Et toi ? Comment vas-tu ? Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir dire... Je déjeunais avec Delphine à La robe et le palais. Je lui avais envoyé un mot une semaine avant : Je ne te vois plus. Difficile de dire le contraire. C’était déjà de loin en loin depuis un an ou deux. Et puis, Françoise-Marie avait été nommée à la direction de Elle. Nous nous étions retrouvés dans un restaurant de la rue Campagne-Première à l’automne de l’année dernière. Un peu pour fêter ça, et pour fêter leur mariage aussi. Après, nous étions juste croisés en juin au prix des lectrices de Elle. Chacun sa vie, bien sûr. Mais de s’être ainsi perdu de vue me causait une espèce de chagrin bizarre. Le sentiment que je payais quelque chose. Avais-je été désagréable, maladroit, à un moment, une occasion ? Non. En tout cas, je ne me souvenais vraiment pas. Ce n’est pas la première fois que j’éprouve cette sensation. Je me demande si ce sont les amis qui s’éloignent ou moi qui reste immobile. J’avais trouvé Delphine contente. Au calme. Comment j’allais, moi ? Difficile de parler de cet épuisement lent qui me rend maintenant toute chose difficile, qui m’isole de mes bonheurs. Impossible à dire cette fragilité de chanterelle, ce repli, cette incapacité à faire qui ne cède qu’en façade. Des années que je traîne, que je trébuche, que je peine à me relever. Mon Dieu, s’il n’y avait pas Amélie. J’ai rassemblé un peu d’énergie pour parler des vacances. C’est vrai qu’elles avaient été belles. Douces. J’avais aimé ce voyage en voiture, en étapes, jusqu’à Magagnosc. Après Nohant, nous nous étions arrêtés au domaine de la Croix-Gratiot, chez Elisabeth et son mari Yves, dans l’Hérault. Dîner au milieu des vignes. Nous étions repartis chargés de caisses de vin et de melons. Chez Claire et Emmanuel nous avions passé une semaine entre parenthèses. Là-bas, je me laisse porter. Au retour, ça avait la visite de la maison de Fabre à Sérignan, Vichy ensuite, à guetter au soir, dans les jardins, les ombres de ma mère et de mon père qui y avaient été heureux, je crois, en villégiature. Puis la Touraine, à Souvigné chez Maureen et Thibaud. Une dernière halte de quelques heures en Loire-Altlantique, à Ancenis et quelques kilomètres plus loin à Oudon, là où Amelie a passé sa petite enfance avant de partir pour l’Afrique. Nous avions musardé tout au long de cette double traversée. Pauses d’un rien au détour d’un paysage. Une rivière. L’orée d’une forêt. Une vieille bâtisse au bout d’une allée. Un village. Une ville. C’était la France chemin faisant. Je m’émerveille de mon pays. De mon appartenance. Les Allemands ont pour parler de cela un mot qui sonne plus tendre, plus intime, que « patrie ». Ils disent « heimat ». Si je me souviens bien, cela signifie « chez soi ». Je ressens profondément cette idée du foyer, de l’origine. Et je suis aussi de tous ceux qui m’ont précédé. De tous ces morts couchés dans la terre dont j’ai hérité. Ma France. Nous nous sommes quittés tard. Delphine rentrait chez elle. J’ai traîné un peu le long des quais. Remonté jusqu’à la passerelle des Arts. J’ai rejoint Amélie place Paul-Painlevé. Nous sommes allés rejoindre Marie chez Moissonnier. Je l’y avais invitée pour son anniversaire. Quenelles de brochet. Poulet au vin jaune. M. Mayet est à la cuisine. Mme Mayet prend les commandes et sert à table. Le temps est lent. La conversation est feutrée. C’est un peu la province. Je m’y sens bien.
lundi 28 septembre 2015
Mardi 1er septembre 2015. 22h40.
Par Xavier Houssin le lundi 28 septembre 2015, 12:35
Mardi 14 juillet 2015. 13h20.
