La nuit a été courte. Je me suis retourné sans arrêt dans le lit trop grand pour moi. Mon train pour Paris partait à 7h00. Le wagon de première était plein sur les deux étages. Rien que des hommes d'affaires bardés de téléphones et d'ordinateurs portables. J'ai bu un café dans un gobelet en carton et je me suis enfoncé dans un sommeil sans rêves. Content de retrouver l'appartement. Emmanuelle m'a appelé pour annuler notre déjeuner. Des histoires de garde d'enfant... Je t'envoie les épreuves du Fiona Capp. C'est son quatrième texte traduit chez Actes Sud : Portrait de l'artiste en hors-la-loi. J'ai très hâte. Nous en avions parlé lors de son dernier séjour en France, avec Steven et Leo, en janvier 2008. Cela s'annonce comme un roman familial. Une histoire d'origines. J'ai passé une partie de l'après-midi chez Buchet. Toujours ces histoires de préface pour Les Innocentes d'Anna de Noailles. J'avais rendez-vous avec Michèle Lesbre dans les nouveaux locaux de Sabine Wespieser, rue Barbette, pour un papier sur son dernier livre, Sur le sable. Nous sommes allés prendre un café rue des Rosiers. Parlé d'elle, et surtout de cette narration très douce et simple que j'avais lue comme un tournant dans son oeuvre. Je crois en effet qu'elle s'y livre davantage. Chaque page est emplie de lieux, de correspondances et de reconnaissances. Il faisait beau. J'ai marché un peu le long de la rue de Rivoli. J'ai acheté pour Amélie un petit bracelet de breloques pieuses mexicaines chez Litchi, rue des Ecouffes. Nous nous sommes retrouvés au Sauvignon. J'avais le sentiment que ça faisait si longtemps.
mardi 7 avril 2009
Mardi 31 mars. 1h30
Par Xavier Houssin le mardi 7 avril 2009, 23:48
Mes affaires à l'hôtel. Un taxi juste après. Nous avons roulé un peu. Je ne comprends pas bien Lyon. Je mélange la Saône, le Rhône. Qu'est qu'on vient de traverser ? Montée en petites rues. La voiture m'a déposé à la Croix Rousse dans le parc de la Cerisaie. La villa Gillet est une grosse bâtisse palladienne posée au dessus du paysage. Je n'étais jamais encore venu ici. Mes tables rondes des années précédentes pour les Assises internationales du roman s'étaient passés dans un autre lieu, les « Subsistances », quai Saint-Vincent. Daniel fumait une cigarette sur le perron. Nous avons bavardé un moment avant de rejoindre Vera qui l'avait accompagné pour l'occasion. Dès que Frédéric est arrivé, Adélaïde nous a emmenés dans la salle où attendaient plus de cent personnes. Bel auditoire. Daniel a lu, avec une émotion heurtée, un long texte sur Klaus Mann. Oui, il m’est un compagnon. Ce que je vis avec son œuvre, avec sa mémoire a nom « amour »... Frédéric a circonvoluté autour de Wilde: Je me suis demandé parfois, avec la naïveté d'un biographe attendri que je ne suis pas, si j'aurais pu être son ami. Pendant une bonne heure, j'ai renvoyé les balles d'un petit ping-pong littéraire. Tiens, on se vouvoie maintenant ?, m'a lancé Frédéric. - Oui, ce soir c'est sérieux. Jeux de mémoire, minuscules hasards et vraie sincérité. Les gens avaient l'air contents. Guy Walter aussi. Il nous a tous emmenés dîner chez Albert, place Fernand Rey, aux Terreaux. Marbré de lapin, côtes d'agneau, quelques verres de mâcon blanc. J'étais assis à côté d'Adélaïde. Tu ne veux vraiment pas de vin ? J'ai mis un rien de temps a comprendre. Quelle jolie nouvelle... Il est pour septembre, son bébé.
