SWFObject embed by Geoff Stearns (basic) @ deconcept

samedi 19 avril 2008

Samedi 19 avril. 1h15

J’ai lamentablement raté le dîner. J’avais pourtant passé un bon moment à la cuisine. Encore quelque chose que je ne dois plus savoir faire. Le bouillon de bœuf et de légumes était inexplicablement léger et fade. Ce n’est pourtant pas très compliqué : il suffit que ça mitonne… Mais surtout, je ne sais pas ce qui m’a pris. J’avais préparé des courgettes farcies. J’aurais dû comprendre que si Amélie évite en général les tomates farcies, ce n’est pas à cause des tomates... Impossible de se venger sur le mâcon. Il était sans intérêt. Ca énerve.

Vendredi 18 avril. 22h10

Je file chercher Amélie à la gare de Granville. Son train arrive dans une grosse demie-heure. J’étais parti de Paris en début d’après-midi. Tout était bondé à cause des congés scolaires. Il y avait des enfants qui cavalaient d’un wagon à l’autre en poussant des cris. Les parents beuglaient après leur progéniture. Le contrôleur était aimable comme un dogue. J’ai essayé vainement d’écrire mon papier sur L'hiver indien de Frédéric Roux pour Le Pèlerin. Rien à faire. Je dois rendre impérativement ce week-end trois textes, dont celui-ci, à Catherine Lalanne. Je devais tout lui remettre ce matin, mais j’ai passé la journée d'hier à dérouler dans ma tête les scénarios les plus catastrophiques pour Le Monde. Le bruit court même que certains envisagent de supprimer le supplément livres. Il faut que je me calme. De toute façon, je n’y peux pas grand-chose. Catherine a été compréhensive. Je vais essayer de ne pas la décevoir. Etrange expérience que d’écrire pour ce magazine, d’ailleurs. Ca va fouiller bien loin aussi. A chaque fois, je pense à la sœur Thérèse du couvent de la rue de Gand à Lille. Là où était ma tante Agnès, sœur Raymonde en religion… A l’enterrement de ma tante, l’été dernier, elle m’avait pris à part pour me dire Vous savez, on vous lit dans la communauté…

vendredi 18 avril 2008

Vendredi 18 avril. 0h30

J’ai eu deux rendez-vous coup sur coup au Rostand en fin de journée. J’ai écrit pas mal de lettres dans ce café et je continue de temps en temps à y faire de la correspondance. Je m’installe à une table du fond, en vue de la pendule, et je sors mon bloc, mes enveloppes. Au bout d’un moment, la table est entièrement envahie de papier froissé. Je n’aime pas les ratures. Je recommence au propre. En sortant, j’ai descendu la rue de Médicis. Côté Luxembourg... Les marronniers ont presque tous redressé leurs folioles. Dans une semaine à peine les panicules blanches et roses apparaîtront. Cela dure si peu. Chaque année je cours après ces instants. Les fleurs des marronniers, le blé en herbe. Je sais, tout cela c’est l’enfance. Les arbres du cours en face de la maison. Les champs contre l’orée de la forêt d’Halatte. N’empêche, chaque année j’ai l’impression de n’avoir rien vu. Ce sont des moments fragiles. Je vais faire attention.

Christine était avec Amélie. Je les ai retrouvées au Sauvignon. Il tombait une petite pluie fine. Pour pouvoir fumer, elles étaient quand même en terrasse. A peine protégées par l’auvent. J’ai aussi allumé une cigarette. Nous avons vu passer pas mal de gens avant d’aller dîner tous les trois au Palanquin. Toutes les conversations portaient sur le même sujet : et si c’était la fin du Monde ?

