J'ai ramassé un galet crème envahi de filaments gris. Tout brillant d'eau de mer. Je l'ai fourré dans ma poche. Chaque fois que je quitte Carolles, j’en ramène un de la dernière promenade. Chaque fois que je reviens, je le rends à la mer. Je continue le rite. Il remonte à longtemps. C’était mon année de service militaire. Je repartais à la caserne avec le talisman fragile. J’en ai fait voyager de ces cailloux d'ici… Mais bien moins que mon père. Après sa mort, j’ai retrouvé dans ses carnets, qu’à chacun des départs pour ses postes lointains, il descendait au port du Lude et choisissait avec soin, lui aussi, sa petite pierre ronde. Singulier atavisme. Aujourd’hui les miens ne font plus que de courts allers et retours. Je suis revenu vraiment.