lundi 6 avril 2009
Lundi 30 mars. 18h30
Par Xavier Houssin le lundi 6 avril 2009, 17:46
J'avais voulu me lever tôt pour préparer ma rencontre à la villa Gillet. A peine pris un café. Je retourne travailler... Le thème ? « Autobiographie de mon frère », avec Frédéric Ferney et Daniel Arsand. Une affaire de correspondances, d'affinités littéraires et d'époque. Frédéric avait choisi de parler d'Oscar Wilde sur lequel il avait fait paraître un livre illustré chez Mengès. Daniel défendait son Klaus Mann qui l'accompagne depuis longtemps et dont il est tout récemment l'éditeur chez Phébus pour un recueil d'essais : Contre la barbarie. Arlette Farge aussi devait y participer, mais elle avait eu un empêchement. Dommage. Ca aurait été une belle occasion de la rencontrer. J'aurais vraiment aimé. Je l'avais découverte avec Le goût de l'archive sorti en 1989 au Seuil. J'étais encore à l'époque en plein dans mes recherches sur Jean-François de La Harpe. Département des manuscrits de le BN. Bibliothèque de l'Arsenal. Cet essai sensible disait tout cet étrange qui m'était familier d'arracher à l'oubli des moments de vies consignés dans les registres, enfoui dans les liasses. Je lui avais écrit tant je m'étais senti en proximité. Elle aurait dû évoquer Jean-Honoré Fragonard, XVIIIe oblige. Tout cela s'annonçait un peu compliqué et disparate. J'ai noté pas mal de questions. On verrait bien. Nous avons déjeuné rapidement. Dit au revoir à Emmanuel. Avec lui, il me reste comme un tampon ouaté d'excessive pudeur. Il faudrait que je lui écrive, mais je ne trouve jamais le temps. Claire nous a emmenés à Cannes. Mon train pour Lyon partait un peu avant 14h00. Celui d'Amélie, pour Paris, quelques heures après. Je me suis retrouvé dans le wagon, à une place à gauche contre la vitre. Personne à côté de moi. L'Estérel était gris. Mon voisin de derrière a baissé le store. Plus rien à voir. J'ai préparé mes fiches pour le soir.
vendredi 3 avril 2009
Dimanche 29 mars. 23h00
Par Xavier Houssin le vendredi 3 avril 2009, 00:01
Au matin, le ciel ne s'est pas levé. Il est resté tout blanc. De longues traînées de brume accrochées aux oliviers. On n'y voyait pas à un mètre. La pluie, dans sa persistance, a fini par tout effacer. Avec Emmanuel, nous sommes allés rendre visite à Olivia et Gideon dans leur maison de Chateauneuf pour un café un peu tardif à cause du changement d'heure. Gideon est horloger. J'avais apporté cette pendulette des années trente qui me vient de Josette France, la veuve de René Blum, dont je m'étais occupé quand je travaillais au service de santé mentale du VIIIe arrondissement. Josette France était une très vieille dame qui débutait un Alzeimher. Elle habitait boulevard Malesherbes, au fond d'une cour, un genre d'atelier d'artiste un peu baroque. Elle avait été actrice et avait vécu une grande histoire d'amour avec René Blum (critique, écrivain, directeur des ballets de Monte-Carlo et frère de Léon...). Une histoire mondaine et littéraire aussi. Leurs amis étaient Roland Dorgelès, Tristan Bérard, Cécile Sorel, Max Ernst, Raoul Dufy, Robert Desnos. Tant et tant... René Blum est mort en déportation. Leur fils unique s'est engagé à la Libération dans la Deuxième DB. Il a été tué quelque part en Allemagne. Plus aucune famille. Plus d'amis et depuis si longtemps. J'allais la voir tous les jours. Je rebrodais avec elle des morceaux de mémoire. Des souvenirs ténus, et des moments d'avant, et de ces moments-là. Nous parlions, nous parlions. Des poètes et des peintres. Il a fallu l'hospitaliser un jour. Plus rien ne tenait à rien. Un mandataire de tutelle à été nommé. Il a décidé de vendre les livres (tellement de livres), les tableaux, les dessins, les bibelots, les souvenirs. J'ai arraché à la mise aux enchères, carton à carton, un legs pour la bibliothèque de l'Arsenal. Le reste est parti en salle des ventes. Je suis passé un jour pour voir le logement vide. Dans un coin, en trois morceaux, j'ai trouvé ce petit réveil carré en métal poli. Je l'ai pris. Josette France est morte, un an et quelques après. Elle n'avait plus personne. C'est moi qui ai organisé ses funérailles. Je me revois au cimetière Montparnasse, tout seul au bord de la fosse. Elle est enterrée pas loin de Pierre Louÿs, une de ses connaissances. Je vais de temps en temps sur sa tombe poser une botte de glaïeuls rouges, ses fleurs préférées. J'ai laissé à Gideon, en puzzle, le cadran, le boitier, les rouages. Ca devrait remarcher... Je l'aurais embrassé. Nous avons tiré doucement la journée près du feu. Milène et Xavier sont passés prendre un verre. J'ai essayé de travailler un peu à la table ronde que je dois animer demain soir à Lyon, à la Villa Gillet. Dehors, la pluie continuait de tomber.
