Le train était déjà plein au départ de Granville. A Argentan, les gens ont commencé à s’installer comme ils pouvaient, assis dans le couloir, sur les accoudoirs des sièges. Epouvantables voyages. C’est la règle sur cette ligne. Et on s’estime contents juste de partir et d’arriver à l’heure. Amélie est partie déposer les affaires à la maison. Nous nous sommes retrouvés rue Monge au salon de coiffure de Muriel. Coupes d’été. Nous avons déjeuné, lasagnes et roquette, chez le petit traiteur italien de la place Maubert. J’avais rendez-vous avec Sylvie Gracia qui m’avait adressé un message hier au sujet de mon projet autour d’Alice racontée aux enfants d’aujourd’hui. On pourrait prendre un café… Je suis allée la voir à son bureau de la rue Séguier. Lui ai parlé en vrac de tous mes idées « jeunesse ». On se reverra en septembre. Nous sommes restés un bon moment ensemble. Comme elle me raccompagnait, j’ai vu traversant le jardin deux tortues avancer à ras d’herbes. Oh, elles sont là depuis toujours. S’enfouissent l’hiver, se réveillent aux beaux jours. Des tortues terrestres (Agrionemys horsfieldii ?) en plein Paris. Il y a de quoi rêver… Amélie m’attendait au salon de thé, à l’étage de Mariage frères. Je t’offre un verre au J’Go. Nous n’y étions pas retournés depuis le début de l’année. Christophe était content de nous revoir. A nous ! Il y a deux ans, l’abbé Dukiel nous bénissait dans la chapelle Saint-Jean d’Antibes. C’était notre anniversaire aujourd’hui. Belle journée…
mardi 26 juillet 2011
Lundi 25 juillet 2011. 22h20.
Par Xavier Houssin le mardi 26 juillet 2011, 12:58
lundi 25 juillet 2011
Dimanche 24 juillet 2011. 22h00.
Par Xavier Houssin le lundi 25 juillet 2011, 11:08
Nous avons reçu Martine et Jean-Pascal à déjeuner. Avec Agathe et Mathilde, une copine du même âge restée chez eux en vacances pour la semaine. J’avais préparé des filets de maquereaux marinés, Amélie, des tourteaux en salade. Eux étaient venus avec des queues de lotte rôties au lard. Nous avons fait un des ces repas de dimanche qui durent longtemps. Après-midi en traîne. Les petites avaient installé le hamac au bout du jardin. Nous avons décidé de pousser une promenade jusqu’au potager. Des mois qu’il est en jachère. Les carrés, les allées, sont envahis d’herbes hautes. Les artichauts et les cardons sont montés en fleurs. Je t’assure qu’il ne faut pas beaucoup de temps pour remettre tout cela en état, a dit Jean-Pascal. Ca nous a redonné espoir. Il a raison d’ailleurs. Le sol est meuble. Les grandes adventices, renouées, séneçons, s’enlèvent sans effort. On viendra vous aider en août ! C’est vrai que nous pourrions partager le terrain, les plantations. Agathe et Mathilde avaient trouvé des pieds de pommes de terre enfouis sous le cruau. Des bleues d’Auvergne, des vitelottes, des rattes. Elles en ont déterré un plein cageot. Agathe imaginait ses futures récoltes. Cela a fait glisser un peu son cafard de fin de journée. Ce soir Martine rentre à Caen. Elle raccompagne Mathilde chez ses parents. Les deux amies ne sont pas près de se revoir. Mathide habitera Lyon à la rentrée prochaine. Nous avons allés embrasser Georgette. On se revoit dans une semaine. Le malaise d’hier n’est plus qu’un souvenir. Quand je vous disais que je savais ce que j’avais…
dimanche 24 juillet 2011
Samedi 23 juillet 2011. 23h45.
