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lundi 10 septembre 2012

Vendredi 7 septembre 2012. 23h00

La fenêtre de la chambre d’hôtel donne sur la ville, ses remparts, ses clochers. Tout est pris dans le vert des arbres et des jardins. J’ai eu l’impression de revoir la première double page de Caroline en Europe, où la petite héroïne de Pierre Probst accompagnée de la turbulente ménagerie de ses amis (Youpi, Boum, Pouf, Noiraud, Bobbi…) débute son voyage justement par le Luxembourg. Je ne suis jamais venu ici. J’ai les yeux neufs. Amelie avait loué une voiture pour la journée. Nous nous sommes baladés le long de la Moselle. Visite d’une ferme de papillons à Grevenmacher, au milieu des vignes, déjeuner de friture dans une auberge au bord de la rivière. De l’autre côte, c’était l’Allemagne. Nous avons passé la frontière. Roulé jusqu’à Saarburg. Flâné dans le vieux centre. Bu une bière en terrasse. Il est des moments qu’on voudrait enfermer dans des écrins. Nous sommes rentrés à Luxembourg en touristes. Tu es bien ?

dimanche 9 septembre 2012

Vendredi 7 septembre 2012. 11h10.

C’était la gare de l’Est et le TGV jusqu’à Luxembourg, la capitale du Grand-Duché.

Jeudi 6 septembre 2012. 22h20.

J’ai retrouvé Amélie chez Péret. Dîner rapide au Thaï de la rue Brézin. Nous sommes rentrés faire les valises. Demain matin, elle m’emmène en week-end. Destination inconnue. Je sais juste que l’on part en train.

Jeudi 6 septembre 2012. 17h05.

Mais de quoi avez-vous donc parlé si longtemps ?, m’a demandé Amélie comme je lui racontais ma rencontre d’hier avec Catherine Safonoff. Je ne sais pas. De tout. D’auteurs et de littérature, de la peur d’écrire un livre et des mots qui s’échappent, de la découpe lente de la vie et du temps qui passe vite. De Genève, qu’à peine je connaissais et que je ne reconnais déjà plus. De jardins. De son jardin, du mien. Des îles, des voyages. De la solitude et des petits enfants. J’ai reçu un coup de fil de Marianne. Elle ne décolère pas depuis qu’elle vient d’apprendre combien elle allait recevoir du Magazine littéraire pour sa contribution aux pages Milena Agus (une longue interview et la traduction d’une nouvelle inédite). Fabio m’a aussi envoyé un message au sujet de son papier de cinq feuillets : Crois-tu qu'ils se sont trompés ? C’est de ma faute. Je m’étais renseigné sur le montant des piges des collaborateurs, mais je n’ai vraiment pas « entendu » ce qu’on m’a dit, tant le chiffre était ridiculement bas. Je comprends pas qu’on paie aussi mal le travail des gens. Ceux qui fixent ces tarifs de misère n’ont jamais eu le souci de gagner leur vie ?

vendredi 7 septembre 2012

Mercredi 5 septembre 2012. 23h20.

Le train gare de Lyon pour Genève. Marlyse Pietri m’attendait à l’arrivée. Temps étrange là-bas : lumineux et couvert. A part le lac, je me suis aperçu que je n’avais gardé aucun souvenir de la ville. Je l’ai trouvée compliquée, encombrée, défigurée de percements routiers et d’immeubles en béton. Marlyse m’a emmené déjeuner à une terrasse d’un quartier calme avant de me conduire chez Catherine Safonoff. Nous nous étions rencontrés il y a cinq ans quand j’avais animé une soirée dans une bibliothèque du centre sur son précédent livre, Autour de ma mère. Je venais juste de découvrir son oeuvre. Huit ou neuf textes presque tous explicitement autobiographiques ou « auto-racontants », ramassant les poussières d'éclats du quotidien. Un quotidien à chaque fois différent, bouleversé. Autour de ma mère rassemblait la chronologie inquiète des pertes de mémoire d’une vieille femme et les sursauts perdus d’un ancien amour. Ce qu’écrit Catherine Safonoff est poignant de petits riens, âpres, dérisoires, envahissants, touchants, vrais. Dans Le mineur et le canari qui vient de paraître, la narratrice, épuisée d’une lourde dépression, tombe amoureuse du thérapeute qu’elle est allée consulter en désespoir de cause. Et alors ? diront certains… Tout ici est dans ce Et alors ?. Installés dans une petite pièce de sa maison de Chêne-Bougeries, nous avons parlé, parlé, parlé jusqu’au bout de l’après-midi, étonnament proches. Elle a tenu à me raccompagner en bus jusqu’au centre de Genève et à la gare. Nous avons pris un verre et continué cette longue conversation qui ne semblait plus pouvoir s’arrêter. Amélie était au bout du quai à Paris. J’avais l’impression de revenir d’un très long voyage. Nous sommes allés dîner chez Pasta e fagioli. Retour à pied dans le soir très doux.

