Journée de flânerie dans Turin. Il était difficile de ne pas aller voir la Mole Antonelliana, cette énorme bâtisse XIXe surmontée d’un très haut dôme devenue (comme la tour Eiffel à Paris) le symbole de la ville. Au pied, on est écrasé par la masse de l’édifice. La flèche culmine à plus de 160 mètres. Nous n’y sommes pas montés. Rejoint le Pô. Sur les berges, face au monastère du Monte dei Capuccini nous nous sommes arrêtés un long moment en terrasse faire un peu de courrier en sirotant nos expressos. Cartes postales, petits mots. Sur l’eau, entre les ponts Umberto I et Vittorio Emanuele I, les équipes de la Sebago Rowing Cup, une régate d’aviron, s’entraînaient sur de longues périssoires. Nous avons traversé les jardins royaux, bu des spritz au Cynar, grignoté des tramezzini. Profité des derniers jours d’ouverture de l’exposition sur la Beauté dans l’art à la Sale Chiablese du Musée royal. Un itinéraire sensible à travers peintures, dessins, sculptures, objets, de l’époque classique au début de XXe siècle « de Botticelli à Mucha ». Dernier dîner à la Pastificio Defilippis, fleurs de courgettes, tartare de langoustines, fritto misto alla piemontese, le tout arrosé d’un vin de la région des Langhes, un fontanafredda, cépage nebbiolo. On est bien, non ?
mardi 7 octobre 2025
Samedi 20 septembre 2025. 23h10.
Par Xavier Houssin le mardi 7 octobre 2025, 19:33
mardi 30 septembre 2025
Vendredi 19 septembre 2025. 23h40.
Par Xavier Houssin le mardi 30 septembre 2025, 19:16
Amélie m’a invité à dîner à la Taberna libraria, un bistrot à vins de la via Bogino. Vitello tonnato, agnolotti. Il faisait doux en terrasse. Nous avons bu un barbera d’asti. Une cuvée « Maggenga ». J’ai cru comprendre qu’il s’agissait en italien du nom botanique des graminées, des poacées. J’ai pensé aux toiles de Monet. A ce poème d’Emily Dickinson : To make a prairie it takes a clover and a bee. J’ai soufflé la bougie que le patron avait planté sur un petit gâteau apporté avec le café. Tanti auguri ! Je ne vais quand même pas bouder.
Vendredi 19 septembre 2025. 19h50.
Par Xavier Houssin le mardi 30 septembre 2025, 16:32
Visite au musée d’Histoire naturelle. À deux pas de l’hôtel. Il a rouvert il y a un an après un incendie qui l’a ravagé en 2013. L’ensemble des collections n’est pas encore entièrement visible, mais il y a une très belle galerie d’oiseaux, de reptiles, de mammifères et un intéressant cabinet de squelettes montés. Traversé un bout de la ville jusqu’au marché de Porta Palazzo. Gigantesque. Débordant. Nous y avons erré presque deux heures au milieu des étals. Maraîchers, fruitiers, bouchers, charcutiers, épiciers, fromagers, poissonniers. Envie de remplir des cabas, de pleins chariots de courses. Nous n'avons acheté que deux saucissons. Mais quand même. En marchant dans Turin, tracé droits, vastes places carrées, j’avais l’impression d’avancer dans un damier. Un échiquier plutôt, comme celui De l’autre côté du miroir. Mon pion blanc, mon Alice, c’est Amélie. Elle me guide, me précède. Elle joue et gagne en onze coups. Trop de monde, trop de murmures bruyants, dans la chapelle du Saint-Suaire. Pas moyen de se recueillir. Il y avait pourtant deux religieuses en adoration. Si ferventes, si sereines. En secret, je leur ai confié ma prière. Nous avons passé un très long moment au musée des Antiquités égyptiennes. Le deuxième plus grand au monde après celui du Caire. Je me suis souvenu de mon émotion, enfant, devant les sarcophages et les momies des collections d’Auguste Mariette exposés au musée de Boulogne-sur-Mer, sa ville natale. Mariette, un des pères de l’égyptologie, fut d’ailleurs le fondateur du musée du Caire. C’est la fascination là-bas pour tout un monde de tombeaux, de stèles, d’inscriptions, de statues qui va emporter sa vocation. Cette fascination, je la partage, sans savoir ni culture, juste dans la contemplation vertigeuse de ces âmes, de ce temps. Petite halte au café Al Bicerin, piazza della Consolata, pour boire, bien sûr, un bicerin, boisson typiquement turinoise, un mélange de café et de chocolat, recouvert de crème fouettée. Enfin, j’ai laissé Amélie y goûter. Pour ma part, j’ai commandé une autre grande spécialité turinoise : un vermouth.
dimanche 28 septembre 2025
Vendredi 19 septembre 2025. 8h40.