jeudi 17 avril 2008

Mercredi 16 avril. 23h45

(...) Ne pas rater un seul instant du printemps. Il faisait doux ce matin. Je suis allé à pied jusqu’à Censier. Un court tronçon du boulevard Saint-Germain, puis j’ai grimpé la Montagne-Sainte-Geneviève. Rue de l’Ecole-Polytechnique et rue Mouffetard. Je suis arrivé juste pour l’atelier d’écriture. Mes étudiants sont de moins en moins nombreux. Je devrais me poser des questions. Mais la petite poignée qui reste m’épate. Ils sont discrets, intelligents, attentifs. Ils ont vingt ans. Mes vingt ans à moi, je ne sais plus où ils se baladent. Je croyais les avoir gardés tout proches. Il n’y a pas très longtemps, j’ai compris qu’ils m’étaient devenus inaccessibles. Lorsque je marche dans Paris, comme tout à l’heure, il me semble que je croise, par moments, le jeune homme que j’ai été. Il s’arrête à la devanture d’une boutique. Entre dans un café. Il flâne, le nez en l’air. Je le regarde passer. Pauvre chère silhouette. Aujourd’hui je sais où le mènent ses pas. Trop de rêves. Tellement trop de rêves. J’ai oublié qu’il pouvait y avoir un accomplissement. J’avais rendez-vous avec Martine Sonnet dans son petit bureau au dernier étage du grand escalier de l’Ecole normale supérieure. Nous avons passé une heure à parler de son livre, Atelier 62. Un texte magnifique sur son père, Amand, forgeron chez Renault à Billancourt. Venu de l’Orne pour vendre sa vie afin de nourrir sa famille. Temps passé, page tournée. Qui se souvient des petites gens ? Nous qui sommes si proches, si nous ne parvenons pas à porter témoignage, alors, il ne restera plus rien. J’ai hésité à lui parler de ma Rue d’Avelghem. Je lui enverrai peut être le roman quand le papier sortira dans Le Pèlerin.

mercredi 16 avril 2008

Mercredi 16 avril. 1h00

Dîner rue Jean-Jacques-Rousseau chez Agnès et Laurent. On est arrivés trop tard pour les enfants. La petite avait gardé jusqu’à la dernière minute ses ballerines roses aux pieds. Elle a fini par s’endormir avec. Je voulais avoir avec Laurent une longue discussion, sérieuse, sur un projet de traduction. J’aimerais bien rééditer Jerôme K. Jerôme dans une version française digne de ce nom. Dépoussiérée, vivante. Débarrassée de cette distance de pseudo chic anglais d’avant André Maurois. Chez Phébus, Hélène Amalric a l’air intéressée. Reste à ordonner les titres. A trouver aussi en Angleterre une biographie de J.K.J.. Ce n’est pas gagné. Qui le connaît ici ? Trois hommes dans un bateau n’est plus pour certains qu’une antiquité de classe de cinquième de la fin des années soixante. Pourtant, c’est si drôle, si prenant. Et ça vous fait d’étranges pincements. J’en sais des passages entiers par cœur. Cette phrase du début, de mémoire : Nous étions quatre : George, Harris, moi-même, et Montmorency. Assis dans ma chambre, nous fumions, nous disant que nous étions décidément bien lamentables. Nous nous sentions tous vraiment mal en point et cet état nous inquiétait. J’ai juste effleuré le sujet avec Laurent. Il serait partant. Mais nous n’avons pas été beaucoup au-delà. Je manque d’arguments concrets.

Amélie avait apporté pour le dessert des petits gâteaux de chez Ladurée. Nous nous sommes tous extasiés. N’empêche, c’était sans intérêt. Juste en couleur et seulement sucré. J’étais venu avec mon Eugène Dabit : Train de vies, le dernier volume paru dans ma collection "Domaine Public ". Il sort en librairie le 24. Le livre avait été livré aujourd’hui chez Buchet. J’ai a passé tout l’après-midi à signer des cartes pour les envois du service de presse. Il faut que ce titre marche. Le C.N.L. n’a pas donné un sou de subvention cette fois-ci. J’y crois. Je croise les doigts. Demain, je vais m'efforcer de trouver un moment pour aller au Père-Lachaise, avec le volume, sur la tombe de Dabit. Il faut bien lui montrer, non?

mardi 15 avril 2008

Lundi 14 avril. 23h40

J’aimerais bien être à Carolles. Nettoyer le jardin. Enfin ranger les livres. M’installer au bureau et simplement écrire.

lundi 14 avril 2008

Lundi 14 avril. 17h30

J’ai eu Christine au téléphone. On n’avait pas pu se parler ce matin. Je l’ai sentie inquiète. A juste titre. C’était la grève au Monde aujourd’hui. Elle sera vraisemblablement reconduite mercredi. Baroud d’honneur ? Ce plan social sonne en tout cas le tocsin de mes espoirs d’embauche. Si tenté d’ailleurs qu’ils aient jamais été inscrits dans une quelconque réalité.

