Le semestre est fini à Censier. C’était la dernière journée avec les étudiants. Je leur ai rendu leurs travaux. Distribué leurs notes. J’avais prévu quelques exercices, mais, en fait, nous n’en avions envie, ni eux, ni moi. Je les ai emmenés prendre un verre à une terrasse de la rue de Mirbel. Ils sont dans leurs partiels, dans leurs jobs d'été. Ils ont une foule de projets. J'avais oublié, avant eux, à quel point l'avenir peut s'incarner... Ils vont me manquer. J'ai essuyé une poussière dans l’œil. Trois fois rien. Un minuscule deuil. L’an prochain, je continue les ateliers d’écriture.

Marie a téléphoné. Elle vient de décrocher un nouvel entretien pour un boulot dans une galerie d’art. Je serais tellement rassuré qu'elle puisse aller vers ce qu'elle a choisi.

L'orage a éclaté en fin d'après-midi. De grosses gouttes plates qui ont noyé les capucines sur le bord de la fenêtre. Les fleurs pendent, piteuses. Il a grêlé à Carolles. Le potager doit être dans un triste état. Je venais justement de relire le carnet de bord de mes plantations, tenu il y maintenant une dizaine d'années. Chronique de mes enthousiasmes et des catastrophes jardinières : les semis ont fondu; le mildiou s'est mis sur les tomates, les laitues ont monté. Salades amères. Ce que je cultive le mieux, finalement, ce sont les désillusions.