Par Xavier Houssin le lundi 28 septembre 2015, 12:32
C’est d’abord un coq qui m’a reveillé. Puis, par vagues, le grondement des camions passant sur le départementale 943 toute proche. Où en étais-je de mon rêve ? J’en ai entortillé un dernier lambeau : une histoire de clé égarée… Je passe mes nuits à perdre des choses et à ne jamais les retrouver. Quelle clé ? Pour quelle porte ? Il faisait grand soleil. Nous étions parmi les premiers à l’ouverture de la maison de George Sand. J’avais hâte. La dernière fois que j’y étais venu remontait à plus de vingt ans. Nous avons évité la boutique de souvenirs et les visites guidées. Et sommes restés à flâner dans le jardin. De là, l’endroit est resté hors du temps. Cette terre de Nohant, disait-elle, où j'ai été élevée, où j'ai passé presque toute ma vie et où je souhaiterais pouvoir mourir. J’ai cueilli une petite branche de l’if qui couvre sa tombe.
dimanche 26 juillet 2015
Lundi 13 juillet 2015. 22h10.
Par Xavier Houssin le dimanche 26 juillet 2015, 16:51
Départ pour Magagnosc en Twingo. Il faut qu’elle roule cette voiture !, avait dit M. Broust, le garagiste de Carolles, lorsqu’il l’avait réparée en décembre. Cette idée de traverser la France « tranquillement » nous avait fait envie. On prendrait son temps. D’abord le Maine, la Touraine et puis le Berry. Nous nous sommes arrêtés pour une première étape à Nohant. J’avais réservé une chambre à L’Auberge de la petite Fadette, juste en face de la maison de George Sand. Les valises posées, j’ai demandé à Amélie de m’accompagner jusqu’à Chassignolles, à quelques kilomètres à l’ouest, entre La Châtre et Aigurandes. C’est dans ce petit village que ma mère est née le 19 mars 1918. Ma grand-mère Angèle avait échoué là pendant l’exode. Elle occupait une minuscule bicoque sur la place de l’église avec ses enfants. Deux à l’époque, André et Agnès. Plus Albert, le fils qu’avait eu mon grand-père Joseph d’un premier mariage. Joseph avait été mobilisé comme chauffeur. Sa guerre s'étirait entre les chargements au dépôt d'armement et les postes de distribution en arrière des lignes. La noria. Il était venu en permission à l’été… Il n’était pas là pour la naissance. Le bébé avait été baptisé par l’aumonier d’un régiment de dragons qui se trouvait au repos. Chassignolles est en quelque sorte un lieu de pélerinage familial. Plusieurs de mes oncles et tantes y sont passés. Ma mère ne s’y est rendue qu’une seule fois, avec mon père, à la fin des années 1970. Elle a correspondu un moment avec Gillian Tindall, une romancière anglaise qui vit là-bas une partie de l’année, au moment où celle-ci écrivait son livre Célestine, Histoire d'une femme du Berry. Le texte était né de la découverte par l’auteur dans une maison qu’elle venait d’acheter d’un paquet de lettres XIXème adressées à la fille de l’aubergiste de Chassignolles (rien que des demandes en mariage !). Elle s’était alors attachée à retrouver, puis à raconter, d’un siècle à l’autre, la vie de cette Célestine disparue en 1933 à quatre-vingt-dix ans sans avoir jamais quitté Chassignolles. C’est grâce à Gillian Tindall que ma mère avait appris que l’endroit où elle était née était devenue la (toute petite) bibliothèque du village. Nous avons pris un verre, à l’auberge justement. Seuls sur la terrasse. Sous le vol des hirondelles qui regagnaient leurs nids sous le toit.
Dimanche 12 juillet 2015. 23h00.
Par Xavier Houssin le dimanche 26 juillet 2015, 16:49
Mon retard se met en boule. Quelque chose de doux, de mou. Enfant je finissais toujours par mélanger les couleurs de mes boîtes de pâte à modeler. Bleu, rouge, jaune, noir, vert, blanc, orange. Elles s’entrelaçaient dans un magma bariolé ressemblant aux papiers marbrés des gardes des livres. Au bout d’un moment, à force d’être trituré, le patouillage virait au gris. Je finissais par le jeter. Je fais du plomb avec les jours comme ils passent. Je ne sais plus ce qu’ils étaient. Ils vont à l’eau. Se précipitent et sombrent. J’ai écrit mon papier pour Le Monde sur la biographie d’Henri de Régnier par Patrick Besnier. Une chronologie minutieuse qui ne laisse rien passer, déroulant en mailles serrées la diversité confondue des événements, littéraires, privés, intimes, pris dans la marche de l’époque qu’ils traversent. C’est un travail remarquable. Peut-être un peu distant. Mais le personnage n’offre pas beaucoup de prises à la proximité. Le livre de Bernard Quiriny, Monsieur Spleen, paru il y a deux ans au Seuil, s’il balayait plus vite l’existence, était davantage incarné. Ou plutôt, il racontait un peu de cette étrange complicité qui se noue, malgré le temps, avec un auteur passé. Je connaissais mal Régnier avant de m’être lancé dans la publication d’Escales en Méditerranée, son livre de 1931, pour ma collection « Domaine public ». Je ne le regardais que comme une ombre passive dans l’étrange trio que formaient avec lui sa femme Marie (la deuxième des trois filles de José Maria de Heredia) et Pierre Louÿs. Mais j’ai découvert son incessante inquiétude, son désabusement grinçant, sa lassitude. Comment, si souvent, ne pas se sentir proche ? Après bien des mois d'interruption, et encore une fois, je reprends ces notes quotidiennes. Autant que possible…, écrit-il dans ses Carnets.
