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vendredi 30 mai 2008

Mercredi 28 mai. 22h40

Plus s'approche le moment de ma petite retraite d'écriture, plus je m'enfonce dans une étrange mollesse. Un étrange renoncement. Comme si je m'acclimatais à ne pas savoir, à ne pas parvenir, à ne pas faire. D'avance, je me heurte aux contours, aux rebords, aux marques. D'avance, j'abandonne. A quoi bon? Mes paniques de rédaction ne sont finalement que celles des devoirs sur table d'il y a bien longtemps. Je me souviens tellement de ces copies à rendre... Ce sont aujourd'hui les papiers dans la presse, les morceaux de préface, les argumentaires. Comment ne pas confondre? Quelle est la différence? Je mélange les mots et leur destination. Tout me paraît sans fin, sans but, sans horizon. J'attends les réponses de Fred Vargas à quelques questions sur son dernier livre. Je les ai tordues comme si je les posais à moi-même. Je guette ce qu'elle va dire. Avec une infinie, infinie attention.

mercredi 28 mai 2008

Mercredi 28 mai. 1h10

Marie Sizun a obtenu le prix des lectrices de Elle pour La femme de l'Allemand. Il était remis au musée d'Orsay. Entre les Rude, les Carrier-Belleuse et les Clésinger, nous étions nombreux dans la grande salle, pour les discours et les commentaires. A l'étage aussi, dans les salons, pour le cocktail... Je l'ai cherchée. Je voulais la féliciter. J'avais tellement aimé son livre. Je l’avais défendu, au printemps de l’année dernière, dans Le Monde puis à France Culture. On s'était adressé chacun un petit mot. C'était la première fois que nous nous voyions. Nous aurions dû juste nous congratuler chaleureusement. Merci. - Non c'est moi. Question de lieu et de moment. Mais cela ne s'est pas passé comme ça. Ce que j’ai appris d'elle ce soir nous lie assez étrangement. Marie Sizun m’a raconté qu’il y a maintenant longtemps, elle était professeur de français à Tourcoing dans l’institution religieuse où mon oncle, l’abbé Georges Lapierre, enseignait les lettres classiques. Là, il s’était tissé entre eux une sorte d’amitié qui, après son départ du Nord s’était poursuivie dans une correspondance, plutôt fidèle malgré les longues années. En 2005, très émue, elle lui adressait son premier roman, Le père de la petite. La réponse était arrivée tard. Trop intime, avait fini par lâcher Georges. Cela me fait penser à ce qu’écrit mon neveu…

mardi 27 mai 2008

Lundi 26 mai. 23h40

Amelie est partie à Lyon ce matin. Elle accompagne les débats de ses auteurs à la villa Gillet. Elle rentre demain. Nous y retournons ensemble en fin de semaine. J'anime une table ronde le dimanche avec Nelly Arcan,Thomas Jonigk et Upamanyu Chatterjee sur le thème « Tabou et transgression ». Vaste questionnement... L'endroit est impressionnant, d'intelligence, d'échanges. Cela m'avait saisi l'an dernier dans un mélange d'inquiétude et de contentement. Je ne vais pas souvent à Lyon. Au fond, je n'ai jamais eu grand chose à y faire. Il y a eu ce voyage de presse qu'avait organisé Brigitte début 2002 pour l'exposition Peinture et Poésie. Quelques haltes aussi sur la route du midi. Nous nous y sommes arrêtés Amélie et moi en descendant en voiture chez ses parents, Claire et Emmanuel, à Grasse. Voilà tout. Lyon avait été le point ultime de la courte fugue que j'avais faite à quinze ans avec Philippe. Nous étions à l'époque envahis de Kerouac, d'envie de Larzac, et de communautés hippies. Nous nous sommes arrêtés à Tassin-la-Demi-Lune après avoir traîné une journée dans Fourvières. Retour à la maison... Ma mère était dévorée d'inquiétude.

J'ai dîné avec Marie après une journée passée chez Buchet. Ses perspectives de boulot se précisent. Mais nous attendons de connaître la décision finale pour en parler vraiment. Motus et fer à cheval. Trèfle à quatre feuilles, patte de lapin et bouche cousue pour le moment.

