Ca m’a saisi d’un coup, comme je prenais un café après déjeuner sous la tente de la librairie. La pluie tombait en fin rideau. Elle grésillait sur la bâche blanche. On bavardait avec Fanny qui avait été invitée pour son premier roman Juste avant, paru à la rentrée de l’an dernier chez Flammarion. Il y avait là Kerenn et Antoine. J’ai dû soupirer un peu bruyamment. Quelque chose qui ne va pas ?, m’a demandé Amélie. J’ai haussé les épaules. – Rien, rien. Si on marchait ? Nous avons rejoint la rue de Boigne, puis la rue Saint-Réal. Ce matin, je m’étais dit que j’irais écouter le débat avec Stéphane Audeguy à l’hôtel Corbon. Mais là, je ne me sentais plus l’envie de rien. Enfin, qu’est-ce que tu as ? Nous avons avancé entre les gouttes jusqu’au Manège, croisé Dominique qui venait juste de sortir de sa voiture. Je lui ai à peine laissé le temps d’ouvrir son grand parapluie vert. Tu nous ramènerais à la gare ? Je ne devais pas être bien vieux la dernière fois que j’avais été envahi à ce point par cette angoisse du dimanche après-midi. Une secousse qui surprend en plein bonheur parce que l’on sait que, justement, le bonheur va s’arrêter. Il n’y a plus rien à faire. Les heures qui restent se perdent en écoeurements. Je me sens trop bien à Chambéry. Ca a passé trop vite. Une nuit. Deux fragments de journée. D’un samedi soir à un dimanche pluvieux. A peine le temps de retrouvailles avec Carole. A peine le temps d’échanger quelques mots à une terrasse de café avec les auteurs venus pour leur premier roman. A peine le temps d’entendre les nouvelles et d’en donner un peu. A peine le temps de retrouver le chemin de la maison La Pérouse, de voir sa cour et sa fontaine et de penser à Daniel Rops et à sa Nuit du coeur flambant. Si vite… Je me suis rendu compte que le regret de partir s’était déjà installé à peine j’étais arrivé. C’est que, sans doute, je ne me remets pas de 2004. Des quelques jours du printemps de cette année, où, à Chambéry, j’avais été invité pour La ballade de Lola. Et où, pour moi, tout s’est décillé. Je m’en souviens souvent. En fait, j’ai fui ce dimanche sous le pluie, parce que le temps qui restait ne pouvait pas contenir mon émotion. Je ne suis pas allé aux Charmettes pour la clôture du festival. Je rentre maussade. Je n'ai que des regrets. Posé la valise rue Danville. On va dîner quelque part ?