J’ai écrit les deux papiers que Joseph m’avait demandés pour Le magazine. Un sur Fukushima, dans la zone interdite, le dernier « reportage » de William T. Vollmann. Je laisse reportage entre guillemets car je ne suis pas bien sûr que cela recouvre vraiment le travail de Vollmann. Pas davantage dans ce petit livre. On dit facilement de lui qu’il est « Écrivain-reporter », rassemblant ainsi un peu rapidement sa propre biographie de journaliste des conflits et ses romans, ses récits, ses essais. Ce qui le caractérise me semble davantage être le regard proche et étonné qu'il pose sur les monstruosités du monde. Cette incursion d’un dizaine de jours dans le Japon de l’immédiat après la catastrophe nucléaire est comme une quête picaresque en étrange pays. Il raconte tout ensemble les gens désemparés, le printemps silencieux et les arbres en fleurs. L’autre papier était sur un recueil de nouvelles (il dit plutôt microromans…) d’Ismail Kadaré. En fait l’ensemble se révèle assez composite. Cinq avaient déjà pris place, depuis les années 1980, à l’intérieur de romans précédents. Restaient quelques inédits écrits entre 2004 et 2012, sans vrai lien, et comme… inhabités. J’aurais été bien embêté de dire quelque chose de tout cela s’il n’y avait eu le premier texte, La provocation, qui d’ailleurs donne le titre au livre. Ce récit, contemporain du Général de l’armée morte, fait le récit de nuits d’hiver à un poste frontière dans la montagne où deux détachements ennemis se guettent de chaque bord du no man’s land. C’est une fable rare, une lente aventure que la brièveté du texte ne bouscule à aucun moment. Ici, rien ne s’agite. Au désarroi intime répondent les paysages immobiles et blancs. C’est magnifique, mais, honnêtement, le reste m’a laissé assez indifférent. Nous sommes juste sortis boire un verre chez Péret en début de soirée. Amélie prend soin de moi. Si, je t’assure, il faut que tu prennes l’air.