Lundi 26 mai. 2h10

J'ai fini le papier sur le Jean-Yves Cendrey pour Le Monde. Je l'envoie à Christine. Je ne sais pas s'il passera. J'ai mis tant de temps à parvenir à l'écrire. Connaissance de la douleur. Pas la même et pourtant. Il est des complicités noires...

lundi 26 mai 2008

Dimanche 25 mai. 23h50

Je craignais le pire. Je voyais déjà le potager envahi d'herbes folles. Mais les carrés ont plutôt bien tenu. A peine se sont-ils recouverts d'un duvet vert qu'il a été facile d'éliminer au sarcloir. Les feuillages des pommes de terre ont déjà dix bons centimètres de haut. Les oignons sortent de terre. Les plants de tomates se sont redressés. Les rosiers anciens récupérés de l'ancien jardin de Georgette à L'Humelière sont couverts de fleurs lourdes et parfumées. J'ai d'ailleurs encore oublié en lui en apportant un bouquet de lui en demander le nom. A la maison, nos variétés s'appellent Caura, Cecile Brunner, Etoile de Hollande, Tess d'Arbanville, Generous gardener... J'en oublie. Je vais attacher des étiquettes aux tiges. Aux Fontenelles, nous avons bien travaillé. Amélie a arraché les orties, éclairci les radis. J'ai dégagé une nouvelle bande nette et étroite pour trois pieds de potirons. La friche est entamée. L'honneur est sauf... Emmanuelle qui raccompagnait son frère Fabien à Carolles est venue nous rejoindre. Il y a à peine plus d'un an qu'elle a quitté définitivement Paris pour s'installer à Agon. Elle travaille à distance. Fait des dossiers de presse, gère des manifestations. Et à la moindre occasion s'en va faire un tour sur la plage. Elle a l'air si bien de ce changement que cela fait, à la voir, un immense plaisir et qu'on a envie simplement de rester à la regarder, heureuse. J'ai cueilli pour elle quelques boutures d'hydrangea grimpant, petiolaris, chez Perron. Ce n'est pas le moment, mais avec un peu de chance... J'ai téléphoné à Marie en fin de journée. Dans le bac, sous la gouttière, ses deux poissons sont morts. Apollon, le cyprin jaune d'or a disparu, probablement emporté par un oiseau. Arès, le voilier tacheté de blanc et de rouge a agonisé, ventre en l'air, tétant l'eau pendant des heures. J'ai jeté son petit cadavre dans la haie des clématites et des chèvrefeuilles.

dimanche 25 mai 2008

Samedi 24 mai. 23h05

Il a plu sans discontinuer. La cour détrempée. Les ornières et les flaques. J'ai planté sous l'averse les pervenches de Jean-Jacques Rousseau devant la maison. Longue conversation avec la peintre, qu'à force de harcèlements j'ai fini par avoir au téléphone. Je n'arrive pas à hausser le ton. Ce serait sans doute utile. Encore quinze jours de délai, annonce-t-elle. Et ce n'est pas tout. Nous voilà partis aussi pour un tas de tergiversations au sujet des finitions. Je sens que vais être là en juin tout autant pour faire le chef de chantier que pour écrire. Ca me désespère. Je ne suis pas très doué pour l'exercice du Je veux et j'exige. Plus d'un an maintenant que cette maison est en travaux. Que la poussière de bois et de plâtre s'insinue partout. Que tout est enfermé dans des malles, des cartons. Que les armoires sont pleines. Que les livres ne sont toujours pas classés. Du coup, je me suis lancé dans le rangement de la cuisine. J'ai mis de l'ordre dans les placards, dans le vaisselier. Fait de nouveau cartons surtout que j'ai mis au garage. Je devrais jeter. Je n'y arrive pas. Je ne peux pas mettre à la poubelle les couverts dépareillés, les cuillères en bois usées et les vieilles casseroles qui viennent de Senlis. Je garde la bouilloire percée, pleine de vert de gris de ma grand-mère Angèle. Les canifs rouillés de Joseph. Le plateau en métal piqué, la salière ébréchée, les sous-verres défraîchis et toutes ces babioles que maman ramenait à chacun de nos voyages d'été en Angleterre. Abandonner les objets? Plus tard. Encore un peu... Bric-à-brac de brocante. Le passé m'envahit comme le lierre et les ronces.