Par Xavier Houssin le dimanche 24 juillet 2011, 23:11
Georgette va mal. Comme Amélie lui téléphonait pour lui annoncer qu’elle allait passer lui apporter ce qu’elle avait acheté pour elle au marché de Granville, elle a juste dit Je ne veux rien, plus rien. Je suis allé chez elle en fin de matinée. Elle était toujours couchée, recroquevillée dans son lit. Mal au ventre. Coralie la petite aide ménagère avait appelé la généraliste. Je reviens tout à l’heure… Lorsque nous sommes repassés, vers les 13h00, elle se sentait déjà mieux. J’ai vu le médecin, mais je savais ce que j’avais… Nous lui avons laissé du jambon, du beurre, du fromage des abricots. Ne vous inquiétez pas. J’ai lu tout l’après-midi. Nous étions invités au restaurant par Nelly et Charles. Une soirée remise de nombreuses fois, toujours à cause de ma jambe. Nelly est venue nous chercher après la fermeture du magasin. Nous avons suivi sa voiture jusque chez eux à Quettreville-sur-Sienne. Il habitent une belle bâtisse rurale XIXe qu’ils ont entièrement refaite, il y a maintenant longtemps. Visite de la maison flanqués d’un gros saint-bernard craintif et d’un affectueux king charles. Ils nous ont emmenés à Trelly, dans une petite auberge cachée dans le bocage, tenue par un couple d’Anglais. Ca été une soirée douce, tranquille. A bavarder de rien. J’ai aimé cet endroit. A la fin du repas, le chat des propriétaires a sauté sur mes genoux. Tout noir, à poil ras. S’est mis à ronronner.
samedi 23 juillet 2011
Vendredi 22 juillet 2011. 22h20.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juillet 2011, 15:57
Nous sommes arrivés à Carolles dans le soleil ras de la fin de journée. Le jardin est en chantier. M. Mitaillé (fils…) a commencé la taille des haies. Il y a plein de branchages dans les allées. Pas de fleurs. Juste quelques fuschias. Mais tout est vert grâce aux pluies des jours derniers.
Vendredi 22 juillet 2011. 16h00.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juillet 2011, 15:55
- Cela fait plus d’un mois et demi que ce journal est en jachère. Mes notes d’agenda s’entassent. Je me perds dans le passé immédiat. Je n’arrive plus à rien. A rien du tout. Je ne me relève pas bien de cet accident de mars. Tout me demande un effort considérable. J’ai l’impression d’être sans cesse saigné de courage. -
J’avais un message d’Aude Lancelin ce matin en réponse à mes propositions de rentrée. Elle me passe commande d’un papier sur Du domaine des murmures, le nouveau roman de Carole Martinez. C’est peu dire que je suis rassuré de reprendre mes collaborations à Marianne. Continué mes lectures. Sur un coin de table pendant mon déjeuner chez le Grec de la rue Daguerre, j’ai écrit aux trois petites. Je n’avais rien envoyé hier. Il ne faut pas qu’elles restent sans courrier.
Lundi 6 juin 2011. 20h45.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juillet 2011, 15:54
Amélie est allée déposer de nouveaux documents chez l’assureur. Nouveaux certificats médicaux, nouveaux justificatifs de dépenses. Nous avons dépensé une fortune depuis bientôt trois mois. J’ai peur qu’il faille encore attendre longtemps avant que nous ne récupérions un petit quelque chose. Un expert doit nous contacter, paraît-il… J’ai envoyé à Joseph mon papier sur le livre de Vercier. Retour à Paris. La station de taxis, gare Montparnasse, était envahie de voyageurs. A vue de nez, il y en avait pour une demi-heure d’attente. Allons, mon état a finalement quelques avantages. En fauteuil roulant, je ne fais pas la queue.
Dimanche 5 juin 2011. 23h05.
