, à coups de phrases cinglantes et nues, le silence et la nuit. Son travail d’éditeur mériterait l’attention du grand public. Un jour peut-être…
Mercredi 27 juin 2012. 20h50.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 19:09
Marché de célibataire à Saint-Nicolas. J’ai pris un bouquet de roses de jardin pour Georgette. Je devrais lui apporter celles de ses rosiers de l’Humelière qui sont au potager, mais je n’y suis pas encore passé. J’ai fini de mettre le vin en bouteilles. Comme le temps est incertain, j’ai dû tout faire à l’intérieur. Ca n’a pas été une mince affaire. Les bouteilles trempaient dans la baignoire, égouttaient dans le koetsch sur le hérisson que m’avait prêté Norbert. Je remplissais et je bouchais dans la salle à manger. Pas de dégâts. J’ai étiquetté, rangé dans les casiers de la resserre. Il peut venir du monde cet été.
Mardi 26 juin 2012. 21h10.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 19:08
Le frigo était vide ou presque. J’ai déjeuné à l’auberge. Elle est installée dans l’ancien presbytère. Ca pourrait être très joli ici. Mais quand la municipalité a entrepris les travaux de transformation, tout a été fait, comme d’habitude, avec une absence totale de goût. On a recouvert les pierres apparentes à l’intérieur avec des plaques de plâtre, flanqué du papier peint lessivable aux murs, posé des fenêtres en pvc. Tout a été abîmé jusqu’au mondre détail. N’empêche, la bâtisse résiste. Elle a réussi à garder du charme malgré tout. Et puis l’accueil est charmant. Les « patrons » sont vraiment gentils. Alors… C’est juste dommage. A la fin du repas, j’ai mendié des bouteilles vides. Je suis loin d’avoir mon compte et il faut que je tire mon vin. J’ai acheté du cabernet franc, du chenin blanc, du rosé de Loire. Il y en a plus de soixante litres.
Lundi 25 juin 2012. 22h00.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 19:07
Trié des papiers, des photos. Fait des piles. Le vin en vrac que j’avais commandé à La Croix-en-Touraine est arrivé en fin de semaine dernière. C’est Mme Bassard qui s’est chargé de le réceptionner. J’avais laissé son numéro de téléphone, au cas où, au transporteur. Comme le type ne voulait pas engager son camion dans le chemin, c’est elle qui est allé chercher les cubitainers avec sa brouette. A quatre-vingt-cinq ans… Mais il m’a aidée, il m’a aidée, répète-t-elle. Je suis horriblement gêné, et ça l’amuse. Elle rit. Pensez, ce n’est rien.
Lundi 25 juin 2012. 9h50.
Par Xavier Houssin le dimanche 1 juillet 2012, 19:06
J’ai accompagné Amélie jusqu’à l’arrêt de bus. Rentré boucler ma valise. Je pars seul à Carolles une semaine. Débroussailler ce livre qu’il faut que je commence maintenant.
vendredi 29 juin 2012
Dimanche 24 juin 2012. 23h10.
Par Xavier Houssin le vendredi 29 juin 2012, 20:45
Nous avons déjeuné chez Jérôme et Marion, rue Marmontel. J’avais trouvé, aux Cousins d’Alice, pour Gabrielle, un tout petit lapin noir en peluche, aux longues oreilles tombantes, très doux. Elle s’en est emparée à peine sorti du paquet. Elle a déjà changé depuis que nous l’avons gardée à Carolles au début du mois. Elle baragouine sans arrêt. Se lève, se tient aux meubles. Retombe. Se relève. Impatiente. Dans je ne sais quel recoin d'elle, quelque chose se libère, s’agite, mais ne parvient pas à aller au bout. Elle veut marcher, elle veut parler. Ca viendra vite, tu sais… Jérôme avait fait du colin au four, des pommes de terre nouvelles. Nous avons bu du coteaux-du-giennois. Dehors, il pleuvait. Nous sommes partis tard, à l’éclaircie. Et si nous allions jusqu'au marché aux livres ? C'est à deux pas... A peine arrivés sous les halles, la pluie a repris. Acheté des Bibliothèque verte et rose des années soixante pour Camille et Victoria, de vieux Agatha Christie aux éditions du Masque pour Agathe. Croisé Gérard juste avant de filer entre les gouttes. Il m’avait envoyé un message fin mai, alors cela faisait des années qu’on ne s’était pas vus. Nous avions dîné chez lui. J’espère vraiment que l’on va se revoir. Nous étions si proches autrefois.
