J’ai reçu un courrier d’Alain Galan qu’il m’avait posté au début du mois de décembre. En fait il avait mélangé l’adresse de Carolles et celle de Paris. Sa lettre avait fini par lui être réexpédiée et il me l’avait à nouveau envoyée. Il y joint un texte de lui, troublant, qui vient d’être publié dans les Cahiers Robert Margerit, à propos du musée de la Chasse où il avait été invité l’an dernier, au moment du salon Lire la nature, pour parler de son roman Peau-en-poil. Cet hôtel de Guénégaud où est rassemblée une incroyable collection d’animaux naturalisés, de massacres, de tableaux représentant battues et chasses à courre, m’a toujours fasciné. En traversant les salles, je retrouve, intacte, l’exaltation étrange, entre doux malaise et saisissement, qui, petit garçon, m’accompagnait à chaque visite au musée de la Vénerie à Senlis. Galan voit là-bas un endroit mortifère, une morgue des bêtes, secoué qu’il est de voir exposées, dans la posture que leur ont donnée les taxidermistes, les dépouilles et les défroques de ses frères farouches. Mais il croit ressentir aussi que, rien que de se trouver simplement dans ces lieux, offre, mystérieusement, aux mânes fragiles de ces créatures disparues l’occasion de battre à nouveau la campagne. De filer. Il leur donne sa présence fugitive. Je n’ai pas cette proximité. J’ai bien rêvé une fois, qu’à Senlis, toute la faune figée du musée s’échappait dans la ville. C’était différent, je crois. Un peu grotesque, un peu tragique. Il reste cependant que Galan et moi partageons aujourd’hui une même enfance de la lisière franchie, du sentier qui s’enfonce. Une enfance moussue, feuillue, au couvert des arbres. Nous ne nous sommes vus que deux fois. En décembre 2015. En janvier l’an dernier. Nous nous écrivons un peu. Il me manque. Comme me manquent parfois la forêt, les bois.