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dimanche 11 mars 2012

Samedi 10 mars 2012. 23h50.

Nous avons déposé les courses chez Georgette, rangé notre marché avant de partir à Rennes. C’était en effet le dernier jour de l’exposition Images d’Alice au pays des merveilles à la bibliothèque des Champs libres. J’avais déjà laissé passer la date pour celle de la Tate Liverpool, pour celle aussi du Musée de la carte à jouer. Je n’avais pas envie de rater celle-la. Notre balade n’a pas commencé très bien. Route monotone, mauvais déjeuner dans une brasserie proche de la gare. Et surtout découverte des Champs libres… Ce bâtiment culturel aux allures de mastodonte est « l’œuvre » de Christian et Elisabeth de Portzamparc. Il est installé dans un quartier récent qui ressemble à bien des quartiers récents de nos villes. Immeubles en cubes posés autour d’une sinistre esplanade balayée par les vents. Bah. Il paraît que l’on dit aux Beaux Arts, sale comme un peintre et con comme un architecte... Mais l’exposition, destinée d’abord au jeune public, était plutôt réussie. On pouvait y voir des images des premières adaptations cinématographiques d’Alice (1903 et 1915), des dessins originaux de Mervyn Peake pour Through the looking-glass. Et une foule de planches d’Helen Oxenbury, Nicole Claveloux, Ralph Steadman… J’étais ravi. Tenté un tour dans le vieux Rennes. Nous avons fait rapidement demi-tour devant la foule des samedis après-midis qui envahissait les rues. On rentre ? Nous étions de retour à la maison en début de soirée. Jean-Pascal est venu dîner. Tout seul. Martine et Agathe sont malades. Toujours cette drôle de grippe.

Vendredi 9 mars 2012. 21h00.

Amélie traîne une espèce de grippe qui ne passe pas. Un mieux, une rechute. Elle a dormi pendant tout le trajet en train. Je vais aller chez le médecin cet après-midi, a-t-elle promis. Nous sommes allés marcher sur la falaise après le déjeuner. Les ajoncs commencent à fleurir, les prunelliers sont piquetés de minuscules pétales blancs. Retour par le potager. On s’est embrassés au milieu des derniers légumes d’hiver. Ramassé un chou-fleur, quelques poireaux. Je respire bien mieux ici, tu sais. Mme Chevalier lui a quand même rédigé une ordonnance « sérieuse ». Nous avons été chercher la liste de courses de Georgette pour le marché de Granville. Ses jonquilles ont éclos dans ses jardinières. Les nôtres aussi. Avec les ficaires, cela fait comme une flaque jaune qui s’étend au pied du frêne. Dans la plate-bande, les narcisses s’ouvrent aussi.

Jeudi 8 mars 2012. 23h20.

Mes étudiants ont à peu près arrêté leurs sujets de reportage. On y trouve de tout. Des colocs à Belleville, une association de sauvegarde des chats à Montreuil, le championnat mondial du bateaux à moteur pop-pop à Loguivy-de-la-Mer ou le concours de flan au thym dans le Bourbonnais, des balades au cimetière Montparnasse, le portrait d’un jeune militant de l’UMP… Rendu début avril. J’ai vraiment hâte de lire leurs papiers. Nicole avait reçu les épreuves de l’imprimeur. J’ai déjeuné chez Caractères avec la petite équipe. Travaillé aux relectures avec Ghislaine, revenue pour l’occasion. Pas de gros soucis : quelques coquilles, deux pages placées à l’envers. Suffisament quand même pour inquiéter Nicole. Vous allez tout revérifier, n’est-ce pas ? J’ai fini assez tard. Retrouvé Amélie chez Pasta e fagioli. Jeudi, c’est justement là-bas le jour de pasta e fagioli, cette soupe où ont cuit ensemble dans un bouillon de tomate, de céleri et d’ail des ditali rigati, petites pâtes courtes, et des haricots blancs.

Mercredi 7 mars 2012. 22h15.

