Courte nuit à la maison d'hôtes où nous étions logés. Nous sommes partis de bonne heure pour pouvoir visiter, avant le retour à Paris, la maison de Pierre Loti à Rochefort. Depuis Le roman d’un enfant que j’ai lu vers treize ans, je nourris pour lui une immense affection, confortée à chaque livre, à chaque relecture. Toujours ce sentiment que j’ai de mailler les vies et les affinités littéraires. Il y a tant qui me lie. La mère et l’outremer… Il m’était, en plus, revenu récemment avec Escales en Méditerranée, que j’avais publié dans « Domaine Public ». Henri de Régnier y raconte en effet leur rencontre à Constantinople et les quelques jours passés ensemble. Pierre Loti et et ses yeux magnifiques, nostalgiquement désespérés, des yeux qui ont l’air de supplier la vie de ne pas passer si vite. J’avais très hâte de voir la maison. Mais quelle immense déconvenue. Quelle atroce déception. L’entrée du musée se fait en annexe dans un bâtiment rénové qui ressemble à un hall de clinique. Là derrière son guichet, un employé envahissant comme un vendeur d'aspirateurs vous fait décliner votre code postal, vous demande les raisons de votre visite et vous fourgue des bons de réduction pour les autres musées et les attractions culturelles de la région. Le pire est à venir. Pas moyen d’entrer seul. Toutes les visites sont guidées. Et sous la houlette d’un escogriffe mal attifé qui ânonne un texte consternant. Vous voici dans la maison de Julien Viaud. Oh, n’ayez pas peur, vous ne vous êtes pas trompés. Ah, ah, ah, Pierre Loti était son nom de plume… Et de répéter toutes les deux phrases comme si nous étions à Eurodisney : Nous allons bientôt commencer notre merveilleux voyage ! Amélie et Marianne ont fait quelques pas vers la pièce à côté. Non Mesdames, revenez. Pour des raisons de sécurité, il est important de rester groupés. Nous nous sommes enfuis, prétextant le train à prendre. Rien à faire pour négocier juste une simple traversée, rapide, de la maison. J’en aurais pleuré de rage. Me revenait cette phrase du Journal : C'est ici qu'est mon logis fixe, mon vrai logis, celui où je suis né, celui où de temps en temps, je reviens me poser… A la Rochelle, avant de rejoindre la gare, nous nous sommes arrêtés à la terrasse d’un bistrot sur le vieux port. Histoire de se venger un peu, nous avons commandé des huîtres avec du muscadet.