Je viens de revoir If de Lindsay Anderson à L'Accatone. La dernière fois, c'était en 1972 ou 1973. Je n'ose pas écrire en toutes lettres le nombre d'années qui ont passé... A l'époque, j'étais ressorti de la projection le coeur gonflé de révolte, d'espérance folle. Bouleversé aussi. Pourquoi ce film avait-il à ce point marqué le jeune garçon que j'étais? Facile. Ce collège anglais ressemblait tant à celui que je venais juste de quitter. La même discipline sèche, les mêmes humiliations, les sanglots rentrés, la rage sourde impossible à crever. Je me cogne la tête aux parois du moule. Là encore, j'ai tout retrouvé. La pension, les curés. Les grands et les cravaches. Dortoir et réfectoire. Les messes à la chapelle. Les confessions malsaines. Cette peur d'être en faute qui ne m'a pas quitté. Un religieux enfer. C'est peut-être à ce moment-là que je me suis simplement refusé à grandir. Rien qu'un pas en arrière et ça va mieux déjà. Je n'ai toujours pas le courage du combat. Nous sommes partis les derniers du cinéma. J'aurais voulu emmener Amélie boire une bière rue Soufflot, lui parler un peu de ce vilain temps. Mais je sentais bien que les mots étaient rentrés. Le cadenas au pupitre. On m'a volé la clé.