jeudi 9 juillet 2015
Dimanche 28 juin 2015. 19h00.
Par Xavier Houssin le jeudi 9 juillet 2015, 01:09
Départ très tôt pour Heathrow. Il fallait régler des petits problèmes à l’aéroport pour les billets des filles. Nous ne sommes pas repassés par Ewelme et c’était tant mieux. Voilà. Camille a quitté Malvern. Victoria y viendra à son tour, peut-être, en 2017. J’aimerais quand même que nous retournions ici l’année prochaine. Tous les deux. Le vol était plein. Le chef de cabine vraiment désagréable. A l’arrivée à Paris, on aurait dit qu’il s’évertuait à faire en sorte que nos trois voyageuses ratent leur correspondance pour Nice. Il voulait grouper leur sortie avec celle de deux personnes âgées en fauteuil roulant alors qu’elles n’avaient qu’un quart d’heure avant leur nouvel embarquement. Mais enfin, je connais mon métier ! Une hôtesse est enfin venue les chercher. Nous leur avons dit au revoir dans un couloir de Roissy. Oh, que cet endroit est laid et triste. Vite, on rentre. - Vite ?, m'a dit Amélie. Tu étais aussi pressé de partir jeudi. La boucle est bouclée. On s’est souri. Pris par la main.
Samedi 27 juin 2015. 22h40.
Par Xavier Houssin le jeudi 9 juillet 2015, 01:08
Journée à Oxford. La ville se trouve à peine à trente kilometres d’Ewelme. Je voulais montrer Christ Church aux trois filles. Leur faire une petite visite guidée Lewis Carroll et Alice. Mais il y avait un monde hallucinant partout. Les rues étaient envahies de groupes de touristes cavalant derrière leurs accompagnateurs. Ca hurlait, ça se chahutait, ça se poussait. Nous avons fait le tour du collège à la queue leu-leu derrière des Japonais, des Chinois, des Américains et des Qui-on-veut qui se prenaient en photo tous les trois pas. Là ou ailleurs. Pourquoi viennent-ils ici ? J’ai essayé quand même de raconter qu’on appelait Oxford la ville aux clochers rêveurs. Que des fenêtres de la bibliothèque un jour de 1855, un jeune professeur de mathématiques de vingt-trois ans regardait distraitement la cour et le jardin clos de murs où jouaient les enfants du doyen Liddell : Harry, Lorina, Edith et surtout Alice qui avait alors à peine quatre ans. Et qu’il n’aurait jamais pu imaginer à quel point la rencontre avec cette gamine brune au carré sage allait bouleverser son existence. J’ai parlé des parties de cache-cache sur les toits-terrasse derrière les hautes cheminées. A chaque fois que j’ai pu, j’ai essayé d’expliquer comment le Pays des merveilles d’Alice tient presque en entier entre les murs de ce collège. J’ai montré la petite porte ouvrant sur le grand jardin des aventures, le chataîgnier où se tient perché le chat du Cheshire. Le grand hall était fermé, pas moyen de voir les curieux chenêts de cuivre, figurant des personnages au cou démesurément long, comme celui d'Alice lorsqu’elle grandit de manière si folle que sa tête passe au-dessus des arbres. Nous avons dû fuir la foule. Nous nous sommes réfugiés dans Alice’s shop, la minuscule boutique où la petite égérie de Lewis Carroll achetait ses sucres d’orge et qui lui est maintenant entièrement dédiée. Cartes postales, livres, souvenirs. J’ai acheté une quantité de bricoles. Nous avons déjeuné dans un restaurant indien de High street. Pris un black cab pour aller jusqu’au muséum d’histoire naturelle. Alice Liddell avait huit ans quand il a ouvert ses portes la première fois. J’ai fait une tentative là-bas pour parler du dodo, ce curieux oiseau, disparu depuis le XVIIème siècle, que, dans le livre, Alice rencontre à la sortie de la mare de larmes (le musée possède outre la fameuse peinture de Savery représentant l’animal, un crâne momifié et un « moulage »). Mais tout le monde était fatigué. Retour à Fyfield manor avant le dîner. Notre logeuse nous avait indiqué un restaurant sur les bords de la Tamise. Il y avait des pêcheurs, une barque. J’ai repensé à Jerome K. Jerome ramant dans le soir tombant entre Benson et Wallingford. J’étais en canot avec une jeune demoiselle – ma cousine du côté maternel – et nous descendions vers Goring. Il se faisait tard… Allons, je ne vais quand même pas recopier tout Trois hommes dans un bateau.