mardi 31 mars 2009
Samedi 28 mars. 23h50
Par Xavier Houssin le mardi 31 mars 2009, 21:52
J’étais attendu dans la librairie de Jean-Paul à Pré-du-lac pour une signature. Nous sommes partis avec la 2CV bleue. Temps d’eau. L’herbe était couchée sous les trempes de la nuit. En descendant le raidillon d’accès à la maison tout glissant de bruine, la voiture hoquetait d’humidité. J’appréhendais un rien cette matinée où je devais rencontrer beaucoup d’oncles, de tantes et de cousins. Toujours cette peur de ne pas se souvenir, de ne plus savoir mettre les noms sur les visages. Pourtant, grace aux révisions qu’Amélie m’avait fait patiemment faire, je suis parvenu à un (presque) sans fautes. Elle m’a soufflé le reste... Olivia et Milène sont venues les premières. Un café, puis deux. Bavardages et nouvelles. J’ai dédicacé quelques livres à des clients de la librairie. J'étais en train de parler de la grande sauterelle verte (tettigonia viridissima), du flambé aussi (iphiclides podalirius) et de Jean-Henri Fabre à un vieil entomologiste du coin, astronome à ses heures, quand tous les autres sont arrivés. Et en nombre. Alain et Jacqueline, Véronique et François, Hervé et Marie-Camille, Fanette et Jean, Marie-Cécile et Danielle, Caroline, Toinon, Patou, Christian, Guillaume. Il y avait aussi Marie et Jacques, Marie-Jeanne et Dominique, Jeannine qui avait été la prof d'histoire d'Amélie à Abidjan, et les Estradier (Cécile et Bernard) dont j’avais entendu dire une fois que la pelouse de leur maison de Saint-Vallier avait été, sous les chênes, envahie de truffes une année, à n’en savoir qu’en faire... On en a juste ramassé deux cents grammes en janvier dernier, c'est tout. Une grande partie de ce petit monde s’est retrouvée aux Margouillats pour un apéritif qui a duré si tard qu’il s'en est fallu de peu que nous enchaînions directement avec le dîner. Avec Claire et Emmanuel, nous étions invités au « 12 » par Toinon, la tante d’Amélie. Singulière initiation en ce qui me concerne. Le 12 boulevard Thiers à Grasse est la maison de famille. Une belle bâtisse à hautes fenêtres et terrasses où vivaient les grands-parents d’Amélie et où beaucoup de ses oncles et tantes sont nés. Le lieu est impressionnant tant il est envahi de passé. Mais d'un passé étrangement vivant ou plutôt habité. Il s'agit ici d'un conservatoire des souvenirs, surtout pas d'un musée. Pièces immenses, corridors et tapis. Je me suis fait expliquer les portraits directoire, les photos dix-neuvième. C'était qui? C'était qui? Amélie discrètement m'a entraîné vers ses recoins d'enfance. Ca sonnait à la porte. Oui, on va les rejoindre. A nouveau embrassades. Tu veux boire quelque chose? Patou m'a servi d'office un pastis où il ne restait plus beaucoup de place pour l'eau. C'était parfait pour l'heure. Il loge ici, Patou, au rez-de-chaussée. Sa soeur Toinon est à l'étage. A table nous étions dix. Soupe de salsifis, tarte fine aux poivrons. J'ai oublié le reste. J'étais un peu ému. Un peu plus qu'un peu.
dimanche 29 mars 2009
Vendredi 27 mars. 22h40
Par Xavier Houssin le dimanche 29 mars 2009, 10:34
Il a fait un ciel bleu d'été et le temps s'est évaporé comme dans une journée de vacances. Claire nous a accompagnés au marché de Valbonne. Au milieu des Anglais, nous avons joué aux touristes. Acheté des asperges, du thym, des citrons de Nice, des violettes en bouquets. Déjeuner sur la terrasse. Emmanuel avait débouché du vin blanc frais. L'après-midi, j'ai planté des giroflées blanches, des lavandes en plate-bande tout contre la maison. J'ai pensé au poème de Pierre-Jean Toulet : Quand l'ombre est rouge sous les roses/ Et clair le temps,/ Prends garde à la douceur des choses.
Vendredi 27 mars. 0h30
Par Xavier Houssin le dimanche 29 mars 2009, 09:34
Un saut chez Buchet pour déposer un dossier. Une dernière main aux valises. Nous étions gare de Lyon en avance. Dîner dans le train avec les courses que j'avais faites en début d'après-midi. J'ai sorti les sets de table, les verres à pied et les couverts à manche grenat. Champagne aussi. Juste un peu de décor pour accompagner notre bonheur de partir. C'est vrai que nous sommes contents d'aller à Grasse. De mettre quelques jours en parenthèses nos incertitudes d'avenir. Le travail, l'argent... Emmanuel était venu nous chercher à Cannes. Claire nous attendait aux Margouillats. Nous avons passé une bonne heure en retrouvailles avant de nous coucher. Au calme.