Samedi 23 juin 2012. 21h20.
Par Xavier Houssin le vendredi 29 juin 2012, 20:40
Jusque tard, hier soir, j’ai eu eu une discussion « botanique » avec Chochana. En fait nous cherchions à identifier l’arbre ornemental qui trône au centre de l'esplanade du « Vieux château » (Noter que de château, il n’y en a pas. Il existait bien autrefois une forteresse, mais Louis XIII l’a fait détruire). L’arbre en question avait une dizaine de mètres, des feuilles pennées toutes dentelées et des bouquets de panicules jaunes. Nous avions égrené quelques noms, mahonia, cytise…, tout en sachant que nous faisions fausse route. Jean-Pascal m’a donné la solution au téléphone ce matin. Il s’agit d’un savonnier (Koelreuteria paniculata), un sapindaceae originaire de Corée, introduit chez nous à la fin du XVIIIe et assez courant dans les parcs et jardins. A chaque fois que j’enrichis ma petite taxinomie, le monde me semble m’appartenir un peu plus. Précieux Jean-Pascal… Amélie m’attendait gare de Lyon, à l’arrivée du train. Déjeuner rue Saint-Gilles au soleil. Nous avons fait des courses. J’ai traîné ma valise d’un magasin à l’autre. En fin d’après-midi, nous étions fourbus. Contents. On rentre vite maintenant…
mercredi 27 juin 2012
Vendredi 22 juin 2012. 23h30.
Par Xavier Houssin le mercredi 27 juin 2012, 23:17
Réveil trop tôt. Déjà ? On se séparait à peine retrouvés. Amélie restait à Paris pour la présentation aux libraires de la rentrée Liana Levi. J’avais une rencontre organisée à Pèzenas par un groupe de lecteurs. C’est Pascal qui me l’avait proposée la semaine dernière. Voyage somnolent. Un souvenir lointain m’attendait à l’arrivée à Sète. Tellement enfoui. J’avais seize ans ou peut-être dix-sept. J’étais descendu dans le Sud en auto-stop. Ma mère me croyait parti avec mon copain Pierre. J’étais tout seul en fait. Je me suis revu un même jour de soleil assis à la terrasse du buffet de gare. Je m’étais commandé un verre de vin rosé, des moules à la sétoise. Et c’était bien, et c’était bon, et j’étais libre. Voilà que je m'y trouvais de nouveau, et tant de temps après. On a construit maintenant une espèce de rond point qui barre la perspective. Mais on voit toujours la mer et les mâts des bateaux amarrés au quai du Maréchal-Joffre. Elisabeth m’attendait. Elle est la présidente de l’association « Aux livres citoyens ! », ancienne libraire, exploitante agricole (de la vigne, du melon, des céréales aussi si j’ai bien compris…) et bénévole acharnée. Nous avons fait connaissance le temps de dérouler la petite quarantaine de kilomètres jusqu’à Pèzenas. Il faisait un ciel bleu Majorelle sur l’étang de Thau. J’avais l’impression d’être en vacances. Déjeuner en terrasse et petit tour dans la vieille ville. Nous avons retrouvé les deux autres auteurs attendus pour la journée, Chochana Boukhobza dont j’avais brièvement chroniqué cet hiver le roman Fureur et Guillaume Lebrun, qui venait de publier chez Joca seria Prototype 876437 1-A, une autofiction de la fécondation in vitro douloureuse et périlleuse… Fabrice, le libraire du Haut-quartier, nous avait installés devant sa boutique, rue des orfèvres, juste à côté de l’imposante collégiale Saint-Jean. L’après-midi a passé un peu lente. Beaucoup de bonjours et quelques signatures. En début de soirée nous avons rejoint Pascal pour un débat à l'esplanade du « Vieux château » sous un grand mirabellier. Quelques signatures encore. Il faisait doux. Les gens étaient gentils. Nous avons bu un, deux, trois verres. Davantage. Dîné sur des bancs, à de longues tables et bavardé longtemps. Nous devions assister à une représentation de théâtre, nous avons laissé passer l’heure. Nuit d’été.
