J’ai accompagné René au funérarium à Granville. Un vilain bâtiment récent qui jouxte le magasin de pompes funèbres. Faux fronton grec et fausses colonnes. Mon Dieu que ces endroits sont laids. Georgette repose enveloppée dans le grand plaid en mohair blanc que nous lui avions offert pour ses quatre-vingt dix ans. Je ne suis éloigné pour laisser René lui parler doucement. On s’en va ?, a-t-il la voix un peu nouée. Et il sourit crânement. Sinon je vais prendre froid.
vendredi 15 novembre 2013
Mercredi 23 octobre 2013. 14h50.
Par Xavier Houssin le vendredi 15 novembre 2013, 10:52
Mardi 22 octobre 2013. 21h50.
Par Xavier Houssin le vendredi 15 novembre 2013, 10:50
Josette a pris contact avec l’auberge afin d’arranger une petite réception au retour du cimetière. J’aurais préféré louer la « salle de l’amitié » et demander à Bruno Legillon de s’occuper du buffet. Christelle et lui ont été des voisins si présents, si attentifs. Georgette était rassurée de les savoir tout près, à la boutique. Je sais que je peux compter sur eux, répétait-elle. Elle leur achetait trois fois rien. Une minuscule tranche de jambon, cent grammes de rillettes. Ils sont tellement gentils. Quand j’ai appelé à la mairie, la salle était déjà retenue. Mon parrain René est arrivé d’Uzès en fin d’après-midi. Le train jusqu’à Rennes, puis une voiture de location. Je l’ai rejoint à l’auberge où il avait retenu une chambre. Tu as fait bon voyage ? Et comment est le temps dans le Gard ? Nous avons enroulé une pelote de banalités. Surtout maintenir l’émotion à distance. Nous nous sommes téléphoné tous les jours ou presque depuis plus d’un mois. Je le sais désemparé. Ce deuil lui fait revivre tant d’autres. Je voudrais t’inviter à dîner ici ce soir. Mais avant, emmène-moi chez toi. Je voudrais revoir la maison de Jeanne.
Mardi 22 octobre 2013. 12h40.
Par Xavier Houssin le vendredi 15 novembre 2013, 10:48
Nous avons préparé la messe de jeudi. Qui prendra la parole ? Qui lira les textes ? Josette avait écrit quelques mots sur la vie de Georgette. Je m’étais chargé de rédiger la prière universelle. Jacques Hazebrouck avait apporté ses carnets de chants. Nous sommes tombés d’accord sur le choix de l’Evangile. Celui qui se fera humble comme un petit enfant sera le plus grand dans le royaume des Cieux. Et celui qui reçoit, en mon nom, un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il reçoit. Au bout d’une heure, nous étions parvenus à dessiner les contours de la cérémonie. Pourvu que tout se passe doucement, simplement.
mardi 12 novembre 2013
Lundi 21 octobre 2013. 23h00
Par Xavier Houssin le mardi 12 novembre 2013, 17:35
J’ai cherché dans Les confessions de saint Augustin le passage sur la mort de Monique. J’en ai extrait un paragraphe qu’on pourrait lire jeudi. Je lui fermais les yeux, et dans mon cœur s’amassaient les flots d’une immense tristesse qui allait s’écouler en flots de larmes. Mais au même instant, mes yeux, sur un ordre violent de mon âme, résorbaient la source de leurs pleurs jusqu’à la dessécher ; et pareille lutte me faisait très mal. (…) Ce qui restait en moi de l’enfance et qui allait glisser dans les larmes, sur l’intervention de la voix virile du cœur, se laissait refouler et se taisait. Oui, nous estimions qu’il ne convenait pas de célébrer un deuil comme celui-là par des plaintes, des larmes et des gémissements. Parce que le plus souvent, en agissant ainsi, on a coutume de déplorer en ceux qui meurent une espèce de misère ou comme une disparition totale. Mais pour elle, ce n’était ni une mort misérable, ni une mort totale. Nous en avions la certitude. Et par le témoignage de ses vertus et par une foi sans feinte. Et par des raisons certaines. Trouvé aussi quelques versets du Siracide : Toutes les années, face à l’Éternité, sont une goutte d’eau de la mer. Un grain de sable. J’ai appelé Josette. Demain, Jacques Hazebrouck vient nous aider à organiser la cérémonie. Réfléchis de ton côté aux textes, aux chants, à l’Evangile. J’ai reçu un mot vraiment gentil de Jean-Marie qui a tout compris du désarroi dans lequel cette disparition me plonge. Annick et Norbert m’ont invité à dîner. Le temps aujourd’hui était à l’éclaircie.
Dimanche 20 octobre 2013. 22h10.
