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lundi 29 janvier 2018

Mercredi 24 janvier 2018. 21h30.

J’ai acheté un globe de mariée, fin XIXe, début XXe. Franck, l’électricien, m’avait téléphoné. Il faisait des travaux dans une maison à Carolles. Le propriétaire cherche à s’en défaire. J’ai tout de suite pensé à toi. Je l’ai nettoyé, installé sur le marbre de la commode de la « chambre verte ». Je suis tout ému par ce petit reliquaire sentimental. Sur la calotte de velours est posée la couronne de fleurs d’orangers en cire que portait la jeune épousée. Le treillage de cuivre doré est orné de feuilles de vigne, de marguerites. Sur le haut, une colombe. Et partout des miroirs censés symboliser la fidélité, l’honnêteté, car, dit-on, les miroirs ne trompent jamais…

Mardi 23 janvier 2018. 18h50.

J’ai reçu une invitation de Jeanne Pham Tran pour la soirée Xavier Grall le 9 février à la maison de la Poésie. Pierre Adrian m’en avait déjà parlé. C’est lui qui signe la préface de L’inconnu me dévore, cette « lettre » à ses cinq filles que rééditent les éditions des Equateurs. Le recueil a été publié la première fois en 1984 chez Calligrammes, trois ans après sa mort. Je ne serai pas là. Je viens déjà à Paris deux fois le mois prochain. J’aurais bien aimé pourtant y assister. La poésie de Xavier Grall m’accompagne depuis longtemps. J’ouvre au hasard. Tout fait écho. La foi est porte ouverte, seuil franchi, affranchissement, bruit des pas sur la route, bonne brise, voilier filant aux îles. Mes Divines, la foi est aventure, vent claquant, souffle, envolée de colombes, voile gonflée. Partez, partez, au nom de Dieu. Je me souviens d’avoir rencontré son aînée, Catherine, il y a longtemps à Nantes, où j’étais venu pour je ne sais plus quelle occasion littéraire. Raphaëlle m’a commandé un papier sur Être, le dernier livre de René Belletto. Ce sera le numéro des cinquante ans du Monde des Livres (je croyais que Jacqueline Piatier l’avait créé en 1967, mais bon..). Je suis, en tout cas très touché qu’elle ait eu envie de m’y faire signer. Jacques s’efforce d’organiser le déjeuner du jury du Prix printemps du roman en mars. Tu es libre le 16 ? Le 17 ? Le 19 ? Je suis certain de lui faire faux-bond. Cette année, je vais à Chassignolles, ce petit village du Berry où ma grand-mère s’était réfugiée avec ses enfants pendant la Grande Guerre. C’est là-bas que ma mère est née. Le 19 mars. Il y a cent ans.

mardi 23 janvier 2018

Samedi 20 janvier 2018. 21h10.

Marché rapide à Granville. Déjeuner rapide aussi. Juste quelques noix de saint-jacques poêlées avec des lardons. Nous avons chaussé les bottes pour une promenade au port du Lude. Le ruisseau est très haut. Ses abords sont à ce point boueux qu’on enfonce jusqu’à la cheville à de très nombreux endroits. Le grand avantage de cette gadoue, c’est qu’on ne croise personne. J’ai relu Clientèle de Cécile Reyboz. Toujours cette manière qu’elle a de raconter les histoires avec cette distance un peu frondeuse, un peu acide, faite d’autodérision et d’humaine compassion.

Dimanche 21 janvier 2018. 20h00.

J’ai arraché tout un fouillis de mauvaises herbes de la plate-bande à l’avant du jardin. Je sèmerai de l’alysse odorant en avril pour faire couvre-sol. Petite pluie fine à la gare. Le train d’Amélie est parti avec dix minutes de retard.

Lundi 22 janvier 2018. 15h20.

Fatigué. J’ai peu dormi. J’ai fini très tard dans le soir mon papier sur le Cécile Reyboz et mon sommeil a été encore haché de rêves bizarres. Je dors mal. Je passe mes nuits à rater des trains, à me perdre dans des couloirs de correspondance, à oublier des documents importants sans espoir de les retrouver. Je suis désemparé.

lundi 22 janvier 2018

Vendredi 19 janvier 2018. 19h10.