vendredi 27 mars 2009
jeudi 26 mars. 1h40
Par Xavier Houssin le vendredi 27 mars 2009, 19:26
Pas de cours à Censier. La fac est à nouveau bloquée. Ce sont les étudiants qui m'ont prévenu par mail. Ils m'ont semblé un peu désemparés. Je le suis moi aussi. J'ai du mal à ne pas les voir. Cette rencontre hebdomadaire avec eux m'est devenue importante et ils me manquent. Vraiment. Journée un peu défaite. J'ai profité du temps libre pour commencer, enfin, à nettoyer et ranger l'appartement. Je suis juste venu à bout de la salle de bains en début d'après-midi. J'ai tout récuré et surtout jeté deux immenses sacs de berloufes. Boîtes vides, bricoles, chiffons de rien. Nous conjuguons tous les deux un drôle de penchant à la conservation de l'envahissant inutile. Et nous n'avons simplement pas de place. Pas assez d'étagères, de tiroirs. A la poubelle, les Je me souviens. J'avais rendez-vous une nouvelle fois avec Alexandre d'Oriano, le président du Cercle Anna de Noailles. Nous nous sommes enfin parlés. Le préfacier que j'ai choisi n'est pas très en odeur de sainteté avec certains membres de son association. Il va donc falloir « composer ». J'ai pris un verre avec Pascale au J'Go. Tu penses à ton prochain livre ?, m'a-t-elle demandé. Sans cesse... Mais je finirai bien, avant, ce texte sur le quincy... Et il y ces poèmes que je veux rendre à Nicole pour Caractères. Enfin, si je suis honnête avec moi-même, ce prochain livre, La fausse porte, je sais vraiment pas quand et comment je vais parvenir à m'y mettre. J'ai une signature à Senlis début avril. Retour aux origines. C'est là-bas que tout doit s'éclairer. Nous dînions chez Aude et Jérôme dans le XIIe. Une agent liitéraire, un libraire... Lors de soirées comme celle-ci, je mesure la chance que j'ai aujourd'hui me mêler l'amitié aux livres.
mercredi 25 mars 2009
Mardi 24 mars. 23h40
Par Xavier Houssin le mercredi 25 mars 2009, 00:36
Florence a appelé dans la matinée. Elle devait animer une rencontre à la Villa Gillet, à Lyon, lundi prochain, mais des imprévus l'empêchaient d'y aller. J’ai pensé à toi. Tu es libre ? Pas si simple. Nous partons à Grasse jeudi et nous y serons encore ce jour-là. J’ai commencé par dire non, puis j’ai changé d’avis. Cela n’ampute le séjour que de quelques heures. Je peux prendre un train à Cannes et rentrer à Paris tôt le lendemain. La conversation téléphonique se déroulait, moitié sur le trottoir de chez Bisson, moitié dans sa boutique où nous passions commande pour le buffet du 2 mai. Ma prestation lyonnaise en payera une partie. Nous avons été dire au revoir à Georgette. C’était court cette fois-ci encore... Nous ne reviendrons pas avant quinze jours. Le reste de la journée a filé en rangements. Nous avions rendez-vous à Granville chez le notaire pour signer le contrat de mariage. Tout est en ordre à présent. Nous avons fêté ça avec deux demis au comptoir du bar de la gare. Le trajet de retour a été dantesque. Au cause des travaux entrepris en semaine sur les voies, nous avons dû aller en car à Villedieu, puis prendre un premier train jusqu’à Argentan et un second jusqu’à Paris. Le tout émaillé de pannes et d’incidents qui nous ont fait arriver avec une bonne heure de retard. L’appartement débordait de livres et de courrier. On verra ça demain ?
Lundi 23 mars 2009. 23h00
Par Xavier Houssin le mercredi 25 mars 2009, 00:35
Petite réunion de chantier à l’heure de l’apéritif devant un verre de touraine avec Thierry Giffard et Franck Duchemin. Pour ce qui les concerne (le parquet, les placards, l’éclairage, les interrupteurs), tout devrait être terminé en avril. En deux semaines, les travaux ont d’ailleurs vraiment avancé. La nouvelle chambre est peinte. Les retouches à l’intérieur ont été faites. Le seuil a été posé devant ce qui n’est désormais plus « un garage », mais « une resserre ». Reste quand même la fermeture du koetsch, l’isolation du toit, le sable de granit à épandre dans la cour… Côté jardin, le printemps est arrivé. Et même un peu vite. Les narcisses plantés en novembre ont déjà commencé à fleurir. Les jonquilles et les muscaris font un tapis au pied du frêne. La clématite bourgeonne. La vigne vierge est partout étoilée de minuscules pousses rouges. J’ai taillé les rosiers. Ramassé les dernières feuilles mortes envolées de la mauvaise saison et balayé les chatons du saule. M. Mitaillé doit venir bientôt, je paufinerai après. Aux Fontenelles, les salades sont magnifiques sous leur tunnel de forçage et les oignons sortent de terre. Nous sommes allés porter ces bonnes nouvelles à Georgette. Elle se sort doucement d’une nouvelle bronchite. Le soleil me fait du bien, sourit-elle. Il me requinque. Des nouvelles des uns et des autres. Nous ne sommes pas restés très longtemps : Philippe passait prendre le café. Pourrions- nous rencontrer, même brièvement ?, avait-il demandé. J’avais craint un moment un souci pour le mariage. Pas du tout : il officiera à la mairie sans problème. S’il désirait me voir, c’est qu’il avait appris que je signais mon livre mi-avril à Carolles et à Granville. Il me proposait son aide auprès des correspondants de la presse locale. Je vous fais la liste. J’ai dû être maladroit tant j’ai été touché. Bien sûr, un grand merci. L’après-midi s’est passée à nettoyer, à ranger. Fabien est venu dîner. Pas eu le temps de faire des courses. Nous avons cuit du riz. Ouvert des bocaux de seiche à l’américaine. Débouché du vin blanc. Amélie avait fait un feu. Nous avions retrouvé la maison.
