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mardi 26 avril 2011

Mardi 19 avril 2011. 20h20.

Deuxième incursion au bourg en fauteuil roulant. Les trottoirs sont trop étroits. Amélie me poussait sur la chaussée à contresens de la circulation. J’étais terrorisé. Attention, attention ! Je vais m’y faire, peut-être…, mais pour l’instant tout m’effraie. Je préfère de loin la quiétude au jardin. Je suis resté l’après-midi à l’ombre du grand sapin. A lire un peu, à rêvasser. Quand vais-je retrouver un peu de vigilance ? Bientôt un an que je traîne des soucis de santé, des angoisses, des immobilités. J’ai l’impression qu’un rideau gris, épais, est tombé sur l’avenir.

mardi 19 avril 2011

Lundi 18 avril 2011. 21h45.

Amélie a tondu l’herbe devant la maison. Elle est aussi allée faire des courses à Granville. Moi, j’ai traîné un peu la patte et la journée.

Dimanche 17 avril 2011. 23h50.

Jean-Pascal nous avait fait hier de gros bouquets de rhododendrons. Toute la maison embaumait au réveil. Je n’ai pas retenu les noms des variétes qu’il avait choisies. Je devrais noter. Ici, nos buissons ne sont pas encore en fleurs. Tout juste le Halopeanum serre des boutons rose pâle. Ils s’épanouiront en blanc, dans un jour ou deux. Il faut en profiter. Cela dure à peine. J’en avais acheté deux pieds à Cherbourg, du temps où Marie était aux Beaux-Arts, là-bas. En souvenir. C'est une plante magnifique, obtenue en 1896 par Felix Halopé, un horticulteur cherbourgeois. Nous en avons vus depuis de gigantesques aux jardins de Varengeville. Pour rivaliser, il faudra attendre. Noëlle est venue déjeuner avec nous. Poulet rôti, flan de courgettes. Premier repas au jardin. Je me suis mis à mon portrait d’Orhan Pamuk. Fini tard. Il paraîtra jeudi. Je devais faire plein de propositions de papiers. Encore en retard, toujours en retard…

Samedi 16 avril 2011. 22h45.

Nous avons pris le taxi jusqu’à Montparnasse. Amélie a poussé le fauteuil roulant le long du quai jusqu’au wagon. Elle avait réservé des places en première : juste un peu plus d'espace pour allonger ma jambe. Voyage lent. Train bondé des vacances. Jean-Pascal était venu nous chercher à la gare de Granville. Il est resté un moment avec nous. Déjeuner rapide. Nous avons fait le tour du jardin. Tout a poussé, c’est fou. Les rosiers ont du bois rouge, une multitude de boutons. La clématite court en fleurs roses sur l’arceau. Le figuier, le saule, le frêne ouvrent de jeunes feuilles. Nous aurons bientôt des pivoines. Aujourd’hui, c’est le mariage de Clémentine et d’Ismaël à Veracruz au Mexique. Nous les avions vus l’an dernier. Ils avaient l’air heureux. Fait un tour au village. Eté embrasser Georgette. Tout va bien. Elle s’est aménagé un petit printemps de plantes en pots dans sa cour, elle s’occupe de Moïse, le poisson rouge rescapé du tonneau, que nous lui avons confié. J’ai reçu ton livre. Je te dirai. Il y avait dégustation d’huîtres chez Charuel, comme nous rentrions. Le « Tout Carolles » était là. J’ai fait sensation avec mon attirail à roulettes. Bavardé un peu avec Jocelyne, avec Françoise… Avec Monique et Jean-Marie. Je me déplace un peu difficilement, mais vous avez le temps de venir boire un verre ce soir à la maison ?

Vendredi 15 avril 2011. 22h20.

Les premiers exemplaires de La fausse porte sont déjà partis. J’ai complété avec Silvana la liste de presse du 16 rue d’Avelghem. Je ne pouvais pas mieux rêver qu’ils soient ensemble en librairie. Ces deux textes-là se répondent. Je devais d’ailleurs les écrire l’un à la suite de l’autre ou presque. Et puis, Maman est morte et je n’ai pas eu le courage de revenir vers ces années de Senlis pour en faire un roman. Un roman, oui, c’en est vraiment un. Rien n’y est exact, mais tout y est vrai. Les sensations, le souvenir des sensations. Et puis les noms, presque tous, qui me servent de prise pour m’aggriper aux parois du passé. Le reste… Demain nous partons à Carolles. Nous avons fait, enfin plutôt, Amélie a fait les bagages. Des livres surtout. Si je parvenais à mordre un peu dans le retard de mes papiers.

vendredi 15 avril 2011

Jeudi 14 avril 2011. 22h00.

