Ce sont mes jeudis de Jeux d’Epreuves. Relire les livres. Mettre au clair les notes. Je pars en début d’après-midi pour avoir le temps de déjeuner aux Ondes. Presque toujours, tartare italien (ail, oignon, capres, basilic, pesto, parmesan…) et rosé des côtes de provence. Alexis est venu s’asseoir avec moi au moment du café. Nous avons parlé de Roger Grenier dont je présentais à l’émission Le palais des livres paru chez Gallimard. Il s’agit d’un recueil de neuf textes qui font comme une promenade à thème, une visite à peine guidée dans l’écriture, la littérature. C’est le comment, le pourquoi on écrit et le à quoi ça sert… Grenier qui a quatre-vingt-onze ans maintenant y réfléchit à partir de sa vie, sa vie intime, sa vie d’auteur. De son expérience de journaliste aussi. Surtout, il amène ses témoins : les livres, les écrivains. Les lectures de Roger Grenier sont innombrables, merveilleusement diverses et complémentaires. Et puis, il parle aussi de Pascal Pia, cet hallucinant messager de la littérature qui ne cessait de se tenir dans l’ombre au point qu’il refusait que l’on parle de lui, que l’on écrive sur lui après sa mort. Ah, se fondre dans les mots… Le palais des livres raconte l’attente, le désir, le besoin d’être aimé qui fait les écrivains, le droit de s’en aller et de se contredire, l’inachevé et le posthume, les premiers mots et les derniers… Je n’ai pas eu de mal à convaincre. Alexis défendait Chansons pour la fille du boucher, un (premier ?) roman de Peter Manseau. Il avait fallu que je me batte avec les cinq cents et quelques pages d’épreuves des éditions Bourgois, en A4, non reliées, aux feuillets mélangés, mais ça en valait la peine. Des tessons de mémoire tombaient au sol comme de la grèle, martelant le dessus de mes chaussures avant de disparaître dans l’abîme qui s’ouvrait en contrebas. Tout est de cette langue, dans cette longue fresque de la vie imaginée, dans le XXe siècle, de Russie en Amérique, d’un Juif qui se veut poète et qui cherche sa muse. Baptiste Liger avait amené La vie sexuelle des super-héros de Marco Mancassola. Minh Tran Huy apportait le dernier Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ?. J’ai été, à peu dire, le seul à ne trouver qu’un intérêt vraiment relatif à ce plaidoyer hybride. Jonathan Safran Foer, en bon Américain qui a longtemps cru que la dinde de Thanksgiving n’existe que pré-découpée en barquette, découvre les abattoirs industriels, leurs absolues horreurs et leurs conséquences. Il s’insurge, prône le végétarisme et, du bout des dents, admet qu’on pourrait envisager, peut-être, un élevage raisonné. Ca pue la bonne conscience naïve et aussi le procédé… Prise de conscience ? Tiens relisons donc Le monde selon Monsanto d’Anne-Monique Robin à La Découverte. Et pour qui s’intéresse aux relations des hommes avec le bétail ou le gibier qu’on aille plutôt voir Les animaux sont-ils bêtes ? de Alain Leygonie chez Klincksiek… Ca m’a énervé un rien et je m’en suis senti un rien ridicule de l’être. J’ai rejoint Amélie à l’appartement. Nous avons retrouvé Marianne à la gare Montparnasse. Elle vient passer la fin de semaine avec nous à Carolles. Dans le train nous avons saucissonné. Mortadelle, jambon de Parme, salami piquant et muscadet.