J’avais rendez-vous avec Raphaëlle dans un café près du Monde. J’en suis parti avec une vraie liste de commandes à égrainer jusqu’à l’été. Bonheur. Clotilde Escale et son si beau Mangés par la terre au Sonneur, Mal parti de Monique Jouvancy chez Buchet, Hautes solitudes de Anne Valleys à la Table Ronde, et Desbiolles, Costermans, Airodi, Leroy. A cause de la vie, aussi, ce texte si touchant d’Ovaldé sur la fin de l’enfance et le tout petit inédit de Pierre Sansot, Marginalité urbaine. Je suis très attaché à Sansot, disparu il y aura douze ans bientôt. Philosophe, mais aussi anthropologue, sociologue, écrivain, il était un observateur délicat de la vie sociale, laissant libre cours à son imagination, maître d’un véritable « réalisme » poétique, touchant et troublant. Je l’avais découvert avec Cahiers d’enfrance en 1989. Il a écrit une quinzaine de livres que j’ai tous lu, presque en connivence. Je voulais passer à Caractères. J’ai téléphoné avant. Bien m’en a pris. Nicole était restée chez elle. Epuisée. Minée de soucis. L’argent, le bail, la diffusion. Je prends des forces pour le Salon du livre ce soir. On s’y retrouve ? Peut-être. Je suis venu un peu à Paris pour cette soirée d’inauguration, mais je ne suis plus très sûr de vouloir m’y rendre. Trop de monde et de politesses. De Tu vas bien ?, de A bientôt ? sans lendemain. Pas envie de juste croiser dans la foule les gens que j’aime bien. Pas envie de parler de mes projets qui piétinent. Peur de me sentir triste. Ou aigre. Je le suis déjà assez. J’ai déjeuné avec Floryse pour ébaucher avec elle une toute première liste pour le prix Pagnol. Drôle d’année pour ce prix. Jacqueline décédée, la délibération ne se tiendra dans la maison du square de l’avenue Foch. Qui va être vendue, je pense. Et la remise ne pourra pas avoir lieu au Fouquet’s de l’avenue des Champs-Elysées, dans cette salle du premier étage où l’écrivain avait pris ses habitudes, il est en travaux. Il va falloir aller au Fouquet’s Enghien. J’ai fait la grimace. Un endroit magnifique, entièrement refait, au bord du lac, a tenté Floryse pour me dérider. N’empêche, c’est à plus de dix kilomètres de Paris. Le bout du monde, quoi. J’ai pris un taxi pour aller chez Pascale. Je m’inquiétais de son silence. Elle avait fini par appeler. Elle a trébuché dans la rue l’autre jour. Fait une mauvaise chute. Et s’est fracturé le poignet. Elle ne peut plus écrire et va être handicapée un bon moment. Nous avons bavardé une heure. Elle plaisante mais le cœur n’y est pas. Tu sais, le côté positif de cette histoire, c’est que, du coup, je ne vais pas aller à la soirée du Salon du livre. Nous avons ri. Ca a forcé ma décision : je n’irai pas non plus. J’ai retrouvé Amélie rue Daguerre pour prendre un verre et puis, nous sommes allés dîner à la Cantine du troquet. Œuf mayonnaise et onglet marchand de vin. Avec du « Rouge cerise » du domaine de la Croix-Gratiot. Le vin de chez Elisabeth et Yves, chez qui nous nous étions arrêtés, l’été 2015, près de Pézenas. Du coup nous leur avons envoyé un petit message.