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mardi 8 octobre 2013

Dimanche 6 octobre 2013. 23h00.

J’ai terminé mon papier. Je l’ai envoyé dans l’après-midi à Françoise-Marie. Avant d’aller à la gare, nous sommes passés chez Mme Bassard lui porter le bouquet de dahlias rouges acheté samedi au marché. Il sera mieux chez vous que dans la maison vide. - Et la tante ? – On attend…

Dimanche 6 octobre 2013. 2h10.

Dîner avec Monique et Jean-Marie, Nathalie et Yves qu’on s’était promis d’inviter depuis longtemps. J’avais fait des canettes aux olives. Nous avons bu du château fombrauge 2006. Je n’étais pas mécontent. La discussion a tourné autour des municipales. Ce n’est plus un secret : Jean-Marie va se présenter aux prochaines élections. Du coup, nous y sommes allés chacun de notre cahier de doléances (la voirie, les déchets verts, les projets urbains et les affreux lampadaires…) Nous avons fait le tour du village, du cimetière à la salle des fêtes. Et parlé des commerces, de la poste qui va fermer. Nathalie et Yves ont raconté combien ils n’en pouvaient plus que la villa Eole, à deux pas de chez eux sur le route de la Croix Paquerey, fasse Noces et banquets tous les week-ends. La propriété, colonie de vacances de Mainvilliers, une commune d’Eure-et-Loir, est maintenant régulièrement louée pour des mariages. Viande saoûle et sono à fond jusqu’au petit matin. Nous en avons rajouté une couche. Car même quand il n’y a que les enfants, l’ambiance ne se calme pas vraiment. Le matin, les moniteurs les réveillent avec du rap qu’on entend de la plage et les sentiers sur la falaise vibrent certains après-midis d’été au rythme des « boums » qu’on leur organise. Pauvre Jean-Marie. Nous l’avons entraîné dans ses premiers pas de campagne. Je suis certain, mais alors certain, qu’il fera un très bon maire. Nous avons aussi tous beaucoup ri aussi toute cette soirée. Franchement. Gaiement. Nous en avions, je crois, bien besoin. Nous deux.

Samedi 5 octobre 2013. 18h00.

Il a fait très beau aujourd’hui, ai-je dit à Georgette dans le creux de l’oreille. C’est presque l’été, a-t-elle répondu dans un souffle. Sa tête est retombée sur l’oreiller. Un instant après elle a tendu la main vers Amélie et moi. Au revoir, au revoir. Les mots, pris tout seuls, apparaissent si vides. – A bientôt. Repose-toi.

Samedi 5 octobre 2013. 13h20.

Amélie est partie au marché. J’ai commencé mon portrait d’Alexis Turner. Dans la cour, là où j’ai passé l’herbicide la semaine dernière au milieu des graviers, la végétation morte fait de grandes plaques jaunâtres.

Vendredi 4 octobre 2013. 21h15.

Georgette a quitté l’affreuse polyclinique. Et tant mieux. Toutefois j’ai peur que son séjour là-bas lui ait été fatal. Elle y a contracté une infection généralisée. Les intestins, les poumons. Tout est envahi. Et on lui a prescrit à la hâte des médicaments qu’elle ne tolérait pas. Elle est revenue à l’hôpital d’Avranches dans le service de gériatrie. Sa chambre est lumineuse et propre. L’autre lit est occupé par une petite dame tranquille. Les infirmières et les aides soignantes sont charmantes. Mais elle ne profite pas de ce répit. Elle n’entend plus d’une oreille. A peine de l’autre. S’épuise à parler. J’ai soif. Elle avale juste une gorgée d’eau. Fait un petit signe. Et s’endort. Nous sommes partis doucement. Soleil rasant sur la Baie au début du couchant. Les sables autour du Mont allaient du miel au roux. On s’arrête ? – Oh, non… Hâte qu’elle se termine cette route de la côte. Elle est devenue celle des allers et retours de nos visites. La verrons-nous autrement après ? Cet après de l’absence auquel je m’interdis de penser. Je le sais d’expérience : la mort ne s’apprivoise pas. Passez cueillir des pommes nous avait dit Norbert. Nous sommes allés dépouiller l’arbre du bas de son terrain. Deux pleins paniers de Melrose. Et venez boire un verre. Ensemble dans la véranda, jusqu’à ce que le jour tombe sur la falaise, nous avons parlé. De tout. De rien.