Mardi 4 septembre 2012. 21h00.

Mon enregistreur n’a pas fonctionné hier chez Marie-Hélène Lafon. Je n’entends qu’une bouillie sonore. Et alors que d’habitude je soigne mes notes par crainte justement de ce genre de défaillance technique, cette fois-ci je n’ai fait que gribouiller quelques bouts de phrases dans mon carnet. Le papier s’annonce compliqué. J’ai déjeuné avec Marguerite au Bon saint-pourçain rue Servandoni. Bavardé des choses de la vie avec François, le patron. Il a le tutoiement faussement bourru et la mémoire discrète. Rien n’a changé là-bas depuis des années et des années. Je m’y sens au calme, au repos. Bien, à tout dire. J’ai retrouvé Amélie pour un café rapide rue des Écoles. Je suis rentré doucement à l’appartement. Lectures et notes pour préparer ma rencontre de demain avec Catherine Safonoff.

jeudi 6 septembre 2012

Lundi 3 septembre 2012. 22h40.

Découvert dans la pile de courrier d’août un avis de recommandé avec accusé de réception. Aie. Quand elle était passée en coup de vent au milieu du mois, Amélie avait pensé qu’il s’agissait d’un paquet trop volumineux mis en instance. Un livre de rentrée ou quelque chose comme ça. Mais de toute manière, comme nous ne nous sommes pas fait de procurations pour ce genre de choses, elle n’aurait pas pu aller le chercher. Maintenant, il est largement trop tard. Ce n’est rien, ce n’est rien. Tu parles. Ce rien du tout m’a terrassé. Débordé d’immaîtrisable angoisse. Impossible de me calmer. J’ai fini par filer au bureau de poste. L’employée est parvenue à me retrouver l’adresse de l’expéditeur. Il s’agissait de la compagnie d’assurance du type qui nous avait renversé avec sa voiture en 2011. J’ai téléphoné. C’est juste une proposition d’indemnisation. Ils vont la renvoyer. Comment est-ce que je peux me laisser envahir d’inquiétude à ce point… Je me sens épuisé. J’avais rendez-vous avec Marie-Hélène Lafon en fin d’après-midi. Un portrait pour Le Monde. Je l’ai rencontrée à son appartement dans le quartier Picpus. Je la connais du temps où j’étais chez Buchet. Parce que nous avions la même maison d’édition, je m’étais interdit d’écrire sur ses livres. C’est fini maintenant. Marie-Hélène est une de ces rares voix du silence. Des chuchotements plutôt. Des sentiments esquissés. Elle est un écrivain des lisières, toujours à cloche pied d'un univers à l'autre. Ses deux derniers textes (Les Pays et Album ) débroussaillent un peu plus ce chemin des origines, au nord du Cantal, qu'elle retrouve, qu'elle reprend depuis son premier roman, Le soir du chien publié il y a dix ans déjà. Nous avons parlé longtemps. Du déracinement, des lieux, des corps. De la place que peuvent encore occuper les corps dans un monde rendu aux friches.

Dimanche 2 septembre 2012. 23h50.

