J’ai repris les poèmes de mon Herbier des rayons. L’écriture revient doucement. J’ai reçu un message d’Alexis qui m’encourage. Il rentre d’Arcachon début septembre et ne passe que quelques jours à Paris avant de partir pour Venise avec Agnès. Nous y étions l’an dernier fin octobre. Nous avions loué un petit appartement, Fondamenta de la Pescaria dans le Dorsoduro. Je garde en moi précieusement le souvenir de cette semaine là-bas, comme une fleur glissée entre les pages d’un livre. Je revois Amélie sur les Zattere ou Campo San Barnaba. J’avais ramené de Torcello un plan de geranium sauvage et d’une ruelle toute proche de chez nous quelques boutures de sedum palmeri. Ils ont prospéré depuis dans la petite serre du koetsch.
lundi 25 août 2014
Lundi 25 août 2014. 21h50.
Par Xavier Houssin le lundi 25 août 2014, 22:48
Je me suis mis trop tard hier à mes papiers. Du coup, j’ai fini dans la nuit et me suis couché trop tard aussi. Au réveil, j’étais vaseux. Et tout encore poissé de rêves désagréables. Dehors, la pluie tombait en rideau. J’ai commencé à lire Mousseline et ses doubles, le dernier roman de Lionel-Edouard Martin qui paraît fin septembre et dont Marc Villemain venait juste de m’envoyer les épreuves. Les tas de houille, d’anthracite brillaient d’un éclat mat, anguleux. L’humidité sentait fort le charbon. J’aime cette écriture si simple d’apparence. Fuyant son jardin gorgé d’eau où il ne pouvait rien faire, Jean-Pascal est passé me dire bonjour. Nous avons parlé sa mère. A quatre-vingt-huit ans, Simone n’a plus envie de grand chose. Elle ne sort plus. Tout la fatigue. Lui est désemparé. Après son départ, j’ai fait du courrier. Mon Dieu qu’il pleuvait. De larges gouttes ininterrompues qui couchaient les phlox, faisaient tomber les pommes et les pétales des rosiers. J’ai guetté longtemps l’éclaircie qui me permettrait de prendre l’air. Le ciel s’est dégagé peu avant la tombée du soir. J’ai marché vers la Croix Paquerey, continué jusqu’à la falaise. La mer était bleu indigo. J’ai téléphoné à Amélie en rentrant.
Dimanche 24 août 2014. 16h00.
Par Xavier Houssin le lundi 25 août 2014, 22:46
La matinée a filé à toute allure. Un saut au village, une courte promenade vers la Mazurie. Nous nous sommes arrêtés à Coquelonde dire au revoir à Martine qui rentre à Caen ce soir avec les filles. Jean-Pascal reste à Carolles s’occuper de ses plantes. J’ai accompagné Amélie à la gare en tout début d’après-midi. Brocante à Jullouville, foire aux melons à Granville : j’ai bien cru que nous n’arriverions pas à l’heure. Il faisait tout gris. On s’est embrassés. A jeudi… - Tu vas travailler ?
Samedi 23 août 2014. 22h30.
Par Xavier Houssin le lundi 25 août 2014, 22:45
Norbert et Annick sont venus prendre un verre. Nous les avons gardés un peu plus longtemps. Des moules à la crème, un bout de fromage, quelques pêches. Badiane, la petite chienne cavalier king Charles qu’ils ont recueillie l’an dernier est allée se coucher sur le tapis de mon bureau. J’ai trouvé qu’elle allait bien dans le décor. Norbert m’a paru fatigué. Il ne se remet pas vraiment de son accident cardiaque d’il y a quelques mois. Et traîne depuis sans l’avouer une permanente inquiétude. Il s'en défend d'ailleurs. Non, non, tout va bien, il faut juste que je fasse attention. Martine et Jean-Pascal, Agathe et sa copine Margaux qui passe une dernière semaine de vacances avec elle, se sont arrêtés à la maison au retour de leur promenade sur la falaise. Ils avaient compté les phares. Le ciel est si clair qu’on aperçoit celui de Jersey. Amélie a servi à tout le monde sa dernière recette de tisane : basilic pourpre, gingembre et poivre. Ca fait une boisson violette aux saveurs piquantes. C’est un peu spécial, a dit Annick. La petite Margaux, elle, en a repris deux fois.
Samedi 23 août 2014. 16h20.
