J’ai eu du mal à m’extraire ce matin d’un rêve collant, poisseux. Une histoire de trains et de correspondance. D’heures à tuer au buffet de la gare. C’était, comment dire, un rêve ancien. Il ne s’est pas complètement effacé avec la douche et la mousse du shampooing. Il est resté des images que j’ai traînées toute la journée. Un ticket de quai poinçonné d’un minuscule trou. Un wagon vert au coffrage bombé et au haut marchepied. Une valise en métal dans le filet à bagages. De quel voyage s’agit-il ? Je n’ai pas envie de chercher. Je suis quasiment sûr de retrouver tout cela cette nuit. Je vais m’endormir avec cette idée.

Quatre heures d’atelier d’écriture à Censier avec les étudiants de première année, comme tous les mercredis depuis le mois de février. Je crois que je leur dois de reboucler doucement les années. Aujourd’hui a été d’ailleurs une journée à rebrousse temps. (...) J’avais rendez-vous avec Akli Tadjer au café de la Musique, à la Villette. Il habite tout près. On s’était dit bonjour au salon du livre sur le stand de Lattès. Une connivence. Chacun de longues vacances d’enfant dans le Nord de la France. Lui, sa famille lointaine du côté de Lens. Moi, Roubaix et Wattrelos. On a de drôles de paradis perdus, non ? Il m’a raconté comment il était revenu dans le village de ses dix ans avec une équipe de France Bleue Nord et qu’il avait retrouvé ses souvenirs abîmés et détruits. Ce sont sans doute les mêmes qui m’avaient emmené rue d’Avelghem en 2004 pour voir, aussi, qu’il n’y avait plus rien…