Par Xavier Houssin le samedi 23 juillet 2011, 15:52
Les huîtres chez Georgette et le muscadet. Je commence à en être un rien lassé. Ce n’est pas tant que les huîtres sont « à température », et sans vinaigre d’échalote, sans pain beurré. Mais aussi (surtout) ce genre d’habitudes finit par m’angoisser. Je suis ridicule. Marcus a appelé de Mexico dans l’après-midi. On voudrait te demander quelque chose. Hier, Amélie avait su les résultats de l’échographie. Ce sera une petite fille. Une quatrième fille. Naissance en novembre. On voulait te demander… Tu accepterais d’être le parrain ? J’étais allongé sur le lit. J’ai regardé, dehors, aux feuilles du figuier. Vivement leur automne. Oh oui. Merci. Et ma voix n’a même pas tremblé. Nous dînions chez Annick et Norbert. Moussettes. Sauté d’agneau. Nous avons parlé d’André Hardelet, des Chasseurs, de L’essuyeur de tempêtes, de La cité Montgol… Je me suis souvenu, pour Amélie, de L'amour, c'est ce pays à l'infini ouvert par deux miroirs qui se font face…
vendredi 22 juillet 2011
Samedi 4 juin 2011. 22h10.
Par Xavier Houssin le vendredi 22 juillet 2011, 20:35
Amélie a récidivé pour le marché. Mais à Granville cette fois et de bonne heure le matin. Elle y est allée avec Nelly qui, exceptionnellement, avait laissé la magasin à la garde de son fils. Pour une fois… Des années qu’elle n’avait pas fait une « escapade » du genre. Elle et Charles sont à la tâche sept jours sur sept. La presse, les livres, la papeterie, le loto (on ne gagne jamais…), les bonbons, les photocopies, le bazar et les jouets de plage. Il a fallu qu’on l’opère du dos l’an dernier pour qu’elle accepte de se reposer. Martine, Jean-Pascal et Agathe sont passés à la maison avec une bouteille de viognier et l’envie de reprendre un peu la conversation d’hier soir. Nous avions des homards gigotants et de la laitue rouge. Ils sont restés déjeuner. J’ai fait du rangement dans mon bureau, à défaut de pouvoir m’occuper du jardin. Nous étions invités chez Monique et Jean-Marie pour prendre un verre en fin de journée. Il y avait leurs enfants, leurs petits-enfants. Apéritif de retour de plage. Carolles commence à se mettre à l’heure d’été.
mardi 5 juillet 2011
Vendredi 3 juin 2011. 22h40.
Par Xavier Houssin le mardi 5 juillet 2011, 18:02
Amélie est partie au marché à Jullouville. Rentrée énervée. Trop de monde ! Trop de monde ! Tout une foule est arrivée pour le week-end de l’Ascension. Elle s’est fait bousculer devant les étals. Je te jure qu’il y a des coups de panier qui se perdent. La saison commence. Nous allons devoir nous replier loin des endroits fréquentés. Lucie m’a envoyé les pages livres du Soir de Bruxelles. Encore un papier sur La fausse porte. Comme il est difficile de grandir…, écrit-elle. J’ai jeté un coup d’œil en arrière. Juste par dessus l’épaule. Il est là ce petit garçon qui m’a tenu la main à chaque page du livre. Ca va ? Nous nous sommes même fait signe. Voilà, on continue ensemble. Ca va. Oui, ça va… Nous avions invité Martine et Jean-Pascal pour le dîner. J’avais préparé un rond de veau, enfoncé de lardons, de noix et de provolone. Pâtes fraîches, sauce au gorgonzola. C’était mon retour en cuisine…
Jeudi 2 juin 2011. 23h10.
