Je suis arrivé très en avance à Sartrouville. Je maîtrise mal les horaires. Toujours peur d’être trop juste. En attendant le rendez-vous, je me suis installé dans une brasserie un peu sinistre à côté de la gare du RER. J’ai écrit un mot à Nathacha, un autre à Steven et Fiona. Je n’attends pas de réponse. Ils sont devenus rares ceux qui écrivent encore des lettres. Mais je m’y tiens. J’aime sans retour le papier et l’encre. Ca devient pourtant un exercice très solitaire. Le courriel va trop vite. Je n’ai pas de goût pour cette correspondance immédiate. Steven et Fiona sont venus en France avec leur fils Leo il y aura maintenant trois mois. Il était plus que temps de leur faire signe. J’étais allé en 2000 interviewer Fiona en Australie pour ses deux premiers livres parus chez Actes Sud, Surfer la nuit et Le crépuscule de la raison. Nous sommes devenus amis. Une espèce d’amitié instinctive. Sans mots ou presque tant mon anglais ne me permet pas de dire autre chose que des banalités. Steven écrit aussi. J’ai apporté ses romans chez Phébus. Le prochain, Le temps qu’il nous a fallu, dernier volet de sa trilogie familiale sort début mai. Entre nous, il s’est tissé quelque chose d’étrangement robuste, fait de ma fascination pour leur pays où a vécu mon père au hasard de ses affectations pendant la guerre et de leur francophilie enthousiaste. Presque naïve. C’est la même eau qui coule entre ici et Melbourne. Quand je regarde la mer à Carolles, je bloque mon regard à la crête des vagues. Juste un peu d’écume. J’ai le sentiment qu’ils sont tout près.