Journée froide, pluvieuse, ventée. Nous avons tenté une balade humide. Même la chienne renâcle. On rentre ?

Jeudi 18 janvier 2018. 22h00.

J’ai appellé le chenil. Je dois être à Paris début février pour un portrait de Jerôme Garcin, et pour un entretien avec Michel Bernard. J’y retourne aux alentours du 20 enchaîner ma ribambelle annuelle de rendez-vous médicaux. Mais je n’avais pas réalisé que mes dates tombaient en pleine période de vacances. L’Arche de Léo affiche complet jusqu’à la dernière semaine de mars. J'ai arraché de justesse son hébergement pour la première semaine, mais rien à faire pour l’autre. Il va falloir l'emmener. Nous verrons bien. J’ai été chercher Amélie à la gare. Elle avait fait le voyage avec David Fauquemberg que nous recevons aux Rencontres. En février, justement.

Mardi 16 janvier 2018. 17h40.

J’ai cueilli un bouquet de mimosa. Derrière la maison les perce-neige ont sorti leur corolle. J’ai l’impression que cela n’est pas vrai. Je n’arrive pas du tout à croire à ce curieux printemps.

Mercredi 17 janvier 2018. 22h50.

Amélie a fait l’aller-retour en avion, avec Jérôme et Marion, pour assister aux obsèques de sa grand-mère. Partie très tôt, rentrée passé 22h00 avec un mal de tête épouvantable. Je vais me coucher. Je te raconterai demain.

mercredi 17 janvier 2018

Dimanche 14 janvier 2018. 23h50.

C’est l’anniversaire de la disparition de Lewis Carroll. Mort à soixante-cinq ans, d’une mauvaise grippe, aux « Chestnuts », sa maison de famille de Guildford dans le Surrey. Je suis allé là-bas, en reportage, il y a vingt ans, pour le centenaire. J’ai le souvenir d’une ville qui monte, et qui descend. Raccompagné Amélie à la gare. Je ne serai pas avec elle à l’enterrement de sa grand-mère mercredi à Antibes. J’ai écrit mon papier sur L’express de Bénarès de Frédéric Vitoux. Titre d’un roman évanoui, fantôme, du poète Henry J.-M. Levet, mort à trente-deux ans en 1906 et dont il n’est resté de l’œuvre qu’une trentaine de textes. Vitoux explore l’étrange sentiment de connivence qui nous agrippe si soudainement parfois à un auteur. De Levet, il dit aujourd’hui : Il ne m’a jamais quitté. Livre de gratitude. Davantage passage de flamme que souvenir pieux. Raphaëlle a repoussé d’une semaine le rendu de Clientèle de Cécile Reyboz. Ca m’arrange.

Lundi 15 janvier 2018. 21h00.

Diem perdidi.

Samedi 13 janvier 2018. 18h30.

J’ai reçu un courrier d’Alain Galan qu’il m’avait posté au début du mois de décembre. En fait il avait mélangé l’adresse de Carolles et celle de Paris. Sa lettre avait fini par lui être réexpédiée et il me l’avait à nouveau envoyée. Il y joint un texte de lui, troublant, qui vient d’être publié dans les Cahiers Robert Margerit, à propos du musée de la Chasse où il avait été invité l’an dernier, au moment du salon Lire la nature, pour parler de son roman Peau-en-poil. Cet hôtel de Guénégaud où est rassemblée une incroyable collection d’animaux naturalisés, de massacres, de tableaux représentant battues et chasses à courre, m’a toujours fasciné. En traversant les salles, je retrouve, intacte, l’exaltation étrange, entre doux malaise et saisissement, qui, petit garçon, m’accompagnait à chaque visite au musée de la Vénerie à Senlis. Galan voit là-bas un endroit mortifère, une morgue des bêtes, secoué qu’il est de voir exposées, dans la posture que leur ont donnée les taxidermistes, les dépouilles et les défroques de ses frères farouches. Mais il croit ressentir aussi que, rien que de se trouver simplement dans ces lieux, offre, mystérieusement, aux mânes fragiles de ces créatures disparues l’occasion de battre à nouveau la campagne. De filer. Il leur donne sa présence fugitive. Je n’ai pas cette proximité. J’ai bien rêvé une fois, qu’à Senlis, toute la faune figée du musée s’échappait dans la ville. C’était différent, je crois. Un peu grotesque, un peu tragique. Il reste cependant que Galan et moi partageons aujourd’hui une même enfance de la lisière franchie, du sentier qui s’enfonce. Une enfance moussue, feuillue, au couvert des arbres. Nous ne nous sommes vus que deux fois. En décembre 2015. En janvier l’an dernier. Nous nous écrivons un peu. Il me manque. Comme me manquent parfois la forêt, les bois.