Vendredi 4 octobre 2013. 15h30.

Amélie m’a aidé à écrire un long mot à Fiona et Steven. Ils m’avaient envoyé un message la semaine dernière. We want you to know that we are thinking of you. Je leur avais répondu trois lignes maladroites bourrées de fautes de grammaire. Cela faisait bien un an que je ne leur avais pas donné de nouvelles. Mais raconter quoi ? Que depuis ma maladie, mon opération et mes traitements, je vis dans un au jour le jour inquiet ? Que je renâcle à faire les analyses qu’on m’a prescrites parce que j’ai peur des résultats ? Que je n’arrive pas à écrire mon livre ? Que mes commandes de papiers dans la presse se font de plus en plus rares ? Que j’ai, encore et encore, des soucis d’argent ? On va plutôt parler ce qui va bien, non ?, ai-je proposé à Amélie. Et c’est vrai que, grâce à elle, mes jours sont aussi emplis de douceur, de tendresse et de consolation. Il faudrait que je puisse enfin faire la part des choses. Renverser cette fatalité négative qui me ronge tellement. On va commencer par leur dire que l’automne est doux à Carolles… En fait, je m’empêtrerais peut être moins si nous nous voyions plus souvent. Melbourne est à quinze mille kilomètres. Faire le voyage aujourd’hui, me paraît, pour nous, bien compliqué. Mais Fiona et Steven projettent de revenir à Paris l’an prochain. Jean-Pascal est passé dire bonjour. Tout seul. Il repart tout à l’heure. Il ne vient à Carolles qu’une journée par semaine. Voir sa mère. Martine et Agathe ne l’accompagnent plus en ce moment. Annick et Norbert ont déjeuné à la maison. Norbert m’a demandé ma recette de homards à l’américaine. Il n’y a pas grand savoir-faire. Nous avons passé en revue les ingrédients. Le beurre, les échalotes, l’ail, les tomates, le bouquet garni, le poivre de cayenne, le cognac, le vin blanc, la crème. Un homard de cinq cents grammes par personne. J’ai compris que ce qui l’embêtait le plus, c’était de les couper en tronçons vivants.

lundi 7 octobre 2013

Jeudi 3 octobre 2013. 23h40.

J’avais oublié d’imprimer ma nouvelle liste d’étudiants. Du coup j’ai demandé : Tout le monde a bien le droit d’être là ? Et puis, flûte… Premier « vrai » questionnaire d’actualité avec eux : ce Belge qui a obtenu le droit à l'euthanasie après un changement de sexe raté, le discours de Nétanyahou devant l'assemblée générale des Nations unies, Apollinaire maintenant dans le domaine public… Ils ne s’en sont pas trop mal sortis. J’ai remis mon nez dans le Caicedo. Si jamais Florence me demandait le texte pour la semaine prochaine. Nous avons pris le dernier train.

Mercredi 2 octobre 2013. 16h10.

J’ai préparé mes cours pour demain à Censier. Relu Taxidermie, le livre d’Alexis Turner, mis en ordre les notes, fait quelques recherches supplémentaires. Le photographe de Next se trouve chez lui aujourd’hui. Il est temps de commencer à écrire son portrait.

Mardi 1er Octobre 2013. 18h20.

J’ai reçu un mot de Nathacha. Par son intermédiaire, je suis invité en mars à l’Île Maurice pour le Salon international du livre. Elle me dit que les organisateurs sont très désireux de me recevoir là-bas. J’hésite. C’est si loin. Et en même temps j’ai tant besoin d’être conforté en ce moment. Si tu es libre, si tu veux voir un peu mon pays, si tu veux rencontrer des Mauriciens et aussi des auteurs indiens, australiens, malgaches..., autour de tes livres, de la littérature, de ton métier, de tes projets, tu nous ferais un grand honneur, écrit-elle. Mon Dieu, cela me paraît beaucoup pour moi tout ça. Il faut que je réfléchisse…

Lundi 30 septembre 2013. 16h00.

