Il y a un mois environ, j’ai rêvé de Mr. Latham, le mari de Mrs. Latham. Reginald et Violet Latham. J’avais fait un séjour d’un mois chez eux, tout seul, à Woodford, en 1967 ou 1968. Ils étaient le beau-frère et la belle-sœur de Mr. et de Mrs. Palmer chez qui nous passions tous les étés, à Chigwell. J’y allais pour perfectionner mon anglais bien sûr. Mais je n’avais guère fait de progrès. Ils avaient une soixantaine d’années à l’époque. C’était un couple de lettrés (ils avaient publié de la poésie, il avait traduit des auteurs français, dont Gide). Ils étaient patients. Avec moi, en tout cas. Dans mon rêve il n’y avait que lui, il remontait du jardin, les genoux du pantalon terreux. S’essuyait les pieds avec application sur le paillasson et se calait dans une grande bergère recouverte d’un imprimé fleuri. Il toussait pour s’éclaircir la voix et se mettait à déclamer des vers en anglais. Je ne comprenais rien, mais j’étais captivé. Et cela durait longtemps, longtemps. Au réveil, je me suis souvenu que Mrs Latham m’avait envoyé, après sa mort en 1988, un recueil de poèmes inédits qu’elle avait rassemblés. Je l’avais à peine ouvert, mais je l’ai retrouvé sans peine dans la bibliothèque. Dans la petite préface, elle écrivait : At the age of 86, Reg was fortunate enough to die suddenly and peacefully in our garden after planting daffodils… J’en ai frissonné de trouble. J’ai lu ces textes, comme j’ai pu, certains que je parvenais à traduire, étaient particulièrement beaux. Doux. Apaisants. J’ai cherché, du coup, ce qu’il avait publié. Je n’ai trouvé que deux titres que j’ai heureusement pu commander à des librairies d’occasion anglais. Verses and cuts, le premier, date de 1934, le second, que j’ai reçu au courrier ce matin, Latham’s nonsense verses, de 1948. Je vais m’y atteler. Je sens bien que tout cela n’advient pas par hasard.