J’ai repris mes lectures. Il faut y arriver quand même… Le petit texte de Daniel de Roulet, Tu n’as rien vu à Fukushima. Ticket d’entrée, le roman de Joseph, chez Grasset. J’ai écrit ma chronique pour Next dans la foulée.

Mercredi 13 avril 2011. 21h10.

Amélie vient maintenant déjeuner tous les jours avec moi. Elle n’en dit rien, bien sûr, mais cela doit terriblement compliquer ses rendez-vous. J’essaye de lire. J’abandonne vite. J’oublie les pages au fur et à mesure. C’est désespérant. Fait un peu de courrier. Deux étudiantes sont venues corriger leurs travaux dans l’après-midi. Elles sont restées le temps du cours. Vous revenez quand ? - Plus cette année, c’est fini. Ils sont nombreux à m’envoyer des mails. A me demander des conseils. A dire qu’ils me regrettent… Ils sont gentils. Astrid a accepté de me remplacer en mai à Censier. Tu vas voir comme tu vas les aimer…

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Mardi 12 avril 2011. 22h15.

Le coursier est venu embarquer les exemplaires d’hier de La fausse porte. Il en a rapporté d’autres encore. Silvana m’a appelé pour la sortie du 16 rue d’Avelghem en poche, chez J’ai lu. Elle va me faire parvenir une liste de presse. A moi de rajouter quelques noms si je veux. Les deux livres vont être en librairie le même jour, mercredi 4 mai. C’est bizarre. Je vis toutes ces étapes comme s’il s’agissait d’autre chose, de quelqu’un d’autre. Je me demande, en fait, quand tout cela sera vraiment vrai. Dominique est passé nous apporter une caisse de vins rosés. Douze bouteilles toutes différentes : coteaux du ventoux, côtes du rhône, de provence, du luberon, de duras. Pic saint loup, minervois, bergerac…. C’est que le printemps, dehors, a déjà des airs d’été. Je vais bientôt pouvoir m’en rendre compte. On m’a livré un fauteuil roulant dans l’après-midi. Dans Les bijoux de la Castafiore, le capitaine Haddock, la jambe dans le plâtre, supplie : Tintin, au nom du Ciel ! faites quelque chose pour moi !... Commandez-moi une de ces petites voitures pour invalides, que je puisse au moins sortir me promener. Sinon, je sens que je vais devenir complètement fou !...

mardi 12 avril 2011

Lundi 11 avril 2011. 22h20.

J’ai signé mon service de presse rue Danville. Pas moyen de me déplacer chez Stock. Karine m’avait fait livrer les livres. Marianne qui était venue déjeuner avec moi, m’installait les piles sur la table, remettant au fur et à mesure les exemplaires dans les cartons. Sans aide, je n’y serais pas arrivé. Nous y avons passé l’après-midi. Tous ces paquets… A tous ces gens. Premiers lecteurs. Je n’ose pas y penser.

Dimanche 10 avril 2011. 22h50.

