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dimanche 22 mars 2020

Mercredi 22 janvier 2020. 13h00.

Raphaëlle m’a commandé un papier sur L’artiste en petites choses de Patrick Reumaux. Une sorte de guide intime pour avancer et se reconnaître dans le labyrinthe des souvenirs, des savoirs, des émotions, et de tout le saint-frusquin qui fait notre vie. Reumaux est un poète, un romancier des songes comme le fut Dhôtel, son professeur quand il était adolescent. Il est naturaliste, botaniste, entomologiste. Surtout mycologue. Un des très grands de cette discipline confidentielle, tellement fascinante. Il est fou de cortinaires et de russules. Son œuvre est biscornue, pleine de replis cachés, étranges. Terriers tapis, sous-bois, clairières. Tout s’y mêle, s’y rejoint. Se retrouve.

Mardi 21 janvier 2020. 20h10.

Inès, l’assistante d’Élodie, m’avait préparé une impressionante pile d’exemplaires. Je ne suis pas le plus habile dans l’art de la dédicace. Pas certain d’avoir toujours trouvé les mots qu’il fallait. La formule. Mais est-ce si important ? A la vaste liste de presse, j’ai ajouté les noms de ceux que je ne voulais du tout pas oublier. C’est parti ! En sortant, je suis allé prendre un verre au Sauvignon. Un quincy ?, m’a demandé José. J’ai souri de contentement. Je ne viens plus très souvent. Dire qu’elle continue de me reconnaître…

dimanche 2 février 2020

Lundi 20 janvier 2020. 14h50.

Je prends le train pour Paris. J’y passe la semaine. Demain je signe le service de presse de L'officier de fortune chez Grasset.

Samedi 18 janvier 2020. 18h00.

La Harpe va avoir une nouvelle nounou. Séverine, une jeune femme dont j’ai eu les coordonnées par Eléonore qui s’était jusqu’ici occupée de la chienne pendant nos absences. Rendez-vous avait été pris sur la plage de Kairon avec elle et ses deux bergers australiens. Tout s’est très bien passé. Je suis soulagé.

Jeudi 16 janvier 2020. 21h20.

L’ophtalmologiste m’a envoyé un genre d’ultimatum : Votre dossier a été préparé et vous ne l’avez toujours pas repris. Une dernière possibilité vous est offerte le mardi 21 janvier de 10h00 à 16h00. La dame prend sa retraite. Dès que je l‘avais su (en octobre), je lui avais écrit pour lui demander si elle avait besoin de me revoir (je dois me faire opérer de la cataracte début février), et si elle pouvait me conseiller un confrère. Pas de réponse avant cette injonction. Bon, je vais me débrouiller pour aller récupérer l’affaire. Cela m’a fait penser que nous approchions la période à laquelle je dois prendre mes rendez-vous avec ma ribambelle de spécialistes. Ce que c’est de repousser l’échéance : la première date que l’on me propose est en avril. Finalement, je suis assez content du sursis. Amélie est arrivée au train du soir. J’avais préparé du tartare de thon.

Mardi 14 janvier 2020. 14h15.

C’est l’anniversaire de la mort de Lewis Carroll aujourd’hui. 14 janvier 1898 : 122 ans. Mon grand-père François avait déjà quarante ans alors. Il naviguait en Extrême-Orient, bien loin de Guildford. Mais ce grand père lointain me fait une proximité, un lien, avec une bonne partie du XIXe siècle. Et me rend Carroll autrement familier. J’étais parti en reportage sur ses traces en 1998 pour le centenaire de sa disparition. J’avais rapporté une poignée de terre de sa tombe au Mount Cemetery. Je l’ai pieusement conservée. J’ai déballé tous mes souvenirs de la mer de Cortés, ramassés au sable des plages. Deux balistes coche (balistes polylepis) desséchés, deux diodons (diodon holocanthus), des os de pélicans, un morceau de carapace de tortue, des squelettes d’étoiles de mer, quelques coquillages à identifier, une branche de corail blanchi. Je vais trouver une belle planche pour les installer dans le bric à brac de mon petit musée d’histoire naturelle. Reçu un petit mot d’Elodie. Je signe le service presse du livre la semaine prochaine.

Lundi 13 janvier 2020. 19h00.