Par Xavier Houssin le dimanche 28 septembre 2025, 11:13
Je me réveille à Turin. La chambre d’hôtel est vaste, très lumineuse. Sa fenêtre s’ouvre sur un patio aux massifs d’impatiens, planté de pommiers à feuilles de prunus, de nandinas, d’hortensias à feuilles de chêne. Il fait grand beau. J’ai soixante-dix ans.
Jeudi 18 septembre 2025. 23h45.
Par Xavier Houssin le dimanche 28 septembre 2025, 11:13
Jusqu’à la dernière minute, nous avons pensé que nous ne pourrions pas partir. C’était la grève à la SNCF. Une de plus, et qui là risquait fort de faire dérailler notre projet d’escapade. Mais notre train a été maintenu. Nous avons déjeuné juste avant de partir au Quincy, ce restaurant de l’avenue Ledru-Rollin où j’avais envie d’aller depuis longtemps. Pieds paquets et saint-joseph. Arrivés à Turin à la nuit. Ouf, nous y sommes.
jeudi 25 septembre 2025
Mercredi 17 septembre 2025. 23h45.
Par Xavier Houssin le jeudi 25 septembre 2025, 17:11
Nous avons passé la soirée avec Virginie. Elle était à Paris pour voir sa mère et ses sœurs et nous a retrouvés rue Danville pour boire le champagne de mon anniversaire. Amélie avait réservé des places au Théâtre de la Porte Saint-Martin pour La petite boutique des horreurs, la comédie musicale, très visiblement culte, inspirée par le film de 1960 Little shop of horrors de Roger Corman. Public d’avance conquis et enthousiaste pour ce conte déjanté joyeusement gore. Un fleuriste se met à élever une plante carnivore qu’il commence patiemment à nourrir goutte à goutte avec son propre sang, avant que le végétal en grandissant ne devienne vorace de chair humaine. Volume sonore bien trop élevé pour qu’on entende les paroles des chansons. Dommage. Mais la plupart des spectateurs les connaissaient par cœur. La monstrueuse et ogresque dionée était une énorme marionnette, oeuvre de Carole Allemand dont nous avions admiré les fantastiques créations dans 20000 lieues sous les mers, dans ce même théâtre avec Gabrielle, il y a deux ans.
Mardi 16 septembre 2025. 18h50.
Par Xavier Houssin le jeudi 25 septembre 2025, 17:10
J’ai confié la chienne à Séverine. Lui ai raconté la mésaventure de la mort-aux-rats. Tout va bien. La prise de sang chez le vétérinaire n’a rien révélé d’anormal. Je pars retrouver Amélie à Paris demain. Elle m’offre un voyage à Turin pour mon saut de dizaine. Pour le précédent, elle m’avait emmené à Pise.
Mardi 9 septembre 2025. 16h20.
Par Xavier Houssin le jeudi 25 septembre 2025, 17:09
J’ai commandé quatre nouveaux plants de sauge à installer au pied du sapin, à côté de ceux récupérés il y a longtemps du potager des Fontenelles. Une sauge tricolore, une sauge pourpre, une sauge panachée dorée et une sauge cassis. Réaménagé aussi la cabane de jardin, posé des étagères, nettoyé, rangé. Balancé tout un tas d’outils dont je ne me suis jamais servi. Acheté un nouvel escabeau. Je m’agite. Je repousse l’essentiel. J’évite de me remettre à mon fichu livre. De reprendre mon projet, de mettre de l’ordre dans mes brouillons éphémères. Mais qu’est-ce donc qui à ce point m’empêche ?
Dimanche 7 septembre 2025. 19h00.