J’ai fini de préparer mes cours. Un peu de courrier. Commencé des lettres aux petites à Mexico. Je suis loin des une ou deux par jour de mon rythme d’été. Je pourrais quand même en envoyer une tous les quinze jours. Je devrais même. C’est qu’elles poussent vite. Ou plutôt que le temps s’engouffre dans leurs jupettes de gamines et les pousse devant, devant, devant.

vendredi 9 mars 2012

Mardi 6 mars 2012. 21h00

Ma journée d’hier ne passe pas. J’en ai traîné la gueule de bois toute la journée. Commencé une foule de choses que j’ai abandonnée tout de suite. Rien ne vient. J’ai épluché les dossiers que m’a laissés Noëlle. C’est une successions de copies de courriers administratifs adressés de Nouméa par mon père au commandement général. Je suis parvenu juste à en extirper quelques dates. Pas assez pour tracer une chronologie. Les quelques photos de défilés militaires et de prises d’armes sont en vrac dans un album vide où ne subsistent que les légendes de moments intimes, de scènes de famille. Où sont passés ces clichés ? Repris les journaux pour préparer la semaine d’actualité des cours de jeudi à Censier. Sur le site de L’Express, un papier non signé dénonce « La fausse exclu du Magazine littéraire de Macé Scaron ». Ca tourne à l’acharnement. Dans son numéro du Salon du livre, Le magazine a publié une interview de Haruki Murakami réalisée par Emma Brockes, une journaliste anglaise. Interview achetée au Guardian et exclusive en France. Clairement signée. Où est le souci ? Quelle aigreur, quelle mauvaise foi, quelle lâcheté, quelle méchanceté… J’ai remonté dans les publications « livres » de L’Express. En février ils ont commis un bref dossier sur « Les livres que vous avez eu honte d'aimer ». Étrange idée. Qui peut avoir honte de lire ? Tout au plus, il y a les livres qu’on relit avec plaisir et ceux dont on sait qu’on ne les relira pas. Édifiantes réponses de leurs « critiques littéraires » On apprend que l'un d'entre eux regrette Beaucoup de livres de Marguerite Duras (sauf La douleur) dont la petite musique tourne généralement à la rengaine, sans le moderato espéré !. Un autre vomit Le degré zéro de l'écriture, de Roland Barthes. Comment a-t-on pu nous faire croire que la vision congelée de la littérature proposée dans ces pages était juste ? Ah, tiens, c’est Jérôme Dupuis… Tu as dit degré zéro, monsieur ?

mardi 6 mars 2012

Lundi 5 mars 2012. 23h00.

Lever aux aurores. Taxi pour Orly. Cela faisait plus d’une semaine que j’essayais de ne pas penser à ce voyage. Nous partions dans le Gers, à L’isle-de-Noé, chez Noëlle, ma belle-sœur, la veuve de mon frère Jean mort en 2010. Quelques mois après le décès de ma mère, Jean et elle étaient venus à Carolles récupérer un tas d’affaires. Des bibelots, de la vaisselle, des souvenirs. La part « d’héritage » de notre père que Jean estimait être la sienne. J’avais abandonné tout ce qu’on me demandait. Et ça tu ne veux pas aussi ? Il avait voulu aussi emporter son journal militaire. Deux très gros cahiers reliés retraçant au gré de ses affectations, les grands engagements et la vie ordinaire. J’avais une fois jeté une fois un œil distrait. Rien de très intime. Je te les rendrai quand tu voudras. J’avais écrit à Noëlle, il y a quelques mois pour les récupérer. Je vais chercher, je vais chercher, m’avait-elle dit. Le temps passant, ils me sont devenus de plus en plus nécessaires. Mon livre tourne en rond. Je ne parviens pas à ordonner les années, les événements. Du coup tout s’effondre, rien ne tient. Nous avons loué une voiture à Toulouse. Traversé des paysages secs, l’herbe grise d’hiver. Une heure et demie de route jusque chez elle. Au village, personne dans les rues. Boulangerie et café fermés. Elle habite (ils habitaient) l’ancienne école sur la place du village, tout près du château XVIIIe. Entrez. Asseyez-vous. Deux gros chats sont venus se frotter à mes jambes. J’étais mal à l’aise. Vraiment pas chez moi. Je t’ai mis de côté ce que tu as demandé. Un regard vers la table. C’était cela qu’elle avait trouvé ? Quelques dossiers administratifs, des photographies de mon père en uniforme. Et le journal ? - Je n’ai rien vu. Et ça ne me dit rien. Il faut encore que je cherche. J’avais pourtant bien expliqué, il me semble. J’ai pris les paperasses. Feuilleté un peu. Je ne pourrai rien en faire… J’en aurais pleuré de dépit. Tout ce trajet pour ça. La matinée a passé en longs blancs. J’ai posé des questions quand même. Mais rien appris que je ne savais déjà. Nous sommes allés déjeuner dans un restaurant de campagne à Montesquiou. Beaucoup bavardé pour faire taire les silences. Petite promenade dans le village et nous avons filé. Tu chercheras quand même ? – Je vais essayer. Quelle journée vide et triste. Et puis ce sentiment d’avoir été floué.

