Le train gare de Lyon pour Genève. Marlyse Pietri m’attendait à l’arrivée. Temps étrange là-bas : lumineux et couvert. A part le lac, je me suis aperçu que je n’avais gardé aucun souvenir de la ville. Je l’ai trouvée compliquée, encombrée, défigurée de percements routiers et d’immeubles en béton. Marlyse m’a emmené déjeuner à une terrasse d’un quartier calme avant de me conduire chez Catherine Safonoff. Nous nous étions rencontrés il y a cinq ans quand j’avais animé une soirée dans une bibliothèque du centre sur son précédent livre, Autour de ma mère. Je venais juste de découvrir son oeuvre. Huit ou neuf textes presque tous explicitement autobiographiques ou « auto-racontants », ramassant les poussières d'éclats du quotidien. Un quotidien à chaque fois différent, bouleversé. Autour de ma mère rassemblait la chronologie inquiète des pertes de mémoire d’une vieille femme et les sursauts perdus d’un ancien amour. Ce qu’écrit Catherine Safonoff est poignant de petits riens, âpres, dérisoires, envahissants, touchants, vrais. Dans Le mineur et le canari qui vient de paraître, la narratrice, épuisée d’une lourde dépression, tombe amoureuse du thérapeute qu’elle est allée consulter en désespoir de cause. Et alors ? diront certains… Tout ici est dans ce Et alors ?. Installés dans une petite pièce de sa maison de Chêne-Bougeries, nous avons parlé, parlé, parlé jusqu’au bout de l’après-midi, étonnament proches. Elle a tenu à me raccompagner en bus jusqu’au centre de Genève et à la gare. Nous avons pris un verre et continué cette longue conversation qui ne semblait plus pouvoir s’arrêter. Amélie était au bout du quai à Paris. J’avais l’impression de revenir d’un très long voyage. Nous sommes allés dîner chez Pasta e fagioli. Retour à pied dans le soir très doux.