samedi 24 mai 2008

Samedi 24 mai. 1h15

Des bataillons de limaces ont dévoré les capucines. Les tiges des fuschias, celles des rosiers sont envahis de crachats de coucous. J'ai passé plus d'une heure à y écraser délicatement entre les doigts les larves des cicadelles. Je crois qu'il s'agit de cercopis puisque j'en ai vu un qui se détachait bien avec ses élytres oranges et noires sur le mur jaune du couloir. La peintre traîne, ne répond pas au téléphone. Le menuisier attend. Le chantier poussiéreux continue. C'est pourtant dans une semaine que j'ai décidé de venir travailler ici... J'ai peur que rien ne soit prêt. Amélie est arrivée par le dernier train. Nous avons dîné sur la terrasse. Un ragoût d'artichauts, quelques tranches de jambon cru. Le ciel a retenu la pluie jusqu'au bout. Douceur frémissante d'avant orage. Avec le vent tiède, comme un avant-goût des draps de la nuit.

vendredi 23 mai 2008

Jeudi 22 mai. 22h45

J’ai enfin envoyé le papier sur Atelier 62, le récit de Martine Sonnet au Temps qu’il fait. Depuis que j’ai lu son livre, il y a un peu plus de trois mois, je pense beaucoup à Amand, son père, le forgeron de Renault. Il m’accompagne silencieusement. Dans le Paris-Granville que je prends si souvent maintenant, je guette toujours l’arrivée du paysage. Les champs libres passé Dreux et un peu avant L’Aigle, enfin, le premier vrai bocage. Quand il rentrait chez lui chaque fin de semaine, il descendait à Flers. Correspondance pour Domfront jusqu’à Ceaucé son village. Moi, je continue la ligne. A Flers, elle se brise en descente comme l’après-midi du dimanche. On dirait que le train se dépêche. C’est qu’il est temps d’arriver.

jeudi 22 mai 2008

Jeudi 21 mai. 1h10

J'ai passé la journée à rater des rendez-vous. Je suis arrivé en retard à un premier. J'ai décommandé mon déjeuner parce que je pensais en avoir avoir un autre en tout début d'après-midi pour m'apercevoir une heure plus tard que c'était la semaine prochaine. Plus moyen de faire marche arrière. Nadine m'a appelé pour me parler de sa rentrée chez Denoël et, comme, du coup, j'étais libre, nous nous sommes retrouvés à La Cigale, rue Récamier. Là j'ai croisé Elodie que j'avais oublié de rappeler au sujet de L'archer du Pont de l'Alma de Hervé Algalarrondo et de Crépuscule ville de Lolita Pille. Le temps a filé. J'ai laissé passer l'heure du point que je devais faire avec Paul sur l'état des ventes de « Domaine public ». Je ne me sens pas très fier de cette succession de pieds pris dans le tapis. Je mélange tout. Il est plus que temps que je remette de l'ordre. A Carolles, je n'aurai que le livre en tête. Mais cela fait si longtemps. Je suis un peu inquiet. Marie-Sophie et Delphine sont venues dîner à la maison. Elle ont amené une bouteille de chateau chasse spleen. Ca ne pouvait pas mieux tomber.

mercredi 21 mai 2008

Mardi 20 mai. 20h45

L'avant-propos du volume Marguerite Audoux n'arrivera que courant juin. Plus d'un mois de retard. La publication du titre va en être repoussée. Je devrais être en colère, mais sais que cela ne sert à rien. Je vais profiter du délai pour mieux préparer les suivants. « L'année nécrologique » 1938 me pose des problèmes et c'est bien là toute la difficulté de cette collection. Mon idée de prendre les auteurs qui viennent juste de tomber dans le domaine public se heurte à un sacré principe de réalité : tous les textes ne sont pas dignes d'intérêt, loin de là. N'empêche, ça a permis de belles (re)découvertes. Exhumator, m'appelle Raphaël Sorin chez Buchet. Je ne crois pourtant pas lui avoir raconté que, lorsque j'étais petit, je voulais être conducteur de corbillard. Tout cela parce que j'avais vu passer à Senlis sous les arbres du cours, direction le cimetière, un superbe fourgon noir, brillant comme une laque chinoise. Il débordait de fleurs. A l'arrière une couronne barrée d'un gros ruban violet. Sous sa casquette, dans son uniforme à boutons d'argent, le chauffeur m'était apparu superbe. J'ai fini par travailler aux pompes funèbres, après le service militaire. Mais pas très longtemps. Exhumator? Il a raison, Sorin. Je vais creuser l'idée.