Dimanche 4 mars 2012. 23h50.

J’ai écrit les deux papiers que Joseph m’avait demandés pour Le magazine. Un sur Fukushima, dans la zone interdite, le dernier « reportage » de William T. Vollmann. Je laisse reportage entre guillemets car je ne suis pas bien sûr que cela recouvre vraiment le travail de Vollmann. Pas davantage dans ce petit livre. On dit facilement de lui qu’il est « Écrivain-reporter », rassemblant ainsi un peu rapidement sa propre biographie de journaliste des conflits et ses romans, ses récits, ses essais. Ce qui le caractérise me semble davantage être le regard proche et étonné qu'il pose sur les monstruosités du monde. Cette incursion d’un dizaine de jours dans le Japon de l’immédiat après la catastrophe nucléaire est comme une quête picaresque en étrange pays. Il raconte tout ensemble les gens désemparés, le printemps silencieux et les arbres en fleurs. L’autre papier était sur un recueil de nouvelles (il dit plutôt microromans…) d’Ismail Kadaré. En fait l’ensemble se révèle assez composite. Cinq avaient déjà pris place, depuis les années 1980, à l’intérieur de romans précédents. Restaient quelques inédits écrits entre 2004 et 2012, sans vrai lien, et comme… inhabités. J’aurais été bien embêté de dire quelque chose de tout cela s’il n’y avait eu le premier texte, La provocation, qui d’ailleurs donne le titre au livre. Ce récit, contemporain du Général de l’armée morte, fait le récit de nuits d’hiver à un poste frontière dans la montagne où deux détachements ennemis se guettent de chaque bord du no man’s land. C’est une fable rare, une lente aventure que la brièveté du texte ne bouscule à aucun moment. Ici, rien ne s’agite. Au désarroi intime répondent les paysages immobiles et blancs. C’est magnifique, mais, honnêtement, le reste m’a laissé assez indifférent. Nous sommes juste sortis boire un verre chez Péret en début de soirée. Amélie prend soin de moi. Si, je t’assure, il faut que tu prennes l’air.

Samedi 3 mars 2012. 18h45.

J’ai perdu un peu le fil de mes papiers. J’ai tout un tas de lectures en route, des choix à faire. Je dois donner une liste de propositions au Monde, avancer des projets de reportage, relancer Aude Lancelin à Marianne qui ne répond pas à mes mails. Marion et Jérôme sont venus déjeuner. Avec Gabrielle qui a bien changé. Dix mois hier.

Vendredi 2 mars 2012. 21h30.

