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mercredi 13 décembre 2023

Jeudi 7 décembre 2023. 20h30.

En somme, vous faites le mort, m’avait dit un jour Mme Lefrère.

mardi 12 décembre 2023

Mercredi 6 décembre 2023. 18h40.

Avec des poèmes élagués comme des béquilles, traverser d’un bout à l’autre le terrain vague encombré d’horloges fortifiées, de cloison mentales, d’esquilles d’âge, de regards croulants, pour déboucher hors de soi, tel un somnambule vigilant, en plein cœur de lacunes. Lacunes, c’est le titre du recueil que Paul Valet publie au Mercure en 1960 et qui commence ainsi. J’ai remis la main dessus tout à l’heure. Il n’y a pas de hasard. Lacunes. Je ne fais plus rien. Je ne tiens pas mon journal, je n’écris pas mon livre, j’ai laissé tout mon courrier à l’abandon : je ne réponds plus. Lacuna, le trou. Je suis tombé dedans. Je suis au fond du puits de mélasse dont parle le Loir dans Alice avant que le Chapelier et le Lièvre de Mars n’essayent de le noyer dans la théière.

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mercredi 22 novembre 2023

Jeudi 12 octobre 2023. 6h30.

Je me suis souvenu aussi des missiles irakiens, les scuds, tirés sur Tel Aviv et Haïfa début 1991 pendant la guerre du Golfe. On craignait qu’ils soient chargés d’ogives chimiques. La première victime, je crois, avait été une petite fille qui avait étouffé sous le masque à gaz que ses parents paniqués par l’attaque lui avaient mis pour la protéger. Cette histoire tragique, effrayante, absurde, m’avait fait penser à ce que David Rousset rapporte dans Les jours de notre mort. A Birkenau, les déportés de l’équipe du Sonderkommando chargés de retirer les cadavres de la chambre à gaz avaient découvert une fillette vivante dans la masse des corps enchevêtrés. Elle avait été coincée entre ses deux parents. Leur "creux" avait formé une poche d’air étanche. Le kapo bien sûr avait averti les S.S.. L’un d’eux l'avait tuée d’une balle de revolver.

Mercredi 11 octobre 2023. 22h00.

Pas de mots. Aucun ne vient. Mais ce n’est pas de mon interminable désert d’écriture dont il s’agit. Non. Aucun mot n’est assez juste, aucun mot n’est assez fort pour dire l’horreur qui s’est abattue sur Israël, sur les Juifs, samedi dernier. Près de la bande de Gaza, des hordes de Palestiniens du Hamas ont attaqué les kibboutz, déferlé sur un festival de musique. Ils ont massacré hommes, femmes, enfants, vieillards avec une sauvagerie inouïe. Ils ont atrocement violé des adolescentes, égorgé des bébés, brûlé vifs les gens pris au piège de leurs maisons, supplicié, torturé. Ils se sont pavanés avec les cadavres de leurs victimes, filmant leurs exactions avec jubilation, riant de leur kermesse sanglante. Plus d’un millier de morts. Ils sont partis avec près de deux cents otages dont une trentaine d’enfants. Des petits. La moitié a moins de dix ans. Le plus jeune n'a que dix mois. Certains ont vu leurs parents assassinés devant eux. J’ai repensé à ce petit garçon de quatre ans dont parle Odette Daltroff, cette jeune assistante sociale internée au camp de Drancy. Tout seul, si atrocement seul, il répétait, au moment de monter dans l’autobus qui l’emmenait avec d’autres pauvres mioches perdus vers la gare du Bourget d’où allait partir leur convoi pour Auschwitz Maman, je vais avoir peur, Maman, je vais avoir peur.

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Mercredi 20 septembre 2023. 23h50.

Amélie m’a invité Chez Georges, rue du Mail. Elle savait que cela me ferait plaisir. J’avais envie depuis longtemps que nous y dinions ensemble. C’est le seul restaurant qu’ait gardé Jean Gabriel de Beuil qui, avant, dirigeait aussi le Bistrot de Paris rue de Lille et Chez René, boulevard Saint-Germain. Plus, Chez Fred, boulevard Péreire, Chez Savy, rue Bayard... Un vrai petit empire. Il s’est passé, je crois, de bien sombres histoires de famille et d’argent pour qu’il ne conserve plus que cette adresse-là. Il m’a reconnu tout de suite. Cela faisait pourtant plus de dix ans qu’il ne m’avait pas vu. À l’époque, j’allais souvent au Bistrot de Paris. J’aimais réserver la table 44, près du bar, surplombant la salle. L’endroit n’a plus grand intérêt aujourd’hui. C’est bien chez Georges. Andouillette, foie de veau, chénas. Dans le brouhaha des conversations. Merci Amélie.

Mardi 19 septembre 2023. 17h00.

J’ai soixante-huit ans. Et ça ne me fait rien. Rien du tout. Ça glisse. Je glisse.

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dimanche 16 juillet 2023

Vendredi 14 juillet 2023. 23h50.

