Quel drôle d’été. Tout en silence. Un silence de moi seul. Un silence du dedans. Envahissant. Je n’ai rien fait ou si peu. Le livre en est toujours au même point de recommencements et de ratures. Je sais ce qui l’empêche. C’est cette angoisse diffuse qui ne m’a pas quitté depuis ma visite de juin chez le médecin. Sur le coup, la nouvelle ne m’avait pourtant pas vraiment troublé. Au contraire, j’étais presque soulagé d’éviter pour quelques mois, les analyses, les traitements. De repousser le moment. Mais cet entre-deux c’est révélé une brèche où l’incertitude et les idées noires se sont engouffrées. Pas moyen de travailler. A quoi bon ? A quoi bon ? Et puis, je me sens dissonnant quand j’écris. Je n’ai pas le ton juste. J’aurais déjà dû rendre des pages à Jean-Marc. Il faut que je lui explique tout ça. Heureusement qu’il y a Amélie. Elle a porté mon immobilité avec une tendresse infinie. Grâce à elle, ce temps du rien, aussi, a été un temps doux. Il y a eu nos nièces que nous n’avons cessé de retrouver, de Magagnosc à Carolles. Et le baptème d’Apolline surtout, le 28 juillet, à Veyrier. J’ai de grandes raisons de vivre. Et de continuer. Marie est rentrée à Paris hier. Elle a passé deux jours à la maison de retour d’un périple au Spitzberg. Elle m’a rapporté de là-bas, enveloppés dans un mouchoir de papier, quelques minuscules pousses de saule polaire (Salix polaris) et un éclat de saxifrage (peut-être cespitosa…) que j’ai aussitôt installés dans un mélange de sable et de tourbe. Elle a sorti aussi de son sac un bois de renne, ramassé sur la toundra. Je suis content qu’elle ait fait ce voyage dans ce Nord lointain qui m’a toujours fait rêver et où je n’irai probablement jamais.