J’ai revu l’ensemble du volume avec Ghislaine. Placé les dernières illustrations. Revu la table des matières. Toutes les corrections sont faites. Bon, et bien nous y sommes… Ne reste plus qu’à caler les délais avec l’imprimerie. Choisir une date de sortie. Je pense que ce sera beau. Très beau. Nicole était émue. Moi aussi. J’ai été chercher du champagne rue Mouffetard. Cela faisait si longtemps qu’on en parlait de cette Œuvre complète. Nous avons trinqué avec Ghislaine et Pierre-Alix. Leur stage se termine ce soir. Leurs « remplaçants » sont déjà arrivés depuis quelques jours. Isabelle et Thomas. Déjeuner tous ensemble au petit restaurant italien du bout de la rue. J’ai embrassé Nicole. On s’appelle la semaine prochaine…

Jeudi 1er mars 2012. 22h20.

Je ne sais pas d’où je tiens cette superstition bizarre qu’il se passe toujours quelque chose d’important pour moi en février. A quoi cela a-t-il bien pu s’ancrer ? D’année en année, ça ne se vérifie pas. Rien cette fois-ci en tout cas. Et rien en 2011, autant que je m’en souvienne… Pourtant à chaque fois j’attends avec impatience le mois de février. Bon, il est terminé. D’une certaine façon, l’année peut commencer. J’ai déjeuné avec Amélie chez Pasta e fagioli, le restaurant toscan de la rue Claude Bernard. Je l’avais découvert tout à fait par hasard un midi d’il y a deux ans comme je remontais à pied du quartier Mouffetard. Depuis nous y sommes allés assez souvent. Il faut dire que c’est une vraie bonne adresse. Tout est délicieux là-bas et on s’y sent bien. Voilà un endroit où j’aimerais prendre des habitudes. Je suis allé chez Caractères. La maison est comme toujours bousculée d’allers venues. Une artiste japonaise qui vient accrocher ses toiles, un inconnu en mal de publication ( Vous éditez de la poésie « classique » ? Si vous voyez ce que je veux dire... ), des auteurs, des coursiers. Le téléphone sonne sans arrêt. Je suis allé me réfugier dans la pièce du fond avec des boules Quiès dans les oreilles. Terminé non sans peine la relecture du volume. Petits soucis de pages, coquilles, enchaînements. Il va falloir entrer pas mal de corrections. Nicole avait organisé une soirée pour la sortie d’un livre. Il commençait à y avoir vraiment du monde. J’ai filé par la porte de derrière. Pas mal travaillé aujourd’hui. Tout sera fini demain matin.

samedi 3 mars 2012

Mercredi 29 février 2012. 20h50.

J’ai écrit finalement à Jean-Jacques Rousseau. Je dois me rendre en juin à Chambéry pour les vingt-cinq ans du festival du premier roman et Véronique Bourlon, la directrice, a demandé aux auteurs, de rédiger une lettre au philosophe. C’est une histoire de télescopage d’anniversaires : les vingt-cinq ans du festival, le tri-centenaire de la naissance de Rousseau… J’ai trouvé que c’était une drôle d’idée. Et puis pourquoi pas ? Je n’ai rien à refuser, rien du tout, aux gens de Chambéry. Je garde une infinie reconnaissance d’avoir été invité en 2004 pour La ballade de Lola. Ces quelques jours que j’ai passés là-bas, à l’époque, en débats, en recontres avec des lecteurs, m’ont été essentiels. Ils m’ont donné confiance. M’ont permis de continuer. J’ai quand même trainé à me mettre à cette fichue lettre. Non que, très loin de là, Rousseau m’indiffère. Les rêveries et Les confessions ont chamboulé mon adolescence. Ces livres ne m’ont jamais quitté. Mais écrire à Rousseau… Je me suis souvenu des Charmettes où, justement en 2004, les organisateurs avaient emmené, le dernier jour, leur petite bande de premiers romanciers. Il y avait eu des discours et puis un vin d’honneur. Et une photo de groupe. Nous avions visité la maison, fait le tour des pièces. Le salon de musique, les chambres à l’étage. Cela m’avait semblé désespérant de vide. Plus de traces, plus d’instants. Rien n’habitait les murs. Tout était nettoyé. J’avais fui dans le jardin. Les allées aux parterres bordés de buis, le muret de pierres, la vue sur les montagnes. Comme un enfant se calme d’un gros chagrin, j’avais retrouvé doucemement un peu de proximité. J’ai emporté dans mon mouchoir, ce jour-là, des Charmettes, une poignée de pervenches, tiges et racines. Je les ai replantées à Carolles. Aujourd’hui, elle couvrent tout le bas de la haie. C’est cela que j’ai essayé de raconter. Je ne sais pas bien si c'est ce qu'ils attendent ou si ça leur plaira… J’ai envoyé mon choix à Denis Westhoff pour le prix Sagan : Un éclat minuscule de Jean-Baptiste Gendarme. Rien que le titre déjà de ce roman en brisures de souvenirs, lentement triste et douloureux, me semble le désigner pour la sélection. J'espère bien le défendre. Continué le travail, jusque tard, chez Caractères.