samedi 23 juin 2012
Jeudi 21 juin 2012. 23h50.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juin 2012, 13:10
J’ai été dire au revoir à René, à Georgette. Ils vont déjeuner à Marcey, ce midi chez Josette et Jean-Claude. Je reverrai peut-être mon vieux parrain cet automne. Il a dans l’idée d’aller à Beauvais pour la Toussaint sur la tombe de ma tante Andrée. Tu m’accompagnerais ? Je suis rentré à la maison. J’ai fait mon bagage de retour. Fermé les volets. Je n’aurai pas travaillé de tous ces deux jours. A Paris, j’ai fait le trajet à pied jusqu’à la rue Danville. Le bus ne circulait pas à cause de la fête de la musique. Comme à chaque fois, ils installent un gigantesque podium place Denfert-Rochereau. Mieux vaut s’enfuir. J’ai embrassé Amélie. J’avais l’impression d’une tellement longue absence. Nous étions invités à dîner chez Laurence, avenue Gambetta. Elle voulait nous présenter Frédéric avec qui elle se commence une histoire. Il y avait là Anne et Patrice. Laurence était très jolie, très émue. Toute rose. J’ai pensé à la pudeur d’Aimée de Spens, dans le dernier chapitre du Chevalier des Touches.
Mercredi 20 juin 2012. 22h00.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juin 2012, 13:09
Je leur avais préparé des charcuteries et des fromages. Pâté de lapin, rillettes de porc et de canard, andouille de Vire. Camembert et pont-l’évêque. Pain brié. Bourgueil rosé. Une poignée de fraises. C’est étrange d’avoir ensemble à sa table, son parrain, sa marraine. Nous avons parlé de la famille, des disparus, du temps qui passe. Le soleil baissant faisait une lumière douce aux carreaux de la pièce. J’ai regardé au mur le Sacré-Cœur en plâtre de la rue d’Avelghem, la statue au pied de laquelle ils priaient quand ils étaient petits. Je sais, c’est bête, mais j’ai cru un instant que le Christ souriait.
Mercredi 20 juin 2012. 18h40.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juin 2012, 13:03
Marché à Saint-Nicolas. Juste quelques courses (Je repars demain…). Il n’y avait pas grand monde. Le vent apportait une inquiétante grisaille. J’ai été dire bonjour à Eric. Son bateau acheté au début du printemps est enfin à quai à Granville. On fête ça samedi. Tu va manquer quelque chose… J’ai redressé les rosiers couchés par les pluies des semaines précédentes. Coupé les fleurs fanées. Arrosé les lupins et les digitales. René a téléphoné sur le coup des deux heures. Je suis chez Georgette. Je l’ai accompagné à l’auberge où il avait réservé sa chambre. On va à ta maison ? Nous avons passé ensemble une drôle d’après-midi de peu de mots et de discrets souvenirs. Il a quatre-vingt-cinq ans, et toujours sa bouille de jeune homme étonné. Il a regardé un peu interloqué les animaux empaillés, les boîtes d’insectes du couloir. Qu’est-ce que c’est que tout ça ? Fait le tour du jardin. Visite au cimetière. La dernière fois que j’étais venu, j’avais planté des némesias pourpres au pied de la tombe. Il a cligné des yeux. Je pense à ta mère tous les jours. Des quinze enfants de Joseph, il ne sont plus que trois aujourd’hui. Le ciel avait viré au bleu. A peine quelques nuages. Je l’ai emmené voir le mont Saint-Michel vers Champeaux. Nous avons pris les petites routes le long de la baie. Tu as bien promené ?, lui a demandé Georgette.
vendredi 22 juin 2012
Mardi 19 juin 2012. 21h00.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 juin 2012, 23:39
Pris le train à 11h00. Je voulais rester encore un peu avec Amélie. Le temps d’un café, puis d’un autre. Je dois pourtant quitter Paris. Echapper aux rendez-vous de rentrée si je veux travailler. Je commence l’écriture de mon livre. Plutôt, je recommence. Je le reprends à zéro. Tout ce que j’avais cru rassembler s’est éparpillé. Déjeuné en vitesse à Granville en fin de service à la Brasserie de la gare. Le patron m’a flanqué face à l’écran TV où passait une émission médicale. Ouvert la maison, rangé les affaires. Passé voir Georgette. Ca va. Elle toussotte. Peste doucement contre le temps changeant. Et puis est impatiente. René, son frère (mon oncle et parrain) sera ici demain. Il a quitté Uzès en fin de semaine dernière pour faire son tour de famille et d’amis. Carolles après Lille, Roubaix, Amiens.