Vendredi 26 juin 2015. 22h20.
Par Xavier Houssin le jeudi 9 juillet 2015, 01:04
En fait, Camille avait envie de refaire avec ses sœurs exactement le même petit voyage que l’an dernier quand nous étions aussi venus la chercher. C’est à dire loger à Ewelme, dîner au Lord Nelson à Brightwell Baldwin... Tant mieux. Et plus. J’étais ravi de revenir à Ewelme. Mais lorsque nous avions réservé, il n’y avait déjà plus de chambres libres à Fords farm, notre Bed & Breakfast de 2014. Nous avons dû émigrer à Benson, à deux kilomètres de là dans une grande maison de maître très ancienne, réaménagée au XVIIIème avec façade à colonnades et fronton surbaissé. Devant, il y avait une pièce d’eau avec des canards et des foulques. Beaucoup de charme. Mais la propriétaire de « Fyfield Manor » nous a réservé un accueil un peu préoccupé. Elle était surtout inquiète de ce que les enfants ne lui causent pas de dégâts et que nous ne montions pas à l’étage sans ôter nos chaussures. Elle nous a fait mille recomandations à propos des salles de bains à tel point qu’on pouvait se demander si l’on était autorisé à ouvrir les robinets… Amélie et les filles sont allées se promener dans Ewelme. Moi, je me suis rendu à mon pélérinage littéraire sur la tombe de Jerome K. Jerome. J’étais perdu dans mes pensées quand le vicaire de l’église (ou peut-être le sacristain) est venu me frapper sur l’épaule. You came to see the tomb of Alice, Duchess of Suffolk ? Je me suis souvenu du passage de Trois hommes dans un bateau. J’étais presque dans le livre. Un jour, lors d’une belle matinée ensoleillée, j’étais accoudé sur le muret de pierres entourant une petite église de village, et je fumais ma pipe en savourant le bonheur calme et profond qui émanait de ce spectacle doux et paisible : la vieille église grise revêtue de lierre, au portail de bois naïvement sculpté, la blanche allée serpentant jusqu’au bas de la colline entre deux rangées de grands ormes, les maisons aux toits de chaume dépassant de leurs haies bien taillées, le fleuve argenté dans la vallée, les coteaux boisés au-delà… C’était un paysage charmant. Il était idyllique, poétique. Il m’inspirait. Je me sentais bon et noble. Je ne voulais plus pécher, ne plus jamais faire le mal. Je voulais habiter là, y couler une vie irréprochable, une vie belle, avoir des cheveux blancs quand je deviendrais vieux, et tout ce qui s’ensuit. A cet instant, je pardonnai à tous mes amis et connaissances leurs méchancetés et leurs indélicatesses, et je les bénis. Ils n’ont pas su que je les bénissais. Ils ont persisté dans leur voie dépravée sans savoir ce que moi, tout là-bas dans ce paisible village, je faisais pour eux ; mais je ne l’en fis pas moins, et j’aurais voulu pouvoir les avertir que je l’avais fait, parce que je souhaitais les rendre heureux. Je me laissais aller à ces pensées sublimes et tendres, quand ma rêverie fut interrompue par une voix aigre qui glapit : « Voilà, monsieur, j’arrive, j’arrive ! Voilà, ne vous impatientez pas ! » Je levai les yeux et vis dans le cimetière un vieux bonhomme au crâne chauve, qui clopinait vers moi, portant à la main un énorme trousseau de clefs qu’il faisait tinter à chacun de ses pas. Je lui fis signe de s’éloigner avec une dignité muette, mais il continua d’avancer en piaillant. « J’arrive, monsieur, j’arrive ! Je suis un peu boiteux, et plus aussi alerte