Pique-nique en bateau sur le lac. Tout le monde s’est baigné. Sauf moi. Il y a longtemps que m’est passée l’envie de me jeter à l’eau. Pour être franc, je me suis toujours un peu forcé pour faire comme les autres. Plus maintenant. Jerome K. Jerome a écrit quelques belles pages à ce sujet dans Trois hommes dans un bateau. Je m’y retrouve tellement… En ce qui me concerne, je décide immanquablement, quand je suis encore à Londres, que chaque jour je me lèverai matin pour aller faire un plongeon avant le petit déjeuner ; et j’ajoute religieusement à mon bagage un maillot et une serviette de bain. Je choisis toujours des maillots rouges. Je me plais bien en maillot rouge. Cela me va au teint. Mais quand je me retrouve sur les lieux de ma villégiature, ce bain matinal n’a plus pour moi (mais plus du tout !) le même charme que lorsque j’en rêvais en ville. Au contraire, je me sens tout à coup d’humeur à traîner au lit jusqu’au dernier moment, et je finis toujours par n’en sortir que pour prendre mon petit déjeuner. Une fois ou deux pourtant mon courage a triomphé : je me suis levé à six heures et demie, habillé à la va-vite, et, serviette et maillot sous le bras, je me suis mis vaille que vaille en chemin. Je n’en garde pas un bon souvenir. Il semble qu’à chaque fois on ait mis de côté spécialement pour moi un petit vent d’est singulièrement coupant. On dirait même qu’on a pris soin de faire remonter en surface tous les cailloux pointus et qu’on a aiguisé les rochers avant de dissimuler à ma vue leurs arêtes sous une mince couche de sable, et qu’on a fait se retirer la mer à trois kilomètres, ce qui m’oblige à patauger, tout grelottant, dans quinze centimètres d’eau. Et quand je parviens enfin à une profondeur raisonnable, l’eau est glacée et franchement infecte. Une énorme vague m’enlève et m’envoie valdinguer le plus brutalement du monde en plein sur un roc qu’on a mis là exprès pour moi. Et avant que j’aie pu pousser le moindre « Aïe ! Ouille ! » et faire le compte des membres qui me restent, voilà la vague qui se retire en m’emportant au large. Frénétiquement, je me mets à nager vers le rivage, me demandant si je reverrai jamais foyer et amis, regrettant de n’avoir pas été plus gentil avec ma sœur cadette quand j’étais petit. Et c’est à l’instant même où tout espoir me quitte qu’une autre vague, déferlant, me ramène brutalement sur le sable où elle me plaque comme une étoile de mer. Je me relève, m’ébroue, me retourne... et découvre que les profondeurs où je viens de lutter désespérément avec la mort, voisinaient les soixante centimètres. Je repatauge jusqu’à la plage, me rhabille et m’en retourne, piteux, vers l’hôtel. Et là, si d’aventure on me demande : « Alors, ce bain ? », je répondrai bien entendu : « Tout à fait délicieux ! » J’ai travaillé un peu à la chronologie du livre, relu des documents sur la Grande Guerre dans l’Indre. Dîner (spectacle) pendant le feu d’artifice d’Annecy.

samedi 15 juillet 2023

Jeudi 13 juillet 2023. 23h45.

Comme l’année dernière, c’est la première étape des vacances. Comme l’année dernière, nous profitons quelques jours de l’hospitalité généreuse de Virginie et Marcus. Toutes les filles étaient là (Camille est arrivée le soir de Mexico, via Paris et Genève). J’ai trouvé Victoria et Valentine incroyablement changées. Seize et dix-huit ans. Mon Dieu, comme il est bien loin le temps où je leur lisais des histoires le soir, celui où elles attendaient mes lettres. Celui de toute leur enfance attentive et curieuse. Aujourd’hui, très peu de livres, et leur correspondance se cantonne à des photos, à de très courts messages sur les réseaux sociaux. Elles sont emportées par la brise insouciante de leur jeunesse. C’est tant mieux pour elles. Quelque chose de nouveau commence. Là, je n’ai plus à leur tenir la main. A vingt-deux ans, Camille, après ses années d’études en biologie au Canada, cherche encore sa voie. Elle a traversé des chagrins d’amour dont je sais bien qu’il ne faut jamais les prendre à la légère. Que vont-elles devenir ces trois-là ? Mon inquiétude est à l’aune de l’infinie tendresse que je leur porte depuis toujours. Comme je vieillis. Reste Apolline, ma filleule qui entre (déjà) en cinquième. Elle est vive, enjouée, avide d’apprendre et de comprendre. J’ai tant à faire encore avec son bel âge. Et au-delà bien sûr. J’ai à cœur mes engagements à son baptême, le 28 juillet 2012 dans la petite église de Veyrier. Dîner sur la terrasse au soleil couchant. Ici Amélie se trouve en heureuse famille. Son bonheur simple est tellement beau à voir.

Mercredi 12 juillet 2023. 21h40.