mardi 20 mai 2008

Lundi 19 mai. 22h00

J'ai encore oublié de demander à Carole Martinez de mettre un mot sur mon exemplaire du Coeur cousu. En voilà un livre de boucles souterraines et de connivences. Un livre qui est venu me chercher et que je n'ai pas quitté. Je n'avais pu écrire à l'époque qu'un tout petit papier dans Le Monde. Avec Carole, on ne s'est pas beaucoup parlé pendant ces quelques jours à Chambéry. Guère plus qu'à Laval, en mars, où elle était aussi invitée et où je faisais déjà le Monsieur Loyal. C'est ce décalage des questionnements publics, des débats. Je reformule, pour les autres, ce que j'ai ressenti. J'écoute des réponses dont je ne sais pas bien à qui elles sont destinées. Après on ne se dit rien, comme si on s'était déjà tout raconté. Débrouille-toi avec ça. Fichu bouquin. Je le traîne en séquences, en bribes vivantes. Il m'a brûlé de soleil, fait des griffures de ronces, des morsures d'insectes. J'en suis meurtri, énervé et joyeux. Littérature... Quand pourrais-je lui en parler?

Dimanche 19 avril. 22h50

Nous avons déballé les valises. J'ai tout de suite sorti les touffes de pervenches arrachées aux Charmettes pour les mettre dans l'eau. Je les planterai à Carolles jeudi ou vendredi. Avec la bénédiction de la conservatrice, j'en avais déjà emporté une bonne poignée en 2004, mais elles avaient mal supporté le voyage. J'aimerais bien que celles-ci reprennent. Qu'elles s'enracinent chez moi. Végétation sentimentale. Cet après-midi, pendant qu'Amélie et les auteurs visitaient la maison de Rousseau, j'ai fait quelques pas dans le jardin. Je me souviens qu'après le festival, avec Nathacha, nous avions évoqué ici, et l'air de ne pas y croire, notre « avenir littéraire ». Son roman de 2007, Le dernier frère vient d'obtenir un nouveau prix ces jours-ci. D'accord, je m'y remets. Il est temps. Au mois de juin, je ne rentrerai pas à Paris. Ecrire les papiers commandés. Refuser les autres jusqu'à la rentrée. Il reste deux semaines pour détricoter l'emploi du temps.

lundi 19 mai 2008

Dimanche 19 avril. 1h10

J'ai mis la toute dernière main à mes interventions pour la soirée de présentation des auteurs, chez Meunier, au bar de la Boule. Surtout écrire lisiblement les fiches. Bien les classer dans l'ordre. Ca m'a pris plus de temps que j'imaginais. Dehors la ville séchait. En fin de matinée, les nuages s'étaient décrochés des montagnes pour recouvrir la vallée de gris immobile et finir par crever en longues averses répétitives. Il a plu presque sans arrêt. J'appréhendais un peu ces trois heures sur la scène du Manège, mais tout s'est relativement bien passé. Les gens avaient l'air contents. Jocelyne aussi. Moi, j'étais surtout soulagé qu'elle ne soit pas déçue.

Vendredi 16 mai. 23h50

Nous sommes vite rentrés. Dans la chambre d'hôtel, Amélie s’est endormie rapidement. J’ai été la chercher tout à l’heure au train de Paris. Nous avons trouvé un restaurant encore ouvert rue de la Croix d'or. Elle a pu manger un morceau. Elle était fatiguée. Moi, j’ai du mal à trouver le sommeil. La journée ne cède pas. J’ai animé un débat avec Carole Martinez, Jeanne Labrune et Béatrice Wilmos. J'ai présenté une lecture de poésie entre Bernard Chambaz et Fabio Scotto. Je ne suis pas très sûr d'aimer ces exercices. Je sais... L'important c'est d'être cohérent.