J’ai écrit un court papier pour Raphaëlle sur La grande bleue de Nathalie Démoulin. Nous avons rangé la maison. Et sommes allés dire au revoir à Georgette. Je me sens tout vide du temps vide qui a passé. Pas une ligne ou si peu. J’ai retrouvé dans la Correspondance de Flaubert cette lettre de 1864 à Edma Roger des Genettes, l’amie qu’il avait rencontré plus de trente ans auparavant chez Louise Colet : Le soir, enfin, après m’être battu les flancs, j’arrive à écrire quelques lignes qui me semblent détestables le lendemain. Il y a des gens plus gais, décidément. Je suis écrasé par les difficultés de mon livre. Ai-je vieilli ? Suis-je usé ? Je le crois. Il y a de ça au fond. Et puis ce que je fais n’est pas commode, je suis devenu timide. Depuis sept semaines j’ai écrit quinze pages et encore ne valent-elles pas grand’chose. Retour à Paris un peu tassés dans le wagon. Il n’y avait plus d’autobus à l’arrivée. Nous avons marché jusqu’à la rue Danville. A peine déballé les affaires. On verra demain. Juste sorti les deux petits érables au frais de la nuit après les avoir arrosés.

Dimanche 2 septembre 2012. 1h15.

Je suis allé chercher chez Jean-Pascal deux petits érables du Japon (Acer palmatum). Il repique chaque pousse qui éclot sous ses arbres. Du coup, il en a une toute une forêt naine derrière sa maison. J’en garderai un pour la fenêtre à Paris. L’autre ira sur le balcon de l’appartement de Marianne. Nous avons parlé plantes. Comme souvent. Chaque fin d’été, je désespère de mes cyclamens. Ils se font de plus en plus rares à l’ombre des sapins alors qu’ils prolifèrent partout dans les propriétés voisines. Ils ont pourtant l’environnement et la terre qui leur convient. Tu penses que je devrais installer de nouveaux tubercules ? Il m’a parlé de chionodoxa sardensis pour le printemps prochain. Il s’agit de minuscules liliacées qui font des tapis de fleurs bleues au début du printemps. Il paraît que cela s’appelle gloire des neiges. Je peux peut-être t’en obtenir. Nous l’avons gardé à dîner. On ne se quitte décidemment pas aujourd’hui.

Samedi 1er septembre 2012. 18h00.

Nous avons fui la plage (il était pourtant à peine 9h00…) déjà envahie par les participants au week-end du vent. D’où viennent tous ces gens qui se ressemblent ? Pantalons à mi-mollets, T-shirts bariolés, grosses godasses de couleur, fines lunettes de soleil à reflets genre coureur cycliste. Et parlant fort, très fort. De gigantesques baffles étaient installés face à la mer. Le car podium de Tendance ouest commençait ses premiers essais. Le programme annonçait que Da-groove allait mixer toute la journée et proposerait en plus un concert à la nuit. Hum… Marché rapide à Granville. Jean-Pascal qui est seul à Carolles, sans Agathe et Martine, est venu déjeuner. J’ai profité de l’absence des voisins pour griller les rougets au barbecue. Je les ai servis avec un beurre d’anchois. Jean-Pascal m’avait apporté d’Épron un vieil aquarium. J’y ai installé mes chrisalydes de machaons trop à l’étroit dans le bocal où je les avais logées. La semaine dernière, dans le fenouil du potager, j’avais ramassé deux belles chenilles vertes, rayées de noir, tachées d’orange. La nymphose vient juste de commencer…

lundi 3 septembre 2012

Vendredi 31 août 2012. 20h20.

J’ai accompagné Amélie à son « longe-côte ». Tout autour de la jetée, les cantonniers installaient déjà les tentes pour le week-end du vent. Une manifestation de sports de plage qui dégénère vite en kermesse du bruit. Il faudra venir de bonne heure demain avant que cela ne commence. Mis au point les détails de ma venue aux rencontres de Chaminadour, à Guéret, à la fin du mois. L’invitée de cette année est Sylvie Germain. J’y anime une grande table ronde autour d’elle et « les métiers de l’édition ». Dîner chez Jean-Luc, à Donville, au presbytère. Il est fatigué. Il ne se plaint pas, mais on voit bien que ses articulations le font de plus en plus souffrir. Il est inquiet aussi. L’évêque envisage de le nommer à la tête d’une paroisse dans le centre ou le nord du département. Cela va l’éloigner du centre de thalassothérapie de Granville et compliquer beaucoup ses soins.

