Presque six mois sans une ligne. Acédie. Le mot m’est revenu, encore, comme une mauvaise évidence. Après une nouvelle journée gachée, perdue, épuisé de ruminations blanches, d’idées qui ne viennent pas ou si peu, je suis allé faire un tour avec la chienne sur la falaise. Le temps était à l’aune. Gris, froid. Une bruine éparse. Fichu mois de mai hors printemps. La végétation souffre. Les fleurs des genêts pendent, fanées, chiffonnées. Les compagnons blancs sur les talus ont replié leurs pétales. Hier, il a même grêlé. Mon pauvre jardin. Mes pauvres roses. Tout cela n’affectait pas La Harpe qui bondissait dix mètres devant moi dans les hautes herbes. Je me suis senti content pour elle. J’avais bien fait de sortir. J’ai respiré un grand coup. Acédie. Ce pourrait-il que ce soit Assez dit ! Que cela signifie qu’il faut maintenant que je me taise ? Je ne sais pas. L’acédie me garrotte l’âme. J’ai du mal à respirer. C’est peut-être un peu aussi que le monde est devenu terriblement étouffant avec cette folie sanitaire, ces contraintes, ces interdits. Ces permissions éphémères. Les terrasses des cafés, des restaurants, les commerces, viennent de rouvrir. Sous conditions. Des tas d’abrutis s’y pressent, panurgent. Persuadés qu’ils sont de renouer enfin avec la liberté. Drôle de liberté. Le vaccin va bientôt être exigé pour une foule de choses de la vie courante. Et malheur aux récalcitrants. Jusqu’à peu, j’avais l’impression, ici, d’être à l’abri de toute cette pression grotesque. Je m’aperçois qu’il n’en est rien. Je me suis juste recroquevillé. Nous nous sommes évadés quand même. Dix jours au Mexique à l’invitation de Virginie et Marcus. Là-bas, les frontières étaient largement ouvertes. Pour sortir de France, il fallait juste trouver un « motif impérieux ». Il en est. J’accroche ce séjour à mes plus beaux souvenirs.