Jeudi 15 mai. 21h30

Chambéry à nouveau. Après 2004 où j’avais été invité pour La ballade de Lola, J'y suis revenu deux fois. Peu de temps après, d’abord, à la demande de Dominique qui voulait que j’intervienne dans une de ses classes de première. Puis début 2007, avec Martine Laval, pour parler de la critique littéraire...

Grand accueil au train ce matin. Des flonflons, des embrassades. Il y avait Jocelyne, la directrice du festival, Claude, le président. Dominique. Olivia, sa fille. J'ai reconnu plein de gens. Ou plutôt, plein de gens m'ont reconnu. La reconnaissance? A tous les sens du terme, c'est ce qui m'attache profondément à cet endroit, à cette manifestation. Tellement important. Difficile à expliquer.

Je n'avais pas de débats à mener aujourd’hui. J’ai flâné dans la vieille ville. Retrouvé la maison La Pérouse, sa cour et sa fontaine dont Daniel Rops a fait sa Nuit du coeur flambant. En voilà un écrivain effacé des mémoires... En rentrant à l’hôtel, je me suis arrêté un moment dans la boutique du libraire d’ancien de la rue de Boignes. Il avait une jolie édition reliée de L’épée de feu. J’ai hésité. Je suis finalement ressorti sans rien acheter. Avant de rejoindre les autres pour le dîner, j’ai pris un verre, seul, à une terrasse. Le soleil se couchait sur la Dent du chat. Ca va. Ca va bien. Je me plie aux moments quand ils arrivent. Je me sens en confiance. Ce livre à écrire. Ces choix qu’il faut faire pour en trouver le temps. C’est ici que je dois décider. Je le sens.

Mercredi 14 mai. 23h40

Le semestre est fini à Censier. C’était la dernière journée avec les étudiants. Je leur ai rendu leurs travaux. Distribué leurs notes. J’avais prévu quelques exercices, mais, en fait, nous n’en avions envie, ni eux, ni moi. Je les ai emmenés prendre un verre à une terrasse de la rue de Mirbel. Ils sont dans leurs partiels, dans leurs jobs d'été. Ils ont une foule de projets. J'avais oublié, avant eux, à quel point l'avenir peut s'incarner... Ils vont me manquer. J'ai essuyé une poussière dans l’œil. Trois fois rien. Un minuscule deuil. L’an prochain, je continue les ateliers d’écriture.

Marie a téléphoné. Elle vient de décrocher un nouvel entretien pour un boulot dans une galerie d’art. Je serais tellement rassuré qu'elle puisse aller vers ce qu'elle a choisi.

L'orage a éclaté en fin d'après-midi. De grosses gouttes plates qui ont noyé les capucines sur le bord de la fenêtre. Les fleurs pendent, piteuses. Il a grêlé à Carolles. Le potager doit être dans un triste état. Je venais justement de relire le carnet de bord de mes plantations, tenu il y maintenant une dizaine d'années. Chronique de mes enthousiasmes et des catastrophes jardinières : les semis ont fondu; le mildiou s'est mis sur les tomates, les laitues ont monté. Salades amères. Ce que je cultive le mieux, finalement, ce sont les désillusions.

mercredi 14 mai 2008

Mardi 13 mai. 23h50

Maintenant je n'ai plus de mots/ Je suis simple écoute/ et tandis que tu parles/ la voix glisse de tes bras/ vers un nom lointain. Je ne connaissais pas la poésie de Fabio Scotto. J'ai lu Le corps du sable, la petite anthologie de ses textes que m'a adressée L'Amourier. J'ai lu en faisant résonner les mots pour moi tout seul. J'ai fait durer. Forcément, je n'ai pas beaucoup avancé sur les questions de la rencontre entre lui et Bernard Chambaz que je dois animer à Chambéry vendredi. Mais j'attends avec impatience ce moment.