Jeudi 30 août 2012. 23h50.

Au marché de Saint-Pair, j’ai pris un carré d’agneau, une poignée de tout petits artichauts camus à faire revenir en cocotte. Amélie arrive par le train de 20h00. La saison à beau toucher à sa fin, l’office du tourisme de Saint-Pair n’a pas renoncé à la « sonorisation d’ambiance » du centre ville. Une dizaine de hauts-parleurs crachent une soupe musicale infecte. L’un d’eux braille juste en face de la camionnette du boucher. Ca ne vous gêne pas ? lui ai-je demandé. – Oh, vous savez, au bout d’un moment, on finit par s’y faire. On n’entend plus… Ce genre d’installation m’apparaît avoir une place privilégiée dans le catalogue des nuisances d’été. Je suis passé chez Georgette lui porter une grappe de raisin, un fin filet de lotte. Tu as retrouvé des photos d’Albert ? Albert est son grand aîné. Son demi-frère en fait. Le fils de Joseph et de Charlotte, sa première femme. Je n’ai aucun souvenir de lui. A peine vu lorsque j’étais enfant. Georgette suit l’affaire, mais c’est René qui m’a demandé de faire cette recherche. J’ai en effet tout un fatras de vieux clichés entassés dans une grande boîte. Ma grand-mère Mamoÿ me les avait donnés quand j’avais une vingtaine d’années. Ca sera bien mieux chez toi. J’ai commencé cent fois à les classer, à les identifier. C’est un travail sans fin. Je n’ai pas remis la main sur grand chose. Un portrait de lui gamin, un autre en uniforme pendant son service militaire en 1930. Dans l’histoire, René ne fait que l’intermédiaire. Les photos sont pour Françoise, la fille d’Albert, qui vit à Limoges. Une dame qui doit avoir aujourd’hui soixante-quinze ou soixante-seize ans. Dans le lot, il y a justement un instantané d’elle pris en 1947 par un photographe de rue. L’air sérieux, tenant son sac à deux mains, manteau à plis, soquettes blanches et souliers vernis. Je vais me dépêcher de faire des tirages. Courrier l’après-midi. Téléphoné à Florence à propos de mes papiers de littérature étrangère. Pris des notes, rêvassé. Je suis arrivé quelques minutes en retard à la gare.

mercredi 29 août 2012

Mercredi 29 août 2012. 19h45.

La journée m’a glissé des mains. Pas moyen de m’arrêter sur quoi que ce soit. Je me suis entortillé de rêveries. Le ciel était tout gris. Ce soir il fait presque froid.

Mardi 28 août 2012. 23h40.

Marie a vingt-huit ans aujourd’hui. L’an prochain, elle aura l’âge que j’avais quand elle est arrivée. Quelques heures après sa naissance, lorsque je m’étais retrouvé tout seul et comme abasourdi sur le trottoir de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, j’étais allé prendre un verre au comptoir du bistrot d’en-face. Une brasserie, aux stores rouges, à l’angle de la rue Cassini, qui s’appelait, je crois, L’observatoire. A nous, petite fille ! A nous… L’endroit n’existe plus. Il a été remplacé par une vague société d’immobilier. Plus possible de rejouer la scène. Comme j’arrosais doucement (à peine une cuillère à café d’eau) les plantes qu’elle m’a ramenées du Spitzberg, j’ai vu, à la surface du pot où j’avais enfoui les racines de saule polaire, une minuscule pointe verte. Replacé avec précaution la cloche de verre. Et si ça reprenait ? J’ai été chercher du poisson pour Georgette au marché de Jullouville. Elle en prend à presque tous les repas ces temps-ci. Ca me fait envie. Eric lui découpe une solette, lève les filets d’un merlan. Qu’est-ce que je mets pour Tantine ? Ca le fait rire. Et quand est-ce que vous venez manger à la maison ? Des semaines qu’on doit se voir. Il veut nous montrer son bateau, parler aussi de ses projets de livres de cuisine. Bientôt, hein... J’ai appelé Amélie pour avoir l’adresse de Thomas en vacances chez ses grands-parents à Auch. C’est le plus jeune fils de Séverine. Il doit avoir sept ans. Curieux de tout ce qui a trait à la nature. Les plantes, les animaux. Le soir du baptême d’Apolline à Veyrier, il m’avait apporté dans le creux de sa main une lucane qu’il avait ramassée. Je lui avais promis de la préparer et de lui envoyer. Presque un mois après, elle était prête à être épinglée dans sa boîte. J’ai rédigé l’étiquette : Lucane cerf-volant ♀ (lucanus cervus). Veyrier-du-Lac. 28 VII 2012. Déposé le paquet à la poste de Granville juste à l’heure de la levée. J’espère qu’il le recevra à temps. J’étais attendu à dîner à Coquelonde. Martine et Agathe qui auraient dû rentrer à Caen dans la journée étaient finalement restées. Bar grillé au beurre blanc. Jean-Pascal avait invité Frédéric, le libraire d’occasion de la rue du Docteur-Letourneur avec qui il est ami depuis l’enfance. Nous avons parlé ventes aux enchères, livres introuvables et vieilles éditions.

