François Broche a reçu mon petit mot sur son livre, La cathédrale des sables. Je lui avais griffonné quelques lignes un peu maladroites pour lui dire à quel point il m’avait ému et emporté. Il raconte la bataille de Bir-Hakeim au milieu de laquelle son père est mort, le 9 juin 1942. Il la fait revivre avec une saisissante proximité. Il en sait tout, François. Il en a tout appris. Il en a tout compris. Il l’a portée en lui toute sa vie, lui qui n’a pas connu ce père, déjà en poste, au loin, au moment de sa naissance. Nous sommes liés lui et moi, par nos pères, justement. Ils s’étaient rencontrés à Tahiti en juin 1940 et avaient, ensemble, rallié la France libre. Puis rejoint la Nouvelle-Calédonie. De là-bas, deux contingents devaient partir de pour le Moyen-Orient. Mon père avait été désigné pour prendre le commandement du premier, Broche celui du second. Mais il avait demandé à de Gaulle, en qualité de plus ancien, d’aller au feu sans délai. Et cela lui avait été accordé. Les Japonais menaçaient l’île. Mon père est resté. Il n’y a pas eu d’autre départ. Je crois qu’il a toujours pensé que son frère d’armes était tombé à sa place. J’ai connu François par hasard, il y a un peu plus de dix ans, autour d’Henri de Régnier dont il avait publié les Cahiers (j’éditais Escales en Méditerranée chez Buchet). Nous nous sommes reconnus. Il est mon aîné d’un peu plus de quinze ans. Nous nous voyons bien peu. Un déjeuner de temps en temps. Notre relation est tacite, chargée de tout un passé que nous n’avons pas vécu. Avec deux pères absents, pas de la même absence, mais que leur histoire fait se rejoindre.