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samedi 26 juillet 2008

Vendredi 25 juillet. 16h00

J’ai eu l’impression à la gare d’accompagner Marie pour un important départ. Un peu comme lorsque le train à Saint-Lazare l’avait emmenée pour Cherbourg et ses années des Beaux-Arts. J’avais photographié les lumières rouges du dernier wagon qui s’éloignait du quai. Comme une preuve tangible de ce moment. Où est ce cliché maintenant ? Là, pas d’appareil. On s’est fait un long au revoir de la main.

Je viens de terminer la mise en forme d’une interview pour le journal d’Hermès, il faut maintenant que je mette de l’ordre dans la maison. Nettoyer, ranger. Je la laisse pour deux semaines à Valérie et ses deux petits garçons. C’est important qu’elle soit habitée et qu’y résonnent toujours des cris d’enfants.

vendredi 25 juillet 2008

Jeudi 24 juillet. 23h40

J'ai eu Pascale au téléphone. Elle rentrait juste de ses îles grecques. Elle s'en va demain chez sa mère dans les Alpes et je sais que ça ne va pas être facile. On se retrouve à Paris début août. Où en sera mon malheureux livre? Il faudra alors que je lui en parle. Que je lui explique où j'en suis. Mais j'ai juste envie de prendre de ses nouvelles. De lui dire des miennes. Pas de deux tout en simple. Remonter doucement la petite boîte à musique de nos bavardages.

Marie part demain...

mercredi 23 juillet 2008

Mercredi 23 juillet. 23h50

Amélie m’a fait passer un mot de Chris Andrew. Une carte postale envoyée du Mont-Saint-Michel. Chris est venu en France pour un colloque à Cerisy. Il passe quelques jours encore chez des amis près de la rue de Charonne et repart en Australie le 2 août. C’est bête si on se rate. Tant de milliers de kilomètres et se retrouver si proches... Cerisy est à moins d'une heure de Carolles. Reste samedi à Paris. J’ai connu Chris par Fiona et Steven. J'ai beaucoup d'admiration pour lui. Universitaire francophile et lettré. Grand lecteur. Poète surtout, écrivant dans une dérision délicate. Histoire de peau fine. Il épluche à l’économe. Il travaille les transparences et la pulpe. J’espère que nous nous verrons. J'aimerais le revoir. J’aimerais qu’Amélie le connaisse.

J’ai repris le travail. Tout doucement. Tout doucement.

Mardi 22 juillet. 23h45

Noëlle et Pierre sont venus dîner à la maison. Nous devions nous retrouver à six avec je ne sais quels de leurs cousins. Finalement, ces derniers ont décommandé. Honnêtement, ça ne m'a pas vraiment navré. Nous avons passé une soirée en petites touches et en associations. Pierre et Marie se remémoraient leurs souvenirs de collège et de club de plage. Sans nostalgie. Juste avec cette tendresse qui reste, malgré les années passées. Noëlle et moi avons parlé peinture et composition. Elle nous a laissé en prêt, la semaine dernière, un panneau d’aquarelle de son grand-père, Jacques Simon, qui représente une scène de famille. Sa grand-mère coud. A sa gauche, Gaby, la tante de Noëlle, cheveux au carré des années trente, lit, attentive, appliquée. En bas, sa mère, toute petite fille blonde, joue avec sa sœur jumelle. Il émane de l'ensemble un inachevé triste. On attend, en suspens, ce qui va se passer. On croit entendre au loin, le vacarme d'un monde qui s'effondre. C'est la douceur arrêtée dans les pressentiments. Nous avons installé le tableau sur la commode. Il commence, en si peu de temps, à faire à ce point partie de notre décor que j’appréhende déjà le moment où il faudra lui rendre.

J’ai peu travaillé aujourd’hui. Je suis resté à tourner rond mes rêveries et mes vagabondages. Pochetron ou Diogène... Le petit poisson est mort dans la nuit

mardi 22 juillet 2008

Lundi 21 juillet. 23h50

Marie m’a rejoint au train de 10h30. Elle passe quatre jours à Carolles. Nous avons traîné dans les courses. Acheté un nouveau poisson pour le tonneau de l’angle. Un bébé carpe, minuscule, tout blanc avec une tache rouge sombre sur la tête. Comme les lattes de la barrique continuent à libérer du tanin dans l’eau et en font une espèce de brouet aviné, Marie voulait l’appeler Pochetron, Moi Diogène. On s’est chamaillé un peu. Je crois qu’il gardera ses deux noms. Il va bien. Il frétille.