Je suis rentré à la maison. Les ambulanciers m’ont monté à l’étage comme un paquet. A la prochaine ! C’est fou ce qu’ils sont drôles ceux-là. Tout à l’heure, en sortant de l’hôpital, comme ils faisaient traverser la rue à mon brancard pour rejoindre l’ambulance, l’un deux a dit : Il ne faudrait pas qu’on ait un accident. J’ai ri jaune. Vu un instant la civière renversée au milieu de la chaussée. Je pétoche. Je me dis que ça ne va plus s’arrêter. Amélie avait préparé du carpaccio. Basilic, copeaux de parmesan, sel fin, poivre noir, gros câpres, huile d’olive, jus de citron. Une salade croquante. Des fruits. Une carafe de chinon. Je n’ai rien mangé là-bas. Ce n’était pas bon. Je n’avais pas faim. Ils m’ont mis un nouveau plâtre. Dessous, il y a une vilaine plaie, tuméfiée, recousue. Rendez-vous dans trois semaines. Pour voir. Pomme Jouffroy m’a laissé deux de ses livres : Les immortelles, Res nullius. Je lui enverrai le mien. Nathacha et Bernard nous ont rendu visite dans l'après-midi. Avec Neela, toujours aussi vive, aussi belle. Nathacha devait me donner des « cordes », de fins bracelets de tissu à garder au poignet en souvenir de prières. Elle a demandé à sa mère de faire des offrandes pour moi dans un temple hindou de l'île Maurice. Un ami de son frère, steward à Air Mauritius devait les lui apporter. Il y a eu un contretemps. Je les aurai plus tard. Tant pis. Mais je l'aurai embrassée. Marion et Jérôme sont venus nous voir, de retour de leur week-end en Touraine. Amboise, Loches, Montlouis, Chenonceaux, Azay-le-Rideau. Je les ai enviés. Ils nous rapportaient du vin, des asperges. Ils sont partis à l’arrivée de l’infirmière. J’en ai vraiment assez de faire mes piqûres dans les cuisses, tout seul, dans la salle de bains.

Samedi 9 avril 2011. 21h15.

Le chirurgien est passé. Son assistant aussi. Ils avaient l’air contents. Ce n’est pas la chef de service qui m’a opéré. Quelle importance… J’ai mal encore. Bérengère, l’infirmière, me fait mes injections de morphine et me donne à boire d’amères ampoules. Une petite blonde, toujours en sourire, originaire du Nord de la France. Son nom de famille est Delahousse. Je lui ai parlé du docteur Delahousse du 16 rue d’Avelghem. Oh, ce serait bien des générations avant vous. Elle ne sait pas. - Peut-être… Oui, c’est possible. Promis de lui envoyer le livre. Karine m’a fait porter le premier exemplaire de La fausse porte. Il est posé sur la table de nuit. Je le regarde. Couverture bleue, bande crème. Je suis content. Amélie a emprunté la voiture de Noëlle. L’après-midi, elle est allée acheter le bois pour Frédéric qui doit nous installer les dernières étagères. Elle m’a raconté le beau temps et les gens. J’enrage à l’intérieur. On m’a volé le printemps.

Vendredi 8 avril 2011. 20h00.

Le taxi nous a déposé juste à l’heure. J’ai une chambre dont les fenêtres donnent sur la chapelle de l’hôpital. A peine eu le temps d’installer quelques affaires. Mon infirmière s’appelle Bérengère. Elle m’a expliqué ce que je devais faire. Et ça a été très vite. Douche à la Bétadine, départ au bloc. Un petit signe à Amélie devant l’ascenseur. A plus tard... Le brancardier m’a poussé dans le dédale des sous-sols jusqu’à la salle d’opération. Pas vraiment à en dire. Mon effroi ordinaire. Tu veux des vis de combien ?, demandait l’assistant au chirurgien. En salle de réveil, j’avais mal, très mal. Et puis, les piqûres, le retour dans la chambre. Dormi un peu, avec de drôles de rêves. A mon second réveil, Amélie était là.

jeudi 7 avril 2011

Jeudi 7 avril 2011. 20H50.

J’ai laissé en chantier un courrier à Pierre Gilloire. Il m’envoie des messages, à chaque fois, je tarde à répondre. J’ai trop à lui dire et je m’emmêle les pieds. C’est vraiment le cas de le dire, d’ailleurs. J’avais rendez-vous à l’hôpital Saint-Joseph aujourd’hui pour savoir où en était ma fichue fracture. Amélie m'accompagnait. Nous avons passé l’après-midi là-bas. Couloirs déprimants, attentes interminables. Et pour finir une mauvaise nouvelle. Il faut m’opérer. Me poser des plaques. J’ai renaclé. La chef du service d’orthopédie a fini par me convaincre. Elle s’appelle Pomme Jouffroy , elle écrit et a publié aux Éditions des femmes quatre romans depuis 2005. Le dernier en date : De la rhubarbe sous les pylônes. Je n’ai jamais rien lu d’elle. Je vais m’y mettre du coup. Je serai opéré demain après-midi. Par elle. Va savoir à quoi tient la confiance... En rentrant, j'ai annulé tous les pauvres rendez-vous que j'avais prévus pour les semaines prochaines. Appelé Karine pour la signature du service de presse de mon livre. T'inquiète. Pense à toi. Quelques jours de plus ne changeront rien. Je vais tout faire bien.