Par Xavier Houssin le jeudi 25 septembre 2025, 17:08
La Harpe a boulotté un sachet de mort-aux-rats. Il y a à nouveau des souris dans la resserre et j’avais dissimulé des appâts dans des recoins normalement inaccessibles à la chienne. Sauf qu’un de ces satanés rongeurs a dû en embarquer un (il faut croire que c’est drôlement appétissant) pour le grignoter quelque part à son aise. J’entendais La Harpe fourrager depuis un moment dans le petit bois pour le feu. Lorsque je suis allé voir, elle était en train de mastiquer consciencieusement, et avec un visible bonheur, un de ces chewing-gums empoisonnés. Je me suis battu pour lui faire recracher, battu pour lui rincer la bouche. Grognements féroces. Ça, elle n’était pas du tout du tout contente. J’ai appelé la vétérinaire de garde qui a été plutôt rassurante. Vous avez fait ce qu’il fallait. Il sera quand même nécessaire de vérifier si tout va bien avec une prise de sang dans quelques jours.
Vendredi 5 septembre 2025. 18h40.
Par Xavier Houssin le jeudi 25 septembre 2025, 17:07
Amélie est partie tôt prendre son train pour le Suisse. Elle passe la fin de semaine au festival du Livre de Morges. J’étais à Carolles en milieu d’après-midi. Récupéré La Harpe chez Séverine. Fait quelques courses. Le jardin est dans un état épouvantable. Je dois nettoyer un peu avant de faire appel à M. Mitaillé.
mardi 23 septembre 2025
Jeudi 4 septembre 2025. 23h00.
Par Xavier Houssin le mardi 23 septembre 2025, 20:06
Clémence fêtait ses quarante ans à L’Indé, un bistrot à l’angle de la rue de Charenton et de l’avenue de Corbera où elle a son appartement depuis maintenant deux ans. Singulière avenue d’ailleurs, toute étroite et sans arbres, bordée des deux côtés par de hauts immeubles 1930 tous identiques, aux façades dépouillées. Nous nous sommes installés en terrasse pour un moment de bavardages, de champagne et de dînette. C’était très joyeux. Nous y avons retrouvé Antonie et Vincent. Revu Jean-Louis Thiériot, le député de Seine-et-Marne dont Clémence est l’attachée parlementaire et qui a été ministre délégué auprès du ministre des Armées dans le bref gouvernement Barnier. Clémence, alors, était devenue sa conseillère ministérielle. Elle avait adoré l'emploi. Il semble que les jours du Premier ministre Bayrou soient comptés. Qui sait si Thiériot ne reviendrait pas aux affaires ?
Mercredi 3 septembre 2025. 21h50.
Par Xavier Houssin le mardi 23 septembre 2025, 20:06
Déjeuner avec Marie au Relais Haussmann, à deux pas de sa galerie. Nous nous y retrouvons à chaque fois que cela est possible quand je viens à Paris. C’est un restaurant dans le genre de ceux que je fréquentais quand Point de Vue était dans le 8e, rue Chauveau-Lagarde. Je m’y trouve juste bien. Le patron est jovial, la carte rassurante. Je réserve toujours la même table, la 4, avec vue sur le boulevard. J’accroche nos rencontres à ce minuscule rituel. J’espère qu’elle y est sensible. Contrôle chez l’ophtalmo. Mme Leroux est contente de ses petits trous. Ouf. Prochain rendez-vous au printemps. J’ai rejoint Amélie pour le prix du Monde au couvent des Cordeliers. Il a été remis cette année à Laurent Mauvignier pour La maison vide. Pas lu. Je l’avais rencontré en 2006 chez lui à Toulouse comme je venais d’entrer à Epok. Il avait reçu le prix du roman Fnac avec Dans la foule, un texte à voix multiples sur le drame du Heysel en 1985. Honnêtement, je n’en ai pas grand souvenir. Nous sommes arrivés au milieu des discours. Restés un moment au cocktail. Amélie avait beaucoup de gens à voir. Moi, comme souvent, j’étais mal à l’aise. Aperçu Raphaëlle. Bavardé un long moment avec Dany. Lou, sa fille, a maintenant vingt-quatre ans. Elle est botaniste. Je me souvenais d’une petite brune de dix ans. Vingt-quatre ans…
jeudi 18 septembre 2025
Mardi 2 septembre 2025. 17h00.