Lundi 18 juin 2012. 22h40.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 juin 2012, 11:14
Déjeuner Aux tonneaux des Halles avec le jury du prix populiste. Retrouvé Philippe Haumont, Michèle Lesbre, Natacha Boussaa, Joseph Da Costa, Nicky Fasquelle. Et aussi, cette fois-ci, Valentine Goby et Michel Quint. A l’ordre du jour, une fois de plus, le changement d’intitulé. Plus grand monde en effet aujourd’hui n’associe le populisme à l’école littéraire « néo-naturaliste » de Léon Lemonnier. Le prix devrait donc à l’avenir porter le nom d'Eugène Dabit, premier lauréat en 1931 pour Hôtel du Nord. Ca me plaît bien : avec Dabit, je me sens en pays de connaissance… Mais, mais, mais, ce n’est pas si simple. Nous sommes loin d’être au bout des discussions. Ce n’est qu’au bout de longues tergiversations que nous avons pu enfin aborder les premiers titres retenus pour la sélection. J’ai parlé d’Anaïs ou les gravières de Lionel-Edouard Martin. Il y a encore le temps, la remise n’est prévue qu’en décembre… Je voyais Sabine pour sa rentrée littéraire au Cherche-Midi. On s’était donné rendez-vous au bar du Lutétia. Du temps de mes années fastes, j’avais là mes habitudes. Je n’y passe plus guère aujourd’hui mais les employés me saluent toujours avec beaucoup de gentillesse. Gilles le chef barman vient me serrer la main. Vous allez bien ? J’ai mes rites. C’est un des derniers endroits où je bois du whisky. Je commande un Lagavulin avec un verre d’eau fraîche. Première gorgée à la mémoire de Didier. Et à notre amitié silencieuse. Une semaine ou deux avant qu’il n’entre à l’hôpital, nous étions venus prendre un verre. Il savait ce qui l’attendait. A la tienne ! Et il avait ajouté, regardant autour de lui : Quel bel endroit... Didier est mort en 2005. Je suis certain que le Bon Dieu lui a réservé un fauteuil de cuir confortable dans la clarté tamisée d’un paradis qui ressemble au bar de l’hôtel Lutétia. Le dernier roman de François Bott dont m’a parlé Sabine s’appelle justement Avez-vous l’adresse du paradis ? Une histoire tressée autour de la phrase d’Eluard, Le hasard n’existe pas, il n’y a que des rendez-vous. Bott a été à la tête du Monde des livres jusqu’en 1991, bien avant que je n’y place mes premières piges. Tous ses livres sont parfaits de retenue et d’élégance sensible. Je vais toucher un mot d’Avez-vous l’adresse du paradis ? à Raphaëlle. Je ne sais pas ce qu’elle pensera de la proposition. Je lui ai déjà envoyé une première liste de « souhaits » pour la rentrée et j’attends des réponses de sa part sur des livres du mois mai. Filé au Fouquet’s pour la remise du prix Pagnol. Nous avions été unanimes au jury, cette année, pour l’attribuer à Jean-Noël Pancrazi. La montagne, son court récit, sorti en mars chez Gallimard raconte tragiquement comment, au long d’une vie, l’enfance ne vous quitte jamais. Amélie m’a rejoint au moment des discours. Jean-Noël a été très émouvant, sa voix juste au-dessus du brouhaha un peu grossier des gens poursuivant leur caquetage. Champagne. Nous avons trinqué. Avec Marie, avec Marie-Christine, avec Jean-Claude. Trois mots avec José Artur (Nous avions fait connaissance il y a trois ans dans un salon à Vendôme). On y va ? – On y va. Les Champs-Elysées débordaient de gros touristes américains, de familles saoudiennes en shopping avec enfants geignards et femmes voilées, de gamins de banlieue à casquette. Vite fiche le camp d’ici. Nous avons attrapé le bus avenue Franklin-Roosevelt. Si on s’arrêtait rue Pierre-Leroux chez Guiseppe ? J’ai envie de pâtes a la puttanesca.