Par Xavier Houssin le mardi 12 novembre 2013, 17:34
Nous sommes restés une heure chez Georgette avec Josette et Jean-Claude. Ouvrir les volets. Laisser entrer à nouveau la lumière. J’ai passé furtivement, dans la chambre, la main sur le lit qu’elle n’avait pas eu le temps de défaire ce dimanche 8 septembre dernier. Prend ce que tu veux, m’a dit Josette. Vraiment. J’ai mis de côté les deux paysages XIXe que je lui avais donnés en souvenir à la mort de Maman et qui avaient accompagné toute mon enfance à Senlis. Et aussi une petite marine des années 1950. Une Vierge en porcelaine, réplique de la statue protectrice de Notre-Dame de Bonsecours dans le Hainaut. Je ne sais pas, je ne sais pas. Je repasserai je crois. – Elle voulait te laisser son semainier. Un haut meuble à tiroirs en pichepin qui venait de la rue d’Avelghem. Mon Dieu, j’ai peur de ne pas avoir la place. Terminé le portrait de Valentine pour Le Monde. J’ai accompagné Amélie à la gare. Je ne rentre pas à Paris. Il y a tant à faire.
Samedi 19 octobre 2013. 21h00.
Par Xavier Houssin le mardi 12 novembre 2013, 17:33
J’étais au presbytère de Saint-Pair (dont dépend l’église de Carolles maintenant) dès l’ouverture. J’ai expliqué la situation à la dame de l’accueil. Insisté pour qu’on dise une messe. Son frère Georges, qui vit à Lille, est prêtre, mais il est trop âgé, trop fatigué, pour faire le déplacement. Petit tour de sa vie et de sa piété simple. C’est important, vous comprenez. J’ai été le plus persuasif possible. Jean-Luc m’avait laissé comprendre que si je trouvais personne, il s’en chargerait. Mais ça ira bien, tu verras. Il pleuvait. Dans l’après-midi, Jacques Hazebrouck, qui a en charge les obsèques à la paroisse, venait à la maison pour nous dire que le père Delaby, en retraite à Carolles, acceptait de célébrer la messe. La cérémonie aura lieu jeudi matin.
lundi 11 novembre 2013
Vendredi 18 octobre 2013. 21h30.
Par Xavier Houssin le lundi 11 novembre 2013, 23:16
Georgette est morte aujourd’hui. J’avais parlé au téléphone avec Josette dans la matinée. Elle est toujours là, tu sais. Annick et Norbert étaient venus à midi prendre un verre. Nous sommes partis à l’hôpital aux alentours de 14h00. J’ai rappelé en route pour les nouvelles. Un blanc au bout de la ligne. C’est fait. Elle est partie. Dans la chambre, nous avons retrouvé Josette et Jean-Claude. Et Fanny qui avait les yeux rouges. Si peu à se dire. Si peu à faire. Nous lui avons pris la main. Embrassée sur le front. Oh, cette blancheur déjà irréelle de la peau. Les narines pincées. La bouche tombante et serrée. Un rien de temps après, ce n’était plus vraiment elle. J’ai posé sur le lit le bouquet de roses minuscules que nous lui avions acheté ce matin au marché de Jullouville. L’aumonier est venu. Nous avons récité les prières. Le Notre Père. Le Je vous salue Marie. Avec Josette et Amélie, la journée s’est passée en démarches. Au funérarium de l’hôpital, chez Guérin, l’entreprise de pompes funèbres de Granville qui avait déjà enterré mon père, puis ma mère. Choix du cercueil, du capiton, de la croix, des poignées. Tout au plus simple s’il vous plaît. Nous avons rédigé les faire-parts : René et Georges Lapierre, ses frères ;/ Josette Cauterman, sa nièce ;/ Xavier Houssin, son neveu et filleul ;/ ses autres nièces, neveux, filleules et leurs familles… Restait la date de la cérémonie et je tenais à une messe. Pas facile, a glissé M. Guérin. Vous savez qu’il y a de moins en moins de prêtres. Maintenant, ce sont souvent des laïcs qui se chargent des funérailles. La nuit commençait à tomber. J’ai passé un coup de fil à Jean-Luc, au presbytère de Donville. On peut venir te voir ? Ma tante vient de mourir. J’ai besoin de conseils.
Jeudi 17 octobre 2013. 23h50.
Par Xavier Houssin le lundi 11 novembre 2013, 23:15
J’ai appelé Josette avant de partir à Censier. Georgette n’est plus qu’un souffle. Après mes cours, je suis rentré directement à la maison. Pas le courage de passer chez Caractères. Arrivée à Carolles dans la nuit noire
Mercredi 16 octobre 2013. 22h45.