Par Xavier Houssin le jeudi 18 septembre 2025, 10:18
Nouvelle consultation chez l’ophtalmo. Lors de ma précédente visite, la dame avait été plutôt alarmiste. Si cet été vous ressentez la moindre douleur dans l’œil gauche, consultez aux urgences. Et elle m’avait même laissé son numéro de portable. Rendez-vous pris aujourd’hui pour me faire des trous au laser dans l’iris. Si toutefois j’ai bien compris de quoi il s'agit. Si je n’ai rien senti, ou à peine, sur l’instant, cela a quand même gâché mon déjeuner avec Pascale. Je suis désolé, c’est comme si on m’avait mis un coup de poing dans l’œil.
mercredi 17 septembre 2025
Jeudi 28 août 2025. 18h20.
Par Xavier Houssin le mercredi 17 septembre 2025, 14:29
Marie a quarante-et-un ans aujourd’hui. Elle revient d’une vingtaine de jours de vacances dans le sud-ouest où, avec des amies, elle a remonté le canal de la Garonne en péniche. Je déjeune avec elle mercredi prochain. Je viens à Paris pour une petite semaine. Aujourd’hui sortait mon papier sur le dernier livre de Nathacha, La nuit au cœur. J’ai peiné à l’écrire tant je tenais à rester fidèle à l’esprit, à l’intention plutôt, de ce texte qui unit trois histoires de femmes victimes de la violence de leurs maris, de leurs compagnons devenus leurs bourreaux. Deux sont mortes. Nathacha qui en a réchappé écrit. J’ignorais tout des années d’emprise, de soumission, de terreur où s’est englouti sa jeunesse. Il a fallu le meurtre de Chahinez Daoud an 2021, brûlée vive en pleine rue, et le souvenir de celui, vingt ans plus tôt, de sa cousine mauricienne poursuivie en voiture et écrasée, pour qu’elle se sente comme convoquée à en témoigner. Récit, enquête, elle bataille à la première personne, peau à peau, peur à peur.
mardi 16 septembre 2025
Mardi 26 août 2025. 20h00.
Par Xavier Houssin le mardi 16 septembre 2025, 20:29
Triste nouvelle dans cet été aussi. Claudine Lemaire est morte le 17 juin. C’était d’ailleurs encore le printemps. Amélie l’avait su par Caroline qui dirige la communication chez Laffont. Mes dernières nouvelles de Claudine remontaient à début 2024. Elle s’était fait renverser par un taxi sur un passage clouté. Ça va, disait-elle, mais je vais juste rester un moment coincée. Pourquoi n’ai-je pas appelé ensuite ? J’ai téléphoné à Josette Pratte, la seule amie que je connaisse. Elle m’a appris que Claudine souffrait depuis des années d’un cancer dont elle ne parlait jamais. Claudine, corsetée de gentillesse, d’humour et de doux bavardages. Bien sûr, moi, je n’avais rien vu. J’aimais beaucoup Claudine. Elle a été de ces attachées de presse qui ont accompagné mes tout premiers pas dans le journalisme littéraire. Et elle ne m’a jamais lâché. Me donnant confiance, m’encourageant, faisant avec moi contre mauvaise fortune bon cœur. Sachant célébrer la moindre réussite, le moindre contentement. Je n’ai que de jolis souvenirs avec elle. Sa vie, pour le peu qu’elle m’en ait confié avait été un peu âpre. Nous avions, entre autres, en commun Joigny où j’ai fait mon service militaire et qu’elle avait abandonné tôt, y laissant plutôt de mauvais souvenirs. Elle y avait hérité d’une maison qu’elle laissait sans remords s’effondrer. Josette Pratte avait promis de m’avertir de la date de l’enterrement. J’ai appris qu’il avait eu lieu le 1er juillet. Où donc est sa tombe ?
Lundi 25 août 2025. 21h30.