Dimanche 20 juillet. 22h40

Dans une des deux chapelles latérales du petit ermitage de Saint-Germain est accroché un tableau représentant l’apparition de la Vierge de Guadalupe. L’œuvre (début XXe ?) n’est pas d’une grande facture, mais d’une extraordinaire fidélité. C’est le mot, et c’est tout. Dans le train du retour, je pensais à la cérémonie d’hier. A cette coïncidence, du Mexique à ici. Et aux coïncidences et aux apparitions.

Dimanche 20 juillet. 2h30

Pas vraiment moyen de le dire autrement… Elles ont grandi, ces trois petites filles. Valentine, Victoria, Camille. Bientôt deux, quatre et huit ans. En 2007, à quelques jours près, nous rentrions de Mexico où nous les avions gardées pendant que Virginie et Marcus, étaient au Chili. C’est si troublant, en effet, ce mélange de progrès fulgurants, d’attitudes nouvelles, de caractères qui se creusent, qui s’installent. C’est si bouleversant, ces luttes intérieures, ces inquiétudes et ces émerveillements. Oui, d’accord, ça s’appelle grandir. Oui, d’accord, il n’y a sans doute pas moyen de le dire autrement...

Enfants, parents proches, cousins, amis, dont beaucoup étaient venus du Mexique, nous nous sommes tous retrouvés ce matin pour la messe à l’ermitage Saint-Germain, sur les hauteurs du lac d’Annecy. J’étais venu ici en 1993 à l’occasion d’un reportage sur la région dans Point de Vue. Mais je ne me souvenais que de la grisaille et de la pluie qui avaient balayé les lieux, les paysages. Aujourd’hui, il faisait un temps radieux. Ciel bleu de toile peinte. Le petit sanctuaire s’y découpait, fragile. Pendant l’office, nous avons partagé le frisson de la piété commune. Cet échardement doux qui parcourt l’émotion et lui donne étrangement son sens, sa signification. J’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’une journée comme les autres. La réception était au château de Menthon. Sur la terrasse, dans le répit l’après-midi, j’ai demandé la main d’Amélie à son père.

dimanche 20 juillet 2008

Vendredi 18 juillet. 18h45

J’ai envoyé ma demande de bourse d’écriture au CNL de chez Buchet ce matin. Réponse en novembre ou décembre, à moins qu’ils me demandent de fournir des pièces supplémentaires. Je vais m’efforcer maintenant de plus y penser.

J’avais rendez-vous pour déjeuner avec Marie. Je l’ai emmenée chez Fernand, rue Guisarde. Elle a maintenant signé son contrat d’embauche dans sa galerie d’art. La veille, elle avait même visité un premier appartement, rue Milton, près de Notre-Dame-de-Lorette. Elle était enthousiaste. Le quartier, les commerces, la proximité d’avec son travail. Elle ne pouvait pas s’empêcher de s’y voir déjà. A l’écouter, moi aussi d’ailleurs. En fin d’après-midi, malheureusement, l’agence appelait pour lui dire qu’ils avaient choisi un autre locataire. Déception. Mais, c’est surtout moi qu’elle a rassuré : Ne t’inquiète pas, je trouverai quelque chose de bien.

Amélie m’a rejoint gare de Lyon. Depuis deux heures, nous sommes en route pour Annecy où nous retrouvons sa famille pour fêter les dix ans de mariage de Virginie et Marcus. Messe, déjeuner, soirée. Il va y avoir au moins quatre-vingt personnes. Je crois décidement que j’ai changé. Il n’y a pas si longtemps, j’aurais eu du mal à me départir d’un malaise diffus. Trois fois rien, un léger chiffonnage. Trop de gens. La peur de ne rien avoir à leur dire. Ici, je m’y rends le cœur simplement content. J’ai gardée intacte mon aptitude au bonheur. Je suis à son aune. Et à mon propre temps.