Dimanche 22 mars. 23h50
Par Xavier Houssin le mercredi 25 mars 2009, 00:33
Nous avons retrouvé Akli au petit déjeuner, à l'hôtel, face à son café au lait. Il était aux prises avec un vieil auteur bavard et tout débordant de lui-même. Un exégète de Nostradamus prédisant pour bientôt la fin du monde avec la grippe aviaire. Je peux m’asseoir ? Vous savez, ce qui nous attend c’est La Grande Pandémie. Les deux tiers des habitants de la terre disparaîtront. Akli nous a fait signe de le rejoindre. Au secours... Comment le faire taire ? C’est ainsi, très souvent, au bonheur des salons... La journée à Bondues a ressemblé à un vrai dimanche. Jeunes parents et enfants à la sortie de la messe. Badauds. Personnes âgées en promenade. Et cette qualité d’ennui impalpable qui n’existe qu’un jour par semaine. Mais j’ai aussi rencontré beaucoup de lecteurs touchants, attentifs. Quelquefois tellement proches. On échange deux, trois mots. On est gêné un peu. Quel est votre prénom ? A Bondues, le 22 mars... José et Christian, son mari sont venus me voir. Ils étaient déjà là hier. Ils hantent depuis des années toutes les rencontres littéraires. Ne ratent pas un débat. Enregistrent la moindre émission. De vrais fans de la littérature. Absolument sincères. Infiniment touchants. On te laisse. On va prendre nos places. Je participais à une des tables rondes animées par Michel Paquot avec deux auteurs, Richard Andrieux et Georges Flipo, que j’avais « présentés » avec les autres premiers romanciers au Festival de Chambéry en mai de l’an dernier. Pas vraiment de points communs entre nous. Je n’ai pas bien compris non plus s’il y avait un thème. Nous n’avons fait qu’enchaîner trois monologues. Qu’ont écouté les gens ? Le train partait dans une demi-heure à Lille. Nous avons filé. Salué Akli et Michel. Remercié Jean-François pour son accueil. Embrassé Julie. A Paris, changement de gare. Voyage somnolent. Fabien était venu nous attendre à Granville. Le train avait du retard. Evidemment.
mardi 24 mars 2009
Samedi 21 mars. 22h00
Par Xavier Houssin le mardi 24 mars 2009, 11:09
Nous étions attendus à la gare de Lille. Vingt minutes en voiture jusqu'à Bondues. Une banlieue très résidentielle, maisons cossues et espaces verts. J'étais invité pour deux jours de salon du livre. La manifestation avait lieu dans un grand gymnase à l'écart du petit centre ville. Une espèce d'isola avec des auteurs assis derrière leurs piles de livres. Jean-François m'avait installé entre Michel et Akli. J'ai été soulagé d'être en leur compagnie. Je sais trop comment ces moments peuvent être d'une profonde solitude. J'ai signé quelques livres. Rien à voir avec Michel « régional de l'étape » (il habite à La Madeleine), et qui dédicaçait Max, son dernier livre, à un public déjà conquis. Plus, bien sûr, Effroyables jardins. Akli avait aussi ses fidèles. Impressionnant. Je ne vais quasiment jamais dans ce genre de rencontres. Mes lecteurs, du coup, s'y trouvent plus discrets. Dans l'après-midi, Annabelle est passée. Elle était accompagnée de deux copains de classe que, je ne sais pas pourquoi, j'ai pris pour des petits-cousins dont j'avais oublié le nom. Cela a créé entre nous une bizarre parenthèse avant que le malentendu ne cesse. J'étais content de voir Annabelle. J'éprouve pour elle une grande tendresse, assez inexprimable. Je l'ai aimée petite fille. J'aime à la voir grandir. Mais on se connaît mal, faute de se voir vraiment. Je suis d'une famille où l'on ne se dit pas grand chose et où il n'y a jamais d'effusions. Comment cela se rattrape-t-il ? Elle a acheté un exemplaire de mon livre pour Henri, son arrière-grand-père (Papy...). Mon oncle aussi. Je m'en suis senti honteux de ne lui pas lui avoir adressé. Depuis ses récents soucis de santé, j'avais tellement le sentiment qu'il voulait se retirer du monde. Je n'avais pas envie de le déranger. J'ai gribouillé un mot maladroit sur la garde... Nous avons quitté Bondues pour l'hôtel en fin d'après-midi. On nous avait logés dans le Vieux-Lille, dans le quartier du Lion-d'Or. Nous sommes allés prendre un verre avec Akli, place de la Déesse. Il était fatigué. Nous aussi. Nous l'avons quitté pour aller dîner à l'Huitrière, un restaurant de poisson à la décoration années 1930 où je n'étais encore jamais allé. Il n'y avait pas de place en salle. Nous sommes restés au bar, devant, près du comptoir de vente. Une douzaine de Gillardeau chacun. Deux verres de muscadet. Nous étions à deux pas. On rentre vite... C'est bien.