mercredi 29 février 2012

Mardi 28 février 2012. 22h10.

Coup de fil de Denis Westhoff, ce matin. Je voulais vous rappeler les dates de réunion du prix Françoise Sagan. J’avais déjà noté. On se verra le 30 mars, puis le 4 mai. Annonce du lauréat le 31 mai. J’ai tout de suite dit oui quand il m’a contacté l’an dernier. J’avais repensé à cette phrase piquée dans Les merveilleux nuages que j’avais utilisée dans une lettre, il y a longtemps, bien longtemps. Je t’userai, je m’userai, je ne te quitterai pas, nous n’aurons pas de répit. Pour le prix, il va falloir proposer un livre, un seul. J’hésite encore. J’ai jusqu’au 1er mars. Travaillé chez Caractères aux derniers ajouts du volume poésie de Bruno Durocher. La bibliographie, la table des matières. Je sais que c’est dans cette fin de parcours que se nichent les pires erreurs. Relire, vérifier. Ghislaine, la stagiaire-graphiste, reprend patiemment les pages. Elle a fait un travail remarquable depuis des mois. En talent et en finesse. Sans elle, rien n’aurait été possible. Décidemment, cette maison ne tient que par la passion… et les bonnes volontés. J’ai retrouvé Amélie à son bureau. Tu es content de ta journée ?

mardi 28 février 2012

Lundi 27 février 2012. 23h00.

J’ai rédigé, pour Le Monde, un tout petit papier sur L’arpenteur de Marie Rouanet. Je ne sais pas pourquoi j’avais traîné à lire ce livre. Je l’ai ouvert l’autre jour et je suis tombé sur : C’est cela être vivant, être alourdi de vécu au point de succomber. Il est quelquefois des phrases qui sont (et non pas qui semblent…) écrites pour vous. J’ai remonté les pages du roman. Un roman du labeur et des gestes rares. Des enfances tristes, du passé besogneux. Perles et couronnes. Un roman des souvenances et du temps trépassé... Nous avons pris le train du soir à Granville. Derniers manèges. La fête foraine remballe. Quand nous reviendrons tout sera nettoyé.

lundi 27 février 2012

Dimanche 26 février 2012. 21h30.

Agathe avait le cœur gros de rentrer à Caen après sa semaine de vacances. De rentrer tout court en fait. Je comprends tellement. Je ne me suis jamais guéri de ce malaise de l’arrachement. Partir, c’est mourir un peu, répétait ma mère. Que de morts minuscules, en attendant.

Dimanche 26 février 2012. 18h40.