Par Xavier Houssin le mardi 5 juillet 2011, 16:48
La rencontre était annoncée depuis la semaine dernière. J’avais des affiches chez tous les commerçants. A l’épicerie, à l’auberge, à la charcuterie, chez le boulanger… Je signais La fausse porte à la Maison de la presse de Carolles. Le monde promis par Charles était là dès dix heures. Bonjour. Bonjour. Comme à chaque fois dans ces circonstances, voilà que je me retrouvais frappé d’amnésie. Vous pouvez me redire votre prénom ? Façon d’avouer J’ai complètement oublié comment vous vous appelez. Avec certains, ça passe. D’autres, je sens bien qu’ils sont un peu blessés. Je me mets à leur place, c’est vexant. Mais je n’y peux rien. Dès que je dois reconnaître les gens, ça devient impossible. Même, et hélas surtout, ceux pour qui ça ne devrait pas poser de problèmes. Je mutiplie les absences… Dans les cocktails, je m’en sors en noyant mes lacunes dans le pâteux des conversations. et m’enfonce dans la confusion, préférant me taire plutôt que tenter une hasardeuse identification. Mais quand il s’agit d’une dédicace… Vous avez vu que vous aviez un article dans Le Nouvel Observateur, m’a dit une dame que, pour le coup, je n’avais jamais vue. Oui, merci. Jérôme Garcin a titré son papier « Une enfance à Senlis ». Il y a une photo de classe en illustration. Celle de mon CM2 avec M. Violet. Vers les midi, Amélie a apporté du vin rosé et des « pains libanais ». Les pains libanais, pour l’apéritif, sont une recette de Claire, inventée du temps où la famille était en Côte-d'Ivoire. Il faut séparer en deux une pita. On badigeonne chacun des deux cercles avec un mélange d’huile d’olive d’ail, de thym, d’herbes, de gingembre et de piment hachés. Quelques minutes au four, le temps de les dorer, à peine. Nous avons déjeuné chez Françoise et Jean-Pierre avec Gillian et Patrice. Premières moussettes. Premières « vraies » fraises. Brouilly léger. J’aurais bien marché pour le retour. Elles me tardent les promenades. J’ai rappellé Nicole Garret-Gloanec pour mon intervention à son colloque à Cerisy. Trop compliqué. J’ai besoin qu’on m’amène, qu’on me ramène. Qu’on me dépose à la gare avec ma valise pour le retour à Paris. Je suis désolé… Fait un peu de courrier. Charles et Nelly sont venus dîner à la maison. Ils voulaient nous inviter dans un restaurant qu’ils aiment bien, quelque part dans les terres. Une autre fois, pardon… Je ne cesse de demander excuse. Avec ma jambe à la traîne, oui, tout est si compliqué.
Jeudi 2 juin 2011. 2h50.
Par Xavier Houssin le mardi 5 juillet 2011, 16:12
Train du matin pour Granville. Nous n’aurons pas quitté la maison trop longtemps cette fois-ci. Mais depuis l’accident, nos allers-retours s’installent dans un épuisant désordre des semaines. Plus que jamais, nous avons l’impression d’habiter nulle part. Temps maussade. Je me suis mis à la rédaction de la nécro de Jorge Semprún. Florence m’avait commandé le papier la semaine dernière. Il ne va pas bien du tout, tu sais... A l’hôpital, il avait fait un accident cérébral pendant une opération du dos. Pas repris connaissance depuis. J’avais découvert Semprún avec Le grand voyage. Je m’intéressais alors à « la littérature des camps ». Ce livre, le premier, était celui de ses retrouvailles avec le passé qui ne passe pas. Des retrouvailles qui ne finiront pas de se renouveler. Plus tard, dans L’écriture ou la vie, le récit se confronte à la difficulté de témoigner. A la douleur du témoignage. La tentative de ranger ses textes sous quelques lignes forces (l’expérience de la déportation, la vie clandestine militant, l’exil en France, l’Espagne après Franco) échoue très vite tant il écrit dans un foisonnant ressassement. Les souvenirs se bouclent. Partout l’enfance est en filigrane. Des scènes de famille restées en mémoire dans de très fugitifs instants se retrouvent à chaque titre. Je crois que c’est cette approche particulière qui m’a touché. Et puis, comme l’écrivait Cayrol après sa libération de Mauthausen (Semprun, c’était Buchenwald…), il avait eu cet étrange privilège d’être né deux fois. Tout ce temps à reprendre. Cette manière neuve de vivre des jours d’après la mort. Fini tard d’écrire. Amélie était couchée depuis longtemps.
mercredi 15 juin 2011
Mardi 31 mai 2011. 21h15.