Par Xavier Houssin le lundi 25 août 2014, 22:43
Avant de partir, hier soir, Gilles m’a remis un manuscrit. La copie d’un petit cahier de souvenirs rédigés par une très vieille dame dont Anne et lui sont proches. Déportée à Auschwitz en 1944 quand elle avait dix-sept ans. Lis-le et dis-moi si on peut en faire quelque chose. Hum… Je l’ai ouvert ce matin. Le texte est maladroit, il se dépêche, comme s’il venait presque déjà trop tard. On sent les efforts de mémoire, les hésitations, les approximations. Mais c’est cette hâte justement, cette confusion, qui lui donnent son émotion et sa vérité. Quant à en « faire quelque chose », je ne suis pas sûr. En jeunesse ? En BD ? Nous sommes allés au marché de Granville. Acheté les fraises du déjeuner et un gros bouquet de dahlias pour Simone. Nous étions invités à à Coquelonde. Jean-Pascal avait préparé un bourguignon.
Vendredi 22 août 2014. 23h50.
Par Xavier Houssin le lundi 25 août 2014, 22:40
Avant de partir en vacances, M. Mitaillé a débarrassé le gros tas de branchages (coupes du figuier, des rosiers et des dernières lianes mortes du massacre des grimpants du fond du jardin) que j’avais déposé devant la barrière. Il a aussi tondu à ras l’herbe devant la maison avant l'arrivée des premiers cyclamens. Avec les pluies de ces derniers jours, une foule de pousses vertes trouent le gravier de la cour. Il va falloir traiter. Nous sommes sortis avant le déjeuner. Longé la falaise par le chemin des douaniers. Descendus au port du Lude. Au bourg, chez le marchand de journaux, j’ai acheté le tiré-à-part de l’Histoire mondiale du courrier et de la poste, une édition résumée d’un gros bouquin écrit il y a quelques années par François Simon, notre voisin du chemin ombragé. Je le savais ornithologue passionné, mais je ne lui connaissais pas cet autre intérêt. En fait, c’est un curieux qui s’enthousiasme sans cesse, un touche-à-tout qui possède (j’en passe) de vraies connaissances en paléontologie, en conchyliologie. A la fin de son ouvrage, d’ailleurs, on trouve, en marge, un bel article sur la fameuse coquille accrochée au bâton ou au manteau des pèlerins. S’agit-il à l'origine de Pecten maximus ? De Chlamys varius ? François Simon a été maire de Carolles jusqu’en 2001. On lui doit une foule d’actions discrètes pour la préservation de l’identité de notre village. J’ai relu Joseph de Marie-Hélène Lafon et Je suis très sensible d’Isabelle Minière que je devrais chroniquer pour Le Monde. Amélie est allée désherber au potager. Elle a dégagé les plants de menthe. Nettoyé autour des courgettes et des potirons. Le soir, nous étions invités chez Anne et Gilles Roubellat où se produisait une de leurs amies, chanteuse. C’était décidemment un vendredi musical à Carolles. A l’église, il y avait un récital de piano : Schubert, Brahms et Weber. Nous, c’était plutôt Edith Piaf ou Reggiani.
vendredi 22 août 2014
Jeudi 21 août 2014. 23h30.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 août 2014, 17:18
J’ai reçu un coup de fil de Françoise-Marie. Elle quitte Libération. Des accumulations de mésententes, si j’ai bien compris. Ca a fini par craquer. Reste que je ne sais pas ce qu’il adviendra de ma chronique dans Next. Il y aura probablement un numéro en octobre. Mais après… Cela faisait quatre ans. La rentrée s’annonce décidemment très difficile. Amélie m’a rejoint à la gare de Vaugirard. J’ai dormi dans le train. Epuisé. De Granville, nous sommes allés directement au dîner organisé pour les membres du conseil municipal de Carolles et leurs conjoints qui se tenait au petit bar de plage, face à la mer, sur la dune. Bilan et perspectives. Il y a un peu plus de cent jours que les élections ont eu lieu. La soirée était gaie et vraiment amicale. Ca m’a fait du bien.
Jeudi 21 août 2014. 15h50.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 août 2014, 17:15
J’ai déjeuné avec Marguerite dans un petit restaurant du quartier Montparnasse où elle a ses habitudes depuis longtemps. Parlé de la rentrée littéraire mais surtout de son séjour à Rome en juillet et des minuscules pousses d’ifs que Jean-Pascal a prélevé là-bas, dans le cimetière protestant, sur la tombe de Shelley. Il me les a confiées. Elles s’enracinent doucement, à l’abri, sous une cloche en verre dans le koetsch, à Carolles. Promis, je t’en donnerai une quand nous les rempoterons.
