Amélie est partie tôt vers sa journée. Heureuse. Je la sens pleine d’élan, d’enthousiasme. Pour ses auteurs, pour les livres qu’elle défend, pour les manuscrits qu’elle déniche. J’avais rendez-vous à la Maison de l’Amérique latine. Benjamin François me filmait pour une courte séquence sur l’écrivain colombien Antonio Caballero, invité à l’émission de François Busnel, La grande librairie. J’ai témoigné du mieux que j’ai pu. Caballero, journaliste engagé, caricaturiste m’apparaît avant tout comme un poète. J’ai le sentiment qu’il a construit son roman, Un mal sans remède, un roman picaresque, drôle, absurde, violent, cynique, juste pour y abriter un très très long poème. J’ai retrouvé Jean-Marc Roberts chez Lipp. Cela fait un moment que nous devions déjeuner ensemble. C’est lui mon éditeur, à présent. Mon prochain livre paraîtra chez Stock. Pas chez Buchet. L’arrêt de « Domaine public » a emporté une décision que je repoussais depuis un moment. Je n’arrivais pas à franchir le pas car j’avais l’impression de trahir ceux qui, en 2003, avaient accueilli La ballade de Lola. Mais quand je dis « ceux », en fait, c’est juste Pascale. Je voulais lui parler de tout cela à Grasse. Elle devait être mon témoin à la cérémonie religieuse. J’espérais que le contexte me permettrait d’aborder cette histoire avec elle de manière proche. Des soucis avec sa mère l’ont empêché de venir. Je lui ai alors écrit une lettre. Elle ne l’a jamais reçu. Qu’est-ce donc que j’avais oublié sur l’enveloppe pour que cela n’arrive pas ? Un silence imbécile s’est ainsi mis en place jusqu’à ce qu’elle apprenne par d’autres ce que je croyais qu’elle savait déjà. Sac de nœuds. Mais je ne me sens pas coupable. Pour une fois... J’ai ce texte devant moi, maintenant. Neuf mois pour aller jusqu’au bout. Un café avec Marlyse Pietri pour parler de Tout là-bas avec Capolino de Jean-Marc Lovay. Un fascinant rêve sans fin. Je suis arrivé un peu en avance au J’Go où je devais prendre un verre avec Daniel. Il est pour quelques semaines à Paris. Il loue vers Montmartre un appartement réservé aux écrivains suisses. Amélie est venue nous rejoindre et puis Jérôme aussi. Du coup, nous avons dîné tous ensemble. Je ne le connais pas bien, Daniel. J’ai juste lu les quatre livres qu’il a publié chez Buchet. Il y en a une quinzaine d’autres. Pourtant, je me sens avec lui en connivence. Pourquoi en sommes nous venus à évoquer Louis Pergaud ? J’ai un attachement qui remonte à l’enfance pour cet auteur. Je garde le souvenir très précis d’une dictée de CM2. Il s’agissait du Roman de Miraut, chien de chasse. Une phrase était comme un entrebaillement. J’ai gardé le cahier : Elle avait attendu la pleine obscurité, se contentant, pour vaquer aux menus soins du ménage, de la clarté brasillante qui sortait par les soupiraux du poêle et laissait flotter par toute la pièce un grand mystère paisible et calme où les choses semblaient sommeiller. Pergaud avait habité à deux rues de chez moi dans le XIVe. Daniel s’intéresse à sa mort sur le front en 1915… Nous avons d’autres rencontres en perspective.