lundi 27 août 2012

Lundi 27 août 2012. 20h00.

J’ai cassé mes lunettes en me levant. Une soudure a claqué au milieu. Heureusement, j’ai une autre paire. Je ne peux plus m’en passer maintenant. Impossible de lire sinon. Et même de voir d’un peu près. Envoyé mon petit papier sur le Manuel Candré à Raphaëlle. Repris le livre. Encore une fois. Au soir, je suis passé aux Fontenelles cueillir des roses pour Georgette. Et ta journée ? Tu es content ?

Dimanche 26 août 2012. 23h40.

Jean-Pascal m’a fait un beau cadeau de retour de Bourgogne. A la fin de leur séjour, ils se sont en effet arrêtés à Saint-Point, là où se trouve le château de Lamartine et son tombeau. J’y étais passé, après un reportage à Mâcon, il y a une quinzaine d’années. A l’époque, j’avais cueilli, tout contre la chapelle funéraire, un petit rameau de buis que j’avais glissé dans mon exemplaire des Harmonies. Depuis l’enfance, la poésie de Lamartine me bouleverse, au point que ma voix se casse encore quand je la lis tout haut. Et tout disparaissait ; et mon âme opressée/ Restait vide et pareille à l’horizon couvert… J’avais demandé à Jean-Pascal : Tu me ramènerais quelque chose ? Il est venu avec un arbrisseau minuscule cueilli dans une infractuosité de la pierre du monument. Probablement un érable champêtre. Je l’ai rempoté immédiatement. Déjeuner de retrouvailles. Les homards étaient réussis. Faute de trouver une recette, j’avais dû improviser un civet rapide. Dans le faitout, juste rendre translucide au beurre une grosse poignée d’échalotes et quelques oignons. Y faire fondre cinq ou six pommes en quartiers (j’avais les premières tombées de l’arbre) et de la poitrine fumée en lardons. Réserver. Monter le feu. Jeter les homards, coffres coupés en deux, pinces brisées et queues en tronçons. Quand ils ont pris de la couleur, flamber au calva. Recouvrir de cidre. Remettre les échalotes, les oignons, les pommes, les lardons. Laisser mijoter un quart d’heure. Retirer les morceaux de homard et les tenir au chaud. Ajouter le corail et une grosse cuillèrée de crème fraîche à la sauce. La passer. En napper les homards. Le repas s’est étiré un peu, à l’ombre du sapin. Vers les six heures, j’ai accompagné Amélie à la gare. Nous étions en avance. J’avais voulu partir plus tôt à cause de la brocante (la foire aux melons ?) qui occupait tout le haut de Granville. Nous sommes restés longtemps sur le quai. Cette semaine, tu recommences à écrire ? - Appelle-moi quand tu arrives à l’appartement…

Samedi 25 août 2012. 22h20.