Mercredi 20 août 2014. 22h45.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 août 2014, 17:04
Il faut que je me préoccupe de trouver de nouvelles animations d’atelier d’écriture. La fac c’est terminé. L’administration de Censier ne paye plus ses vacataires. Il paraît qu’il n’y a plus d’argent. Je l’ai appris dans le courant du second semestre sans y croire vraiment car la nouvelle tenait plus de la rumeur que de l’information. Lorsque j’en avais eu la confirmation (orale), je m’étais décidé à écrire à Marie-Christine Lemardeley, la présidente de Paris III. Car enfin, cela faisait huit ans que j’assurais ces cours. Il me semblait que cela méritait un peu d’intérêt à défaut de reconnaissance. Et qu’il fallait juste mettre les formes… Cette dame n’a pas daigné répondre à ma lettre. A l’époque, elle était la candidate de la liste PS du Ve arrondissement aux municipales à Paris. Battue, je crois qu’elle a aujourd’hui démissionné de l’université pour prendre le poste d’adjointe « en charge de l'enseignement supérieur et de la vie étudiante » auprès d’Anne Hidalgo à l’hôtel de ville. Mon Dieu, ces gens… Reste que nous sommes à un mois de la rentrée universitaire et que les étudiants vont me manquer. J’ai commencé à mettre au clair mes notes de ma rencontre d’hier avec Olivia Rosenthal. Marie est venue me chercher à l’appartement. Elle rentre des Etats-Unis où elle a passé presque trois semaines d’un périple de Dallas à San-Francisco. Elle s’est offert ce voyage pour ses trente ans. Elle les fête à la fin du mois. Le grand canyon, la route 66, Las-Vegas... Elle est encore toute enthousiaste. Et intarrissable. Nous avons retrouvé Amélie place Paul-Painlevé avant d’aller dîner tous les trois dans un bistrot de la rue Frédéric-Sauton. Trouvé de justesse d’ailleurs. Car tout est encore fermé à Paris en cette fin du mois d’août.
Mardi 19 août 2014. 23h50.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 août 2014, 17:03
J’ai relu Mécanismes de survie en milieu hostile d’Olivia Rosenthal et préparé mon rendez-vous du soir avec elle. J’avais fait sa connaissance en avril à la médiathèque de Drancy. A l’époque, j’animais des rencontres avec les auteurs pour le festival « Hors limites » de Seine-saint-Denis. Ce soir-là, il ne s’était même pas trouvé dix personnes pour suivre le débat. Elle avait fait contre mauvaise fortune bon cœur et nous avions vaillamment joué le jeu. Dans le RER du retour, nous avions poursuivi la conversation... Dès que j’ai appris qu’elle publiait un livre à la rentrée, j’ai proposé son portrait au Monde. Nous nous sommes retrouvés dans un bar du Xème arrondissement à deux pas de son appartement. J’avais envie de lui faire parler davantage d’elle, de saisir quelques repères biographiques dans tous ces livres qu’elle a écrits dans la mise à distance, le pas de côté à l’intime. Nous avons bavardé longtemps. J’ai rejoint Amélie au Bar à huîtres à Montparnasse, où elle m’attendait avec Marcus. Il passait la nuit chez nous avant de reprendre, avant Virginie, Camille, Victoria, Valentine et Apolline, son avion pour Mexico le lendemain. Vincent, un de ses amis de l’Île de Ré, ex-professeur de voile des filles, s’est joint à nous pour le dîner. Le restaurant a pas mal changé depuis la dernière (et lointaine) fois où nous y étions allés. Pas mal clinquant. Plutôt prétentieux. Mais les Gillardeau étaient parfaites et la soirée ensemble douce et chaleureuse.
lundi 18 août 2014
Lundi 18 août 2014. 19h10.
Par Xavier Houssin le lundi 18 août 2014, 19:10
J’ai fait des listes. J’ai pris des notes. La journée a passé à revoir les projets. A prévoir les papiers pour Le Monde. Et a pester contre le retard qui déjà m'accueille comme un animal familier. C’est bien la rentrée.
Lundi 18 août 2014. 17h00.
