J’ai été rendre visite à Nathacha à Caen. Bernard a été nommé à la rédaction en chef de FR3 Basse-Normandie. Ils ont emménagé il y a peu de temps. L’appartement qu’ils occupent, au premier étage d’un immeuble « de la reconstruction », près du port de plaisance, m’a paru gigantesque. De grandes pièces lumineuses, une terrasse. Avec cette sobriété utilitaire de ces volumes des années 1950. Pas d’autre âme que celle de ceux qui y habitent. Cela semblait d’autant plus vaste que tout est encore presque vide. Il leur reste des piles de cartons à ouvrir, des meubles à installer. Nous avons échangé les nouvelles. Petite remise à jour de nos quotidiens. Depuis notre rencontre en 2004 au Festival du premier roman de Chambéry (dix ans !), nous avons gardé une relation proche, tout en nous voyant assez peu. A chaque fois, il y a comme à rattraper le temps écoulé. J’avais, sur les conseils de Jean-Pascal, réservé une table pour le déjeuner dans un restaurant du centre, A contresens, rue des Croisiers. Au menu du jour : velouté de pomme de terre rafraîchi au lait de coco, coque piquante et soja ; boulette d’agneau aux épices, coco à la tomate, carotte orange à la fleur d’oranger (Nathacha m’a débarrassé du petit fagot de carottes). Le repas était délicieux, mais je ne peux pas m’empêcher de m’irriter de la désormais inévitable mise en scène de la cuisine contemporaine. Impossible d’échapper au dressage « graphique » de portions minimalistes dans les assiettes, ni à un envahissant vocabulaire débordant de « saveurs » ou de « textures ». De même qu’on va préférer parler de « cromesquis » plutôt que de (banales) croquettes ou qu’on dira de noix de saint-jacques juste poêlées qu’on les a « simplement snackées ». Nous nous sommes retrouvés les derniers à partir du restaurant. Parlé de son prochain livre qu’elle publiera chez Gallimard en janvier. Ce qui l’aide à oublier la fin de relation plutôt aigre et malveillante qu’elle a vécu avec les éditions de L’Olivier où elle avait fait paraître Le dernier frère en 2007. Nous nous sommes promenés un peu dans Caen. Je ne me sens pas très à l’aise dans cette ville où se côtoient abruptement ce qui reste du magnifique patrimoine épargné par les bombardements de 1944 et, surtout dans le quartier des Quatrans, les constructions en barres parallèles, les bâtiments ternes, uniformément laids. On se croirait, par endroits, dans ces banlieues où les architectes, emportés par l’ivresse des terrains vagues, bâtissent au nom de l’urbanisme social et créatif des clapiers en béton. Nous sommes allés chercher Neela à la sortie de sa toute nouvelle école. Elle va avoir sept ans ce mois-ci. Comme elle m'a paru grande. Il fallait que je reparte. Embrasse Bernard. - On se revoit bientôt ? Qui sait, peut-être sommes-nous moins éloignés aujourd’hui entre Caen et Carolles qu’à Paris à un arrondissement de distance...