qu’autrefois. Par ici, monsieur. – Allez-vous-en, misérable vieillard ! lui lançai-je. – Je suis venu aussi vite que j’ai pu, monsieur, dit-il. Ma femme vient juste de vous apercevoir. Suivez-moi, monsieur. – Allez-vous-en, répétai-je. Fichez-moi la paix ou sinon je saute par-dessus le mur et je vous tue ! » Il parut surpris. « Vous ne voulez donc pas voir les tombes ? me demanda-t-il. – Non, répondis-je. Je ne veux pas. Je veux rester ici, sur ce vieux mur décrépi. Allez-vous-en, et ne me dérangez plus. Je déborde de belles et nobles pensées, et n’en veux plus bouger, parce que c’est beau et bon. Ne venez donc pas faire l’imbécile, me rendre enragé et chasser mes bons sentiments avec vos idioties de pierres tombales. Allez-vous-en, et trouvez quelqu’un qui vous enterre à bon marché, je paierai la moitié de la dépense. » Sauf qu’ici mon interlocuteur était tout sauf importun. Et que je n’avais aucune envie de l’envoyer promener. Il m’a raconté le service religieux organisé l’année dernière dans l’église par l’Association des amis de Jerome K. Jerome à l’occasion du cent-vingtième anniversaire de la parution de Trois hommes dans un bateau. Tous les participants étaient en boating blazer jacket, coiffés de canotiers. Et il m’a, bien sûr, aussi montré dans l’église le tombeau de la duchesse de Suffolk, Alice Chaucer, la petite fille du poète Geoffrey Chaucer, l’auteur des Contes de Canterbury et du Parlement des oiseaux, morte à la fin du XVème siècle. Le monument est impressionnant. Sur le dessus, son gisant en albâtre avec robe et couronne, puis le sarcophage contenant le corps, enfin, en-dessous, un transi qui la figure en cadavre. Je suis allé retrouver mes promeneuses. Fait un dernier tour avec elles dans les rues du village. Comme je me sens bien ici. Notre table était réservée au Lord Nelson. Très bon dîner. J’allais dire comme d’habitude… Ce n’est pourtant que la deuxième fois que nous venons.
Vendredi 26 juin 2015. 15h00.
Par Xavier Houssin le jeudi 9 juillet 2015, 00:58
C’est bien de se réveiller en Angleterre. Je suis là-bas dans une nostalgie heureuse. Mes sensations, mes perceptions se retrouvent en correspondance avec tellement de mes années d’enfance : tous ces étés passés à Chigwell chez Mr. et Mrs. Palmer. J’ai l’impression que rien n’a changé. Et de fait, pas grand chose. En tout cas bien moins qu’en France où la laideur « moderne » envahit même les campagnes. Nous avons marché jusqu’aux Downs Malvern, le collège de Camille. Victoria et Valentine étaient impatientes de revoir leur grande sœur. Dans leur hâte, de loin, elles croyaient la reconnaître partout. C’est qu’il y en avait des gamines blondes à queue de cheval, vêtues du blazer bleu, du chemisier blanc et de la jupe écossaise bleue et verte de l’uniforme… Oh non, ce n’est toujours pas elle ! Elles ont fini par la retrouver. Embrassades, embrassades et embrassades. How touching it is, m’a dit une dame en tailleur rose. Nous nous sommes mêlés aux familles pour rejoindre le gymnase où avaient lieu les cérémonies de fin d’année. Discours, chants, musique et (interminables) remises des coupes et des diplômes. L’assistance était béate. Nous aussi. Après les adieux à ses amies, Camille a emmené ses sœurs visiter le collège. J’ai cueilli quelques tiges de fuschias dans les plates-bandes. J’espère que les boutures prendront.
Jeudi 25 juin 2015. 21h40.
