Le temps d’aller du train jusqu’au marché de Granville, c’était déjà la fin. Les vendeurs commençaient à remballer leurs étals. Morte saison. Nous avons fait les courses au pas de charge. Poissonnier, volailler, maraîcher, crémier. Comme nous remontions vers la voiture, paniers chargés, rue Saint-Sauveur, Bruno Séron, le libraire de L’encre bleue, nous a arrêtés. Nous avons bavardé sur le pas de sa porte. Echangé quelques commentaires. Les parutions, les prix, ses coups de cœur, les nôtres aussi. Nous lui achetons un livre de temps en temps. Pas assez souvent… Sur le trajet vers Carolles, deux gendarmes à moto étaient dissimulés près d’un rond-point. J’avais oublié de boucler ma ceinture. Quatre-vingt-dix euros d’amende. Trois points de moins sur le permis. En dehors du fait que j’ai vraiment du mal à comprendre en quoi le fait de ne pas se ligoter derrière son volant peut être répréhensible, je me suis senti humilié. Il y a, à chaque fois, cette condescendance arrogante de ceux qui détiennent l’autorité et ce plaisir manifeste qu’ils éprouvent à l’affirmer. Bon après-midi, monsieur. Bonne route. C’est ça, c’est ça… Nous avons juste déposé les affaires à la maison et nous sommes allés voir Georgette. Elle s’est calé toute une pile de coussins dans son fauteuil pour se maintenir assise sans trop souffrir. Ses douleurs ne passent pas. Elle a encore maigri. Soulever une bouteille d’eau lui arrache une grimace. Cela fait un mois maintenant. Je n’ai plus goût à manger, dit-elle. Nous rentrions juste quand Mme Bassard a frappé à la porte. On nous a livré les deux rosiers que j’avais commandés. Ils sont arrivés d’Angleterre la semaine dernière. Elle les a déballés et mis en jauge. Je les planterai demain. Ce sont des Albéric Barbier. Je les avais choisis justement pour Georgette. Nous parlions jardinage, comme souvent, il y a quelques mois. Elle s’était souvenu d’une pergola envahie de bouquets crème chez sa grand-mère Marie. Ca sentait si bon… Elle avait retenu le nom : Albéric Barbier justement. J’aimerais bien lui faire retrouver aux printemps prochains les nouvelles premières fleurs de son émotion d’enfance.