Jeudi 17 juillet. 22h45

J’ai mis un peu d’ordre. Donné un coup de balai. Changé l’eau des marguerites. Tiré les volets et fermé la porte à clef. Je reviens lundi après-midi avec Marie. Amélie était à l’arrivée du train. Nous avons dîné rue du Théâtre. Du courrier et des piles de livres de rentrée m’attendaient à l’appartement. Je n’ai même pas eu le courage d’y jeter un coup d’œil. Nous étions aussi fatigués l’un que l’autre. Nous nous sommes vite couchés et endormis presque aussi vite, sans presque nous en apercevoir, en continuant de nous raconter notre journée.

mercredi 16 juillet 2008

Mercredi 16 juillet. 23h00

Je me suis arrêté à la plage de la Fonderie ce matin en rentrant de la gare. Un endroit un peu triste, face à la route qui mène à l'hôpital. Encaissé, avec des villas fermées, des portails rouillés. Une bande de galets gris barrait le rivage. Il était à peine six heures et demie. J'ai marché un moment. Au jardin j’ai redressé les dahlias avec des tuteurs. Soigné un peu les rosiers. Je me suis mis au travail tout en incertitudes. J’avance en temps haché. Il est peut être encore un peu tôt, mais le texte bascule.

Mardi 15 juillet. 22h30

J’ai fini de remplir mon dossier de demande de bourse au CNL. Il me manque juste deux photocopies et il me reste à imprimer mon « projet ». Je ne pourrai le faire qu’à Paris. J’enverrai le tout à la fin de la semaine. Cela m’a fait étrange d’avoir à expliquer les grandes lignes d’un roman à venir alors que je me débats toujours dans le texte que je dois rendre à Pascale fin août. Amélie me dit que c’est bien d’avoir des projets. Elle a raison, je sais. Mais l’écriture au présent me tire tellement vers le passé… Je pense à ces quelques phrases d’une lettre de Flaubert à Schlésinger : Tout cela me plonge dans des abîmes de rêverie qui sentent le vieillard. On dit que le présent est trop rapide. Je trouve, moi, que c'est le passé qui nous dévore. Demain, Amélie prend le train de 6h00. La nuit sera courte.

mardi 15 juillet 2008

Lundi 14 juillet. 22h00

J’ai reçu des nouvelles de Bombay. Le bidonville de Malad où vit Anita et sa famille va être rasé par les autorités de la ville. La destruction a déjà commencé. Beaucoup sont déjà sans abri et sous la pluie car, depuis début juin, la mousson est là. J’ai envoyé un mail à l’association pour demander ce que je pouvais faire pour ma filleule de là-bas. La réponse de Pierre Péan est arrivée assez vague. Une partie de la population de Malad est relogée a Chandivali, ou le sera dans un an, mais beaucoup d'habitants n'auront pas cette possibilité. Où iront-ils quand ils seront définitivement chassés ? Anita est toujours là et continue à aller à l'école sans problème financier car, grâce a vous, son compte est toujours bien approvisionné. J’ai peur de l’embêter car j’imagine qu’il doit faire face à énormément de choses. Mais ma question reste en suspens. Je vais la lui reposer. Que puis-je faire ?

lundi 14 juillet 2008

Dimanche 13 juillet. 22h50

Annabelle est venue nous rendre visite en fin d’après midi. Elle était flanquée de son petit frère et de ses deux cousines, Lucile et Angèle. Nous leur avons servi des sodas au jardin. Annabelle devait avoir six ou sept ans quand nous avons fait connaissance tous les deux un été à Carolles. Thierry, son père était tout seul pour deux semaines avec ses trois enfants. Il y avait en plus la fille de Mathias, Amandine, qui avait à peu près le même âge. Je me suis occupé chaque jour des deux gamines. Les baignades et les eskimos. Le jeu des sept familles et les gâteaux du goûter. J’en garde un souvenir vraiment heureux. Marie était adolescente. Je retrouvais là, différentes, contrastées, des émotions de son enfance à elle. Tout s'est ainsi lié. C’est venu comme ça. Je me suis tout doucement attaché à Annabelle. On s’est écrit de loin en loin, fidèlement. J’attendais ses lettres, ses dessins. Je la revoyais l’été. Je ne suis pas très famille. J’éviterai même plutôt. Mais cette petite-petite-cousine m’a fait renouer avec un sentiment appartenance. Je lui en sais gré. Infiniment. Je lui ai dédié le 16 rue d’Avelghem, car je me suis aperçu, une fois le livre achevé, que je l’avais écrit un peu à cause d’elle. Un peu grâce à elle. Après, bien sûr, c’est tout ce qu’on s’invente. Ce n’est pas mal non plus. Faire des nattes au temps. Maintenant Annabelle a quinze ans. Elle revient d’un séjour linguistique en Angleterre. Et elle est passée pour dire qu’elle était amoureuse.