Amélie avait rendez-vous au Rostand avec Nathalie pour parler de sa rentrée à L'Olivier. Je les ai rejointes sur le tard. Nathalie s'est gentiment inquiétée de mon travail. C'est vrai que les événements du Monde n'ont rien arrangé. Tout cela m'a sidéré comme un lapin pris la nuit dans les phares d'une auto. J'ai du mal à reprendre. Je me sens un peu perdu dans ces collaborations éparses qui me prennent beaucoup de temps pour pas grand chose au final. Il faudrait que je consacre le mois de juin à l'écriture de mon livre mais mon calendrier de travail commence déjà à grignoter cette résolution nécessaire. Nathalie a été rassurante. Amélie aussi. Je me suis laissé envelopper. Nous sommes allé dîner ensemble rue Guisarde. Il faisait doux...

mardi 13 mai 2008

Lundi 12 mai 17h00

Nous avons relâché le hanneton. Ce matin, il avait fait un atterrissage maladroit dans la tasse du petit déjeuner d'Amélie. Je l'ai posé contre l'écorce du sapin. Il a grimpé sur le tronc quelques centimètres jusqu'à trouver une aspérité qui lui convienne, puis il s'est envolé. Des années que je n'en avais pas vu. Etrange solitaire. J'avais le souvenir de grappes bourdonnantes. Où sont passés les autres? En coupant les hautes herbes aux Fontenelles hier, je n'ai pas dérangé beaucoup d'insectes. Depuis quelques années, ils semblent avoir déserté les jardins. J'ai guetté du coup pendant un bon quart d'heure. Juste aperçu, rapides, quelques bourdons des pierres. Un vulcain, puis deux, entortillés dans un joli ballet orange. C'est tout... Quelque chose a changé. Je vais relire Rachel Carson. Nous sommes dans les prémices du Printemps silencieux...

lundi 12 mai 2008

Dimanche 11 mai. 23h40

La débroussailleuse a calé cinq mètres avant la fin du terrain. Plus d’essence. Pas moyen de s’en procurer avant demain. Je me suis senti idiot. Je me suis assis contre le pommier en mâchonnant une tige de folle avoine dans l’odeur de fenaison. La chaleur montait. J’ai fini par rentrer. J’ai perdu la journée. Tout commencé et rien fini. Amélie est revenue de Saint-Malo au soir avec un gros bouquet d’anecdotes. Nous avons dîné sous le figuier. Et toi qu’as-tu fait ?Oh, pas grand chose…

dimanche 11 mai 2008

Samedi 10 mai. 22h10

Georgette est de plus en plus fatiguée. Nous sommes allés lui porter ses courses tout à l’heure. Les cousins sont passés. Du coup, ça lui fait trop de monde en même temps. Tout lui demande un effort. Alors, elle n’écoute plus vraiment, elle s’absente, se retranche, s’indiffère doucement. Il reste si peu de choses. N’oubliez pas les œufs ! a-t-elle dit quand nous partions. C’est devenu un rite. Chaque semaine, Marie-Thérèse lui en apporte une douzaine. Elle en met la moitié de côté pour nous. Nous les mangeons à la coque le soir même. Le jaune, couleur bouton d’or, est incroyablement ferme. Il y aurait un secret paraît-il. N’oubliez pas les œufs ! Une petite phrase fétiche. Lorsque je lui téléphone, la communication excède rarement les trois minutes. On commente surtout la météo. Mais à chaque fin de phrase, elle me répète : Tu n’oublieras pas d’embrasser Amélie ! Ne pas oublier… Sois tranquille, je n’oublie rien du tout. Ton petit appartement de l’avenue Cordonnier à Roubaix, où bien calé dans le divan je regardais les planches du grand dictionnaire Larousse ; ton Solex, ta Deux Chevaux grise ; les vacances à Saint-Gervais, à Pleubian, à Villeneuve-de-Berg, aux Grandes-Dalles ; tes disques de Jacques Brel, tes Royales rouge et ton vin de framboise ; ton amour des fleurs, tes leçons de jardinage.

Nous sommes passés aux Fontenelles arroser les bettes, les radis, les tomates. Demain, Amélie sera toute la journée avec ses auteurs de L’Olivier au festival de Saint-Malo. J’irai faucher l’herbe dans le terrain et je finirai de préparer mes tables rondes pour Chambéry. En l’attendant….

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