Vendredi 12 janvier 2018. 23h40.

La grand-mère d’Amélie est morte. Elle avait eu une forte fièvre il y a quelques jours. On l’avait mise sous sédatifs. Elle ne s’est pas réveillée la nuit dernière. Je crois Amélie triste bien qu’elle n’en laisse rien paraître. De cette tristesse raisonnable, discrète, qu’on éprouve quand quelqu’un d’âgé disparaît (la vieille dame avait quatre-vingt-treize ans). Mais ces deuils indolores nous font éprouver un peu plus notre âge, l’inexorable fuite en avant du temps et annonçent aussi des séparations autrement plus difficiles. Jean-Pascal est passé en fin d’après-midi. Il remontait de son jardin où il fait avait venir quelqu’un de la mairie pour des histoires d’élagage. Il repart à Caen pour rester avec Martine qui est, comme de plus en plus souvent, débordée de travail à son étude. Nous avions invité à dîner Brigitte et Yann. Poulet Vallée d’Auge, galette aux pommes. Un vrai menu normand. Yann se fait opérer la semaine prochaine de l’épaule. Le chirurgien va lui bidouiller muscles et tendons, couper, raccrocher, percer, visser. En gros, la même intervention qu’a subie Emmanuel en septembre dernier et dont il est loin encore d’être remis aujourd’hui. Les mois à venir vont être longs pour lui.

Jeudi 11 janvier 2018. 22h00.

Commande confirmée pour L’express de Bénarès de Vitoux. A rendre lundi. Raphaëlle me demande si je peux lui rédiger aussi un papier sur Clientèle, le dernier dernier livre de Cécile Reyboz. Bien sûr. Je vais juste devoir bien organiser ma fin de semaine. Organiser… C’est bien là (toujours) le problème. Amélie est arrivée fatiguée. Nuit noire, pas une étoile.

mercredi 10 janvier 2018

Mercredi 10 janvier 2018. 16h30.

J’avais promis. J’ai préparé trois petits paquets de livres pour les enfants d’Anne et Olivier que nous avions vus à Opio fin décembre. Etude en rouge, première aventure de Sherlock Holmes, pour Hector, 10 ans, grand adepte de Harry Potter. Le petit prince pour Alice, sa sœur de 7 ans, et Les malheurs de Sophie pour Clara, la dernière (il faudra lui lire, elle n’a que 5 ans). Tout cela partira au courrier de demain.

Lundi 8 janvier 2018. 22h30.

Dix ans. Je me suis rendu compte aujourd’hui que j’avais commencé ce journal en janvier 2008. Sans trop bien savoir, au fond, ce qui m’attachait à cette narration du trois fois rien des jours. Si ce n’est, sans doute, ma crainte anxieuse de l’oubli. C’est que j’ai toujours eu un talent particulier pour transformer le passé en paysage flou. Je suis incapable de me souvenir de la moindre date, même des plus belles, même des plus tragiques. Impossible aussi de placer les événements dans leur chronologie. Ne restent que des images, des sensations, des noms, sans rien qui les accroche. Sans rien qui les retienne, si ce n’est de noter, sur des bouts de papier, des carnets, des agendas. Depuis toujours, j’ai gribouillé des pense-bêtes pour ne pas laisser le temps s’enchevêtrer, se fondre au point qu’on ne le reconnaisse plus. Qu’il devienne illisible. Mais les écrits volants eux aussi disparaissent. Je sais ce que je dois à cet exercice. Moi qui me décourage sans cesse, qui fais traîner mes livres. Je m’y tiens. Simplement.