Ce matin, sur la terrasse, une nuée de papillons, paons du jour et vulcains, voletait au-dessus des figues écrasées. Ils semblaient saoûls d’avoir butiné le jus fermenté des fruits. Au point que j’ai pu en attraper plusieurs à la main. J’ai fait un petit film avec mon téléphone portable que j’ai envoyé à Thomas. En lui glissant, dans le petit mot d’accompagnement, un fragile bouquet des noms latins (Inachis io, Pyrameis atalanta) et des noms anglais (Peacock et Red admiral). Il habite à Londres, n’est-ce pas ?

dimanche 6 octobre 2013

Dimanche 29 septembre 2013. 20h50.

Le ciel est tout gris. Il fait humide, mais il ne devrait pas pleuvoir. J’ai passé du désherbant dans la cour. Interminable. Il y a un brin d’herbe derrière chaque gravier. Nouvelle visite, désespérante, à Georgette. J’ai parlé longuement au téléphone à Josette le soir. Nous nous étions croisés sur la route comme nous revenions d'Avranches. Un coup de klaxon, un signe de la main. Elle est admirable, ma cousine. Elle vient tous les jours, plusieurs fois. Apportant du linge frais et des nouvelles du dehors, des douceurs, miel de thym et petits carrés de chocolat. Elle assiste aux repas : Presque rien ne passe, tu sais… Elle aussi a été saisie par le changement qui s’est opéré d’une journée sur l’autre. Je reste persuadé que cela tient en grande partie à l’horrible endroit où Georgette se trouve.

Samedi 28 septembre 2013. 22h00.

Josette m’avait donné des nouvelles de Georgette au long de la semaine. Des hauts, des bas. Elle avait été transférée dans un hôpital privé (la Polyclinique de la Baie) dans un service de « soins et de rééducation ». Sa fracture semblait en cours de consolidation, mais elle ne mangeait toujours presque pas. Nous sommes allés la voir dans l’après-midi. La Polyclinique est située en périphérie d’Avranches. Un vilain bâtiment situé entre des immeubles HLM et une zone commerciale. Couloirs déserts. Peu ou pas de personnel. Georgette partage une chambre sinistre, aux fenêtres donnant sur un mur aveugle avec une autre dame agée qui geint sans arrêt. Je l’ai trouvée terriblement changée. Pâle. Epuisée. Réussissant à peine à dire quelques mots. Elle répétait : Et hier, j’allais si bien. Et hier j’allais si bien. J’avais le cœur brisé.

Vendredi 27 septembre 2013. 21h10.

Il faisait nuit quand nous sommes arrivés à Carolles. A la lumière des phares de la Twingo, j’ai vu que toute la cour était recouverte d’un fin duvet vert. Comme une pelouse recouvrant les graviers étalés le mois dernier. Déjà ! Il va falloir vite traiter.

Vendredi 27 septembre 2013. 13h20.

Je n’ai pas beaucoup de travail pour Le Monde en ce moment. Je rédige juste des brèves. Mon portrait de Valentine Goby est repoussé fin octobre. Et toutes mes propositions restent sans suite. Raphaëlle m’apprend que Catherine Millet va (à tout seigneur, tout honneur...) s’occuper de Ma mère rit de Chantal Ackerman que je voulais chroniquer. Elle me demande de regarder les Inédits de Crevel que publie le Seuil, mais je ne sais toujours pas quoi faire pour Pirotte, pour Péju, pour Venet, pour Pagano, pour Fauquemberg, pour Reumaux dont je lui ai parlé il y a déjà très longtemps. Côté littérature étrangère, Florence après m’avoir laissé entendre que je pourrai écrire rapidement mon papier sur Caicedo ne l’a finalement pas programmé. Le roman de Goce Smilevski, La liste de Freud, a été donné à Elisabeth Roudinesco (là aussi, je m'efface...) et je n’ai aucune idée de quand je pourrai traiter le Jordi Soler ou Le Perez Reverte. Tout cela me laisse assez désemparé.

vendredi 4 octobre 2013

Jeudi 26 septembre 2013. 23h40.