Nous sommes rentrés depuis un peu plus d’une semaine. Amélie a repris son travail dès le lendemain de notre arrivée. Pour ma part, sans vraies obligations, j’ai profité quelques jours de l’étrange fatigue du décalage horaire pour rester un peu lové dans la part douce du sentiment qui m’a accompagné pendant tout ce séjour au Mexique. Et en ressasser l’inattendue quiétude dans laquelle je me suis laissé glisser là-bas. C’était bien. Et davantage. Du plus-que-parfait. Du qui colle à l’image qu’on s’en fait et qui la dépasse. De la longue plage de sable fin au bord du Pacifique où nous étions à Noël, au cabotage d’une semaine, d’île en île, ensuite, dans la mer de Cortés. Et je suis fait prendre, pour ne pas dire fait avoir, par la bonne fortune, oubliant mes postures, ma réserve. Je n’ai pas honte. Oui, c’était bien. J’ai rejoint Amélie en fin de matinée à Carolles où elle était depuis vendredi soir avec Clémence. Il fallait qu’elle récupère La Harpe au chenil qui fermait (définitivement) ses portes le 11. Quant à moi, je devais rester à Paris le dimanche pour l’hommage à Bruno Durocher au Mémorial de la Shoah. Le soir j’étais invité chez Antonie et Vincent. Vu Louise, de retour d’un week-end de guides (jolie et fatiguée), Basile (volubile). J’avais apporté Les malheurs de Sophie pour Suzanne, six ans. Comme je lui expliquais qu’elle allait devoir demander à ses parents de le lui lire, elle m’a dit, d’un ton victorieux, très fière : Mais je sais déjà !

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samedi 21 décembre 2019

Vendredi 20 décembre 2019. 8h30.

J’ai fermé la maison. Après avoir, rituellement, fait le tour des pièces, pour me convaincre de n’avoir rien oublié, rien laissé traîner. Je ne me défais pas de cette crainte obsessionnelle d’avoir laissé une ampoule allumée ou l’eau des fleurs croupir dans un vase. Mais j’ai beau vérifier, je sais bien que le doute subsistera quand même. Il y a longtemps que j’apprivoise mes petites pathologies. Juste avant de partir, j’ai déposé l’Enfant Jésus dans la crèche, entre le bœuf et l’âne. Nous ne serons pas là le 24 au soir. Nous allons passer deux semaines au Mexique. Claire et Emmanuel pour leurs cinquante ans de mariage invitent tout le monde à un séjour sur une plage (paradisiaque, paraît-il) de Basse Californie suivie d’une croisière en mer de Cortés. Tout le monde, c’est à dire Virginie, Marcus et les quatre filles, Jérôme et ses enfants, et Amélie et moi. La perspective de me retrouver ainsi en famille à l’autre bout du monde m’effraie un peu. Mais cela ravit Amélie et cela me suffit. Après tout, cela me fera tourner la page de l’année. Je reprendrais mes angoisses juste plus tard. Angoisses d’argent surtout. Car je touche le fond. Là-bas, si loin de tout, avec les rires de mes nièces, j’espère bien balayer tout cela. J’emporte un gros cahier pour tenir le journal de cette parenthèse. Que Dieu nous garde.

mardi 1 octobre 2019

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Jeudi 19 septembre 2019. 8h50.

J’ai soixante-quatre ans aujourd’hui. Je suis allé regarder ce qu’Henri de Régnier avait écrit dans son Journal à la date du même anniversaire. La peau de chagrin se rétrécit, note-t-il simplement. C’est exactement ça. J’ai croisé mon reflet dans la grande glace de l’armoire de la chambre. Soixante-quatre ans, mon vieux. Je lui ai souri. Amélie arrive au train de 20h00. On boira du champagne.

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mardi 27 août 2019

Mardi 27 août 2019. 17h00.

Je n’ai pas écrit une ligne dans ce journal depuis bientôt six mois. On pourrait dire que vous faites le mort, m’avait lâché Mme Lefrère à la fin d’une séance. J’ai repensé à mes longues, longues années d’analyse avec elle. Ces années à tailler dans l’épais brouillard introspectif, à y faire quelques trouées de clarté incertaine. Avant que tout se voile à nouveau. Pesamment. Cheminer ainsi, fatigué. Si fatigué. Et finir par admettre, par comprendre peut-être, que je ne comprendrai jamais rien. Ou bien plutôt que quelque chose de trop lourd en moi m’empêchait pour toujours de comprendre. A nouveau, je n’ai pas la force. Le refus de mon manuscrit en mars m’a atteint bien plus que je ne le croyais. Ce choc (ça en a été un, vraiment) a fait une brèche dans laquelle se sont engouffrées la dépression et l’acédie. Je reste à flot. Tout juste. Il n’y a pourtant plus de raison pour que je me laisse ainsi envahir. J’ai fait lire le texte. Il a été accepté dans une autre maison d’édition. Je devrais en être heureux, soulagé. Et je le suis d’ailleurs. Mais je me sens incapable de l’exprimer, d’en dire, d’en raconter quoi que ce soit, pris d’une foule de superstitieuses inquiétudes qui tournent à l’angoisse. Je fais le mort. J’ai fait le mort tout le printemps, tout l’été. Cet automne, je voudrais bien revivre.

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dimanche 7 avril 2019

Samedi 6 avril 2019. 14h30.

J’ai passé l’aspirateur. Il était plus que temps. Amélie est arrivée à Metz pour, encore, un salon du livre. Nous y étions allés ensemble, en décembre 2008, rencontrer André, alors directeur du séminaire (il est maintenant chanoine de la cathédrale Saint-Etienne), avant qu’il bénisse notre union l’été suivant à Antibes. Elle n’aura, je pense pas le temps d’aller lui rendre visite.