Mercredi 6 avril 2011. 22h45.

Le coursier de Le Dissez a pris un café, vite fait, avec moi, en déposant les envois de livres de la journée. Il a regardé ma jambe avec compassion. Comme beaucoup de ses collègues à deux-roues, il a eu son lot d’accidents de la circulation et de fractures. Vous en avez au moins pour quinze jours encore, m’a-t-il dit d’expérience. Ca m’étonnerait qu’ils vous enlèvent le plâtre. J’aimerais bien qu’il n’ait pas raison. Karine est passée à la maison vers 13h30, avec du roti de porc, des pommes de terre sautées, des fraises et du sancerre blanc. J’étais rassuré qu’elle veuille bien se déplacer. Nous avons mis au point ensemble la liste de presse pour les envois, lundi. Impressionnante liste. Pas dû oublier grand monde. J’aime bien l’idée que ce soit elle qui s’occupe de mon livre. Je me souviens de mes premiers déjeuners avec elle. J’étais à Point de Vue, elle venait d’arriver chez Plon. Ca fait… Surtout ne pas compter. Je suis resté allongé l’après-midi. Cette fatigue lente de tous les jours m’inquiète. Surtout, je ne fais rien et je dois rendre mon portrait de Pamuk avant la fin de la semaine. Quand je pense que je comptais sur cette immobilité forcée pour prendre de l’avance dans mes papiers… Amélie avait invité Marion et Jérôme pour un dîner « de restes » (Dieu sait qu’il y en avait…). Ils partent vendredi en week-end en Touraine. A Rochecorbon près de Montlouis et Vouvray (j’ai confondu un moment avec La Roche-Courbon en Saintonge où les grands-parents d’Albane, une des amies de collège de Marie possédent un château). Je les envie. C’est la vraie belle saison là-bas. Nous y sommes allés la dernière fois dans la région pour le mariage de Maureen en septembre de l’année dernière. Nous avions traîné un peu. J’aimerais vraiment y retourner.

Mardi 5 avril 2011. 21h00.

Marion et Jérôme sont venus déjeuner. En fait, ils ont tout apporté. C’est Jérôme qui avait fait les courses et il avait vu les choses en grand. Charcuteries, fromages, le tout tenait à peine sur la table. Nous avons bavardé gentiment. J’avais l’impression curieuse, et pas désagréable, qu’ils étaient « en visite ». De fait, je les vois peu seuls. Et puis, ce jeune couple, cette jeune femme enceinte… Je me trouvais bizarrement décalé. Une espèce de vieux parent. Je mets ça aussi sur le compte de ma claustration de bientôt trois semaines. C’était comme s’ils venaient m’apporter des nouvelles du dehors. Me raconter. Ils avaient rendez-vous après pour une séance d’information à la clinique. Ce dernier mois de grossesse va bien à Marion. Elle est jolie. Elle semble tranquille, apaisée. Je me suis souvenu de cette phrase au début d’un chapitre de M. Bergeret à Paris : Pauline était joyeuse sans raison et seulement parce que ces jours de fête, qui marquent le cours du temps, lui rendaient plus sensibles les progrès charmants de sa jeunesse.

Lundi 4 avril 2011. 20h45.

Je n’arrive pas à travailler. Je fais laborieusement du courrier, levant le nez toutes les deux lignes pour contempler le mur de la cour. Un mur bien gris sur lequel s’accroche un lierre triste aux feuilles rares. Je ne vois pas le ciel. Au plus, quand il fait soleil, je me rends compte de la clarté. Je pressens qu’il fait beau. Il fait beau paraît-il. On me le dit à chaque coup de téléphone. A Carolles aussi. J’ai appris que Monique et Jean-Marie étaient passés voir Georgette dimanche. Il y avait là Mlle Verdé qui terminait une partie de Rummikub. Comme ils avaient apporté une bouteille de vin blanc, des rillettes de sardines, un pâté au magret de canard, le jeu a été vite remballé. La conversation est naturellement venue sur l'avenir de Carolles et sur la politique locale. C’est qu’il y en a à dire…

dimanche 3 avril 2011

Dimanche 3 avril 2011. 22h05.