Par Xavier Houssin le mercredi 15 juin 2011, 19:46
Bien nommé Jeux « d’Epreuves »… J’ai effectué tout un gymkhana à la Maison de la radio, d’escaliers en couloirs, pour accéder au studio. J’enregistrais deux émissions à la suite. Retrouvé, pour la première, avec Joseph, Alexis, Baptiste Liger, Pierre Vavasseur. Et pour la suivante, Alexis à nouveau (j’aime bien quand il est là. Nous n’avons pas franchement les mêmes goûts, mais nous nous écoutons l’un l’autre et du coup, nous nous entendons bien…), et Clara, et Philippe Delaroche. Il m’en reste une suite d’impressions brouillonnes. Contrastées plutôt. Vavasseur défendait un gros volume de plus de cinq cents pages écrit par Marc Lambron, Carnet de Bal (3). J’avais complètement oublié d’ailleurs qu’il en existait deux autres. Il s’agit d’une succession de chroniques, de rencontres, de portraits de « célébrités ». On trouve ainsi Demy Moore, Kate Moss, Yves Saint-Laurent, Sophie Marceau, Michael Jackson, Romy Schneider… On a l’impression de feuilleter une pile de vieux Paris-Match ou de Figaro Madame, un après-midi pluvieux, invité chez des gens qu’on connaît mal. Enfin. J’ai été loin de me conduire de manière agressive ni avec Lambron, ni avec son livre. Pourtant, quelle volée de bois vert j’ai pris en retour par Pierre Vavasseur à propos de La mauvaise fortune, le livre de Bruno Vercier sur Charles-Louis Philippe. Il n’y a peut-être pas de relation de cause à effet, mais quand même… J’ai été choqué de l’entendre dire après qu’il ait confié connaître à peine le nom de Philippe que celui-ci faisait de la pudeur son fond de commerce et que sa littérature était une macération de l’humilité. Comment peut-on être aussi injuste... Malgré le soutien de Baptiste et la critique très « tempérée » d’Alexis, je m’en suis retrouvé désemparé. J’espère que je suis parvenu, quand même, à trouver les mots justes pour le défendre. Je présentais aussi Le pourceau, le diable et la putain de Marc Villemain chez Quidam. Un court texte, en mots crus, en chair tendre, faisant, à curieux rebours, quand viennent les moments de la déchéance du corps, le récit de la misanthropie nécessaire, de l’intolérance de tout autre que soi. Il s’est trouvé de beaux livres dans ces deux émissions. Les corbeaux d’Alang d’Erik Emptaz, L'été en enfer de Nicolas Chaudun et surtout Pink Floyd en rouge de Michele Mari, ce roman en 30 confessions, 53 témoignages, 27 lamentations dont 11 outre-mondaines, 6 interrogations, 3 exhortations, 15 rapports, une révélation et une contemplation. Je me souvenais de son autre titre traduit en français, Tout le fer de la tour Eiffel. Il y était question d’une drôle de partie d’échecs, entre-deux guerres, que disputaient dans Paris, Walter Benjamin et Marc Bloch contre le philologue allemand Erich Auerbach. Avec Pink Floyd en rouge, Mari nous entraîne au colin-maillard du rock britannique. Il se saisit des noms, des situations, des œuvres, et dans une précision infinie du détail, fait basculer la narration dans le nonsense. Il est sans doute des plus « carrolliens » des auteurs contemporains. L’étrangeté de l’énumération du sous-titre rappelle le Délire en huit épisodes ou crises de La chasse au Snark de Lewis Carroll. Pas besoin (surtout pas) d’être un fan du groupe pour se laisser happer. A bientôt, Joseph. J’ai rejoint à pas traînants la station de taxis. Retrouvé Amélie et Fiona au Bistrot de Paris. Fiona arrivait d’un séjour en Suède sur l’île de Gotland. Elle s’y était rendue pour son « roman des origines ». Elle prenait son avion du retour pour l’Australie le soir à Roissy. On se parle toujours entre parenthèses. Jamais longtemps. Jamais assez. How is Steve ? And Leo ? Je tends l’oreille. Je ne comprends que deux mots sur cinq. Heureusement, Amélie est là pour traduire. Irons-nous un jour à Melbourne, tous les deux ? Il faut que je file. I’m in rush (c’est ça ?). Take care. J’aime bien ces deux mots d’amitié. J’ai l’impression qu’ils enveloppent toute la distance. Je suis rentré en vitesse. J’avais rendez-vous à l’appartement avec Bernard Lehut. Il venait pour le « questions-réponses » des Livres ont la parole qu’il anime sur RTL. Je me suis senti fatigué. C’est vraiment gentil de t’être déplacé jusqu’ici.
mardi 14 juin 2011
Lundi 30 mai 2011. 23h10.