J’avance sur des fondrières. Je repense souvent à cette conversation avec François Taillandier à la fin d’un cocktail en novembre. Nous sommes nés la même année, lui et moi. Avions-nous le champagne triste ? Cela faisait un peu bar du Titanic. Jamais, nous sommes-nous dit, nous n’aurions pu imaginer que verrions disparaître l’univers pour lequel nous avions le sentiment d’avoir été faits, façonnés. Nos rêves se déchirent. Forteresse de papier…

Lundi 14 avril. 0h35

J’ai le dos rompu de fatigue. Des heures au clavier, raide, assis sur ce pliant de jardin qui me sert de chaise de bureau. Comme prévu, ça n’a pas été facile. Impossible de me tenir strictement à la tâche. J’ai rêvassé toute une demi-journée. Trois lignes et je partais, au hasard, relire des chapitres entiers pour me conforter. Je crois que je commence à en avoir un peu assez d’écrire sur les autres. Où vais-je trouver le temps pour moi ? Je ne peux pas arrêter...

Demain, il me reste trois papiers pour Le Monde, un petit pour Marianne. Il y a des notules à corriger sur le site de Buchet. Le soir, j’appelle un auteur pour un portrait dans Le Pèlerin. Je dois un texte sur mes interventions en classe de 1ère à la Maison des écrivains. J’ai promis à Pascale une préface. Avant mai, il faut achever l’édition du Marguerite Audoux pour "Domaine Public" et l'anthologie poétique de Jean Cayrol au Seuil. Et avec ça, surtout, je remets mon manuscrit pour août, dernier délai.

Les lutins des frères Grimm viennent quand ils veulent. Je vais me coucher, on ne sait jamais…

dimanche 13 avril 2008

Samedi 12 avril. 22 h40

J’ai passé une heure et demie chez Elise Fontenaille. J’avais proposé à Christine une chronique pour Le Monde sur son dernier roman. L’Aérostat dans la ligne de Brûlements recoud ensemble des lambeaux d’histoire de sa propre famille. Effrayantes et séduisantes figures d’un passé XVIIIe qu’elle a découvert à la mort de son père. Christine veut que je traite ça en Atelier d’écriture, cette nouvelle rubrique de page 3 qui s’efforce de démonter et d’observer les petites mécaniques de la création littéraire. Elle a raison. Mais ça ne va pas être simple tant je me sens proche. Question d’époque déjà... Je suis familier de ce siècle depuis toujours. Je m’y suis découvert chez moi dès l’enfance. C’était tous ces livres de la bibliothèque de Mme Bouvier à Senlis. Les gros volumes de L’Encyclopédie dont elle me laissait regarder les planches pendant des heures. Et les après-midi des jeudis aussi, avec ma mère, au musée Carnavalet.

Vous m’avez presque réconcilié avec La Harpe, m’a dit Elise Fontenaille. Ca m’a touché qu’elle ait lu Le premier pas suffit. La Harpe, elle l’expédie en quelques lignes assassines dans L’Aérostat, laissant la part belle à Rétif, à Sade, à Mercier… Je crois qu’il n’y a guère que moi pour trouver séduisant ce vieil oublié.

Elle habite un grand appartement un peu foutraque près du carreau du temple. Le parquet à la hongroise est peint en blanc, les cheminées et les plinthes sont taguées à la bombe argent. J’étais assis sur une espèce de divan à baldaquin de tulle. Elle, en tailleur par terre sur une fausse peau de tigre de Sibérie en peluche, servait de minuscules tasses de thé tiède. Un gros chat noir (je crois que c’était plutôt une chatte) venait se frotter en allers et retours permanents contre mes mollets. Inexplicablement, j’étais bien. Demain, je rédige le papier. Mais je crois vraiment que ça ne va pas être facile.

