Nous sommes partis de Granville par le premier train. Escale à Paris. Petit déjeuner en terrasse place Cambronne. Avec nos valises, le garçon nous a pris pour des touristes. French breakfast ? Nous avons trouvé l’appartement envahi de courrier. Ouverture des paquets, rangement des livres et nouveaux bagages. Nous sommes arrivés juste à l’heure Gare de Lyon. Amélie m’accompagnait pour deux jours en Lozère, à Saint-Chély-d’Apcher. J’étais invité par Pascal, le libraire du Rouge et le noir, pour les « journées du livre ». Après Clermont-Ferrand en milieu d’après-midi, nous avons dû prendre le car jusqu’à Saint-Chély. Douze heures de voyage en tout. Marie, la femme de Pascal, nous attendait à la descente. Elle nous a embrassés comme du bon pain. Pas trop fatigués ? A la librairie, nous avons fait connaissance de Claude, notre hôte pour le séjour. Universitaire parisien à la retraite, il occupe pendant une partie de l’été une maison de famille à L’estival un hameau situé à une dizaine de kilomètres du bourg. Nous avons fait le trajet dans sa 11 CV Traction noire du début des années cinquante. Nous allons éviter la Nationale… Je n’ai pas fait le contrôle technique. L’habitacle sentait la graisse chaude et le caoutchouc. Une voiture dans son jus. Un bonheur. A soixante au compteur, nous avions l’impression d’être à bord d’un bolide. Je ne suis pas du tout collectionneur, insistait-il un rien fiérot. Je l’ai achetée dans les années soixante-dix à un fermier qui voulait s’en débarrasser. Et elle marche toujours, sans que j’aie rien changé. Il n’a pas fait beaucoup de travaux chez lui non plus. Sauf récemment. Il vient de sauver une grange de l’écroulement. On me disait, il n’y a plus qu’à vendre les pierres. Nous avons relevé la charpente. A quatre… Venez voir. Tout paraît immense ici. Les marches de granit, les toits de lauzes, la cheminée en granit. C’est un vaste corps de ferme XVIIe dont il partage le labyrinthe des pièces avec un de ses frères. Cette année, il est venu est tout seul. Corinne, mon épouse a préféré rester dans le Midi. Avec le temps, elle trouve l’endroit un peu trop… rustique. Il l’est en effet. Mais on s’y sent bien. A la grande table de la salle à manger, nous avons fait durer un dîner de saucisson, de jambon sec, de ratatouille et de tomme. Claude nous parlait des auteurs qu’il avait reçus chez lui les années précédentes. Et lui, vous le connaissez aussi ? Nous nous sommes couchés, épuisés de la journée, dans une chambre qui sentait les vieux livres et le parquet lessivé.