Par Xavier Houssin le jeudi 9 juillet 2015, 00:56
Les chauffeurs de taxis faisaient grève. Empêchant l’accès aux gares et aux aéroports. Et je venais juste de voir que la RATP annonçait des « perturbations » dans la matinée. Vite, partons ! Nous avons traversé au pas de course la place Denfert-Rochereau déserte (les taxis y avaient installé un barrage) et nous nous sommes engouffrés dans la gare RER. Par chance le trafic était encore normal. Nous étions, du coup, en avance à Roissy. Pas tant que cela finalement. Le temps passe bizarrement vite dans les aéroports. Récupéré les filles sans problème. Quel bonheur de les retrouver. Arrivée à Birmingham en soirée sous un ciel gris. Nous avons entassé les énormes valises (en fait toutes leurs affaires pour deux mois de vacances) dans le coffre de la voiture de location. Une heure et demie de route. Pour les petites, la fatigue commençait à peser. A l’hôtel, une belle bâtisse à colombages style country house début XXème, la cuisine venait de fermer. On nous a servi un grand plateau de sandwichs (white or brown bread ?) qu’elles ont dévoré. Allez vite, au lit !
mardi 7 juillet 2015
Mercredi 24 juin 2015. 22h10.
Par Xavier Houssin le mardi 7 juillet 2015, 21:52
Nous avons fait les valises. Préparé tous les documents pour le voyage. Demain nous récupérons Victoria et Valentine au vol de Mexico et nous les embarquons pour Birmingham. Elles nous accompagnent pour aller chercher Camille à Malvern, son collège du Worcestershire. Nous restons en Angleterre trois nuits.
Mercredi 24 juin 2015. 18h30.
Par Xavier Houssin le mardi 7 juillet 2015, 21:51
Terminé mon papier sur Au bonheur des jours (Histoires de femmes), le recueil de nouvelles de Joëlle Miquel. Des saynètes un rien trop convenues, au ton poussé à la dissonance, à ce presque faux de la plupart des dialogues des films de Truffaut ou de Rohmer dans les années 1970. Cela fait étrange. Irritant. Pas désagréable. Retour au Tournon pour un déjeuner avec Stéphanie. Je ne l’avais pas revue depuis son départ de Grasset et son nouveau poste d’éditrice chez Fayard. Avec elle, il n’y a pas de temps à rattrapper. Tout s’écrit au présent et au futur immédiat. Dieu que ça fait du bien. Je lui ai dit combien j’avais aimé 78 de Sébastien Rongier… Rendez-vous dans l’après-midi dans le XVe avec Benoît Guyon, mon généraliste que je vois peu, mais qui est mon « médecin référent ». J’ai des soucis avec la Sécurité sociale et il faut remplir plein de paperasses. Nous avons parlé de la rentrée littéraire, des journaux, de Churchill et du débarquement en Normandie. De retour à la maison, je me suis aperçu qu’il avait oublié de noter tout un tas de choses. Il va falloir recommencer.
Mardi 23 juin 2015. 17h00.
Par Xavier Houssin le mardi 7 juillet 2015, 21:48
J’avais rendez-vous chez Caractères avec François, le stagiaire maquettiste qui devait mettre en page mon Herbier des rayons. Il n’était pas là. Je reviendrai la semaine prochaine. Mangé un morceau avec Nicole. Submergée de soucis.
Lundi 22 juin 2015. 23h10.
Par Xavier Houssin le mardi 7 juillet 2015, 21:47
Déjeuner avec Claire au café Tournon. J’arrivais du Rostand où j’avais essayé pendant une heure d’éponger un peu de mon courrier en retard. Le Rostand, le Tournon : voilà bien deux endroits où je me sens parfaitement au calme. Sans hâte. Sans inquiétude. Il n’en est plus beaucoup dans le quartier. Il y avait autrefois l’Alsace à Paris place Saint-André-des-Arts qui, en perdant son nom, est devenue une brasserie vulgaire et clinquante; le Balzar où l’on a l’impression aujourd’hui de toujours déranger, où il faut vite laisser la place aux dîneurs, aux touristes. Je pourrais continuer longtemps la litanie de tous ces lieux que j’ai aimés, maintenant perdus, et qui me sont devenus tellement étrangers. Claire m’avait apporté L’atelier des morts de Daniel Conrod qui sort fin août. Ca devrait te plaire, m’a-t-elle dit. J’ai jeté un coup d’œil à la quatrième de couverture. Il peut arriver qu’il faille ré-ensevelir ses propres morts. Car il y a des morts négligés comme il y a des individus négligés, qui souffrent au-dedans de nous et nous font souffrir en retour. Je crois qu’elle a raison. N’empêche, quelle réputation… Passé l’après-midi à mettre de l’ordre dans les envois de rentrée. Sorti de la pile 78, le livre de Sébastien Rongier chez Fayard. Une histoire de temps qui file et d’enfance qui se tourne. Je suis passé chercher Amélie place Paul-Painlevé. Nous étions invités par Nicolas Pagnol à la projection de la version restaurée du Marius de son grand-père Marcel à la cinémathèque. Retrouvé là-bas Antonie et Louise. Pas sûr que la petite ait tout suivi de ce mythique mélo de 1931. Elle aura surtout retenu Quand on fera danser les couillons, tu ne seras pas à l’orchestre. Quant à moi, je ne me souvenais plus à quel point, à part quelques scènes et répliques (dont celle-ci), le film était noir, désepéré. Et qu’aussi Orane Demazis me tapait si épouvantablement sur les nerfs.
