J’ai écrit un petit mot à Laurence Bourgeon. Pour m’excuser. J’ai été, je crois, désagréable avec elle au cours de la soirée Virgin d’hier. C’était idiot, car cette jeune femme qui s’occupe de la presse chez Bourgois, et que je rencontrais pour la première fois, n’avait vraiment pas à subir mes deux minutes de mauvaise humeur. Je râlais parce que je n’avais eu aucun signe de l’éditeur après mon papier sur Ailleurs de Julia Leigh. Rien à voir avec la chasse aux compliments, mais envie simplement d'entendre quelque chose. J’ai profondément aimé ce livre. Je l’attendais aussi. Neuf ans que Julia Leigh n’avait pas publié. Le texte m’a touché parce qu’il me semblait qu’il répondait précisément à cette attente. A la mienne. Particulière. Et que tout cet imaginaire de forêts profondes et d’inquiétudes d’enfance qu’elle avait dilué dans son premier roman chez Actes Sud, Le Chasseur, se retrouvait ici en liqueur forte, concentré. Il y avait également une foule de références carrolliennes qui faisaient autant d’étranges lucioles dans la lecture de ces pages obscurcies de tristesse. Outland et Autre côté. J’aurais tellement voulu en dire. J’avais si peu de mots. Le matin de la parution de ma chronique dans Le Monde, j’avais lu l’article que Claire Devarrieux avait consacré aussi à Ailleurs dans Libération, et je le trouvais tellement juste, intelligemment critique. Le mien n’était-il pas, du coup, embrouillé d’affectif ? J’aurais aimé en parler. Lever les doutes. Pouvoir continuer. Mais il en est qui se taisent… A chaque poussée d’ego, sa petite leçon d’humilité.

J’ai déjeuné avec Claudine à La Bastide. Elle me présentait ses livres chez Fayard et chez Plon. Il va y avoir bientôt une nouvelle édition du Voyage d’Italie de Dominique Fernandez. Nous avons parlé de Joigny, comme souvent lorsque nous nous voyons. C’est la ville de ses premières années et de sa toute jeunesse. J’y ai effectué mon service militaire. La vieille ville aux églises, les bords de l’Yonne, m’ont sauvé de la caserne. C’est singulier comme les souvenirs et les sentiments se calquent, se recouvrent. Trouvent leurs points de fuite et d’échappée dans une complicité cartographique tendre. J’ai embrassé Gilles en partant. Cela faisait un bon moment que je n’étais pas venu dans son restaurant. Nous avions un projet de livre ensemble. J’ai tourné plusieurs fois autour de l’éditeur sans le trouver vraiment. Nous avons oublié un peu tous les deux. Enfin, pas vraiment. On s’en reparle ?

Je rentrais chez Buchet quand j’ai croisé Florence Robert. Elle venait de lire mon portrait de Véronique Bergen dans Le Monde des Livres. Nous nous sommes échangé plein de gentillesses. Sur son auteur, sur son travail d’éditrice, sur ma page dans le journal. Et, pour être honnête, ça fait du bien…