dimanche 13 juillet 2008

Samedi 12 juillet. 23h40

Nous avons fait une tranquille promenade au couchant. La route de la Croix-Paquerey, le sentier des douaniers le long de la falaise et retour vers le bourg avant le port du Lude. Sur la mer le ciel était comme lavé. Le regard portait loin. La Bretagne, les îles, apparaissaient nettes, précises, découpées au ciseau pointu. Et on distinguait même Jersey, au nord-ouest, en fin trait de crayon bleu. Nous n’avons croisé personne. Tout cela était à nous.

samedi 12 juillet 2008

Vendredi 11 juillet. 23h00

En relisant une partie des lettres de condoléances reçues après le mort de ma mère, je suis retombé sur ce courrier d’une lectrice du Monde qui m’avait écrit après la parution de mon papier sur L’eau rouge de Pascale Roze. J’avais fini le livre dans le train qui m’emmenait à Granville. J’allais retrouver ma mère pour la voir me quitter. Le texte de la quatrième de couverture, extrait des vingt premières pages, m’avait profondément troublé. Au cap Saint-Jacques, elle quitta le Pasteur qui continuait vers la baie d’Along et embarqua sur un bâtiment de transport de troupes pour remonter la rivière de Saigon. Ma mère avait fait le même voyage sur L’Eridan. Laurence Bertilleux, le personnage principal du roman mourait, vieille, murée dans le refus et la solitude intérieure. Pascale Roze remontait son passé d’engagée volontaire en Indochine. Il y avait tant en commun. Il y avait tant de proche. Je retrouvais ces lieux dont me parlait ma mère. Cette atmosphère si particulière, ce sentiment de gratitude et d’anxiété mêlées. Histoires filigranes. J’avais commencé à rédiger pendant le voyage. Nous étions samedi. Je devais rendre mon texte à Christine le lundi. Aux toutes petites heures du dimanche, après que ma mère s’était éteinte à l’hôpital, j’ai terminé l'article. Il est sorti dans le même numéro que celui ou je faisais paraître l’annonce du décès. Je reste hanté par ces coïncidences. Ma lectrice du Monde avait acheté le livre. Elle me racontait combien elle avait été touchée, combien elle y retrouvait les moments de sa propre existence. Je lui ai répondu, lui confiant dans quelle proximité et dans quelles circonstances j’avais écrit le papier. Et, mon Dieu..., en retour, elle me renvoyait un mot où j’apprenais qu’elle avait été là-bas sous les ordres de ma mère. Elle égrenait les souvenirs. Retrouvait tellement, tellement d’instants vivants. J’ai croisé souvent Pascale Roze. J’ai eu, à chaque fois, l’envie de lui expliquer tout cela et de lui dire merci. Mais je n’ai jamais osé. Cette bousculade de hasards et de signes, je n’arriverai pas non plus à l’inclure dans mon récit qui traîne. Si vrai et si invraisemblable. Trop extérieur, d’un coup. Et pourtant...

vendredi 11 juillet 2008

Jeudi 10 juillet. 22h15

J’ai avancé un peu. Mais tout reste laborieux. Mot à mot. Phrase à phrase.

Au soir, en allant faire mon tour aux Fontenelles, j’ai découvert un nid d’abeilles tout au fond de l’allée. Juste un petit cratère dans le sol percé de galeries d’où s’échappaient des allers-retours bourdonnants. Après avoir observé longtemps le ballet, j’ai fini par appeler un apiculteur d’Avranches dont le numéro de téléphone était affiché à la mairie. Il s’est fait rassurant. Il est très rare que les essaims soient enfouis, m’a-t-il dit. Ce doit être des bourdons... Des bourdons, sûrement pas. Je n’étais pas convaincu. Avec précaution, j’ai capturé une ouvrière. Appuyé délicatement sur l’abdomen, pour lui faire sortir son dard. Il était sans barbillons. Celui d’apis mellifica, l’abeille domestique, ressemble en effet à un petit harpon qui reste planté dans la peau après la piqûre. Quand l’insecte s’arrache, il meurt. Le bonhomme avait donc raison, mais de quoi s’agissait-il ? J’ai emmené ma prisonnière à la maison. Après examen et recherches, je crois que je suis parvenu à l’identifier. Ces nouveaux locataires des Fontenelles sont des abeilles « solitaires ». Probablement des collètes (colletes) ou des andrènes (andrena). Il y en a d’infinies variétés. Elles ne sont pas dangereuses. Pas du tout agressives. Je peux les laisser en paix polliniser le jardin.