Ce matin, j’avais une dizaine d’étudiants de plus que prévu. Je les ai mis en garde. Je ne suis pas sûr de pouvoir garder ceux qui ne sont pas officiellement inscrits. - Mais si, mais si, c’est fait. On nous a dit que vous auriez bientôt une nouvelle liste. Alors… De toute façon, je ne me vois pas refuser du monde. On s’arrangera. Comme tous les ans. Quel foutoir que ces inscriptions pédagogiques… Je me souviens à quel point c’était déjà compliqué lors mon (bref) passage à Censier. J’avais leur âge. La fac ne m’est vraiment pas un bon souvenir. Je m’y sentais perdu. Je ne comprenais rien. Donner des cours ici, c’est ma petite revanche. En sortant, je suis allé chez Caractères. Nicole m’avait laissé plusieurs messages. Elle a eu une série de problèmes avec la couverture du tome 2 des Œuvres complètes de Durocher : sur la tranche, il est imprimé « Poésie » à la place de « Prose ». La photo, trop pâle aurait dû être retravaillée… J’ai cru que je devenais folle, dit-elle. Du coup tout est retardé. La date de sortie, les envois presse. En attendant, je vais commencer à travailler sur le volume suivant : le théâtre. Je suis allé chercher Amélie place Paul-Painlevé. Direction Deyrolles, rue du Bac, où Béatrice avait organisé une petite réception pour la sortie chez Gallimard de Taxidermie, le livre d’Alexis Turner. Je fréquente d’habitude la boutique pour acheter mes fournitures entomologiques : épingles, pinces, pochettes en cristal, rouleaux de bandes à étaler... C’était amusant d’y être un verre à la main, au milieu des animaux empaillés et des collections. Bavardé avec Elisabeth de Farcy, l’éditrice française et Tristan de Lancey qui avait dirigé l’édition chez de Thames and Hudson. Alexis était venu de Londres avec sa femme, Catherine. Nous nous sommes retrouvés avec un vrai plaisir. Venez nous voir à la maison ! Et pourquoi pas ? Mais j’ai déjà le papier à écrire. Nous avons terminé la soirée au « pot » des auteurs de chez Buchet qui avait lieu dans l’appartement de Vera, quai aux Fleurs. A peine eu le temps d’embrasser Mercedes sur le seuil (elle partait comme nous arrivions). Sinon, j’ai revu tout le monde. Ou presque. Il y avait Philippe, Marie-Hélène, Daniel, Bernard, Caroline, Cookie… C’est avec eux que j’ai fait mes premiers pas d’écrivain. Quelle drôle de famille. Pascale m’a présenté à Sophie van der Linden dont j’ai beaucoup aimé le premier roman, La fabrique du monde. Discuté un bon moment avec Jean-Benoît Patricot. Je suis passé par Carolles cet été avec ma femme. – Mais pourquoi vous ne vous êtes pas arrêtés ?

lundi 30 septembre 2013

Mercredi 25 septembre 2013. 20h00.

J’ai préparé mon cours pour Censier demain. Un bref questionnaire d’actualité. Un texte à remettre en forme. J'ai regardé le dossier de rentrée. Cette année, il y a plein de recommandations administratives. En particulier celle-ci : Renvoyer immédiatement au secrétariat les étudiants qui ne figurent pas sur votre liste dans le bon groupe. Les étudiants y seront accueillis et on les inscrira officieusement dans le bloc dont ils devront suivre les enseignements. Ces étudiants rejoindront le cours après cette régularisation. Où est cette fichue liste ?

Mardi 24 septembre 2013. 23h10.

Relu Traversé par la rage, le court roman et les nouvelles d’Andrès Caicedo. Je devrais écrire le papier à la fin de la semaine. Amélie rentrait tard de son cours de Pilates. J’ai appelé Les enfants gâtés, en bas, rue Danville. C’est possible pour deux vers 21h00 ? La petite table près de la porte…

Mardi 24 septembre 2013. 19h20.