Par Xavier Houssin le lundi 18 août 2014, 18:58
Nous sommes à Paris depuis hier soir. Les vacances sont finies. En juillet, il y a eu quelques jours à Magagnosc et une semaine de traversée des Alpes à faire, avec les parents d’Amélie, la caravane (assistance et ravitaillement) du périple à vélo que Marcus s’était concocté pour ses quarante ans avec une poignée de copains de Menton à Thonon-les-Bains. 775 kilomètres, 18 900 mètres de dénivellé, en passant par les cols de Vars, de l’Izoard, du Lautaret, du Galibier, de l’Iseran et j’en passe. Je suis admiratif mais bien étranger au plaisir de cette performance, moi qui ai toujours mis pied à terre au bas de la côte de Carolles et tranquillement poussé ma bicyclette. J’ai roulé en Lotus sur les routes de montagne. Et de montagnes, je n’ai jamais vu, je crois, autant de ma vie. Nous avons pris le train pour Paris au lendemain de la fête d’anniversaire à Veyrier. Avant de regagner la Normandie. Amélie n’avait pas vu les dégats causés au jardin par M. Langiny, le voisin « de derrière ». En juin, les ouvriers qui ont bâti une extension de sa maison m’ont saccagé tous les végétaux qui poussaient à l’aplomb de mon mur. Brisant les claustras, arrachant les tiges métalliques qui les soutenaient. Ca n’a pas eu l’air d’émouvoir le bonhomme. Pas plus d’ailleurs que le courrier recommandé que je lui ai adressé après. J’ai dû appeler un artisan pour remettre des piquets, un grillage et relever autant que possible les plantes sauvagement abîmées. Depuis, ce bon voisin a encore coulé du ciment entre mon mur et le sien, créant du coup une mitoyenneté dont il faudra bien aussi qu’il me dédommage. J’ai passé toute une semaine à couper une multitude de branches mortes. Pauvre jardin. Il faudra au moins deux ans avant que cela ne repousse. Je devais travailler. Déjà écrire cette fichue nécro (en avance !) de Juan Goytisolo que m’a commandée Florence au printemps dernier et à laquelle je n’arrive toujours pas à me mettre. Je n’aime pas beaucoup l’œuvre et pas vraiment l’écrivain. Florence s’impatiente. Elle doit craindre qu’il ne meure pour de bon avant que je lui rende le papier. Et puis, j’ai le projet de mon « herbier des rayons » que je dois avancer (et vite…) pour Belin. Je n’ai rien fait de tout cela, sauf ma chronique de septembre pour Next. A la place, nous avons rangé la bibliothèque. Dix ans de désordre absolu, de livres mélangés, impossibles à retrouver. Tout était entassé à même le sol. Plus de place malgré les rayonnages installés dans toutes les pièces de la maison. Ca nous a pris dix jours entiers avec l’aide d’Agathe, embauchée pour l’occasion. Mais je suis soulagé. Comme si j’avais mis de l’ordre dans le passé. C’est fou ce que l’on retrouve entre les pages des livres, entre les souvenirs, les lettres, les fleurs séchées et les petits papiers. Il a fallu se séparer de pas mal de titres. J’étouffais à tout entasser.
Mardi 8 juillet 2014. 19h30.
Par Xavier Houssin le lundi 18 août 2014, 18:56
Je crois n’avoir jamais interrompu aussi longtemps ce journal. Enfin, je ne sais plus. J’ai été incapable d’écrire une seule ligne pendant les neuf derniers mois. Rien à faire. Je suis juste parvenu à rédiger mes papiers pour Le Monde, ma chronique à Next. Mais, mon Dieu, que c’était difficile. Acédie… Le mot m’est revenu plusieurs fois comme je me débattais dans cette impossibilité à faire. D’où m’est arrivée cette maladie de l’âme, de ce lourd péché de tristesse, de doute, d’ennui, d’indifférence qui m’a fait perdre la foi et la confiance ? Chaque jour, jusqu’à si peu encore, me pesait davantage. Mais quelque chose a réapparu. Impossible à saisir encore. Comme une goutte bleue dans un océan noir. Qui gagne. La semaine dernière, nous sommes allés chercher Camille à Malvern, son collège anglais dans le Worcestershire. Elle y était entrée le mardi d’après Pâques. Nous ne l’avions vue, juste avant son départ, qu’une seule journée au Mexique où nous sommes restés deux semaines pour garder Victoria, Valentine et Apolline. Pendant que Virginie et Marcus étaient au Pérou sur le « chemin des Incas »... Ce séjour en Angleterre, elle le désirait et le redoutait tout ensemble. Les débuts ont été difficiles : elle pleurait chaque jour, demandait à rentrer. Mais tout s’est arrangé. Après la cérémonie de fin d’année