Vendredi 5 avril 2019. 21h40.

François Broche a reçu mon petit mot sur son livre, La cathédrale des sables. Je lui avais griffonné quelques lignes un peu maladroites pour lui dire à quel point il m’avait ému et emporté. Il raconte la bataille de Bir-Hakeim au milieu de laquelle son père est mort, le 9 juin 1942. Il la fait revivre avec une saisissante proximité. Il en sait tout, François. Il en a tout appris. Il en a tout compris. Il l’a portée en lui toute sa vie, lui qui n’a pas connu ce père, déjà en poste, au loin, au moment de sa naissance. Nous sommes liés lui et moi, par nos pères, justement. Ils s’étaient rencontrés à Tahiti en juin 1940 et avaient, ensemble, rallié la France libre. Puis rejoint la Nouvelle-Calédonie. De là-bas, deux contingents devaient partir de pour le Moyen-Orient. Mon père avait été désigné pour prendre le commandement du premier, Broche celui du second. Mais il avait demandé à de Gaulle, en qualité de plus ancien, d’aller au feu sans délai. Et cela lui avait été accordé. Les Japonais menaçaient l’île. Mon père est resté. Il n’y a pas eu d’autre départ. Je crois qu’il a toujours pensé que son frère d’armes était tombé à sa place. J’ai connu François par hasard, il y a un peu plus de dix ans, autour d’Henri de Régnier dont il avait publié les Cahiers (j’éditais Escales en Méditerranée chez Buchet). Nous nous sommes reconnus. Il est mon aîné d’un peu plus de quinze ans. Nous nous voyons bien peu. Un déjeuner de temps en temps. Notre relation est tacite, chargée de tout un passé que nous n’avons pas vécu. Avec deux pères absents, pas de la même absence, mais que leur histoire fait se rejoindre.

Jeudi 4 avril 2019. 20h50.

Les camélias défleurissent. Les jonquilles et les narcisses sont fanés. On ne voit presque plus de violettes, plus de ficaires. Dans le jardin, le tout premier printemps est déjà fini. Je guette les orchis au pied du sapin. Les jacinthes commencent à remplacer les primevères. La falaise est maintenant toute jaune des genêts et des ajoncs. Il y a tant de saisons dans une saison. Je suis passé devant (anciennement) chez Perron. De la maison, il ne reste plus qu’un tas de pierres. Un autre de ferrailles. Elle a été détruite en deux jours. C’était prévu. Depuis longtemps. Mais comme les choses traînaient, je me disais que, peut-être, la nouvelle propriétaire des lieux avait changé d’avis. Elle avait acheté l’endroit il y a quatre ou cinq ans. Refait entièrement, agrandi, la petite maison du gardien pour s’y installer. En attendant… Elle m’avait expliqué alors que son architecte lui avait déconseillé de se lancer dans la restauration de la villa. Mieux valait faire du neuf ! C’était pourtant un bâtiment XIXe magnifique, de cette architecture cossue des villégiatures de l’époque. Le dernier héritier, le fils Perron, n’avait rien entretenu. Il avait même fini par tout saccager. Pauvre maison abîmée, abandonnée, maintenant détruite. Ca me serre le cœur. Nous rêvions, Amélie et moi, d’un jour l’acheter. Un jour… Elle voulait en faire une résidence d’écrivains.

Mercredi 3 avril 2019. 23h15.

Avec le printemps c’est le retour du dossier de presse du festival du Livre de Nice. Cela fait sept ans que je m’en occupe. Un bail. Et cette fois-ci encore, les informations arrivent au compte-gouttes. Les quinze jours qui viennent risquent d’être un peu compliqués. Je suis passé chez Brigitte et Yann. Ils m’ont gardé à dîner. Je les inquiète. Ils voudraient m’aider. J’ai réfléchi à tes problèmes d’édition m’a-t-il dit. Pourquoi ne traduirais-tu pas ton livre en anglais ? Tu pourrais le faire publier à l’étranger. – Oui… On va peut être commencer par essayer plus simple.

Mardi 2 avril 2019. 18h00.

La maison est dans un état épouvantable. J’y campe. Tout est encombré de livres et de paperasses. La vaisselle s’entasse dans l’évier. Je n’ai pas passé l’aspirateur depuis une semaine. Il est urgent aussi que je fasse une lessive. Mais j’ai rechargé les mangeoires des oiseaux.

Lundi 1er avril 2019. 22h10.

J’ai travaillé au papier sur Un jour, on entre en Etrange pays de Colette Mazabrard. Pas facile d’écrire sur ce livre en ce moment. Ce récit de maladie, de cancer (du rein, en plus), s’agrippe à mes récentes angoisses. Mais c’est vraiment un beau texte où la douleur et la peur s’apprivoisent. Pour un peu on les ferait ronronner comme des chatons. Et ça parle aussi de voyages, en échappée belle. De villes étrangères et de retour à la maison. Alors...

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