Amélie me rejoint enfin pour quelques jours. Elle a pu prendre le dernier train. Je pars la chercher à Granville…

jeudi 10 juillet 2008

Mercredi 9 juillet. 23h00

On aurait pu presque voir l’herbe pousser sous la pluie. Elle est tombée en rideau tiède sans discontinuer aujourd’hui. Le jardin s’agite, s’ébroue, s’étend, se liane dans cette humidité.

Le livre ne bouge pas. J’ai retrouvé des lettres de ma mère. Elle m’écrivait en 1989 : Je me suis parfois demandé avec angoisse si j’avais pris la bonne route, j’ai souffert de cette angoisse moralement et aussi physiquement. Si j’essaie de retrouver des images, en même temps que le souvenir, l’angoisse remonte à la surface. Oh, c’est tellement au creux de ce que j’essaie de faire...

J’attendais Noëlle pour dîner. Nous nous sommes racontés un peu nos histoires. La soirée se filait un rien mélancolique. Nous l’avons rebrodée avec des noms de roses anciennes, des projets de boutures, des tailles d’hortensias. Je lui ai donné toutes les aiguilles à tricoter de ma mère. Ici, personne ne sait s’en servir. Je crois qu’elle ne pouvaient pas passer dans de meilleures mains.

mardi 8 juillet 2008

Mardi 8 juillet. 21h50

J’ai reçu au courrier le formulaire de demande de bourse à envoyer au Centre national du livre. Il faut que je remplisse tout ça. Je n’aime pas demander, mais je n’ai pas le choix. Les temps qui viennent vont être difficiles. J’ai beau faire des piges, donner des cours, écrire quelques préfaces, animer des débats, je n’arrive pas à boucler un seul mois raisonnable. Tous mes fers sont au feu et l’avenir se consume. Je me sens fatigué ce soir. Et Amélie me manque.

Lundi 7 juillet. 22h30

Je rêvasse, je ressasse, mes pensées s’effilochent. Incapable d’aller vraiment au bout des phrases. Tout reste en suspens. C’est si lent… Au soir, je suis sorti couper les branches du thuya qui barraient l’allée des Fontenelles. Rue Jacques-Simon, Noëlle était sur le pas de sa porte. Elle est arrivée samedi. Toujours dans les travaux, les rangements sans fin depuis la mort de sa mère. Les cloisons sont posées à l’étage. Elle a maintenant deux petites chambres. Un nouveau territoire qu’elle a arraché au gigantesque désordre de meubles, de tableaux, de livres, de linge qui l’envahit. Je comprends si bien la difficulté douloureuse qu’elle a à déplacer le moindre objet. A chaque fois, c’est un nouveau tabou à transgresser. Un nouveau sacrilège. Sa mère a vécu là si longtemps dans l’ombre de son propre père. Gardienne fidèle de sa mémoire. Le grand-père peintre, la mère dont on voit le portrait à tous âges sur les toiles et tous ces sédiments de la vie vieillissante… Il faut un grand ménage. Nous avons pris un verre. Elle viendra dîner à la maison après-demain.

lundi 7 juillet 2008

Dimanche 6 juillet. 22h00

J’ai eu Marie longuement au téléphone. Intarissable. Elle est en ce moment débordée d’activités, de projets. Elle balade dans Paris des groupes d’adolescents étrangers pour le compte d’une fondation. Elle continue son travail de documentaliste dans un lycée. Et cherche un appartement aussi. Je la sens dans un mélange de fébrilité heureuse et d’excitante inquiétude. Elle me demande de ne plus lui verser d’argent tous les mois, de cesser de payer son téléphone portable. Encore une étape. Une saison j’allais dire. Son printemps continue. De jour en jour, il change. Je la revois toute petite sur le chemin de l’école quand elle voulait que je lui lâche la main pour finir toute seule les derniers cinquante mètres qui lui restaient à faire. On se dit au revoir là. D’accord ? Elle filait, le cœur gonflé de liberté. Aujourd’hui, elle prend des nouvelles. Y-a-t-il déjà des figues au jardin ? Du soleil ? Du monde à la plage ? Je crois qu’elle a envie de vacances avant son boulot en septembre. Son boulot : le vrai. Le premier...

J’ai récuré la bassine en cuivre qu’elle m’avait offert pour un de mes anniversaires. J’y ai fait la confiture avec le cassis des Fontenelles. Nous l’avons mise en pots. Cinq tout juste. Il restait à peine deux cuillères. Une pour Amélie. Une pour moi.

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