Par Xavier Houssin le lundi 11 novembre 2013, 23:15
Fouillé dans les faits divers pour préparer les cours de demain. Je vais faire travailler les étudiants sur la titraille. Trouvé un boa échappé dans un wagon de TGV, un septuagénaire dealer de coke et une sombre affaire d’escroquerie et de parricide. Relu Kinderzimmer. Je dois rédiger mon portrait de Valentine ces jours-ci. J’ai rejoint Amélie rue Marmontel. Nous gardions Gabrielle en début de soirée (Jérôme accompagnait Marion à une échographie). La soupe, les pâtes, les petits suisses. Je lui ai lu deux trois histoires de Petit ours brun. Pas vu beaucoup d’autres livres. Il va falloir que je lui en achète. Elle dormait à poings fermés quand Marion et Jérôme sont rentrés. Côté échographie, tout va bien. Il arrive en février ce petit garçon.
Mardi 15 octobre 2013. 16h30.
Par Xavier Houssin le lundi 11 novembre 2013, 23:14
Déjeuner aux Enfants gâtés avec Marie-Joséphine. Je n’ai pas vraiment avancé sur ses projets Comtesse de Ségur. Pas eu de réponse de Jean-Claude Simoën à propos du « dictionnaire amoureux » et personne pour l’instant ne veut de La santé des enfants, son petit recueil de conseils pédiatriques. Promis, je reprends mon bâton de pèlerin.
Lundi 14 octobre 2013. 20h20.
Par Xavier Houssin le lundi 11 novembre 2013, 23:13
A additionner les rendez-vous repoussés les uns après les autres, cela faisait bien deux ans que je devais prendre un café avec Sylvie Tanette. Nous nous sommes retrouvés au Rostand. Nous avions fait connaissance une première fois, sans nous voir, à l’occasion d’une émission de la Radio suisse romande le lendemain de mon accident de mars 2011. Je n’avais pas pu me rendre au studio à cause de ma jambe dans le plâtre et j’étais intervenu comme j’avais pu par téléphone. Puis nous étions juste croisés. Son roman Amalia Albanesi était sorti à la rentrée d’alors (une belle histoire de famille et de femmes qu’elle déroulait des Pouilles à la Turquie, de l’Égypte à Marseille). Au Monde, Josyane avait rédigé un court papier. Je n’avais pu écrire que quelques mots dans ma chronique de Next. Nous nous sommes repassés les épisodes depuis tout ce temps. Parlé de littérature. Des livres des autres et des notres. De nos grands projets et de nos petits boulots. J’ai déjeuné avec Nathalie dans un italien sans intérêt de la rue Monsieur-le-Prince qui s’est installé à l’emplacement de Maître Paul, le restaurant franc-comtois. Ce paysage-là bouge aussi. On ne fait pas attention et puis un jour on s’aperçoit que tout a changé. Je ne reconnais plus le quartier. D’affreux fast-food se sont succédés à la place du café Capoulade. En face, le Mahieu a été remplacé par un MacDo. Le Cluny, plus bas, est une pizzeria Del Arte. Zéro de conduite est devenu un japonais et le Lazy place une banque. Bah, il reste le Rostand.
Dimanche 13 octobre 2013. 15h40.
Par Xavier Houssin le lundi 11 novembre 2013, 23:13
J’ai terminé mon papier. Retour à Paris sous la pluie avec l’impression d’avoir abandonné tout un monde.
jeudi 17 octobre 2013
Samedi 12 octobre 2013. 22h20.
Par Xavier Houssin le jeudi 17 octobre 2013, 23:42
Nous avons mis au four les deux grouses que j’avais achetées jeudi à la boucherie de la rue Daguerre, chez Jérôme et Lydie. Il faisait très beau. Presque un temps à déjeuner dehors. Nous nous sommes arrêtés chez Josette sur le chemin de l’hôpital. Elle a déjà vu plusieurs fois la gériatre qui s’occupe de Georgette. Une femme très douce, dit-elle. Qui ne lui a pas caché que la fin était proche. Les soins, les traitements, ne servent qu’à la préserver d’une agonie pénible. Tous les organes sont maintenant touchés par l’infection. Mais cela peut durer. Vie suspendue. C’est étrange comme on attend. Là-bas, Georgette était diaphane. Elle aussi, elle attend. J’ai commencé à écrire mon papier sur les Inédits de René Crevel. Jean-Pascal est passé prendre un thé avant de rentrer à Caen. Il fait des visites de plus en plus brèves à Carolles. Toujours sans Agathe et Martine. Mme Bassard a sonné à la porte. Je venais prendre des nouvelles de la tante…
Vendredi 11 octobre 2013. 18h50.
Par Xavier Houssin le jeudi 17 octobre 2013, 23:41
Dans son lit d’hôpital, Georgette semble si petite. Elle respire avec peine. Sommeil de passereau. Elle sourit quand elle nous voit. Ca va ?, murmure-t-elle.
Jeudi 10 octobre 2013. 19h00.