Par Xavier Houssin le mardi 16 septembre 2025, 20:27
Il faut revenir à Senlis m’a dit Amélie avant que je prenne la route pour Carolles fin juillet. Elle a compris, elle sait. Oui, il faut revenir quelques jours et tous les ans dans cette dizaine qui s’ouvre tellement bientôt et qui tellement m’effraie. Là-bas, je suis. Je me suis. Je retrouve. Je me retrouve. Tiens, j’ai compris il y a peu que les paroles de la chanson d’Aznavour des années 1970 Mourir d’aimer étaient Les parois de ma vie sont lisses, etc. Moi, j’entendais toujours Les parois de ma vie : Senlis. Et, tout ému, je fredonnais. J’ai évité l’autoroute pour rentrer. Me suis arrêté à Verneuil, pour déjeuner place Notre-Dame et j’ai été au cimetière où j’ai erré un moment avant de trouver la tombe de Louise Colet. Pauvre Louise, pauvre amante, que les flaubertistes méprisent. Pas à la hauteur de leur grand homme. À son jeune Gustave, en septembre 1846, quelques mois après l’avoir rencontré, elle avait écrit un long poème, Souvenirs. Un jour à Mantes qui se termine ainsi : Ici, je fus heureuse ! Oh ! j’y veux revenir/ Quand je serai bien vieille et que mon âme émue/ Ne pourra plus goûter l’amour qu’en souvenir,/ De ce rivage aimé, j’enivrerai ma vue,/ Et je me sentirai revivre et rajeunir !
Dimanche 24 août 2025. 21h50.
Par Xavier Houssin le mardi 16 septembre 2025, 16:20
Abistis, dulces caricæ. J’ai repensé tout à l’heure à l’apostrophe de Trimalcion à Plocamus dans le Satiricon. Oui, vous êtes vraiment finies douces figues. C’est la philosophie de mon petit jardin. Après quinze jours d’incroyable abondance que nous avons partagée avec les merles, les grives, les étourneaux, quinze jours où les frelons (asiatiques), les guêpes, les mouches, s’agglutinaient bourdonnants autour des sycones écrasés sur la terrasse, voilà qu’il n’y a plus une seule figue dans l’arbre. Les épeires diadème tissent leurs toiles un peu partout. L’été s’en va. Un de plus. Je n’ai pas écrit une ligne de journal depuis Pâques. Je laisse encore et toujours filer le temps. Tout début mai, nous avons fait depuis Grasse le voyage italien dont j’avais envie depuis longtemps sur les traces de Giovanni Guareschi. Claire et Emmanuel nous avaient prêté leur voiture. Roncole (aujourd’hui Roncole-Verdi puisque le compositeur de la Traviata y est né) est un minuscule village. Un village de tellement trois fois rien que j’ai craint un moment d’avoir embarqué Amélie dans une quête bien décevante. Il n’en a rien été. Nous avons passé deux jours dans la Bassa parmense à remonter les chemins discrets du piccolo mondo de Don Camillo. La campagne émilienne, la plaine, les bords du Pô. Depuis 1948, année de la parution du premier volume des aventures du curé bagarreur et de son meilleur ennemi le communiste Peponne, le décor n’a guère changé. Il ne faudrait pas réduire ces histoires à des pantalonades. Guareschi est un moraliste sensible, davantage émouvant que drôle. Il touche juste. Nous avons vu sa maison, avec le petit musée attenant où j’ai acheté deux livres en italien que je m’efforcerai de lire (en dehors des Don Camillo, ses textes ne sont pas traduits en français). Nous nous sommes recueillis sur sa tombe et celle de son épouse Ennia. J’en ai rapporté deux pousses de jasmin nudiflore que j’installerai à l’automne au jardin. Nous avons aussi fêté doucement notre anniversaire de mariage dans le restaurant du petit hôtel de Roncole. Prosecco de Valdobbiadene, culatello, coppa, gnocco fritto. Et puis nous sommes allés à Parme. Pas envie de rentrer. Mai, juin, juillet, août. Comme c’est étrange d’aller ainsi à gué sur des morceaux de temps. À Paris, le propriétaire de la rue Danville, qui occupe les deux étages au-dessus de nous, vend tout l’immeuble. Il ne renouvelle pas notre bail. Passé la stupeur et l’inquiétude, nous avons pris conseil. Rassurés de savoir que (ouf) nous ne risquions pas de nous retrouver dehors du jour au lendemain. N’empêche. Il y a quinze ans que nous habitons ce deux-pièces. Ce serait trop long ici de raconter toute l’affaire. J’y reviendrai plus tard. Revu avec un grand bonheur Michel Bernard en juillet. Il venait, avec Françoise, pour le Salon du livre de Granville. Ca faisait un bail. Nous aurons passé cinq