Fini de charger la voiture. J’ai été chercher Amélie à son bureau de la rue du Bac. Halte à Nuits-Saint-Georges dans un hôtel confortable mais sottement prétentieux, avec une clientèle d’étrangers à grosses berlines. Nous sommes attendus demain à Veyrier pour le déjeuner.

Mardi 11 juillet 2023. 20h50.

Départ tôt. Je n’ai pas croisé Thierry Giffard qui vient (enfin !) cette semaine poser les étagères dans la chambre verte. Seule solution pour caser les livres de jardin que j’ai dégagés du couloir pour y accueillir les nouveaux spécimens de mon mini musée d’histoire naturelle. Route tranquille, mais je suis arrivé fatigué. J’ai fini par me coucher dans l’après-midi. Je dormais à poings fermés quand Amélie est arrivée à l’appartement.

Lundi 10 juillet 2023. 8h15.

Amélie a pris le premier train pour Paris. Je la rejoins demain en voiture. Mercredi nous partons en vacances. J’ai été déposer La Harpe chez Séverine à Coudeville. Toujours heureuse, frétillante, de retrouver ses amis chiens, les bergers australiens, Nours, Geromine et Terracotta. J’ai l’impression, lorsque je vais là-bas, d’entrouvrir un album de Caroline.

Samedi 8 juillet 2023. 22h20.

Amélie, Bérengère et Clémence ont essuyé un bel orage pendant leur promenade vers les cabanes Vauban. Elles sont rentrées trempées, la chienne noire de boue. Dans le même temps, j’avais pris la voiture pour montrer à François le panorama de la Baie depuis Saint-Léonard. Nous n’avons pas essuyé une seule goutte. Dîner d’une anchoïade de crudités qu’Amélie et moi nous continuons toujours, va savoir pourquoi, à appeler bagna cauda, alors que tout est froid.

Samedi 8 juillet 2023. 14h10.

J’ai emmené Bérengère et Clémence à la messe, en fin de matinée, à l’abbaye de la Lucerne. Amélie, à la maison, préparait le poulet à l’estragon du déjeuner. François, lui, reposait son dos malmené par le voyage en train.

Vendredi 7 juillet 2023. 21h00.

Amélie est allée chercher à la gare de Granville sa cousine Bérengère et son mari François. Clémence les accompagne. Tout ce petit monde va traverser la Baie dimanche à 4h00 du matin, histoire de voir le soleil se lever sur le Mont. Ce sera sans moi. Et sans François si j’ai bien compris. Cette expédition a été décidée il y a un mois à cause, ce même week-end, d’un mariage émotionnellement « perturbant » pour Bérengère à qui il convenait de changer les idées. Des affaires de famille, douloureuses, compliquées. Je connais mal Bérengère. Elle est la fille de Françoise, la tante d’Amélie, l’aînée de la fratrie, décédée à l’automne 2019. C’est une dame d’un abord un peu caillouteux, très dévote, aux idées tranchées. Cela lui fait une carapace pour une sorte de détresse qu’on pressent. Je suis content de revoir Clémence.

vendredi 14 juillet 2023

Jeudi 6 juillet 2023. 18h10

Astrid et Paul-Edouard sont partis après déjeuner. Le matin, je les ai emmenés sur la lande. Nous avons longé le sentier des douaniers jusqu’à l’escalier de plage. Je les ai laissé descendre seuls (la chienne est interdite de bord de mer pendant les mois d’été). Ils étaient sous le charme. Quelle chance tu as ! L’enthousiasme de ceux qui nous rendent visite, me la fait mesurer à chaque fois. Je redécouvre combien Carolles est un paradis délicat et fragile. Et puis, je sais maintenant que j’y suis chez moi. J’ai mis du temps. Il a fallu que j’apprivoise toute une généalogie du très loin. Que je me réconcilie avec l’héritage de mon père. Que je retrouve ceux qui, à Sainte-Pience, à Bourguenolles, poussaient la charrue à la fin du XVIe siècle. Qu’ils me reconnaissent en quelque sorte. Chez moi, bien sûr. Mais surtout, grâce à Amélie, à son attachement immédiat à l’endroit, cela est devenu « chez nous ». Carolles. Seule me manque la forêt de mon enfance, le grand couvert des chênes et des hêtres, les sentiers, la mousse épaisse, le bruit des bêtes et les oiseaux cachés. Je ne m’y promène plus qu’en songe.

Jeudi 6 juillet 2023. 2h15.

Salade de homard, fraises à crème. Pas mal de côteaux d’Aix rosé. Nous avons eu du mal à nous coucher tant nous avions à raconter, à dire, à échanger. Nous avons parlé de livres, de famille, de la Belgique et de la France, de nos lignes de vies, de nos chagrins, de nos consolations et de nos bonheurs. Quel dommage qu’Amélie n’ait pas été là.

Mercredi 5 juillet 2023. 17h00.

Marché à Saint Nicolas. Pierre-Yves, qui travaille pour M. Mitaillé, est venu remettre le jardin en état. Il le fait avec soin, efficacité. Il a une vraie délicatesse pour mon hétéroclite fouillis. A la fin du mois, il viendra pailler et fertiliser les rosiers.

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