Par Xavier Houssin le jeudi 17 octobre 2013, 23:41
Arnaud a été réopéré. A Paris cette fois. Le réveil s’est mal passé. Il a dû être mis sous morphine. Pauvre bonhomme.
Jeudi 10 octobre 2013. 16h30.
Par Xavier Houssin le jeudi 17 octobre 2013, 23:40
J’ai reçu un message de Laurence, inquiète. Il y a plus de quinze jours maintenant qu’elle m’a fait parvenir le texte qu’elle fait paraître en janvier aux Busclats et je ne lui en ai toujours rien dit. Quelle peine que ton silence, m’écrit-elle. J’ai honte. Moi qui sais tellement ce que c’est que l’attente. Je lui ai répondu tout de suite. Comment lui expliquer qu’il ne s’agit pas d’indifférence, ni que j’aurais sur son livre je ne sais quel avis négatif que je voudrais lui taire. Je me sens pris en ce moment dans une parenthèse grise. Je n’en bouge plus. Je m’y traîne. Et Laurence qui sait si bien dire l’essentiel. L’inquiétude et l’espoir. Le temps regagné. Comment de mot en mot, on parvient à se redresser. Je me sens si vide.
Mercredi 9 octobre 2013. 18h50.
Par Xavier Houssin le jeudi 17 octobre 2013, 23:40
J’ai déjeuné avec Juliette aux Délices d’Aphrodite, le « petit » Mavrommatis de la rue de Candolle. A deux pas de Censier. Nous sommes restés un bon moment à parler de ses projets chez Belfond au-dessus de nos pikilias. Elle a la passion littéraire contagieuse. Elle vient de rééditer Caravansérail, le « roman » de Picabia écrit dans les années 1920 et publié seulement en 1974, vingt ans après sa mort. Picabia, l’anti-tout s’y raconte et règle ses comptes avec le milieu artistique. C’est tordu, drôle et méchant. Je ne connaissais presque rien de lui. Juste quelques poèmes édités par Parisot chez Guy Lévis-Mano. J’avais acheté le volume il y a très longtemps chez un libraire d’occasion. Il faut que je remette la main dessus. Corrigé les premiers travaux des étudiants . Préparé mon cours. Demain, je retourne dans le quartier.
jeudi 10 octobre 2013
Mardi 8 octobre 2013. 21h50.
Par Xavier Houssin le jeudi 10 octobre 2013, 23:41
René a téléphoné pour donner des nouvelles de Georgette. Il s’efforce de parler avec détachement. Comment dire ? Elle s’en va doucement... Depuis hier, on l’a installée dans une chambre seule. Elle dort la plupart du temps. Tellement faible, tellement à bout de souffle. A l’hôpital d’Avranches, il y a encore un aumonier. Un vieux prêtre. Il est venu lui rendre visite. Selon René, elle lui aurait demandé : Je veux l’absolution. A quels pauvres péchés pensait-elle encore ? Depuis des années, sa vie s’était renfermée dans le minuscule rez-de-chaussée qu’elle habitait rue de Poste. Là où elle avait trouvé refuge après que sa propriétaire avait vendu sa maison. Plus de jardin. Elle cultivait ses plantes dans la cour. Des pots, des jardinières. Nourrissait les oiseaux. Et les jours de soleil, elle se faisait de lentes promenades. La mairie, le camping, le bout de l’Humelière. Mais quels péchés, Mon Dieu...
Mardi 8 octobre 2013. 16h00.
Par Xavier Houssin le jeudi 10 octobre 2013, 23:41
Raphaëlle me demande finalement trois à quatre mille signes sur les Inédits de Crevel pour la semaine prochaine. Je vais joindre Alexandre Mare qui a apporté les textes au Seuil et dirigé l’édition. Ca donnera de l’épaisseur au papier. Déjeuner avec Anne aux Enfants gâtés. Parlé d’Une si lente obscurité d’Alain-Julien Rudefoucaud chez Tristram et d’Encore cinq minutes Maria de Pablo Ramos chez Metailié. Tu penses pouvoir faire quelque chose ? J’aimerais bien répondre, mais, sincèrement, je ne sais pas.
mardi 8 octobre 2013
Lundi 7 octobre 2013. 19h30.
Par Xavier Houssin le mardi 8 octobre 2013, 22:11
J’ai déjeuné au Tournon avec Jean-Maurice de Montrémy. Rattrapé un peu le temps perdu depuis notre dernière et lointaine rencontre. Nous avons parlé de nos pères, de nos livres, des éditeurs, des journaux et du catalogue d’Alma. En janvier, sort un court roman de Valentine Goby, La fille surexposée. Ca tombe à pic pour son portrait dans Le Monde que je n’ai pas encore commencé. Je suis rentré par le Luxembourg. Les allées étaient jonchées de marrons.
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