En sortant, je suis passé à Comme un roman, la librairie de Karine Henry. Elle venait de terminer un débat avec Viviane Hamy. On a bu un verre avec un petit groupe de lecteurs. Karine se désolait encore du peu de presse sur son livre de janvier, La désoeuvre, et me remerciait encore de ce que j’avais fait paraître dans Marianne. Je pensais : C’est juste quelques lignes. Il n’y a pas de quoi faire un plat. Pourtant je comprends. On attend tellement, on est tellement fragile. Elle a porté ce texte dix ans. Il faudrait qu’elle parvienne à s’en détacher un peu pour pouvoir continuer. Je ricane. En donneur de conseils, je me pose là…

J’ai rejoint Amélie dans une autre librairie, rue Quincampoix, où Armistead Maupin, son auteur de L’Olivier, faisait une signature. Nous avons flâné à pied un peu au hasard en rentrant. J’avais l’impression que nous avions été séparés un temps infini. Nous nous sommes arrêtés rue de L’Arbre-sec dans un bar à vins. Un coup de blanc. Un coup de rouge. En rejoignant le Pont-Neuf, dans la dernière partie de rue, nous sommes passés devant le n° 28 où j’ai habité il y a vraiment longtemps maintenant. Nous avons hâté le pas. C’était envahi de fantômes.

samedi 12 avril 2008

Vendredi 11 avril 2008. 23h30

J’ai retrouvé Amélie à Saint-Germain. Elle m’a emmené dîner dans un restaurant japonais dans une ruelle entre le boulevard et la rue de l’Abbaye. Officiant au centre de grandes tables de six, un virtuose en toque blanche faisait plein d’acrobaties culinaires avec les fruits de mer et les légumes coupés en petits dés. Un vrai spectacle. C’était très bon. Nous sommes rentrés tout doucement à la maison.

La journée a filé. Ce matin, j’ai relu les livres prévus pour Jeux d’Epreuves. Claudie Gallay, Pierre Senges, La chambre de Jacob de Virginia Woolf… Je présentais Passage de la mère morte de Jean-Claude Perrier, un court récit sur l’enfance, les origines, les larmes ravalées. Normal que ça m’ait plu… Enregistrement en début d’après-midi. Dans le studio autour de Joseph, il y avait Josyane Savigneau, Alexis Lacroix et Frédéric Ferney. Nous avons été plutôt unanimes sur les titres. Sauf Ferney qui a balancé quelques piques qui m’ont paru assez inutiles. Je me suis sauvé rapidement à la fin de l’émission. J’avais à peine quinze minutes pour arriver à Censier où se tenait une réunion d’information pour les étudiants. La dame qui conduisait le taxi écoutait le rosaire sur Radio Notre-Dame en égrenant son chapelet. Je me suis laissé porter par les Je vous salue Marie. La Sainte Vierge nous a ouvert la route a dit la conductrice en me déposant. Elle avait raison : j’étais pile à l’heure.

vendredi 11 avril 2008

Jeudi 10 avril 2008. 23h10

Je suis arrivé très en avance à Sartrouville. Je maîtrise mal les horaires. Toujours peur d’être trop juste. En attendant le rendez-vous, je me suis installé dans une brasserie un peu sinistre à côté de la gare du RER. J’ai écrit un mot à Nathacha, un autre à Steven et Fiona. Je n’attends pas de réponse. Ils sont devenus rares ceux qui écrivent encore des lettres. Mais je m’y tiens. J’aime sans retour le papier et l’encre. Ca devient pourtant un exercice très solitaire. Le courriel va trop vite. Je n’ai pas de goût pour cette correspondance immédiate. Steven et Fiona sont venus en France avec leur fils Leo il y aura maintenant trois mois. Il était plus que temps de leur faire signe. J’étais allé en 2000 interviewer Fiona en Australie pour ses deux premiers livres parus chez Actes Sud, Surfer la nuit et Le crépuscule de la raison. Nous sommes devenus amis. Une espèce d’amitié instinctive. Sans mots ou presque tant mon anglais ne me permet pas de dire autre chose que des banalités. Steven écrit aussi. J’ai apporté ses romans chez Phébus. Le prochain, Le temps qu’il nous a fallu, dernier volet de sa trilogie familiale sort début mai. Entre nous, il s’est tissé quelque chose d’étrangement robuste, fait de ma fascination pour leur pays où a vécu mon père au hasard de ses affectations pendant la guerre et de leur francophilie enthousiaste. Presque naïve. C’est la même eau qui coule entre ici et Melbourne. Quand je regarde la mer à Carolles, je bloque mon regard à la crête des vagues. Juste un peu d’écume. J’ai le sentiment qu’ils sont tout près.