Par Xavier Houssin le mardi 14 juin 2011, 00:52
Laurence a traversé Paris pour venir déjeuner avec moi. Je l’ai retrouvée au restaurant grec de la rue Daguerre. Court trajet en grimaces et en petits pas. J’étais content si de la revoir. Je venais de recevoir par la poste La confusion des peines, son livre à paraître à la rentrée. Le « vrai », broché sous la couverture bleue. Après avoir lu tant de fois son manuscrit, voilà qu’il me semblait que j’avais tout à découvrir. Je ne peux pas t’en parler. Je t’écrirai. D’ailleurs, je dois t’écrire, et à tes filles aussi. Quelle drôle de façon de commencer à bavarder… Je suis rentré tôt pour être auprès du téléphone J’aurais dû aller au Fouquet’s pour le jury du prix Pagnol. Ma présence n’aurait rien changé au vote. Je tenais pour deux titres : Le lit de Rose de Joëlle Miquel et Arthur et moi d'Emmanuel Arnaud. Nous n’étions que deux sur dix à les défendre. Et, en aucun cas, je ne me serais agrégé à la décision finale. Bah… Pierre est venu dîner avec nous ce soir. Il termine sa thèse sur South Park, la série TV américaine et travaille comme caissier dans un cinéma près du Luxembourg. Il était avec Marie au collège. Ils ont le même âge tous les deux.
Dimanche 29 mai 2011. 18h50.
Par Xavier Houssin le mardi 14 juin 2011, 00:50
Nicolas m’a fait un papier sur La fausse porte dans Le Figaro magazine. Nous l’avons découvert affiché à la vitrine de la maison de la presse. Nelly et Charles ont d’ailleurs réuni tout un « press book » en prévision de ma signature de la semaine prochaine. Je vire à le célébrité locale. Vendredi, j’ai même reçu le correspondant de La gazette de la Manche. Je te promets que nous aurons du monde !, m’a dit Charles. Le dimanche a filé. Amélie a attaché les rosiers, ratissé. J’ai fait le tour du jardin, en marchant, appuyé sur les béquilles. Nous avons préparé la maison au départ. On revient juste dans quelques jours. Bientôt. Bientôt.
Samedi 28 mai 2011. 22h45.
Par Xavier Houssin le mardi 14 juin 2011, 00:48
J’avais expédié la semaine dernière les moyennes de mes ateliers d’écriture à la fac, avec les notes du remplacement d’Astrid. On tombait assez juste tous les deux, d’ailleurs, sur les évaluations. Et puis voilà que j’ai commencé aujourd’hui à recevoir des messages des étudiants. Plein de petits mots gentils. Ils n’étaient vraiment pas obligés. Ca m’a été un vrai crève-cœur de les laisser ainsi cette année. Déjà au premier semestre, puis au second. Eux aussi, comme les collégiens d’Eugène Varlin, j’ai eu l’impression de les abandonner. Je ne crois pas avoir l’âme très « pédagogique ». Je voudrais juste qu’ils se servent dans le peu que je sais. Et que ça leur donne envie d’aller ailleurs. Plus loin. Ce qu’ils m’écrivent me montre juste que je n’ai pas trop tort d’avoir ces idées-là. J’ai toujours été méfiant avec les profs. A de rares et de belles exceptions près, je crois qu’ils n’aiment pas leurs étudiants, leurs élèves. Leur rêve est sans doute faire cours devant un miroir et de s’écouter parler. Enfin seul ! Il y en avait un comme ça paraît-il, l’an dernier ou encore avant, à Censier, qui flanquait ses étudiants à la porte quand ils ne savaient pas répondre. Au bout d’un moment, soit qu’il les avait fait sortir, soit qu’ils