mercredi 1 juillet 2015
Dimanche 21 juin 2015. 22h50.
Par Xavier Houssin le mercredi 1 juillet 2015, 18:07
J’ai raccompagné de bonne heure Jean-Philippe à la gare. Il avait promis à ses filles de rentrer vite pour la fête de la Musique… et celle des pères. Nous nous sommes embrassés. On ne va pas se revoir de sitôt. Je le pressens. Même s’il a envie de revenir en famille. C’est tellement beau ici. Nous avons déménagé toutes les affaires de la cuisine dans la pièce principale. Le menuisier vient lundi y poser du parquet. Enfin du parquet… Il a fallu renoncer au bois. Les lattes, trop épaisses, nous auraient obligé à défoncer le carrelage. Nous nous sommes rabattus sur du synthétique. J’ai un peu peur du résultat, même si on nous a assurés que ce serait bien. De toute façon, ce ne pourra pas être plus laid que les vilains carreaux, vaguement marron, des années 1970, qui recouvraient le sol. Les deux voitures étant chez le garagiste, Jean-Pascal nous a gentiment accompagnés à la gare. Vers Argentan, le train a stoppé pour une histoire d’incendie sur les voies. Deux heures de retard. J’en ai profité pour rédiger un court papier sur le livre très doux de Valère Staraselski, Les toits d’innsbruck, au Cherche midi. Retrouvé Paris sans plaisir. Pire. La rue Daguerre était assourdissante d’orchestres de rues, grouillait de badauds bruyants. J’avais oublié la fête de la Musique. Nous nous sommes calfeutrés dans l’appartement. Un bip sur mon téléphone : j’avais reçu un petit message de Marie. Pour la fête des pères.
Samedi 20 juin 2015. 23h20.
Par Xavier Houssin le mercredi 1 juillet 2015, 18:04
Nous avons déjeuné rapidement. Je suis allé chercher Jean-Philippe à Granville en tout début d’après-midi. Grand soleil. J’ai apporté mon maillot de bain, m’a-t-il dit, à peine il était descendu du train. Aie. Pas moyen de faire autrement. Je l’ai donc accompagné à la plage. L’eau était vraiment (vraiment) fraîche. Mais il était ravi. Nous avons fait quelques brasses. Nous étions les seuls. Je l’ai emmené se balader après, en voiture, de Champeaux à Saint-Léonard, afin qu’il voie la baie. Les herbus et puis le Mont, un rien flouté dans la lumière chaude. J’ai assez aimé qu’il s’abstienne de commentaires. Qu’il reste juste à regarder et se taire. Il se trouvait moins de monde à la rencontre que les fois précédentes (entre le mariage de la fille d’Hervé Guilloux et la fête de la musique à Granville, il y avait de la concurrence…). Au lieu des quatre-vingt et plus, je n’ai compté cette fois-ci qu’une cinquantaine de personnes. Je fais la fine bouche maintenant, tellement habitué à ce qu’il y ait foule. Quand je pense aux débats que j’ai animés dans les médiathèques en Seine-Saint-Denis pour le Festival Hors limite. Quand les bibliothécaires parvenaient à réunir dix personnes, il étaient contents… Jean-Philippe l’était visiblement. Les gens aussi. Il les a émus, il les a fait rire. N’empêche, ce n’est pas simple de débattre avec lui. De le pousser dans ses retranchements. Il ne cesse de se cacher. D’oublier la question. De répondre à côté. Dîner à la maison avec lui et les Chatelard. Agathe n’a pas osé l’entreprendre sur La coloc, son dernier roman pour ados qu’elle venait de lire. Elle en avait pourtant très envie. Elle est dans l’âge du texte. De ses préoccupations. Et puis, surtout, il y avait ce « hasard » qui la troublait. Tu te rends compte, m’avait-elle confié à propos de Romain, le personnage principal, lui aussi a perdu sa grand-mère en mai…
Vendredi 19 juin 2015. 21h00.