jeudi 10 avril 2008

Jeudi 10 avril 2008. 8h45

La nuit s’est passée comme dans une galerie de mine, lampe éteinte. Un sommeil frontal. Tous les fils arrachés. Il fait bleu dehors maintenant. Les minuscules tulipes commencent à pointer leur nez dans les jardinières au milieu des feuilles de capucines. Je retourne tout à l’heure à Sartrouville. Retrouver les élèves de 1ère dans une librairie…

Mercredi 9 avril 2008. 22h15

J’ai eu du mal à m’extraire ce matin d’un rêve collant, poisseux. Une histoire de trains et de correspondance. D’heures à tuer au buffet de la gare. C’était, comment dire, un rêve ancien. Il ne s’est pas complètement effacé avec la douche et la mousse du shampooing. Il est resté des images que j’ai traînées toute la journée. Un ticket de quai poinçonné d’un minuscule trou. Un wagon vert au coffrage bombé et au haut marchepied. Une valise en métal dans le filet à bagages. De quel voyage s’agit-il ? Je n’ai pas envie de chercher. Je suis quasiment sûr de retrouver tout cela cette nuit. Je vais m’endormir avec cette idée.

Quatre heures d’atelier d’écriture à Censier avec les étudiants de première année, comme tous les mercredis depuis le mois de février. Je crois que je leur dois de reboucler doucement les années. Aujourd’hui a été d’ailleurs une journée à rebrousse temps. (...) J’avais rendez-vous avec Akli Tadjer au café de la Musique, à la Villette. Il habite tout près. On s’était dit bonjour au salon du livre sur le stand de Lattès. Une connivence. Chacun de longues vacances d’enfant dans le Nord de la France. Lui, sa famille lointaine du côté de Lens. Moi, Roubaix et Wattrelos. On a de drôles de paradis perdus, non ? Il m’a raconté comment il était revenu dans le village de ses dix ans avec une équipe de France Bleue Nord et qu’il avait retrouvé ses souvenirs abîmés et détruits. Ce sont sans doute les mêmes qui m’avaient emmené rue d’Avelghem en 2004 pour voir, aussi, qu’il n’y avait plus rien…

mercredi 9 avril 2008

Mardi 8 avril 2008. 23h00.

Quand est-ce que tu recommences à écrire?, m'a dit Pascale. On buvait un verre rue des Canettes. Du pouilly... Je n'ai pas su trop quoi lui répondre. J'ai dû balbutier quelque chose comme J'essaie sans trop bien pouvoir aller au-delà. Impossible d'expliquer. Mon dernier livre est sorti chez Buchet en octobre 2005. J'avais déjà commencé autre chose à ce moment-là. Ca devait parler de cette drôle de période des dix douze ans où, au collège, on vous apprend à renier votre enfance. Je voulais raconter comment on s'efface, comment on s'oublie. A quel point ça fait peur. Ce collège Saint Vincent justement. A Senlis. Les angoisses d'internat. La chapelle, le cloître en rangs par deux, les bons pères, Hemery le préfet de division et l'envie de pleurer qu'on apprivoise, sourde. J'étais si mal là-bas. J'avais fait je crois une centaine de feuillets. Et puis ma mère est morte. Elle avait attrapé une sale bronchite. Je suis parti à Carolles le samedi 29 avril 2006. Marie avait prévu de me rejoindre. Elle voulait passer le week-end avec sa grand-mère. C'est elle qui est venue me chercher à la gare de Granville. Ma tante a téléphoné. Ne traînez pas en chemin... A la maison, il y avait les voisines. J'ai compris tout de suite que c'était les derniers moments. Elle ouvrait de grands yeux. Elle ne savait plus parler. Je lui ai donné à boire en trempant un petit mouchoir dans l'eau. Elle tenait très fort ma main. J'ai dû lui arracher pour téléphoner au médecin, au samu. Ils voulaient tous que je fasse quelque chose. On l'a emmenée à l'hôpital. Je ne l'ai pas quittée. Elle est partie un peu avant minuit. J'ai enlevé son alliance. Et tout s'est effondré.