Mardi 9 janvier 2018. 19h00.

M. Mitaillé est venu remettre une couche de gravier dans la cour et les allées. Il a coupé l’herbe à ras. Nettoyé. J’ai garni les mangeoires des oiseaux dans ce jardin tout neuf.

lundi 8 janvier 2018

Dimanche 7 janvier 2018. 21h40.

J’ai appris au réveil la mort de France Gall. Les disparitions médiatiques me touchent bien peu d’habitude. Je ne suis pas sensible au chagrin collectif, les hommages avec leur bimbeloterie sentimentale et hypocrite m’agacent. Et puis il y a cette manière de boursoufler les cadavres célèbres de superlatifs. Lors de la dernière grande séance de larmes nationales, le président de la République n’a-t-il pas été jusqu’à dire que Johnny Hallyday faisait partie des héros français ? De mortuis nihil nisi bonum. Soit. J’ai été surpris cette fois-ci du petit voile de tristesse qui a brouillé ma matinée. Je connais plutôt mal les chansons de France Gall et j'ignore presque tout de sa vie. Mais comme je ne sais qui à la radio retraçait sa carrière, je me suis souvenu de 1965 et de l’année de mes dix ans. C’était un dimanche, après un déjeuner au réfectoire des sœurs, à Anne-Marie Javouhey, l’institution pour demoiselles où ma mère enseignait les mathématiques. Dans la salle de télévision, sur le poste noir et blanc, je l’avais vue chanter Poupée de cire, poupée de son dans une émisson de variétés. Et je m’en étais senti tout doucement remué. Je l’avais enfouie loin cette émotion. A l’époque, je regardais les jeunes filles avec fascination. Un drôle de trouble que je ne comprenais pas et qui se mêlait à un véritable élan d’amour de petit garçon. Il y avait mes cousines Agnès et Françoise, les élèves de ma mère (tiens, parmi elles, Laure Ulmer, dont le père Georges Ulmer était le chanteur à succès de Pigalle et de Un monsieur attendait). D’autres encore. Je contenais mon cœur. Dans la solitude de ces années-là, je cachais l’impossible désir d’avoir une grande sœur. Bien longtemps après, j’ai appris que j’en avais une. Pour de vrai. Mais qui était restée petite, toute petite. Ma demi-sœur Monique, morte à deux ans. En 1932. Amélie a pris son train plus tôt. Toujours de problèmes de travaux sur la ligne. Cette-fois-ci l’arrivée se faisait en gare d’Austerlitz.

Samedi 6 janvier 2018. 19h10.

Dieu qu’il fait froid. Un froid humide, pénétrant. Le poêle parvient tout juste à chauffer la maison. Pourtant, partout commence à s’éveiller un trop pressé printemps. Les mimosas, les camélias se mettent à fleurir. Le feuillage des ficaires envahit les plates-bandes. Et les narcisses sont déjà sortis de terre. Le jardin est en avance. Moi, je devais traiter les rosiers à la bouillie bordelaise. Guider les grimpants. Nettoyer les massifs. Je suis (là aussi) en retard.

Vendredi 5 janvier 2018. 21h00.

Le Monde des Livres a consacré dans le numéro d’hier soir une double page au débat sur le projet de réédition des écrits antisémites de Céline. Il y a eu, me dit Raphaëlle tant de réactions qu’ils ont décidé de réserver une autre page dans le numéro prochain. Celle justement où devait paraître mon papier sur le Vitoux. Je le rendrai donc pour la semaine suivante. Grande éclaircie d’hiver dans l’après-midi. Nous sommes descendus jusqu’à la plage. Presque personne tant le froid était coupant. Nous avons marché jusqu’aux pêcheries. J’ai au mur, à la maison, deux photos de mon grand-père (en 1921, l’année de sa mort à soixante-trois ans), à cet endroit. La première le montre aux prises avec un requin renard d’assez belle taille. Sur la seconde, il sort la bête de l’eau avec une gaffe, entouré d’admiratives estivantes en costume de bain et chapeau de paille.

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