Je me suis battu avec mon ordinateur une bonne partie de la journée. Le logiciel de traitement de texte n’arrêtait pas de sauter. Les enregistrements ne fonctionnaient plus. J’ai perdu ainsi plusieurs papiers. Je suis juste péniblement parvenu à réécrire celui sur Néologie de Louis-Sébastien Mercier que j’avais promis de rendre pour lundi à Raphaëlle. Mercier est un de ces auteurs du XVIIIe qui nous font habiter leur siècle. Et dont on se sent étrangement proche. Il m’était apparu il y a longtemps en plein milieu de mes recherches sur La Harpe. De vrais contemporains, ceux-là. La Harpe était né en 1739, Mercier en 1740. Tous deux n’ont cessé de s’étriper. Des adversaires acharnés et intimes. Des ennemis préférés plutôt, s’envoyant des noms d’oiseaux, des placets, des libelles. Des frères de lait qui ont tourné à l’aigre. J’avais découvert L'an 2440, rêve s'il en fut jamais, son ouvrage d’anticipation politique publié en 1771, où le narrateur se réveille après un étrange somme dans un Paris gouverné par la Raison et la Démocratie. Bastille écroulée. Versailles en ruines… J’avais lu Le Tableau de Paris, récit de ses errances dans la ville et incroyable succession de portraits, d’éclats de vies, d’études de mœurs… Néologie, Vocabulaire de mots nouveaux, à renouveler ou pris dans des acceptions nouvelles est un texte fabuleux. Près de 3000 entrées brillantes, poétiques, drôles, grinçantes, prophétiques. J’ai appelé Jean-Claude Bonnet qui a établi l’édition, rédigé la préface et les notes. Entre lui et Mercier, c’est un long compagnonnage. J’étais un peu inquiet quand j’ai su que c’était vous qui alliez en parler, m’a-t-il dit en riant. Vous, vous penchez plutôt du côté de La Harpe !