Ecrire? En relisant mes pages quelques semaines après, j'ai eu le sentiment d'être hors de propos. Des mots vains à la suite. Une ritournelle fade. J'ai tout jeté. Pour de bon. Recommencer? Rien à faire. Tout était déserté.

Quand est-ce que tu recommences... Oui, je vais essayer. J'ai fait mon bureau dans sa chambre. Je n'ai pas encore réussi à ouvrir les volets.

Hier, j'étais dans une classe de 1ère au lycée de Sartrouville. Le conseil général. La maison des écrivains. Porter la bonne parole de la littérature... On a beaucoup discuté. Je n'achète pas un livre si on m'a raconté la fin m'a dit une jeune fille. Ca m'est resté dans la tête comme une évidence de l'envers. Si je veux continuer à écrire, je dois commencer par la fin.

mercredi 9 janvier 2008

9 janvier 2008. 1h15.

Réveil à Croix, tout contre le parc Barbieux. J'ai rêvé du buffet de la rue d'Avekghem. Mal dormi. Matinée à traîner dans la maison. Je suis sorti un instant pour respirer cette odeur de brume et de suie qui fait le Nord. Je serais bien allé au cimetière de Roubaix sur la tombe de Joseph et d'Angèle, mais ce n'était pas le jour pour ça. Et comment m'y rendrais-je ? Un bref passage à Lille chez Méert pour acheter du pain d'épices et des palets de dame, puis chez le fromager pour un morceau de vieux hollande et nous avons pris le train pour Roissy. Camille avait hâte de partir. De rentrer à sa maison. A l'aéroport, nous l'avons confiée à un employé d'Air France. Elle a passé bravement les contrôles. Le flic a été odieux. Nous avons attendu le décollage, et sommes resté encore une demi-heure. En cas de problème, nous a-t-on dit. Retour à l'appartement. Nous avons mangé le fromage rapporté de Lille. Vers minuit, Marie a téléphoné. Un de ses amis (ou un ami d'ami...) a eu un grave accident de voiture. Il est dans le coma et sans espoir de reprendre connaissance. Marie racontait tout cela bouleversée, en essayant aussi de mettre l'événement à distance. Moitié dans la bravade, moitié dans le déni. J'ai eu du mal à trouver des mots. Je les ai eus peut-être. Qui sait ? Ma petite fille...

lundi 7 janvier 2008

7 janvier 2008. 21h50.

Etagères, rangements. Encore, encore... C'est sans fin. Je me suis dépêché pour être à l'heure à la réunion de rédaction de Marianne. Proposé quelques sujets. J'ai le sentiment de perdre mon temps. De faire de la figuration même pas intelligente. Retrouvé Amélie gare du Nord. Nous avons pris le train pour Lille à 19h00. Il s'agit de passer la nuit à Croix, chez la soeur de Virginie, où se trouve Camille, venue seule en France, en avion, de Mexico, du haut de ses six ans. Nous devons l'accompagner à Roissy le lendemain. Dîner « familial ». Je me suis senti mal à l'aise. Comme d'habitude.

samedi 5 janvier 2008

5 janvier 2008. 22h10.

J'ai essayé de ranger toute la journée. En tentant de mettre de l'ordre dans l'appartement, je fais pire que mieux. Tout cela ressemble à ma propre vie. Encombrée... Les souvenirs, les inquiétudes, cette impossibilité de projeter quoi que ce soit dans l'avenir. Dîner avec Fiona et Steven. Ils ont loué un appartement de poupée dans une ruelle qui s'ouvre derrière un porche, rue Saint-Martin. Une ancienne boutique. J'ai ânonné mon anglais. Heureusement, Amélie était là pour sauver la conversation. Retour sous la pluie. Demain, je continue à ranger.

vendredi 4 janvier 2008

4 janvier 2008. 23h00.