ans sans même nous croiser. Juste échangé quelques lettres, quelques messages. Amélie avait réservé pour dîner chez Henriette dans la Haute-Ville. Nous avons pu fêter ensemble son Grand prix de littérature de l’Académie française qu’il venait juste de recevoir pour l’ensemble de son œuvre. Un prix décerné moins d’un an après que l’indélicat Grégoire Bouillier lui avait pillé sans le citer ses Deux remords de Claude Monet pour rédiger Le syndrome de l’orangerie. Belle revanche. Michel avait proposé que Sébastien Lapaque nous rejoigne. Il est au Salon. Est-ce que ça vous dérange s’il fait le cinquième ? Lui aussi, cela faisait une éternité que je ne l’avais pas vu. Et même une éternité et demie. Je crois bien que la dernière fois où nous nous sommes serré la main c’était fin 2010 à la signature de l’édition poche de Chez Marcel Lapierre, son bel éloge du travail du vigneron de Villé-Morgon. Nous avions déjà commencé à boire le champagne de l’Académie quand il nous a rejoint. Entre deux verres, entre deux vins. Car sur le chemin du restaurant, en quittant le salon, il avait fait halte à la cave Sélène, rue des juifs. Il était gris. C’est-à-dire enveloppé d’une vaporeuse ivresse à travers laquelle il apparaissait brillant, magnifique. Parlé de saint Augustin et de littérature, du Figaro et du Monde, de l’amitié, de la romanée-conti, des camelots du roi, de l’air du temps et de celui qui passe. On nous a gentiment mis dehors. Nous étions les derniers. Enfin, je marque d’une pierre blanche l’avant dernière semaine du mois. Celle que Marcus et Virginie, et mes nièces, m’ont offerte pour accompagner mon prochain franchissement de dizaine. J’avais confié à Camille que j’aimerais bien partager avec eux mon enfance à Senlis. Ma petite patrie, ma patrie de cœur. Virginie avait trouvé à louer une grande maison à Morienval. Camp de base. J’ai tout de suite emmené Amélie et Apolline à l’église abbatiale. Je voulais absolument leur montrer le gisant de Florent de Hangest, chevalier mort au siège de Saint-Jean-d’Acre qui m’avait tant impressionné quand j’avais une dizaine d’années. Porte close hélas, mais comme j’allais tristement faire demi-tour, on nous a miraculeusement ouvert. Un professeur de trompe de chasse y donnait son cours. C’est donc aux sonorités de la Royale et du Débuché que nous avons déambulé sous les voûtes romanes. Quel beau séjour. Pierrefonds, Chantilly, l’abbaye d’Ourscamp. J’étais en territoire tellement connu, tellement sensible. Je les ai tous embarqués pour une journée complète à Senlis. À fleur de souvenirs. Et tous intacts, et tous vivants. Le château royal, le musée de le vénerie, la cathédrale, Saint-Pierre, Saint-Frambourg. Montré ma toute petite maison, ma rue, mes itinéraires. Mon collège Saint-Vincent où nous avons pu entrer grâce à Michèle, la secrétaire de l’association des Anciens élèves. J’ai beaucoup parlé, beaucoup raconté, beaucoup confié. J’espère que je ne les ai pas fatigués de trop d’émoi enthousiaste. Ces quelques jours ont été aussi l’occasion de faire la connaissance de Matthijs, l’amoureux hollandais de Camille. Ils se sont rencontrés à Berlin en 2024 et ont entamé ce qui ressemble à une relation attentive et sincère. Pourvu qu’entre le Mexique, les Pays-Bas, les études, le travail, tout cela dure au moins un peu. Il est arrivé la veille de notre départ, suivi de près par toute sa famille, le père, la mère, trois frères et une belle-sœur enceinte. Qui m’ont semblé, comment dirais-je, pour paraphraser les Tontons flingueurs, un peu… rustiques. Mais à leur décharge, il faut bien que je reconnaisse quand même que je n’ai pas grand-chose à dire à grand monde. Surtout dans un baragouin de germano-franglais. Nous avons passé une dernière nuit à Senlis à l’hôtel de la Porte-Bellon. J’ai emmené Amélie faire une longue balade en forêt d’Halatte. Nous avons remonté le chemin du Tombray, suivi les sentiers jusqu’à la Queue-de-la-Brosse. Nos pas dans ceux de mon enfance, de ma toute jeunesse. Passé l’orée, au pied du très vieux chêne au tronc double sur lequel je montais à califourchon petit, si petit, j’ai ramassé un surgeon tout ratatiné et malade. Je le mettrai en pot à Carolles.
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