J’épuise Amélie en nuits blanches. Nous avons passé une journée en parenthèses. Siesteuse. Inutile.

Samedi 2 avril 2011. 20h50.

Nuit méandreuse. Je me suis levé épuisé. Ca ne s’arrange pas. Toute la journée, j’ai peiné à me concentrer. Recommencé vingt fois les mêmes choses. J’en ai assez. J’en suis arrivé, presque sans rire, à me demander qui peut bien s’acharner sur moi à ce point ces dernières années. Comme si un tourmenteur, un Huascar de Tintin et le Temple du soleil, plantait des épingles dans une poupée à mon effigie. Tiens !, là, et là, et là encore. J’en étais de ces pensées paranoïdes quand j’ai allumé la radio. C’était Jeux d’Epreuves sur France Culture, l’émission où j’aurais dû présenter Amour de Hanne Ørstavik. Joseph ne m’avait pas remplacé. Il a défendu lui-même le livre et m’a fait, à l’antenne, quelques adresses très amicales. Mon Dieu, que ça fait du bien.

Vendredi 1er avril 2011. 21h50.

J’ai préparé mes questions à Ohran Pamuk. Il n’a pas la réputation d’être quelqu’un de particulièrement sympathique. Peu importe. Il m’est arrivé de rencontrer, en débat ou en interview, quelques auteurs (connus…) qui avaient face à leur intelocuteur des attitudes à la Raminagrobis. Les griffes affleurantes. A l’époque, je m’en inquiétais. J’en ai même eu, une fois, des sueurs froides. Aujourd’hui, ça m’est vraiment égal. Tu veux jouer ? Jouons… Et je me sens capable de prendre mes cliques et mes claques si jamais l’autre devient déplaisant. Rien à perdre ou si peu. Amélie avait commandé un taxi pour le rendez-vous. Elle m’accompagnait. Merci tant. Comme le chauffeur prenait le boulevard Raspail, j’ai vu les arbres. Les tilleuls du début. Ils débourraient leurs feuilles, en petits chiffons vert tendre. Vivement que je remarche. Je suis en train de rater le début du printemps. J’ai grimpé comme j’ai pu les quelques marches chez Gallimard. Vu Pascale, Anne-Lucie. L’entretien s’est bien passé. Jean Mattern faisait la traduction. Nous avons attendu dans le hall le taxi du retour. Embrassé Béatrice. J’ai vérifié mes bandes. Ca marche. J’ai appelé Florence. J’écrirai le papier en début de semaine prochaine. Pas ce soir, en tout cas. Fatigué. Fatigué.

Jeudi 31 mars 2011. 22h45.

J’ai terminé ma lecture du Musée de l’innocence, le dernier roman d’Orhan Pamuk. Florence m’a demandé de le rencontrer pendant les deux jours où il est à Paris. Rendez-vous pris demain, chez Gallimard. J’avais des souvenirs lointains de certains de ses livres, Istanbul, Le livre noir, Neige… J’ai été fasciné par Le musée de l’innocence. Cela ressemble à une vaste encyclopédie sentimentale. Pamuk y répertorie les sensations, les pensées, les gestes, les attitudes du sentiment amoureux. Et aussi, surtout, il rend aux objets leur valeur de témoins essentiels du trouble des moments vécus. L’histoire débute au milieu des années 1970. Kemal, un jeune bourgeois d’Istanbul se retrouve entraîné dans relation passionnelle avec Füsun, une cousine de dix-huit ans, alors même qu’il s’apprête à se fiancer. Incapable de rompre ses engagements, il va la perdre. Mais, cet inconsolé qui n’a de cesse dans les années qui suivent de réparer sa lâcheté et de la reconquérir, se met à collectionner de manière obsessionelle les objets qu’elle a approchés, ceux qu’elle a touchés. Un verre, une boucle d’oreille, un pinceau de maquillage, des mégots, des épingles. Magnifique exercice de vénération. J’ai envoyé un mot à Gaïa et Josepha (pas de nouvelles du projet sur Alice…), baclé quelques lettres. Il m’en reste tant à écrire.

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