J’ai le sommeil embrouillé de drôles de rêves. Des cauchemars, si l’on veut, d’où je m’arrache plusieurs fois par nuit, paniqué, essayant de secouer au loin les lambeaux de ces histoires étranges. Quelle heure est-il ? Ca se dissipe lentement et il n’en reste rien qu’une impression mauvaise. Je me lève épuisé. Il faisait bleu et soleil ce matin. Mais un peu avant midi, le brouillard était à nouveau accroché partout. Nous sommes allés payer le loyer du potager, chez les Lesoudier. Même céremonial à chaque fois. Ca se passe à Jullouville dans leur « maison de vacances » abandonnée à l’humidité depuis l’automne. Ils ouvrent les persiennes. Il fait glacial dans la pièce. Vous prendrez bien l’apéritif ? Mme Lesoudier sort les bouteilles d’un panier en osier. Du Byhrr, un fond de pastis. Un doigt seulement. Je tends ma petite enveloppe. Je ne compte pas. On vous fait confiance. La conversation traîne sur le temps qu’il fait. Qu’il a fait l’an dernier. Pourvu qu’on ait un bel été… Ils nous raccompagnent à la porte. Nous font un signe de la main quand la voiture démarre. Cette année, je n’ai pas osé leur servir ma rengaine : Vous ne vendez toujours pas ? Je connais la réponse. Si on se décide, vous serez les premiers avertis. N’empêche, les années passant, cette bande de terrain avec sa casemate envahie de lierre devient inaccessible. Le prix du m2 ici dépasse largement les cents euros. Autant dire que nous n’aurons jamais les moyens. Rangement, lectures. Agathe m’a apporté une petite salamandre morte qu’elle avait ramassée sur le bas-côté de la route de la Mazurie. Je l’ai nettoyée. Conservée dans l’alcool. J’ai maintenant un placard plein de ce genre de trouvailles. Insectes, coquillages, végétaux biscornus. Nous sommes allés cueillir à nouveau du mimosa chez Annick et Norbert. Fait un gros bouquet pour Georgette.

dimanche 26 février 2012

Samedi 25 février 2012. 23h15.

Marché de Granville, tôt, et courses pour Georgette. Un pain d’épices, du miel, un steack haché de cheval, une petite tranche de foie de veau. Quoi d’autre ? On ne retrouve plus la liste. Ah si, du pain brié et des pommes pour cuire au four. Amélie a acheté chez Frésil deux grosses soles portion, un petit turbot qui bougeait encore sur la glace de l’étal. Nous avons remonté la rue Couraye. Les caniveaux sont encore remplis de confettis, mais les grandes festivités du carnaval sont finies. Restent les manèges qui encombrent la place de la gare jusqu’au 5 mars. Toujours la brume… Nous avons croisé Annick et Norbert à Carolles. Cela faisait un moment que je devais lui emprunter son Kärcher. Passez prendre un verre à la maison ! Nous sommes restés déjeuner. Norbert est en train de relire Recherches sur l’art de parvenir de Maurice Joly. Tu connais ? Tu as lu son Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu ? Et puis, je voulais te montrer autre chose. Il me met entre les mains toute une pile de livres. Et ça commence comme ça. La dernière fois, on s’était embarqués tous les deux dans André Hardellet. Les chasseurs, L’essuyeur de tempêtes, Le parc des archers. Norbert a fait mille métiers dans le commerce. Il a travaillé pas mal d’années dans la coutellerie et en a gardé une étonnante passion pour les lames. La vue d’un beau couteau le rend lyrique. Il est capable de disserter sur les mérites comparés des aciers de Thiers, de Sheffield, de Solingen ou de Mora. En fait, il est passionné de tout. Et il est passionnant. Nous sommes repartis avec le nettoyeur haute pression et une gigantesque brassée de mimosa. Venez en reprendre autant que vous voulez ! J’ai décrassé, sous la bruine, la terrasse, noire et glissante d’au moins deux années de mousses et de feuilles mortes. Je suis rentré trempé et grelottant. Noëlle a téléphoné. Elle est à Carolles en ce moment. Je peux venir vous voir ? Du coup nous avons rameuté pour le soir à la maison. Annick et Norbert. Martine, Jean-Pascal et Agathe. Ensemble, autour de la table, nous avons refait notre tout petit monde.

Vendredi 24 février 2012. 19h45.

Georgette a été malade cette semaine. Une grosse bronchite. Le médecin est venu. Antibiotiques. Renouvellement d’ordonnance. Ca va mieux. Ca va bien.

Vendredi 24 février 2012. 16h20.

