« Romans fous, romans louches ». J’ai préparé mes fiches pour le débat dans le train. Un taxi m’attendait à Lyon. J’ai posé mon bagage à l’hôtel. Je suis logé, à nouveau, au Collège Hôtel. Photos d’école dans l’ascenseur, grandes cartes murales Vidal Lablache, chaise de classe et pupitre dans la chambre. Je ne suis pas certain de m’y sentir très à l’aise. Ecrit quelques cartes postales en buvant un verre de mâcon à la terrasse de La Cave des voyageurs, un bar à vins de la place Saint-Paul. Quelques pas le long des quais de Saône avant l’heure du rendez-vous. J’ai fait le trajet jusqu’à la Villa Gillet avec Martine qui accompagnait Vincent Message. Là-bas, nous avons retrouvé François Beaune, Guy aussi, Marion qui remplace Adélaïde pendant son congé maternité, et toute l’équipe de la Villa. Beaucoup de monde dans la salle, comme la dernière fois où j’étais venu ici, en mars. J’ai commencé avec ce court passage du deuxième chapitre d’Alice que je connais par cœur. « Mon Dieu ! Mon Dieu ! Comme tout est bizarre aujourd’hui ! Pourtant, hier, les choses se passaient normalement. Je me demande si on m’a changée pendant la nuit ? Voyons, réfléchissons : est-ce que j’étais bien la même quand je me suis levée ce matin ? Je crois me rappeler que je me suis sentie un peu différente. Mais, si je ne suis pas la même, la question qui se pose est la suivante : Qui diable puis-je bien être ? Ah, c’est là le grand problème ! ». Comment aborder autrement ces deux premiers romans du rêve et de la folie ? En fait j’ai essayé de jongler avec. Animer un débat est toujours une petite mise en scène de l’à peu près. L’important est ce que diront les auteurs. Ce sont eux que le public vient écouter. J’ai trouvé François Beaune particulièrement généreux dans l’échange. Son livre, où se ramassent les carnets intimes d’un psychotique est tout compliqué d’émotion. Un sac de nerfs du tendre, de l’attendri soucieux. A la fin de l’échange, parmi les gens qui attendaient pour lui faire signer un exemplaire, une dame est venue vers moi. Vous savez je lis régulièrement votre journal. Et quand il n’est pas à jour, c’est bête, je m’impatiente… On s’est souri. C’est moi qui me sentais bête. - Vous savez, j’ai bien failli arrêter cet été. J’ai, en effet, laissé filer la chronique en juillet-août, prenant juste quelques notes. Après, je rattraperai. Après, on verra. A quoi bon, en effet, ce retour d’agenda sur moi-même ? Mais cette petite ritournelle des faits s’est tellement embobinée dans mes mots et mes projets que je ne parviens plus à l’abandonner. Cette dame a raison. Je dois me mettre à jour. Parce qu’il s’agit de la seule discipline pour parer à mes effrayants à-coups d’écriture. Dîner à une petite dizaine chez Albert, aux Terreaux. Je me suis lancé dans un débat compliqué entre chronique et critique littéraire (J’ai de plus en plus de mal à m’affirmer critique. Qui le peut vraiment d’ailleurs ? Il me semble que le mot n’est plus contemporain…). Il était temps que la soirée s’achève.