Vendredi 20 mars. 23h45
Par Xavier Houssin le mardi 24 mars 2009, 10:59
J'ai repris mes notes pour Jeux d'épreuves. Déjeuné à la va-vite. Répondu au courrier. Renvoyé, un peu plus étoffée, la liste de propositions en littérature française pour Le Monde que Raphaëlle n'avait pas eu le temps de regarder. Je lui ai surtout redemandé s'il était possible que je prenne en charge la poésie, laissée « vacante » dans le journal depuis le départ de Patrick. Pourvu que ça marche. Je me débats pour repousser les bords de la peau de chagrin de mon travail... C'est de ne jamais avoir de vraies commandes, de vrais projets, qui me met en retard sur tout et me perd dans d'incessants tricotages de temps perdu. A l'émission je défendais Cartouche de Nellie Campobello paru chez Caractères, une suite « d'histoires vraies » de la révolution mexicaine écrites à hauteur d'enfant. Nellie Campobello était une petite fille pendant ces années de confusion et de violence. Les textes sont des moments rassemblés au fil des réminiscences. Cela donne des séquences terribles et en même temps très tendres. Je ne connaissais pas Nellie Campobello. J'ai appris qu'elle était une des grandes figures des « années d'or » de la culture mexicaine entre 1930 et 1950, poète, écrivain, danseuse, chorégraphe. Elle avait été l'amie de Frida Kahlo, de Diego Rivera, de José Clemente Orozco... Cartouche est le premier de ses livres traduit en français. L'enregistrement a fini beaucoup plus tard que prévu. Je me suis dépêché de rejoindre Amélie. Nous avions rendez-vous avec Camille et Dorothée, aux Trois Baudets pour un concert du groupe Mendelson. Nous ne sommes pas restés bien longtemps dans la salle. La sono était tellement épouvantable que nous avons dû fuir. Quel gâchis. Nous nous sommes retrouvés tous les quatre sur le trottoir du boulevard de Clichy pas mal dépités. Qu'est-ce qu'on fait? Une ou deux cigarettes. Nous avons marché un peu. Et nous avons fini par nous venger de la soirée (côtes-de-bourg et pommes aillées) dans un restaurant du Sud-Ouest de la rue des Abesses.
lundi 23 mars 2009
Jeudi 19 mars. 22h45
Par Xavier Houssin le lundi 23 mars 2009, 09:10
Maman aurait eu quatre-vingt-onze ans aujourd'hui. Elle était née le 19 mars 1918 à Chassignolles dans l’Indre. Tout près du Nohant de George Sand. Ma grand-mère Angèle avait échoué là avec ses trois aînés, fuyant l’avance allemande. La minuscule maison natale, sur la place du village est maintenant une bibliothèque. Elle n’en était pas peu fière. Le 19 mars, est aussi le jour de la saint Joseph, et, Joseph, c'était le prénom de mon grand-père... J'ai ressassé cette petite boucle toute la journée.