Lundi 18 juin 2012. 11h00.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 juin 2012, 00:30
J’ai finalement posté ma lettre aux collégiens d’Orgerus. Ca faisait deux semaines que je trimballais l’enveloppe dans mes affaires. Trois mots pour leur dire merci, pour leur dire au revoir. On s’était vus en février, en mai. J’étais retourné une dernière fois tout début juin pour assister à « la restitution collective de leurs travaux ». Comprendre : au spectacle de fin d’année et aux lectures organisées avec les élèves des autres établissements des Yvelines qui, eux aussi, avaient reçu un écrivain. J’étais le seul d'ailleurs à m’être déplacé. J’ai trouvé cela un peu désinvolte de la part de mes… « confrères ». Comment en effet ne pas se sentir un peu redevable ? C’est la troisième fois que j’accompagnais ainsi une classe. J’étais resté deux ans, en 2010 et 2011, auprès des élèves de David, au collège Eugène Varlin du Havre. Des gamins chez qui l’invention était écrasée par le quotidien. Chez eux, la vie précaire, les angoisses affectives, faisaient barrage à l’imaginaire. Ils parlaient d’expérience. Et ils avaient à dire… A Orgerus, pas d’inquiétude sociale : ceux-là pouvaient encore être des enfants. N’empêche, ils m’ont embarqués dans de drôles d’histoires. Dans des récits extravagants, cyniques, des aventures sans commencement ni fin. Des tableaux étranges. Dans le hameau de Richard-de-bas, une femme marche. Elle revient du moulin de papier, où elle travaille. La nuit est déjà tombée. La lune n'est pas là pour l'éclairer : le ciel est encombré. Les creux du chemins sont rendus invisibles par la neige qui s'accumule depuis quelques semaines. Plusieurs fois, la femme trébuche. Elle traverse une rue, bifurque à droite, puis à gauche, sortant ainsi du hameau. Elle atteint un petit chemin. Sa maison est au bout. Anaïs m’en avait rempli comme ça des pages et des pages. Affaire d’attente lente. Elle a treize, quatorze ans. Le cuisinier de la cantine avait fait des petits fours. J’avais trinqué au mousseux avec Sonia, la prof de français. Serré la main du proviseur. Non, c’est moi qui vous remercie de votre accueil. J’étais rentré à pied jusqu’à la gare. Vingt minutes de marche, la route traversant les champs et puis le vieux village. Où voudra-t-on m’envoyer l’an prochain ? Jérôme a appelé pour remercier. Nous avons gardé Gabrielle à Carolles en fin de semaine dernière, pendant qu’il emmenait Marion à Rome pour son anniversaire. La petite (treize mois…) fait juste ses premiers pas, s’accrochant fort aux mains. Dans quelques semaines, elle se lache. En attendant elle babille, soliloque, se soûle de syllabes jusqu’à l’épuisement, boulotte des fraises et des biscuits secs. Se frotte les yeux. Elle est encore fatiguée ? - Bon, on la recouche. Nous l’avons emmenée à la plage. Baladée tout partout. Grand succès au marché de Granville. Elle vous ressemble. - Non, elle n’est pas à nous. Non, non…
Dimanche 17 juin 2012. 23h40.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 juin 2012, 00:29
Plus de deux mois, à nouveau, sans que j’ai écrit, ou presque, une ligne de ce journal. Ca ne s’arrange pas. Je m’étais encore caché dans les replis d’une paresse protectrice et épaisse. Pas envie, plus envie, de dérouler les dates, les rencontres, les anecdotes. Plus du tout envie tellement j’avais l’impression déjà de maquiller mon incertitude et mes angoisses journée après journée, n’arrivant à me raisonner qu’en façade. J’ai fait comme j’ai pu pour me sauver les apparences. Et puis, je suis retourné voir le chirurgien fin mai. Il m’a fallu un moment pour comprendre que je n’étais pas guéri. Mais la mauvaise nouvelle étrangement m’a donné un répit. Je pensais m’embarquer très vite dans des traitements longs et désagréables. Ce sera dans six mois, dans un an… En attendant, l’été est sauf. Je vais pouvoir écrire mon livre.
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