Par Xavier Houssin le mercredi 1 juillet 2015, 18:02
Marché à Jullouville. Déjeuner sous le sapin. Amélie est allée s’occuper du potager. Les pluies de la fin de la semaine dernière et le beau temps des jours derniers ont fait verdir tout un tapis d’adventices. Je suis resté à la maison pour préparer la rencontre de demain avec Jean-Philippe Blondel. Je ne sais plus quand nous nous sommes vus la dernière fois. Cinq ans ? Six ans ? Davantage ? Après le Festival du premier roman de Chambéry en 2004 (il venait de publier Accès direct à la plage, moi, La ballade de Lola), nous avions fait quelques débats ensemble. Puis nous nous étions retrouvés un peu au hasard de ses visites à Paris. Son boulot de prof à Troyes ne lui laisse pas beaucoup de disponibilité. Il ne venait pas souvent, il ne vient presque plus. Il publie beaucoup Jean-Philippe. Plus de vingt romans en une petite dizaine d’années. Dont cinq ou six titres pour les adolescents chez Actes Sud. J’ai regardé ce que j’avais sous la main : Accès direct à la plage, Juke box, Un minuscule inventaire, Passage du gué. Plus tous ses textes chez Buchet, dont le tout dernier, Un hiver à Paris. J’ai pensé qu’il écrivait toujours avec légèreté même quand il s’agissait de sujets graves et qu’il restait grave lorsqu’il il abordait des situations légères. Je crois que je vais garder la formule pour la rencontre… Je suis allé chercher Amélie. Trop mal au dos pour l’aider à arroser. Je l’ai accompagnée faire son « longe-côte ». La mer remontait depuis un moment. Des petites vagues saccadées. Je marchais sur la grève en la regardant avancer au soleil descendant.
Jeudi 18 juin 2015. 23h50.
Par Xavier Houssin le mercredi 1 juillet 2015, 18:00
Toujours mal au dos. Il ne faut pas s’écouter, disait ma grand-mère Mamoÿ lorsque j’allais la voir pour un bobo. Elle qui ne s’était jamais plainte. Ou si peu. A la fin, seulement. J‘ai vi, j’ai pas vécu, confiait-elle juste en résumé de son existence. Elle avait donné naissance à treize enfants en vingt-et-un ans. En avait élevé trois autres en plus. Quatre étaient morts aussi. Puis deux guerres, et toutes ces journées à faire marcher son monde. Se plaindre ? S’écouter ? Pas le temps. Jamais. Le frigo était vide. Je n’avais pas le courage d’aller au marché de Carolles. J’ai hésité. La municipalité et les commerçants fêtaient le premier anniversaire. Et j’avais dit à Monique et Jean-Marie que j’y ferais un saut. Tant pis. Je suis allé faire des courses à Granville pour le dîner. Nettoyé la maison. Retendu le lit. Jean-Pascal était à Coquelonde pour la journée. La société de sécurité installait l’alarme dans la maison. Des détecteurs de présence partout. Code, mot de passe. Il m’a invité à déjeuner chez Salvatore à Jullouville. Foie à la vénitienne et sangiovese. J’ai passé l’après-midi à couper les roses fanées. A faire tout ce que je pouvais, sans me baisser, au jardin. Amélie est arrivée par le dernier train. Elle s’est inquiétée : Tu vas mieux ? – Oui. Maintenant, tu es là…
jeudi 18 juin 2015
Mercredi 17 juin 2015. 23h45.
Par Xavier Houssin le jeudi 18 juin 2015, 00:46
Les douleurs ont repris à peine j’ai posé le pied par terre. Je me suis traîné chez le médecin. C’est bien un lumbago. Prendre le traitement et attendre que ça passe…
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