Le bus jusqu’à la gare de Vaugirard. Premier train du matin. Le jour ne s’est levé qu’un peu avant Dreux laissant place à un brouillard de lait qui nous a accompagné pendant tout le voyage. Agathe et Jean-Pascal nous attendaient à la gare. Nous avons déposé les affaires à la maison, regardé rapidement le courrier et nous sommes allés déjeuner chez eux. Jean-Pascal avait acheté un bar chez Éric au marché de Jullouville. Il nous l’a cuit dans la cheminée. Servi avec des vitelottes, arrosé de beurre fondu. Nous serions bien restés près du feu tout l’après-midi.

vendredi 24 février 2012

Jeudi 23 février 2012. 21h45.

Toujours pas beaucoup d’étudiants. Mais j’ai compris la raison enfin. Le jeudi, ce semestre, toute la journée en première année, est « réservé » aux options. Ce qui fait que beaucoup ne se déplacent pas. Je peux comprendre... Du coup, ceux qui viennent (et surtout pour un cours à 8h00 du matin !) sont quand même sacrément motivés. Comme chaque semaine depuis un moment, j’ai passé l’après-midi chez Caractères. Nous sommes dans les dernières relectures du volume de poésie, premier tome de l’Oeuvre complète de Bruno Durocher, dont Nicole m’a confié la direction. Il y en aura trois autres : la prose ou plutôt l’œuvre narrative, le théâtre et un album de photos et de documents. Tout ce projet remonte maintenant à presque quatre ans. Il a fallu réfléchir, choisir, ordonner, rassembler de vraies bonnes volontés, trouver des gens capables de rédiger l’appareil critique en sachant s’effacer derrière le texte. Recueillir les subventions. La réalisation proprement dite a vraiment commencé en 2010. On touche enfin au bout. Le livre sera magnifique. Sortie en librairie début avril, si tout va bien.

Mercredi 22 février 2012. 23h25.

Je devais voir Sarah aujourd’hui. Mais Noé est malade et ça traîne. Du coup, sa semaine de vacances s’est effilochée en visites chez le pédiatre et en ordonnances à la pharmacie. Demain ? – Non ce n’est pas possible. J’ai préparé mes cours pour Censier. Drôle de semestre. L’administration de la fac s’est pris les pieds dans le tapis lors des inscriptions pédagogiques. Résultat, une bonne partie de mes étudiants n’a pas pu choisir de continuer mon atelier et les « nouveaux » ont été ventilés au petit bonheur. On a essayé de m’expliquer que c’était juste la faute à pas de chance. N’empêche, il arrive que je me retrouve avec juste deux ou trois égarés dans une salle désespérément vide. Souvent ce ne sont pas les mêmes. On va prendre un café ? Je rame un peu. Eux aussi. J’ai appelé Sonia Delage, la prof de français des élèves de troisième du collège d’Orgerus. Comme avec les « quatrains » de David Rodrigues au Havre, nous démarrons ensemble un projet d’écriture. On s’est vus une première fois il y a une dizaine de jours. Ils sont un peu timides encore. Ce que vous allez faire, c’est aussi de la littérature. Ah bon ? Comme toujours se sont les filles qui se lancent. Alors, on peut écrire ce qu’on veut ? N’importe quoi ? Nous étions invités chez Nathacha et Bernard, rue Oudinot. Neela a sorti ses livres et nous a « lu » des histoires : Jack et le haricot magique, Une ruse de maître renard… Elle est toujours aussi espiègle, toujours aussi maline. Trois ans. Et demi, bientôt… La soirée a passé vite. Cela faisait longtemps que nous devions faire ce dîner. A chaque fois c'était On s’appelle ? – A bientôt… A bientôt… Nous nous croisons assez souvent dans Paris avec Nathacha. Dans le métro, à un carrefour. Ca tient à quelques secondes. De drôles de hasards qui se répètent. C’était bien de se voir ce soir. Histoires d’écriture, récits de tous les jours. Poulet au lait de coco, patates douces et vin de bordeaux.

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