Mes étudiants n’ont pas du tout avancé dans leurs reportages. J’aurais dû m’en douter. L’année dernière c’était déjà pareil. Il n’y a rien à faire, je n’arrive pas à être exigeant. Les notes sont le cadet de mes soucis et je considère que les travaux que je leur demande sont avant tout des travaux pour eux. Ca ne fait pas très enseignant… Ma vraie satisfaction est qu’ils reviennent, semaine après semaine et qu’ils restent curieux. D’ailleurs, je vois bien ce qui se passe chez certains d’entre eux. Ils agrègent. Ils font leur pelote de bribes de culture, de mots échappés. Ils se dessinent. Peu à peu, ils se reconnaissent. Dans un couloir de la fac, j'ai croisé Alice. Je l’avais eu en cours l’année dernière. Nous avons échangé quelques mots. Elle a changé. Elle est en beauté. Elle est en assurance. Je me suis mordu les lèvres pour ne pas lui dire : Comme vous avez grandi… J’ai retrouvé Amélie en début de soirée. Nous étions invités à prendre un verre chez Nathacha et Bernard rue Oudinot. Nous n’avions pas encore vu Neela depuis sa naissance en septembre. Si joli bébé. Toute petite fille. Elle s’en va avec ses parents pour un bien long voyage dans quelques semaines. Bernard a été nommé à Mayotte. Ils y resteront au moins deux ans. Je sentais monter en moi comme un serrement de gorge que j’ai avalé avec deux verres de champagne. Décidemment, je n’aime pas les départs. Vous viendrez nous voir là-bas, a dit Nathacha. Huit mille kilomètres au moins. J’espère surtout que nous allons nous écrire. Nous sommes passés chez Marie en sortant, histoire de lui apporter ses pots de cancoillotte achetés à Besançon. Au milieu du désordre de son minuscule deux-pièces, Beuys, petite boule de poils roux et blanc faisait ses cabrioles de chaton.