Marché à Granville. Martine, Agathe et Jean-Pascal rentrent à Carolles demain après leurs deux semaines de vacances en Bourgogne. Nous les avons invités à déjeuner. J’ai pris des homards chez Frésil. Je tenterai une recette au cidre. Fait les courses pour Georgette aussi. Et puis, comme chaque semaine, j’ai été chercher des bouquets aux petites dames du premier étage de la halle. Samedi après samedi, sur de minuscules étals, elles vendent tout leur jardin. Des herbes, quelques légumes. Surtout des fleurs. Cette fois-ci, pour trois sous, j’avais les bras chargés d’anémones du Japon, de dahlias et de minuscules roses pompon. Journée à lire, à faire un peu de courrier. Je n’ai pas bien tenu ma correspondance avec les filles cet été. A peine quatre ou cinq lettres. Nous sommes partis en balade en fin d’après-midi. Poussé en voiture jusqu’à la plage de Dragey. La mer ne vient ici qu’aux belles marées. L’endroit est délicieusement désert. Nous avons marché longtemps dans les dunes. La pluie nous a surpris sur le chemin du retour. Une drache d’orage qui nous a trempés en un instant. Elle a cessé comme nous arrivions, dégoulinants, à la voiture, laissant place à un grand arc-en-ciel.

Vendredi 24 août 2012. 21h10.

J’ai accompagné tôt Amélie à la plage. Là-bas, sur le coup des 8h00, il n’y a encore personne. Depuis mi-juillet, nous y sommes allés presque tous les jours. Elle y fait du « longe-côte », c’est à dire qu’elle avance dans la mer, le long de la grève, de l’eau jusqu’à la poitrine. Des cabines jusqu’à l’embouchure du Crapeu, et parfois plus loin, elle progresse dans le travers des vagues, résistant aux courants. Cela dure une bonne heure. Je la suis en marchant à pas lents sur le sable, ressassant des pensées qui s’effilochent au vent. Je ramasse des épaves, des coquillages, de longs galets gris pâle. Je la regarde. Content. J’ai rappelé l’élagueur pour lui commander aussi du bois de chauffage. Je me suis décidé à lui demander de passer la semaine dernière. A la fin de l’automne, il va nettoyer les deux grands sapins qui s’étouffent de branches mortes, égaliser le frêne, maîtriser l’expansion du figuier et du saule marsault. Je lui ai demandé aussi d’abattre le pauvre arbre de Noël que j’avais planté, contre la haie du voisin, à l’hiver 1979 et qui n’est plus maintenant qu’un long tronc défeuillé. Echangé des messages avec Lionel Destremeau à propos des débats que je dois animer en octobre au festival Lire en poche de Gradignan. Nous sommes allés au potager ramasser des salades, cueillir des haricots. Arroser la terre sèche. Le vent a soufflé fort toute la journée.

Jeudi 23 août 2012. 22h00.

Sophie m’a donné les quelques précisions qui me manquaient pour argumenter un peu ma proposition à Raphaëlle d’un papier « Histoire d’un livre » sur les Œuvres complètes et Les lettres retrouvées de Raymond Radiguet. Mon petit créneau de rentrée se précise au Monde. Ce n’est qu’un début, j’espère. J’ai pris rendez-vous pour un portrait de Marie-Hélène Lafon, obtenu l’accord en ce qui concerne le dernier Catherine Safonoff. Et j’ai des brèves à écrire aussi sur deux premiers textes : Autour de moi de Manuel Candré et Le coursier de Valenciennes de Clélia Anfray. Pour le reste, j’attends des nouvelles de Florence et du domaine étranger. J’ai rédigé ma chronique de septembre pour Next sur L’averse de Fabienne Jacob. Calme plat en ce qui concerne les autres journaux. Je sais que je devrais appeler, insister, faire des offres de travail. Mais je me sens de plus en plus mal à l’aise dans ce rôle de solliciteur. Allez, je vais essayer de faire des efforts. Amélie est arrivée au train de 20h00. J’avais rangé la maison, rafraîchi les bouquets. Tellement de temps que je l’attends.

vendredi 24 août 2012

Jeudi 23 août 2012. 13h00.

J’ai fait les courses au marché de Saint-Pair pour l’arrivée d’Amélie. Un tout petit homard (mon père disait une demoiselle) à mettre à la nage. Un cabillaud. Julien m’a offert une poignée de lançons. Acheté aussi des mange-tout, des cocos. Des fraises. Je suis passé au potager prendre une batavia rouge et des herbes.

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