Mercredi 18 mars. 23h00
Par Xavier Houssin le lundi 23 mars 2009, 09:10
J’avais rendez-vous avec Laure dans un café de la rue de Solférino. Laure, ma patronne à Point de Vue pendant douze ans (la propriétaire du titre, en fait…) que je n’avais pas revue depuis fin 2004 quand Colombe Pringle, nouvelle directrice de la rédaction, avait obtenu qu’on me flanque à la porte. Le temps passe bizarrement. Je n’en ai jamais voulu à Laure. J’ai toujours éprouvé pour elle, assez instinctivement, des sentiments d’amitié, bien évidemment impossibles à exprimer dans le travail, les relations quotidiennes, la hiérarchie, les enjeux... Un an ou deux après, elle vendait son journal. On s’était envoyé un mot, puis plus rien. Là, elle me faisait signe pour la sortie de mon livre. Nous avons parlé une petite demie-heure. Comment vas-tu ? – Et toi ? – Et ta vie ? Chacun un peu pressés. Elle entre deux avions. La France et l’Italie. Et le reste du monde. Moi, pensant au changement à Sèvres-Baylone. Et puis au bus à prendre pour aller à Censier. A bientôt. - Sûr... Je suis arrivé pile à l’heure à la fac. Mon petit groupe d’étudiants vient malgré la grève. J’ai rendu les reportages du premier semestre. Il y a des idées, des formules, de l’aisance. Mais on est loin du compte. Comment les aider à faire mieux ? Amélie était retenue à un dîner. J’avais une invitation pour l’inauguration d’ArtParis au Grand-Palais. Etrange ambiance saturée d'images, de toiles, de photographies criardes. On se serait cru dans un dessin de Sempé. Je ne connaissais personne. Juste croisé Mijo. Qu’est-ce que tu penses de tout ça ? - Je suis un peu perplexe, mais c’est sûrement très bien.
Mardi 17 mars. 23h55
Par Xavier Houssin le lundi 23 mars 2009, 09:07
J’ai rédigé le questionnaire d’actualité pour les étudiants demain. La mort de Bashung, celle de Pierre Bourgeade, Dabadie sous la Coupole et Andy Warhol au Grand-Palais . Je suis parti au café de la mairie, place Saint-Sulpice. J’avais rendez-vous à nouveau avec le président du Cercle Anna de Noailles. J’ai attendu un moment. Personne. Nous nous étions déjà ratés une fois précédente. Cela commence à devenir compliqué : je dois règler vite mes problèmes de préface, car je viens enfin d’obtenir le feu vert pour la publication des Innocentes. Encore un titre de sauvé pour la collection. Je suis soulagé… C’était la nocturne au Salon. Longue soirée. J’ai été d’abord faire mes civilités et mes embrassades sur le stand de Buchet. Florence, Nathalie et Jérôme y ont fait depuis jeudi un extraordinaire travail de libraires. Ca c’est pas mal passé pour toi, m’a glissé Nathalie. Merci. Merci beaucoup. J’aimerais tant que ce livre circule. Qu’il soit lu, qu’il soit relu, qu’il vive. J’ai passé un moment au cocktail de Télérama, puis aux Inrockuptibles. Baguenaudé un peu au hasard pour finir par me réfugier chez Stock. Nous nous sommes juste croisés Amélie et moi. Après la fermeture, elle enchaînait un dîner avec les gens de L’Olivier. Quelle pitié qu’elle ne puisse pas conserver son poste d’attachée de presse là-bas. Elle n'en parle jamais, mais je sais que ça la navre. Marianne a ramassé ma solitude un peu errante au moment de la fermeture. Nous sommes allés dîner rue de Chambéry, près du parc Georges-Brassens, dans le restaurant qu’Hafed Benotman a ouvert avec Francine, « la femme de sa vie » qu’il a rencontrée et épousée en prison. C’est à Marianne que je dois d’avoir lu les textes d’Hafed chez Rivages. A l’époque, en 2006, il purgeait une peine à Fresnes pour je ne sais encore quel braquage. Francine se débrouillait comme elle pouvait. Je dirigeais les pages livres d’Epok…. Marianne m’avait rédigé un papier sur Poteaux de torture qu’il avait écrit dans sa cellule. De mon côté, j’avais longtemps traîné un projet de portrait pour Le Monde. L’article est sorti en 2008, à l’occasion de la publication de Marche de nuit sans lune. Les derniers clients partis, Hafed a baissé le rideau de fer. Nous sommes restés un moment à discuter. Cigarettes et vin rouge. Amélie venait de rentrer. J’ai trouvé un taxi en maraude rue de la Convention.