dans le gymnase de l’école, elle n’en finissait plus d’embrasser ses amies, promettant de revenir à la rentrée prochaine. J’ai demandé à Papa, leur disait-elle. Il est d’accord… J’ai souri. A cause de la petite prophétie que j’avais risquée dans une des premières lettres que je lui avais envoyées là-bas. Tu es triste aujourd’hui, alors que tu viens d’arriver. Crois-moi, tu seras tout aussi triste au moment de partir. Tu verras… Comme je me sens vieux de savoir ces choses. Dernières étreintes un peu humides. Elle a troqué son uniforme de collégienne (blazer bleu, pull vert – anglais, évidemment -, chemisier blanc, jupe écossaise bleue et verte) contre un jean et un sweet shirt et nous avons chargé ses valises dans la voiture de location. L’avion du retour était le lendemain soir à Heatrow. Le temps est resté menaçant, mais il n’a (presque) pas plu, ce qui nous a permis, en route, une promenade dans les quelques trois hectares de Waterperry gardens. Collections de roses et de vivaces, impressionnants mixed-borders. Mais surtout, j’avais réservé pour la nuit dans un B&B à Ewelme, le minuscule village de l’Oxfordshire où Jerome K. Jerome a passé les dernières années de sa vie et où il est enterré. Depuis le temps que je voulais faire ce pèlerinage littéraire. Je suis resté un long moment, au couchant, dans le petit cimetière pendant qu’Amélie et Camille se baladaient alentour. J’ai glissé dans ma vieille édition Nelson de Trois hommes dans un bateau quelques feuilles du cyprès qui ombrage la tombe et j’ai recueilli une plantule d’un très vieil érable sycomore qui se dressait tout près. C’est de là que je reviens aujourd’hui. De là que se dissipe doucement cette lourde tristesse qui m’a si longtemps envahi. Je retournerai à Ewelme quand mon livre sera enfin fini. Plus tard. Pour dire merci.
mardi 10 décembre 2013
Samedi 25 octobre 2013. 17h30.
Par Xavier Houssin le mardi 10 décembre 2013, 11:10
J’ai relu mon papier avant de l’envoyer à Raphaëlle. Pourvu qu’il soit à la hauteur. J’ai toujours peur de ne pas bien partager mes émotions. J’ai été très touché par ce dernier livre d’Emmanuelle Pagano. Nouons-nous est formé de très courts récits (plus de deux cent soixante-dix) glanés dans le champ amoureux et écrits à la première personne. Elle y explore des histoires d’attachement et de peau. Elle raconte au quotidien les traces, les griffures, les caresses, les rougeurs. Les odeurs, les moiteurs. Tout ce qui nous rassure. Tout ce qui nous éloigne. Ce qui nous touche. Nous fait battre le cœur. Et puis pas. Et puis plus. J’ai retrouvé le sentiment de connivence qui m’avait saisi à la lecture de Fragments d’un discours amoureux de Barthes à la fin des années 1970. Sauf que dans l’exercice d’exploration, Pagano se tient uniquement sur le versant de la sensation. Nous avons bouclé les valises. Le train est à 20h00, gare de Lyon. Il y a deux ans que nous devions faire ce voyage. J’ai hâte de tout à partir de maintenant.
Vendredi 24 octobre 2013. 22h10.
Par Xavier Houssin le mardi 10 décembre 2013, 11:09
Rendez-vous aux Editeurs avec Jordi Soler pour son livre Dis-leur qu’ils ne sont que cadavres. Une aventure picaresque où un groupe de personnages déjantés part en Irlande à la recherche de la canne d’Antonin Artaud. Un drôle de bâton sculpté que le poète, de retour du Mexique, avait trouvé rue Daguerre, chez son ami le peintre René Thomas et qu’il tenait dur comme fer pour avoir appartenu à saint Patrick. Le roman parle de la folie d’écrire. Des auteurs et du goût insensé de la littérature. Je suis resté une petite heure à bavarder avec Soler. Café puis vin blanc. Il comprend presque toutes mes questions en français, je me débrouille comme je peux avec ses réponses en espagnol. La traductrice nous traque les contresens. Nous avons évoqué à nouveau ses poèmes qu’on ne lira sans doute jamais en français. Pour une anthologie à publier en même temps que ce roman, il voulait se lancer dans la traduction de ceux d’Artaud. Une histoire de droits avec Gallimard l’a fait renoncer. J’ai déjeuné avec Brigitte au Perron. Rentré tôt pour écrire mon papier pour Le Monde sur Nouons-nous, le dernier texte d’Emmanuelle Pagano. Je dois le rendre demain dans le journée. Le soir nous prenons le train pour Venise.
mardi 26 novembre 2013
Jeudi 23 octobre 2013. 23h30.