Préparé Jeux d'épreuves toute la matinée. Au programme de l'émission, La montagne volante de Christoph Ransmayr (Alexis Lacroix), Le théorème d'Almodovar d'Antoni Casas Ros, premier roman (Nelly Kaprielian), La route de Cormac McCarthy (Nathalie Crom). J'ai choisi L'arpenteuse d'Isabelle Mestre, premier roman aussi. Retrouvailles dans le studio 141 à France Culture. Je me sens bien dans ce rôle-là. Tous les livres sont intéressants avec un peu d'insatisfaction quand même. Mais moi, je ne lis partout que des histoires d'enfance et d'abandon. D'absence de père, de deuil de la mère. Mon histoire, quoi... Quand me sortirais-je de cette spirale? Je ressasse. Je ressasse. Nous avons pris un café aux Ondes avec Nathalie. Nous avons échangé quelques propos vagues sur le boulot. Elle est rentrée à Télérama. J'ai traversé la Seine à pied. Métro jusque chez Buchet. J'ai terminé la mise en forme du premier état du manuscrit de l'anthologie poétique de Jean Cayrol. Réglé les histoires d'Assedic. C'est le dernier mois où je vais toucher quelque chose. Je ne sais plus si je suis vraiment inquiet. J'ai dépassé, semble-t-il, l'état d'inquiétude. Je glisse dans une dangereuse indifférence. J'ai rejoint Amélie à l'appartement. Nous sommes allés dîner chez Damien, un de ses amis de fac à Issy-les-Moulineaux. Quatre filles, de trois à dix ans. L'aînée, Géraldine est la filleule d'Amélie. Soirée entre parenthèses. Les petites ont été mises au lit très tôt. Nous avons échangé des banalités gentilles. Je me suis énervé un peu sur Les bienveillantes de Jonathan Littell. Damien nous a ramené en voiture à Paris. Un Schweppes et au lit...

jeudi 3 janvier 2008

3 janvier 2008. 22h20.

Travaillé chez Buchet tout l'après-midi. J'ai terminé la lecture des épreuves du Dabit. Ce sera une belle édition. Envoyé aussi un mot à Lionel Destremeau au Seuil avec le découpage de l'anthologie Cayrol. Il faut que je rédige vite la préface et que je retourne à Bordeaux voir Jeanne Cayrol. Bises de bonne année. Ces jours-là, je me ferais bien invisible pour ne pas avoir à donner et recevoir les voeux. Je n'ai pas écrit une carte cette année...

J'ai pris un verre à la Perle avec Pascale. Nous avons parlé de son séjour chez sa mère près de Gap et de tout le désarroi qu'elle ressentait face à la vieillesse, la solitude âgée et la mort. Elle m'a semblé si fragile. Au bord de larmes dont elle a à peine conscience. Conversation au bord de l'année qui commence comme au bord d'un gouffre.Je lui ai dit mon angoisse de ne plus écrire, de ne plus pouvoir simplement aborder mon travail de chroniqueur. Des heures pour rédiger le moindre papier. Et cette terreur de l'avenir... L'impossibilité de se projeter autrement que dans la vision des pires catastrophes. Elle m'a encouragé à sa manière. Le fait est que je dois trouver une solution. Dîner simple et tendre avec Amélie. Plein de choses à faire demain.

mercredi 2 janvier 2008

2 janvier 2008. 23h40

Dîner au Bistrot de Paris avec Fiona et Steven, leur fils Leo. Ils rentraient de Venise. Ils sont pour quinze jours à Paris. On se reverra avant leur départ. On s'aime bien, je crois. Nous avons bu du gamay à tire larigot. Amélie et moi sommes rentrés bien fatigués. J'ai un papier à écrire pour Marianne sur le journal d'Hélène Berr, une jeune femme juive morte à Bergen-Belsen en 1944. Cette souffrance me hante. Toute cette douleur, intacte au delà du temps. Je n'ai pas le courage ce soir. Je n'ai pas beaucoup de courage ces temps-ci.

- page 136 de 137 -