Mardi 17 mars. 1h30
Par Xavier Houssin le lundi 23 mars 2009, 09:04
Beaucoup de monde à Beaubourg. Le débat s’est poursuivi bien au-delà de l’horaire prévu. J’avais juste croisé Alberto Ruy-Sanchez au Salon samedi. Nous n’avions rien préparé ensemble, mais en quelques courtes questions nous sommes entrés comme en correspondance pour croiser son univers. Un étonnant Tout où se mêlent la prédestination, la fidélité à l’enfance, les élans créatifs, les sensations. Vocation d’écrivain. Chaque fois j’y pense… Les histoires s’écrivent dans l’écho des singularités et des similitudes. Il a parlé de ses premières années près du désert de Sonora, de sa grand mère fantasque qui emportait la vie entière dans une paraphrénie baroque, de ses obsessions religieuses, de sa jeunesse à Paris. Et puis de Mogador, son territoire sensible. Etre toujours le même n’avance à rien. Dans ce jeu de miroirs sans cesse déplacés où nous vivons, le sens de toutes choses se transforme à chaque instant ; nous flottons en permanence comme des poissons, dans l’humeur changeante des autres, nous peuplons les têtes troublées, les songes de ceux qui nous détestent ou nous désirent. Tout change, de nuit en nuit, dans les silences opaques qui nous rattachent les uns aux autres. Le public, capturé, captivé, l’écoutait avec une frémissante attention. Ca a été un beau moment. Francine, après la recontre, nous a emmené dîner, Alberto, Margarita, sa femme, Amélie et moi et une poignée d’amis. Nous avons pu ainsi continuer de tisser la soirée. Petits nœuds d’existence, larges points communs. Embrassades. Nous nous sommes promis de nous revoir. A Mexico d’abord. Mais quand ? On va s'écrire...
Lundi 16 mars. 16h10
Par Xavier Houssin le lundi 23 mars 2009, 09:02
J’ai mis la dernière main à ma rencontre de ce soir avec Alberto Ruy-Sanchez. Choisi les extraits des textes. Mis au propre mes notes. Francine à la BPI du Centre Pompidou voulait que l’on reçoive Carlos Fuentes. Je suis parvenu à la convaincre que ce n’était pas forcément le bon choix. Fuentes n’est plus qu’un « institutionnel » de la littérature mexicaine et je n’avais vraiment pas grand chose à lui demander. Pas sûr non plus qu’il en ait rien eu à dire. Le débat aurait été glacé. C’est Pascale, il y a longtemps, qui m’avait fait découvrir Ruy-Sanchez. Elle avait édité au Rocher Les visages de l’air, son premier livre traduit en français par Gabriel Iaculli, début d’une fresque ou d’un cycle sur Mogador, ville du sel et des rêves. Réinventée, reconstruite en arabesques. Cette ville devient avec lui un labyrinthe des sens. Chaque page est envahie d’une poésie charnelle et troublante. Bien loin du Mexique ? C’est paradoxalement le contraire. D’un côté l’autre de l’océan, les terres sont en miroir. Même eau. Même sable. Amélie est venue me rejoindre pour déjeuner. J’ai été acheter un paquet de fiches bristol pour mes questions. J’ai besoin de les écrire, de les recopier. Sinon, je suis perdu. Mes idées se dispersent, me quittent. Et c’est foutu.
dimanche 15 mars 2009
Dimanche 15 mars. 23h30
Par Xavier Houssin le dimanche 15 mars 2009, 23:41
Fenêtre ouverte. Vent tourné. Ce sont les cloches de la messe de 11h00 à Saint-Jean-Baptiste-de-Grenelle qui nous réveillé. Une vraie grasse matinée de dimanche. Amélie est partie au Salon. Je suis resté à la maison. Toujours du travail en retard. J'ai écrit mon portrait de John Berger. Commencé à lire Traits pour traits de Brigitte Lozerec'h dont m'avait parlé Anny à Bruxelles. J'ai levé le nez, il faisait déjà nuit. La journée s'était éteinte doucement.
Samedi 14 mars. 22h45
Par Xavier Houssin le dimanche 15 mars 2009, 16:25
Le Salon, toujours. Je signais mon livre en début d'après-midi. A côté de Mercedes d'abord. Puis de Caroline. J'ai vu pas mal de gens. De ceux que que je connaissais bien. Brigitte, Alain, dont sur le coup (j'ai eu honte), je n'arrivais plus à retrouver le prénom. De ceux aussi dont je n'avais plus de nouvelles depuis un moment. Jérôme, notamment, avec j'avais travaillé à Point de Vue et qu'il faut que je revoie, vraiment. J'ai été dire bonjour à Nadine chez Denoël. Il y avait là Sempé à qui j'ai bavardé. Nadine m'a présenté à Posy Simmonds qui vient de sortir chez eux Tamara Drewe, un roman dessiné qui a beaucoup à voir (très librement) avec Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy. Elle avait déjà réalisé un « album » de la même veine, à l'attache littéraire d'emblée plus explicite, Gemma Bovery. Ritournelles d'ennui où se débattent ses héroïnes, anglaises... Tout est d'une lucidité mordante, mais doux et attachant. J'ai pu lui dire. C'était important. J'ai récupéré Amélie sur le stand de L'Olivier. Nous avions prévu de dîner avec Delphine et Solveig. Nous nous sommes retrouvés rue Pierre-Leroux chez Guiseppe. Au calme. En connivence. Et c'était bien. Très très simplement.
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