Je continue à avancer dans le domaine public. Déchiffrer. Défricher. J'aborde maintenant le tournant du XIXe et du XXe, une période qui m'est bien plus familière et où j'ai déjà repéré quelques textes. Il reste encore à rééditer de beaux livres de Pierre Loti, d'Anatole France, de Jacques Rivière. Je ne serai pas dans les temps que je m'étais fixés pour la remise du projet. Pas si grave. Je ne dois rien précipiter. Combien me faut-il pour mettre tout cela au propre ? Quinze jours... Trois semaines...

J'avais rendez-vous au Tabac Henri IV sur le Pont-Neuf avec Akli Tadjer. Je dois rendre un petit portrait de lui pour Le Pèlerin à l'occasion de la sortie de son roman Il était une fois, peut-être pas chez Lattès. Nous avons parlé de son enfance dans le quartier des Halles, puis à Gentilly. Des circonstances qu'il a su saisir surtout. On ne lit jamais autant, on n'écrit jamais autant que lorsque l'on a des parents illettrés, a-t-il dit, moitié pour rire. A la table derrière nous, j'ai cru reconnaître, très vieilli, très fatigué, très seul, Robert Cointepas, l'ancien patron du bistrot, un des « pionniers » des bars à vins à Paris. J'espérais qu'il serait toujours là lorsque j'aurais fini ma conversation avec Akli. J'avais envie de lui dire trois mots. Mais il était déjà parti depuis longtemps. Sans bruit.