J’ai déposé une (très modeste) enchère à une vente pour une jolie intaille ovale en pierre dure, rouge. Le catalogue indique qu’elle représente un personnage féminin d'après l'Antique. A y bien regarder (ancre marine, doigt levé vers le ciel) il s’agit plutôt une allégorie de l’Espérance. Et, pour le coup, j’espère bien l’emporter. Car j’ai perdu ma bague, celle que je portais à l’auriculaire de la main gauche depuis 1995. Je m’étais fait faire ce bijou pour mes quarante ans. Une petite pâte de verre gravée d’un profil de polichinelle posée sur l’alliance de mon grand-père Joseph. La pâte de verre, début XXe, venait d’une épingle de cravate que Bernadette avait trouvé dans une minuscule brocante maintenant disparue de la rue Saint-André-des-Arts, et qu’elle m’avait offerte l’année de mes vingt ans. L’alliance avait été aussi celle de mon très bref mariage avec Dominique. Symbolique à quatre sous d’un passé vraiment passé à l’époque, mais que je regardais alors avec une affectueuse distance. C’est que j’étais en plein milieu d'une période sentimentale, conjugale plutôt, compliquée, douloureuse. Je rêvais d’une autre vie. Et j’étais sûr que cette bague me serait le talisman qui me permettrait de traverser ces années, de sortir de ce purgatoire. Ca a été le cas. Durant tout ce temps que je l’ai portée, s’il y a eu quelques fois où je l’ai égarée, je l’ai toujours retrouvée. Cette fois, il a bien fallu que je l’admette, c’est fichu. Le pire, c’est qu’elle a glissé de mon doigt dans un supermarché. Je l’aurais perdu sur la plage, encore…