s’étaient sortis tout seuls, il ne lui restait plus grand monde. En revenant du marché, à Granville, Amélie a fait le détour par l’encadreur de la rue des Juifs. Le tableau était prêt. Nous l’avons accroché. On dirait qu’il a toujours été là. Isabelle et Fabien sont passés avec leur toute petite fille. Et oui, encore une naissance... Elle s’appelle Pauline et elle est née aux premières heures du 23 mai. Une brunette, chevelue, incroyablement sage. Déjeuner au jardin. Mme Bassard est venue nous rendre visite, pour prendre de mes nouvelles. C’est un peu le monde à l’envers en ce moment. Elle a quatre-vingt-six ans. Mais c’est vous qui n’allez pas bien ! Georgette, elle, se porte comme un charme. J’ai mis le muscadet au frais. Je craignais qu’elle ressasse des inquiétudes après le cambriolage « domestique » qu’elle a subi le mois dernier. Une aide-ménagère remplaçante (vraisemblablement, mais cela est difficile à prouver) a fait main basse, dans son secrétaire, sur de l’argent liquide et sur quelques Louis d’or (des Napoléons, plutôt) qu’elle conservait religieusement. Les gendarmes avaient fini par se déplacer faire un peu de figuration. Mais ce n’est rien, répète-t-elle. Plaie d’argent n’est pas mortelle et… je m’en fiche !
lundi 13 juin 2011
Vendredi 27 mai 2011. 19h25.
Par Xavier Houssin le lundi 13 juin 2011, 18:25
La maison s’est pris comme une odeur d’abandon. Quelque chose de confit, de sucré. De fond d’armoires, de propre renfermé. Amélie a ouvert grand les fenêtres. La tiédeur sèche du jardin est entrée. L’herbe y est jaune, les rosiers souffrent, les plantes des grands pots ont l’air grillées. J'ai beau avoir la permission de marcher, je hurle dès que je pose le pied par terre. Ce soir encore, je ne peux rien faire. Tu sais, je crois qu’il faudrait arroser.
Vendredi 27 mai 2011. 17h15.
Par Xavier Houssin le lundi 13 juin 2011, 18:24
Attente interminable au service d’orthopédie (pardon, au pôle locomoteur) de Saint-Joseph. Nous avions rendez-vous à 9h00. La chirurgienne est arrivée vers 10h30. Pas moyen d’en vouloir à personne. On dira qu’elle devait avoir plein de problèmes importants à régler. De toute manière l’attente est la règle, dans les hôpitaux, au cabinet des spécialistes, dans les laboratoires, les centres d’examens. Quand on est mal, on n’a sûrement que cela à faire : attendre. Bien content qu’on vous soigne. On dit merci en repartant. Je trouve les « patients » d’une infinie douceur, d’une infinie patience, justement. Jamais un mot, une question, ou à peine, aux « soignants » qui tracent dans les couloirs, la poche de la blouse bouffie de stylos-bille, le stétoscope au cou (jeté sur l’épaule, c’est plus chic…), et toujours, affairés, le regard bien au loin ou au ras des godasses. Enfin, je ne vais pas me plaindre, elle est gentille, la chirurgienne, et l’infirmière aussi. Manquerait plus qu’elles mordent, m’a fait Amélie. Verdict de la consultation, je crois que ça s’arrange. Je reste sous antibiotiques pour encore un moment. Rendez-vous dans quinze jours. Et au moment de partir : Vous pouvez marcher maintenant ! Allez, c’est que ça s’arrange… Dans tout cela, nous avons raté notre train. Pas grave. Déjeuné à la Petite Bretagne et pris le suivant.
Jeudi 26 mai 2011. 22h45.