J’ai traîné un moment dans le quartier de la rue de Sèvres après mon rendez-vous chez le coiffeur (il était temps…). Passé dire bonjour aux Pol-Simon à leur imprimerie de la rue de Babylone. Comment va Amélie ? Qu’est-ce que vous devenez ? Monté au rayon jouets du Bon Marché à la recherche d’un ours brun en peluche à oreilles courtes et gros nez que j’avais repéré il y a longtemps et que j’aurais bien offert à Gabrielle. A l’époque, j’avais fait une photo. Je l’ai montrée à la vendeuse. Oh, j’ai peur qu’on ne fasse plus ce modèle… J’avais rendez-vous dans le quartier avec Laurence. Elle donne en ce moment une série de cours à Sciences Po sur la création littéraire. Je n’aurai pas beaucoup de temps, tu sais. Nous avons déjeuné rapidement à la Ferronnerie, rue de la Chaise. Elle publie début janvier aux Busclats un texte d’une centaine de pages : L’écriture et la vie. Le titre lui a été donné par Jean-Marc en décembre de l’année dernière, trois mois avant sa mort. Cela fait, bien sûr, référence à Jorge Semprun à sa sortie de Buchenwald. Semprun (que la vocation d’écrivain tenaillait depuis l’enfance) expliquait qu’il avait pensé qu’il lui serait possible alors de renaître par les mots. Le poids de la mémoire immédiate l’avait écrasé comme un effrayant fardeau. Commençant ce qu’il appelait sa longue cure d’aphasie, d’amnésie délibérée il avait décidé d’abandonner l’écriture pour choisir la vie. Le livre de Laurence est le journal d’une réconciliation. Elle le tient, d’août à fin septembre 2012, balisant les dernières étapes de son retour à une écriture dont elle se sentait comme empêchée depuis presque deux ans. Sa dernière note date d’un an jour pour jour. 24 septembre : (…) Je suis redevenue un écrivain vivant. Je me suis souvenu de cette fois où j’avais été invité dans une classe de sixième. Qu’est-ce que c’est un écrivain ?, avait demandé l’enseignante aux élèves. C’est quelqu’un qui est mort, avait répondu un gamin. Qui habite à la campagne ! avait rajouté un autre. Ca me ressemble. Assurément.

vendredi 27 septembre 2013

Lundi 23 septembre 2013. 22h40.

J’ai déjeuné avec Capucine au Luxembourg, à l’angle de la rue de Fleurus et de la rue d’Assas. Chez Stock, c’est leur cantine. Nous avons parlé de mon livre, bien entendu. Je me suis efforcé de lui raconter mes trébuchements, sans trop m’en plaindre. J’avance, je me casse la figure, je tombe dans la pente, je me relève. A chaque fois, tout est à recommencer. Elle m’a souri : Cette fois, ça va aller… Méthode Coué ? Comme nous sortions, nous avons croisé Manuel qui était à une autre table. Alors, tu travailles ? Bon, j’ai compris. Plus le temps d’hésiter. J’ai reçu un message de la SGDL. Je figure dans la deuxième sélection de la Bourse Chenouard 2013. Je leur avais proposé en mai mon projet de L’herbier des rayons. De février à avril, lorsque je suivais mes séances de radiothérapie à l’hôpital des Peupliers, j’avais ramassé dans le quartier, chaque jour de ces trente-six jours, dans une rue différente, une plante différente. Une de ces « sauvages » qui poussent en ville avec acharnement, avec résistance, dans la moindre anfractuosité. J’avais exploré les failles dans les murs, les éclats de bitume, les grilles d’arbre, les interstices des pavés, les jardinières abandonnées, les friches et les débords des jardins cultivés. Et de retour à la maison, j’ouvrais ma flore, mes livres, pour identifier ma cueillette, retrouver le nom latin. Je mettais à presser dans du papier léger, sous de gros dictionnaires. Quand je collerai cet herbier, m’étais-je dit, à chaque plante, à chaque jour, il y aura son poème. Le travail est bien avancé. Ah, si j’avais cette bourse… Réponse en novembre. Je suis allé chercher Gabrielle chez la nourrice. Ses parents ont tous les deux des réunions de travail tard ce soir, du coup elle dort à la maison. Nous avons pris le bus, marché jusqu’à la rue Danville. Elle court un mètre devant sur le trottoir. S’arrête à chaque intersection. La main ? Puis elle repart. Je lui ai donné le bain. Préparé le dîner : soupe à la tomate, coquillettes et jambon. En attendant Amélie, nous nous sommes servis un verre, grenadine à l’eau pour elle, pouilly fumé pour moi.

Dimanche 22 septembre 2013. 18h20.

C’est l’automne aujourd’hui. Les courses rue Daguerre. J’ai écrit deux petits papiers pour Le Monde. Amélie décryptait les bandes de l’entretien avec Alexis Turner. Journée lente et studieuse.

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