Par Xavier Houssin le mardi 26 novembre 2013, 16:43
Nous nous sommes quittés dans l’appartement de Georgette. Chacun emportant une dernière bricole. Un dernier souvenir. Marie, quelques photos, un petit crucifix en nacre, Cécile le jeu de Scrabble, Amélie un pot de faience verte. Prends les mesures de son semainier, m’a dit Josette. Si tu peux trouver la place… Elle aurait vraiment aimé que tu le gardes chez toi. Retour à Paris avec Marie. Nous avons dormi dans le train. Nous avions prévu de dîner ensemble à l’arrivée, mais il était déjà bien tard. Je crois que nous sommes tous fatigués.
Jeudi 23 octobre 2013. 17h30.
Par Xavier Houssin le mardi 26 novembre 2013, 16:42
J’avais craint qu’il n’y ait pas grand monde. Que nous ne soyions que quelques uns. Mais beaucoup de gens du village se sont déplacés pour l’enterrement de Georgette. La cérémomie a été belle. Très digne. Sobre. Emouvante et retenue. Rien que le cœur qui serre. Un peu. Un peu plus. Lucile n’a pas pu aller au bout du petit texte qu’elle avait écrit afin de dire simplement merci pour ses années d’enfance. Pour celles de ses cousins et cousines. Fanny en a achevé la lecture. J’ai senti ma voix se casser lorsque j’ai cité sainte Thérèse : Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. Je pensais aux rosiers anglais que je devrais recevoir ces jours-ci. J’avais passé en août une commande chez David Austin. Une quinzaine d’abustes. Un dimanche, j’en avais apporté le catalogue à Georgette. Je lui montrais les photos des variétes que j’avais choisies : Boscobel, Eglantyne, Gentle Hermione, Cottage Rose, England's Rose, Mary Rose, Princess Alexandra Of Kent, St Swithun, William Morris, Huntington Rose, Strawberry Hill, The Alnwick Rose, Maid Marion, Scepterd Isle, The Wedgwood Rose. Plus deux grimpants pour l’arrière de la maison : A Shropshire Lad et The Generous Gardener. Nous parlions plantation et taille. Puis elle m’a demandé : Tu as payé combien pour tout cela ? Parce que je veux te les offrir. Quand je ne serai plus là, tu regarderas les fleurs. Et tu penseras à moi. N’est-ce pas ? Pluie de roses. René aussi a voulu dire un mot. Il n’est pas parvenu à retenir ses sanglots. Encens, aspersion finale. Sur le seuil de sa maison, notre Père t'attend… J’ai été embrasser Etienne à la sortie de l’église. C’est tellement gentil d’être venu. Suivi le corbillard à pied jusqu’au cimetière. Ciel gris aux nuages tendus, sans pluie. Nous nous sommes retrouvés une bonne vingtaine à l’auberge autour d’un verre. Il y avait Monique, Jean-Marie, Jean-Pascal et Agathe, Noëlle et puis des gens dont je n’arrivais plus, dans l’émotion, à me souvenir des noms. Avec chacun ses souvenirs d’elle. Déjeuner « en famille » ensuite ( plus Agathe qui avait bien voulu rester avec nous afin que nous ne trouvions pas treize à table…). J’étais assis à côté de René. Il aura quatre-vingt-quatre ans fin décembre mon vieux parrain. L’avant-dernier des enfants d’Angèle et de Joseph. Il ne reste plus que lui et Georges, si fatiqué maintenant. Toutes ses années…, a-t-il juste dit. Et il s'est resservi un verre de vin, lui qui ne boit jamais. Demain, il rentre tôt à Uzès. Tu téléphoneras pour dire que tu es bien arrivé ?
Mercredi 23 octobre 2013. 23h50.
Par Xavier Houssin le mardi 26 novembre 2013, 16:39
Déjeuner rapide à Granville. J’ai déposé René à l’auberge. Ne t’inquiète pas de moi. Je vais passer l’après-midi chez Josette et Jean-Claude à Marcey. Je devais aller au cimetière. D’autres funérailles. On enterrait le frère de Mlle Verdé. Je suis rentré à la maison mettre un peu d’ordre. J’ai préparé le dîner. Amélie est arrivée au train de 20h00. Marie à celui de 23h00.
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