Par Xavier Houssin le lundi 13 juin 2011, 18:23
Le généraliste est passé ce matin. On parle littérature. Il jette un œil distrait à mes contrôles sanguins. Tout va bien. Renouvelle mes ordonnances d’anti-douleur, de pansements, prolonge l’arrêt de travail pour l’assurance. Si vous avez besoin de quoi que ce soit. Il vient à vélo du XVe. Je l’avais consulté la première fois parce qu’il était installé tout près de notre appartement de la rue Fondary. J’avais été ahuri par son cabinet. Une petite pièce aux rideaux tirés envahie d’un bordel dantesque. Partout, en pile, des livres, des revues, de la paperasse. Et lui, assis derrière un bureau encombré au-delà du possible, une blouse blanche passée sur ses vêtements de ville, les lunettes au bout du nez, vous regardant avec un air de professeur Nimbus. J’avais été séduit tout de suite. D’autant qu’il ne m’avait même pas pris la tension. J’ai lu La mauvaise fortune, le livre de Bruno Vercier sur Charles-Louis Philippe, dans la collection « L’un et l’autre » de Gallimard. Charles-Louis Philippe, encore un de ces oubliés. Qui se souvient vraiment de lui ? Ce romancier du tournant des XIXe et XXe siècles est pourtant un témoin clair et sensible de la vie des plus humbles. Le seul, qui né du peuple, n’eût pas trahi le peuple en écrivant, disait de lui Jean Giraudoux dont il avait accompagné les premiers textes à l’adolescence. Il était le fils d’un sabotier, né en 1874 dans un petit village de l’Allier. Il mourra à Paris âgé de seulement 34 ans, après une vie de fonctionnaire sans gloire et sans argent, mais où il aura réussi, paradoxalement, à se faire une place, singulière, dans le monde des Lettres de l’époque. Un auteur reconnu par André Gide, Valery Larbaud, Léon-Paul Fargue, Max Elskamp, Francis Jammes, Max Jacob ou Paul Claudel… Je l’avais découvert comme je préparais l’édition de Douce Lumière de Marguerite Audoux chez Buchet. Avec Michel Yell, Philippe a été celui qui aura fait naître Marguerite Audoux à l’écriture. Il aura disparu l’année d’avant la parution de Marie-Claire, prix Femina 1910. Ses romans (Bubu de Montparnasse, Le père Perdrix, Croquignole…) racontent, de l’intérieur, la réalité sensible de laissés pour compte et de perdus du monde. J’écris toujours plus tendre que ma tête ne le commande, confiait-il. Amélie est rentrée un peu tard. Elle était au prix des lectrices de Elle (cette année, La couleur des sentiments de Kathryn Stockett chez Jacqueline Chambon…). Je faisais l’ours boiteux à la maison. Tout le monde a demandé de tes nouvelles. Ca, je n’aurai pas vu beaucoup de gens cette année...
Mercredi 25 mai 2011. 21h10.
Par Xavier Houssin le lundi 13 juin 2011, 18:19
J’étais invité pour La Fausse porte à l’émission en direct de Christine Gonzalez Entre les lignes. Le duplex avec Lausanne avait lieu au studio parisien de la Radio suisse romande, installé dans un appartement au premier étage d’un groupe d’immeubles de la rue Félix-Faure. Je me suis retrouvé tout seul là-bas, avec la technicienne de l’autre côté de la vitre, à bavarder avec Christine. Au loin. On ne se connaît pas. J’ai le sentiment qu’on s’entend bien. En tout cas, je garde avec elle une connivence qui vient de ce premier direct depuis la maison, le 18 mars dernier, au matin juste après l’accident. Reçu, en rentrant, une demande pour participer à Cérisy à un colloque de La Société de l’Information Psychiatrique sur le thème de l’empathie. L’organisatrice, Nicole Garret-Gloanec, pédo-psychiatre à Nantes, possède une maison à Carolles, en face de chez Noëlle. Elle est arrivée jusqu’à moi par l’intermédiaire de l’association de Monique, « Hameaux et quartiers de Carolles », dont nous faisons partie. Je suis très tenté d’accepter. D’abord, parce que je me sens flatté et surtout, parce que cette communication serait l’occasion pour moi de jeter le pont entre mes années de travail en service de Santé mentale et le journalisme et l’écriture. Y réfléchir et tenter d’expliquer, du moins…
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